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23/09/2011 | FRANCE | N°10/06288

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 23 septembre 2011, 10/06288


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2011



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06288



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2006 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 200409496







APPELANTE



S.A. CMA CGM Agissant en la personne de son Président

[Adresse 4]

13215 MARSE

ILLE 02



représentée par Maître BODIN-CASALIS, avoué à la Cour

assistée de Maître Guillaume BRAJEUX, avocat au barreau de Rouen, plaidant pour la SCP HOLMAN, FENWICK ET WILLAN, avocats associés



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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2011

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06288

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2006 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 200409496

APPELANTE

S.A. CMA CGM Agissant en la personne de son Président

[Adresse 4]

13215 MARSEILLE 02

représentée par Maître BODIN-CASALIS, avoué à la Cour

assistée de Maître Guillaume BRAJEUX, avocat au barreau de Rouen, plaidant pour la SCP HOLMAN, FENWICK ET WILLAN, avocats associés

INTIMÉES

S.A. ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY FRANCE Société de droit anglais prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 13]

[Localité 9]

Société SWISS REINSURANCE COMPANY UK aux droits de FRANKONA REINSURANCE LIMITED prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Localité 10] (ROYAUME UNI)

Société LLOYD'S OF LONDON SYNDICATE MED 609 Société de droit anglais domiciliée en France chez LLOYD'S FRANCE SAS [Adresse 3] prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 12]

[Adresse 6]

[Localité 10] (ROYAUME UNI)

Société LLOYD'S OF LONDON SYNDICATE AGY 376 Société de droit anglais domicilié en France chez LLOYD'S FRANCE SAS [Adresse 2] prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 10] (ROYAUME UNI)

Société LLOYD'S OF LONDON SYNDICATE HISSAN 2323 Société de droit anglais domicilié en France chez LLOYD'S FRANCE SAS [Adresse 2] prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 10] (ROYAUME UNI)

Société LLOYD'S OF LONDON SYNDICATAE WELL 2020 Société de droit anglais domicilié en FRANCE chez LLOYD'S FRANCE SAS [Adresse 2] prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 7]

[Localité 10] (ROYAUME UNI)

Société CHRISTINE ELAINE DANDRIDGE Société de droit anglais domicilié en FRANCE chez LLOYD'S FRANCE SAS [Adresse 2] prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 10] (ROYAUME UNI)

représentées par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU ET PELIT-JUMEL, avoués à la Cour

assistées de Maître Pierre Yves GUERIN, avocat au barreau de PARIS (P 276) plaidant pour la SCP LAROQUE, avocats associés

SOCIETE ALLIANZ GLOBAL CORPORATE ET SPECIALTY (UK) anciennement ALLIANZ AGF MAT TRANSPORT AND LIABILITY DIVISION

[Adresse 8]

[Localité 10] (ROYAUME UNI)

représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Maître Alexis LEMARIE, avocat au barreau de PARIS (R 218) plaidant pour l'Association LE BERRE ENGELSEN WITVOET LE PETIT-ENGELSEN, avocats associés

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Avril 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Marguerite-Marie MARION, Conseiller faisant fonction de Président

Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, Conseiller

Sophie BADIE, Conseiller désignée pour compléter la Cour en application de l'ordonnance de roulement du 17 décembre 2010 portant organisation des services de la Cour d'Appel de Paris à compter du 3 janvier 2011, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché.

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Leila ETTOUMI, greffier placé

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marguerite-Marie MARION, président et par Gilles DUPONT, greffier

* * *

Vu le jugement rendu le 3 octobre 2006 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

-dit que la prescription soulevée par la SA Allianz Marine Aviation et ses co-assureurs peut être valablement opposée à la société CMA-CGM et en conséquence a débouté cette dernière de l'ensemble de ses demandes,

-débouté la compagnie Allianz AGF Mat Transportation and Liability Division de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

-condamné la société CMA-CGM à régler à la SA Allianz Marine Aviation et ses co-assureurs la somme totale de 7.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

-condamné la société CMA-CGM aux dépens ;

Vu l'appel formé par la société CMA-CGM et l'arrêt rendu le 21 octobre 2008 par la cour d'appel de Paris qui a confirmé le jugement, rejeté toute autre demande et condamné la société CMA-CGM aux dépens d'appel ;

Vu l'arrêt rendu le 2 mars 2010 par la Cour de Cassation qui, au visa des articles L.172-31 et R.172-6, paragraphe 4, du code des assurances, a cassé dans toutes ses dispositions cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Vu la déclaration de saisine de la cour de renvoi en date du 17 mars 2010 ;

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 31 mars 2011 par la société CMA-CGM qui demande à la cour de :

A titre principal,

-dire non prescrite l'action initiée par assignation du 14 mars 2003,

-dire que la garantie est due au titre de la police filet,

En conséquence,

-condamner conjointement Allianz et ses co-assureurs à lui payer les sommes de : *828.131,68 euros,

*8.968,32 GBP ou sa contrevaleur en euros,

*60.728,65 SGD ou sa contrevaleur en euros,

*2.500 USD ou sa contrevaleur en euros,

*44.300.837 Yens ou sa contrevaleur en euros

sauf à parfaire, outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 mars 2003,

A titre subsidiaire,

-condamner les sociétés Allianz Global Corporate & Specialty (France), Swiss Reinsurance Company UK Led, venant aux droits de la société Frankona Reinsurance Limited, Lloyd's of London Syndicate Med 609, Lloyd's of London Syndicate AGY 376, Lloyd's of London Syndicate Hissan 2323, Christine Elaine Dandridge, Lloyd's of London Syndicate Well 2020 à lui payer les sommes de :

*828.131,68 euros,

*8.968,32 GBP ou sa contrevaleur en euros,

*60.728,65 SGD ou sa contrevaleur en euros,

*2.500 USD ou sa contrevaleur en euros,

*44.300.837 Yens ou sa contrevaleur en euros

sauf à parfaire, outre les intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 14 mars 2003, selon la répartition opérée ci-après :

1. La Société Allianz Global Corporate & Specialty (France) : 15 %

Et 85 % à répartir entre :

2. Swiss Reinsurance Company UK Led, venant aux droits de la société Frankona Reinsurance Limited : 41 %

3. La société Lloyd's of London Syndicate Med 609 : 33,3333 %

4. La société Lloyd's of London Syndicate AGY 376 : 27,7778 %

5. La société Lloyd's of London Syndicate Hissan 2323 : 16,667 %

6. La société Christine Elaine Dandridge

7. La société Lloyd's of London Syndicate Well 2020 : 22,2222 %,

En tout état de cause,

-condamner solidairement ou conjointement les sociétés Allianz Global Corporate & Specialty (France), Swiss Reinsurance Company UK Led, venant aux droits de la société Frankona Reinsurance Limited, Lloyd's of London Syndicate Med 609, Lloyd's of London Syndicate AGY 376, Lloyd's of London Syndicate Hissan 2323, Christine Elaine Dandridge, Lloyd's of London Syndicate Well 2020 à lui payer la somme de 75.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 16 mars 2011 par la société Allianz AGF Mat Transportation and Liability Division désormais dénommée Allianz Global Corporate & Specialty (UK) qui sollicite sa mise hors de cause et demande que la société CMA-CGM soit condamnée aux dépens et à lui payer une indemnité de 6.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 31 mars 2011 par les sociétés

Allianz Global Corporate & Specialty (France), Swiss Re Europe SA venant aux droits de Swiss Reinsurance Company UK Led, elle-même venant aux droits de la société Frankona Reinsurance Limited, Lloyd's of London Syndicate Med 609, Lloyd's of London Syndicate AGY 376, Lloyd's of London Syndicate Hissan 2323, Lloyd's of London Syndicate Well 2020, Christine Elaine Dandridge, qui demandent à la cour de :

A titre liminaire,

-donner acte à Swiss Re Europe SA qu'elle vient aux droits de Swiss Reinsurance Company UK Led elle-même anciennement aux droits de GE Frankona Reinsurance Led,

-donner acte à Allianz Global Corporate Specialty France qu'elle vient aux droits de Allianz Marine et Aviation France (anciennement AGF MAT),

Sur les pièces,

-écarter des débats toutes pièces communiquées par CMA-CGM en langue étrangère sans leur traduction soit les pièces 38, 55, 69, 71, 75, 77, 106 ,

A titre principal,

-surseoir à statuer jusqu'à l'issue du pourvoi formé par CMA-CGM à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 8 septembre 2010,

-condamner CMA-CGM aux dépens,

Subsidiairement,

-confirmer le jugement en ce qu'il a jugé les demandes de CMA-CGM irrecevables comme prescrites,

En tout état de cause,

-constater que l'agence CMA-CGM de Tamatave directement impliquée dans le litige et en tout état de cause son activité pour compte de MOL, n'a pas été déclarée aux assureurs,

-dire qu'aucune preuve d'un sinistre indemnisable au titre de la police RC filet n'a été apportée par CMA-CGM et la débouter de toutes ses demandes,

En toute hypothèse,

-Dire nul sinon le contrat d'assurance du 15 novembre 1999, à tout le moins la police RC filet dont CMA-CGM revendique l'application et la débouter de toutes ses demandes,

Au surplus,

-constater qu'Allianz et les autres concluantes peuvent opposer la déchéance et l'exclusion de toute garantie au titre de ladite police,

-dire que CMA-CGM devra conserver à sa charge les frais du nouveau procès qu'elle a subi à Marseille puis perdu à Aix en Provence comme tous frais accessoires du procès qu'elle aurait subi au Japon, du nouvel arbitrage qu'elle subirait au Japon et des procédures qu'elle aurait initiées ou subies à l'Ile Maurice, à Madagascar ou à la Réunion,

-débouter CMA-CGM de toutes ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

-dire en tout état de cause CMA-CGM irrecevable et mal fondée en sa demande de condamnation "conjointe" à leur encontre,

-dire qu'elles ne pourraient respectivement être tenues que dans la proportion de leurs intérêts respectifs dans la police d'assurance RC filet et sans aucune solidarité entre elles, soit :

*Allianz Global Corporate & Specialty (France) : 15 %

*Swiss Re Europe SA : 41 %

et pour le reste, 44 % à répartir entre Lloyd's of London Syndicate Med 609, Lloyd's of London Syndicate AGY 376, Lloyd's of London Syndicate Hissan 2323, Lloyd's of London Syndicate Well 2020,

-fixer en conséquence la part d'indemnité à la charge éventuelle de chacune des compagnies d'assurance à hauteur de son pourcentage intéressé dans la police RC filet,

-fixer le cours des intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir, subsidiairement à compter des écritures du 23 juillet 2008,

-exclure toute capitalisation des intérêts,

En tout état de cause,

-mettre hors de cause Christine Elaine Dandridge,

-statuer ce que de droit quant à la mise en cause de Allianz UK tout en constatant que la garantie des assureurs RC au titre de la police multimodale ne peut être recherchée,

-condamner CMA-CGM aux dépens et à leur payer la somme globale de 55.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur ce, la Cour :

Considérant que la société Allianz Global Corporate & Specialty (UK) a été mise hors de cause par l'arrêt de la Cour de Cassation du 2 mars 2010 ; qu'elle a néanmoins été appelée devant la cour de renvoi mais que la société CMA-CGM ni aucune autre partie ne forme de demande à son encontre ; qu'elle sera mise hors de cause ;

Considérant que, le 2 mars 2001, des employés de la société CMA-CGM, agent maritime depuis novembre 1979 de la société [Adresse 11] à Madagascar (ci-après MOL), ont, au moyen de faux bons à délivrer émis le même jour, détourné des marchandises, propriété de la société Tristar Electronics, acheminées de Singapour à Tamatave par MOL par voie maritime ; que la société Tristar Electronics a mis en demeure MOL de lui payer la somme de 807.525 USD représentant, selon elle, la valeur de la marchandise dérobée et MOL a demandé à la société CMA-CGM de la garantir ; que celle-ci, qui avait souscrit une police responsabilité civile multimodale et une police complémentaire de second rang, dite police filet, a déclaré le sinistre à ses assureurs qui ont refusé leur garantie ; que le 14 mars 2003, la société CMA-CGM a saisi le tribunal de commerce de Marseille aux fins d'obtenir l'indemnisation, par ses assureurs, de tous les frais exposés dans le cadre du sinistre ainsi que d'une procédure engagée au Japon ; que par jugement du 18 novembre 2004, ce tribunal s'est déclaré incompétent au profit de la High Court de Londres pour statuer sur les demandes relatives à la police d'assurance multimodale et au profit du tribunal de commerce de Paris pour statuer sur les demandes relatives à la police filet ; que c'est dans ces circonstances que le tribunal de commerce de Paris a été saisi ; que parallèlement, la société Tristar Electronics, qui avait engagé une procédure au Japon mais dont l'action a été déclarée prescrite, a, le 20 septembre 2005, saisi le tribunal de commerce de Marseille aux fins de voir condamner la société CMA-CGM à lui payer, à titre principal, la somme de 807.525 USD ;

Considérant que la société CMA-CGM a demandé au tribunal de commerce de Paris de constater que son action était exclusivement fondée sur les stipulations de la police filet, de condamner ses assureurs à lui rembourser l'intégralité des frais exposés à l'occasion de la procédure au Japon, de les condamner en outre à la garantir à hauteur de la demande de la société Tristar Electronics, soit la somme en principal de 807.525 USD ; que le tribunal a dit que la prescription soulevée par les assureurs pouvait être valablement opposée à la société CMA-CGM ; que la cour d'appel a confirmé cette décision par un arrêt qui a été cassé en toutes ses dispositions ;que la cour est saisie à la suite de cet arrêt ;

Considérant qu'entre-temps, le tribunal de commerce de Marseille a, par jugement du 16 mai 2008, déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la société Tristar Electronics ; que la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 8 septembre 2010, a réformé le jugement et condamné la société CMA-CGM à payer à la société Tristar Electronics, à titre principal, la contrevaleur de la somme de 807.525 USD ; que la société CMA-CGM a formé un pourvoi en cassation contre cette décision ;

Considérant que les sociétés Allianz Global Corporate & Specialty (France), Swiss Re Europe SA venant aux droits de Swiss Reinsurance Company UK Led, elle-même venant aux droits de la société Frankona Reinsurance Limited, Lloyd's of London Syndicate Med 609, Lloyd's of London Syndicate AGY 376, Lloyd's of London Syndicate Hissan 2323, Lloyd's of London Syndicate Well 2020, Christine Elaine Dandridge (ci-après les assureurs) sollicitent qu'il soit sursis à statuer jusqu'à l'issue du pourvoi formé par la société CMA-CGM à l'encontre de l'arrêt du 8 septembre 2010 mais qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Considérant que les assureurs demandent également à la cour de déclarer la société CMA-CGM irrecevable en ses demandes, soutenant que celles-ci sont atteintes par la prescription ;

Mais considérant que le point de départ du délai biennal de prescription de l'action de la société CMA-CGM doit être fixé au jour de l'action en justice exercée par MOL à son encontre ; que c'est le 18 avril 2002 que cette société, attraite dans la procédure diligentée au Japon par la société Tristar Electronics, a adressé à la société CMA-CGM un document intitulé "notice of litigation",soit, selon la traduction non contestée fournie par l'appelante, un "avis de procédure" l'informant qu'elle entendait solliciter sa garantie pour le cas où elle serait déclarée responsable des dommages subis par la société Tristar Electronics et lui communiquant la date de l'audience ; que la société CMA-CGM ayant sollicité la garantie de ses assureurs par assignation du 14 mars 2003, son action est recevable ;

Considérant que la société CMA-CGM réclame à ses assureurs, au titre de la police filet, la prise en charge des frais précontentieux et de défense dans le cadre de la procédure japonaise, la prise en charge des sommes payées à MOL au titre de l'arbitrage au Japon, la prise en charge des frais de défense engagés dans le cadre de la procédure engagée en France par la société Tristar, la prise en charge du montant des condamnations prononcées par la cour d'appel d'Aix-en-Provence à son encontre, la prise en charge des frais de la procédure initiée à Madagascar et à la Réunion pour retrouver l'auteur du vol des marchandises ;

Considérant la société Allianz AGF MAT devenue Allianz Global Corporate & Specialty (UK) a refusé à la société CMA-CGM sa garantie au titre de la police RC multimodale souscrite par l'intermédiaire du courtier Marsh en lui indiquant, dans une télécopie du 31 août 2001 : "Une question importante à prendre en considération est de savoir si, en réalité, la qualité au titre de laquelle CMA/CGM Tamatave intervenait, entre dans le cadre de ce contrat .Le contrat était censé couvrir les agents CMA/CGM agissant pour le compte de CMA/CGM en qualité de transporteurs ou leurs partenaires de transport . Dans le cas présent, l'agent CMA/CGM de Tamatave agissait pour le compte de Mitsui, c'est à dire un transporteur tiers . Une discussion a déjà eu lieu à ce sujet entre Marsh et nous-même au début de cette année, concernant deux agents CMA/CGM (Nouméa et Maghreb), agissant pour des compagnies tierces, à l'issue de laquelle une clause de "tenu couvert" a été prévue dans le contrat afin de traiter ces cas à l'avenir et les cas où, à l'insu de CMA/CGM, d'autres agents agiraient pour des compagnies tierces . Par conséquent, nous sommes d'avis que l'activité dans ce cas, à savoir CMA/CGM agissant pour le compte de Mitsui (un transporteur tiers) ne rentre pas dans l'étendue de la couverture de ce contrat" ;

Qu'il est produit aux débats un avenant à la police RC multimodale prévoyant l'assurance, au titre de cette police, à compter du 18 juin 2001, des activités suivantes des agents maritimes CMA-CGM agissant pour des tiers : "CMA-CGM Maghreb pour Cotunav et CMA-CGM Nouméa" ;

Considérant ainsi qu'il apparaît que la prise en charge du sinistre au titre de la police RC multimodale a été refusée au motif que l'activité des agences CMA-CGM pour compte de tiers, non portée à la connaissance de l'assureur, était exclue de la garantie ; que la cour n'est pas saisie de la question du bien-fondé du refus de cette prise en charge ;

Considérant que la police responsabilité civile professionnelle (police filet) souscrite par la société CMA-CGM par l'intermédiaire du groupe Eyssautier, courtier , mentionne, s'agissant de l'objet de l'assurance :

"Il est stipulé que le présent contrat interviendra en complément ou après épuisement des polices dont l'Assuré déclare être par ailleurs titulaire, à savoir ..., ou en cas de défaut des garanties .

Le défaut de garantie vise l'omission de contracter une garantie de base et ne peut en aucun cas couvrir les exclusions des polices de base et/ou non délivrées sur le marché de l'assurance traditionnelle ..." ;

Considérant qu'en décembre 1997, à propos du renouvellement de la police RC professionnelle CMA/CGM, la société AGF Marine Aviation Transport devenue Allianz Marine et Aviation puis Allianz Global Corporate & Specialty (France) avait écrit au Groupe Eyssautier :

"Nous nous permettons d'insister sur l'importance que revêt pour nous l'interprétation de cette assurance de responsabilité et souhaiterions vous en rappeler le fonctionnement : les assureurs RC garantissent les conséquences pécuniaires de la responsabilité pour faute encourue par l'assuré dans le cadre des activités listées dans le contrat d'assurance . Cela sous-entend que l'assuré doit tenter de s'exonérer de toute responsabilité, conserver tous les recours possibles envers les sous-traitants et /ou autres co-contractants ...

Nous considérons que cette police RC doit être comprise comme une assurance filet (umbrella) applicable uniquement et exclusivement après épuisement des garanties de base souscrites par ailleurs par l'assuré, quelle que soit l'activité impliquée.

Il nous paraît en effet important de bien distinguer les garanties appelées à jouer au premier franc par rapport à celles de notre police "umbrella".

Les garanties RC auxiliaires de transport ..., la garantie P&I..., la garantie corps de navire..., le/les polices ATLANTICA... sont en effet des "primary" . Il nous faut connaître des conditions et les pleins de ces contrats puisque nous intervenons au-delà.

S'agissant enfin de l'application de cette police RC en cas de défaut de garantie, nous estimons que seule l'omission de contracter une garantie de base pour couvrir l'exercice de l'une de ses activités, constitue le cas unique visé par ce concept de "défaut de garantie". En aucun cas, elle ne peut garantir les exclusions des polices de base et/ou non délivrées sur le marché de l'assurance traditionnelle " ;

Considérant que compte tenu de ces éléments et eu égard aux motifs pour lesquels la prise en charge du sinistre a été refusée au titre de la police multimodale, la société CMA-CGM ne peut rechercher la garantie des assureurs au titre de la police filet ; qu'elle sera en conséquence déboutée de toutes ses demandes ;

Considérant, vu l'article 700 du code de procédure civile, que les dispositions du jugement à ce titre seront infirmées, que la société CMA-CGM et les assureurs seront déboutés de leur demande sur ce fondement, que la société CMA-CGM sera condamnée à payer à la société Allianz Global Corporate & Specialty (UK) la somme de 6.500 euros pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés ;

PAR CES MOTIFS,

Met hors de cause la société Allianz Global Corporate & Specialty (UK),

Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,

Infirme le jugement sauf en ses dispositions relatives aux dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Déclare la société CMA-CGM recevable en son action,

La déboute de toutes ses demandes,

La condamne à verser à la société Allianz Global Corporate & Specialty (UK) la somme de 6.500 euros pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel,

Déboute les sociétés Allianz Global Corporate & Specialty (France), Swiss Re Europe SA venant aux droits de Swiss Reinsurance Company UK Led, elle-même venant aux droits de la société Frankona Reinsurance Limited, Lloyd's of London Syndicate Med 609, Lloyd's of London Syndicate AGY 376, Lloyd's of London Syndicate Hissan 2323, Lloyd's of London Syndicate Well 2020, Christine Elaine Dandridge, de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ,

Condamne la société CMA-CGM aux dépens d'appel en ce compris ceux de l'arrêt cassé,

Dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 10/06288
Date de la décision : 23/09/2011

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°10/06288 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-23;10.06288 ?
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