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21/09/2011 | FRANCE | N°09/25098

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 21 septembre 2011, 09/25098


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2011



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/25098



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/05673





APPELANT





Monsieur [W] [B]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 8]

[A

dresse 9]

[Localité 5] (DANEMARK)



représenté par la SCP FANET SERRA, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Jacques NEUER de la SELARL Cabinet NEUER, avocat au barreau de PARIS, toque : C. 362





INTIMÉ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2011

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/25098

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/05673

APPELANT

Monsieur [W] [B]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 8]

[Adresse 9]

[Localité 5] (DANEMARK)

représenté par la SCP FANET SERRA, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Jacques NEUER de la SELARL Cabinet NEUER, avocat au barreau de PARIS, toque : C. 362

INTIMÉE

LA VILLE DE PARIS

représentée par son Maire

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 7]

représentée par la SCP BOMMART FORTSER FROMANTIN, avoués à la Cour

assistée de Me Fabienne FAJGENBAUM de la SCP NATAF-FAJGENBAUM & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P. 305

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2011, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Pascal CHAUVIN, président,

Madame Isabelle LACABARATS, conseiller

Madame Nathalie AUROY, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

[D] [S], peintre et sculpteur né le [Date naissance 2] 1890, est décédé le [Date décès 4] 1967 à [Localité 10].

Au cours de son mariage avec [T] [E], il avait eu une liaison avec [G] [B], dont il avait eu un enfant, [W], qui est né le [Date naissance 6] 1960 et dont la filiation paternelle a été déclarée par un jugement rendu le 1er mars 1983 par le tribunal de grande instance de Paris.

La ville de Paris, se disant légataire universelle de [T] [E] elle-même légataire universelle d'[D] [S] et décédée le [Date décès 3] 1981, a créé en 1982 à Paris un musée consacré à l'artiste, le Musée [S].

Par acte du 8 avril 2008, M. [W] [B], soutenant avoir qualité à agir pour la défense de la mémoire et du nom d'[D] [S], a assigné la ville de Paris aux fins de voir :

- juger que celle-ci a l'obligation, en qualité de légataire universelle de l'oeuvre d'[D] [S], de promouvoir la mémoire et le nom de l'artiste,

- juger que celle-ci, au lieu de respecter cette obligation, a porté atteinte au nom d'[D] [S] en consacrant le musée qui porte son nom à l'oeuvre de tiers,

- juger que, dans un délai de trois mois à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 750 euros par jour de retard, 80 % au moins des oeuvres exposées au Musée [S] devront être des oeuvres d'[D] [S] ou des oeuvres présentant un lien artistique direct avec l'oeuvre de celui-ci,

- condamner celle-ci à lui verser un euro symbolique en réparation du préjudice d'ores et déjà subi, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec bénéfice de l'exécution provisoire.

Par jugement du 27 octobre 2009, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré M. [B] 'tant irrecevable que mal fondé en ses demandes',

- condamné M. [B] à payer à la ville de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

- rejeté toutes autres demandes.

Par déclaration du 7 décembre 2009, M. [B] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 9 mars 2010, le conseiller de la mise en état a désigné Mme [H] [J] en qualité de médiateur.

Dans des conclusions déposées le 7 avril 2010, M. [B] a demandé au conseiller de la mise en état de déférer à la Cour de cassation la question de la constitutionnalité des lois n° 55-934 du 15 juillet 1955 et n° 72-3 du 3 janvier 1972 à la Constitution du 4 octobre 1958 et à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, au regard du principe d'égalité visé à l'article 1er, alinéa 1er, de la Constitution et des articles 1er, 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

La question prioritaire de constitutionnalité a été transmise à la formation collégiale de la cour, qui, statuant au vu des conclusions des parties et de l'avis du ministère public, a, par arrêt du 26 mai 2010 :

- dit n'y avoir lieu de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de la constitutionnalité des lois n° 55-934 du 15 juillet 1955 et n° 72-3 du 3 janvier 1972,

- rappelé que la décision ne pouvait être contestée qu'à l'occasion d'un recours formé contre une décision tranchant tout ou partie du litige,

- dit que l'instance au fond suivra son cours,

- laissé les dépens à la charge de M. [B].

La cour a jugé :

- que le droit de l'auteur au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre est transmissible à cause de mort à ses héritiers selon les règles ordinaires de la dévolution successorale,

- que, cependant, s'il fait l'objet d'une dévolution, ce droit n'est pas régi par le droit des successions, mais par le droit de la propriété littéraire et artistique,

- qu'en l'espèce, au soutien de son action, M. [B] invoque sa qualité d'héritier titulaire du droit moral d'[D] [S], son père,

- que son action relève des dispositions de l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, qui ont trait à des droits extra-patrimoniaux du défunt, à l'exclusion de celles des articles 720 et suivants du code civil, qui sont relatives à des droits patrimoniaux, de sorte que ni la loi du 15 juillet 1955 ni la loi du 3 janvier 1972 ni la loi du 3 décembre 2001 ne sont applicables au litige.

Par lettre du 1er juin 2010, le médiateur a informé le conseiller de la mise en état de l'échec de la médiation.

Par arrêt du 23 février 2011, la cour a :

- écarté des débats les conclusions déposées et les pièces n° 9 à 12 communiquées le 28 décembre 2010 par M. [B],

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 28 juin 2011,

- enjoint à la ville de [Localité 11] de produire, avant le 5 avril 2011, tous éléments de nature à justifier de sa qualité de légataire universelle de [T] [E] et des conditions de mise en oeuvre des droits attachés à cette qualité éventuelle, sauf à la cour à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus,

- révoqué l'ordonnance de clôture rendue le 4 janvier 2011,

- enjoint à M. [B] de conclure, s'il l'estime utile, avant le 3 mai 2011,

- enjoint à la ville de [Localité 11] de conclure en réplique, si elle l'estime utile, avant le 31 mai 2011,

- fixé au 14 juin 2011 la nouvelle ordonnance de clôture,

- réservé toutes autres demandes, ainsi que les dépens.

Par conclusions du 10 juin 2011, M. [B] demande à la cour de :

- constater l'existence d'une révélation de faits au regard des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile postérieurement au jugement de première instance,

- constater que son existence a volontairement été dissimulée lors des opérations liées à la succession d'[D] [S],

- constater plus généralement l'existence d'une fraude successorale ayant corrompu tous les actes de la succession d'[D] [S],

- constater que [T] [E] n'a pas été envoyée en possession et qu'elle n'a pas eu la saisine lui permettant d'instituer la ville de [Localité 11] légataire universelle,

- en conséquence, juger que la ville de [Localité 11] n'a pas valablement été instituée légataire universelle dans des conditions de conformité qui lui permettent aujourd'hui de revendiquer cette qualité et encore moins d'exclure totalement le seul fils d'[D] [S],

- juger qu'il a la qualité d'héritier d'[D] [S] en application de l'article 25 II 2° de la loi du 3 décembre 2001,

- juger qu'il est donc titulaire de l'ensemble des biens meubles et immeubles que lui confère sa qualité d'héritier,

- juger qu'au titre de ses biens, il est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur l'oeuvre d'[D] [S] et également de l'intégralité du droit moral,

- constater qu'en toutes hypothèses, il est titulaire du droit de divulgation qui est conféré au descendant et non à l'héritier de l'artiste par l'article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle,

- constater à ce propos que la ville de [Localité 11] a violé cet attribut du droit moral en procédant tout au moins à une divulgation post mortem en 2005, ce qui a été reconnu dans les écritures de la ville de [Localité 11], et la condamner à lui payer une somme de 100 000 euros en réparation du préjudice d'ores et déjà subi du fait de la violation du droit moral,

- lui donner acte de ce qu'il se réserve le droit de contester la constitutionnalité de la loi n° 55-934 du 15 juillet 1955 (et de la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972) ou de toute disposition législative actuelle, notamment du code de la propriété intellectuelle, qui exclurait de fait la qualité d'héritier par l'application de la loi n° 55-934 du 15 juillet 1955,

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ne ferait pas application de l'article 25 II 2° de la loi du 3 décembre 2001, juger que la loi n° 55-934 du 15 juillet 1955 est contraire à la Convention européenne des droits de l'homme (articles 14, 8) et au premier Protocole additionnel (article 1er), ainsi qu'à la jurisprudence (arrêt Mazurek du 1er février 2000),

- plus subsidiairement, constater que les dispositions précitées de la Convention européenne des droits de l'homme et du premier Protocole additionnel ont été intégrées dans le bloc communautaire (article F du Traite de Maastricht) et, en conséquence, le juge national étant juge communautaire, juger que la loi n° 55-934 du 15 juillet 1955 et toute disposition législative actuelle, notamment du code de la propriété intellectuelle, qui exclurait de fait la qualité d'héritier par l'application de la loi n° 55-934 du 15 juillet 1955 sont contraires à l'article F du Traité de Maastricht et qu'il a donc la qualité d'héritier d'[D] [S],

- encore plus subsidiairement, renvoyer la question de la compatibilité de la loi n° 55-934 du 15 juillet 1955 et de toute disposition législative actuelle, notamment du code de la propriété intellectuelle, qui exclurait de fait la qualité d'héritier par l'application de ladite loi, à titre préjudiciel, à l'examen de la Cour de justice de l'Union européenne,

- débouter la ville de Paris de toutes ses demandes,

- condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, avec bénéfice de l'article 699 du même code.

Par conclusions du 1er juin 2011, la ville de Paris demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- débouter M. [B] de toutes ses demandes,

- à titre principal,

- juger que M. [B] n'a pas qualité à agir en violation du droit au respect du nom, de la qualité et de l'oeuvre d'[D] [S],

- en conséquence, juger M. [B] irrecevable en ses demandes,

- à titre subsidiaire,

- juger irrecevables en cause d'appel les prétentions de M. [B] tendant à la contestation de sa vocation successorale,

- juger irrecevables en cause d'appel les prétentions de M. [B] tendant à la qualité d'héritier de I'intégralité de la succession d'[D] [S],

- constater l'abandon du moyen tiré d'une violation de I'article 9 du code civil,

- juger qu'elle exploite le Musée [S] avec sérieux, en l'absence de toute atteinte à I'oeuvre d'[D] [S],

- à titre plus subsidiaire,

- dans l'hypothèse où la cour retiendrait l'absence de partage au sens de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001, lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de contester la constitutionnalité de cette loi en ce que, de façon discriminatoire, elle imposerait son application rétroactive à l'ensemble des successions à héritier unique ouvertes et liquidées antérieurement au 4 décembre 2001,

- en tout état de cause,

- rejeter la pièce adverse n° 7,

- condamner M. [B] à lui payer la somme de 10 000 euros pour procédure abusive, en application de l'article 32-1 du code de procédure civile, ainsi que celle de 20 000 euros au titre de l'article 700 du même code, outre aux entiers dépens, avec bénéfice de l'article 699 du même code.

Une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2011.

Par conclusions de procédure déposées le 17 juin 2011, la ville de Paris demande à la cour de rejeter des débats les conclusions signifiées le 10 juin 2011 par M. [B].

Par conclusions de procédure déposées le 23 juin 2011, M. [B] demande à la cour de débouter la ville de Paris de sa demande de rejet des écritures et de maintenir ses propres conclusions signifiées le 10 juin 2011.

A l'audience du 28 juin 2011, l'incident a été joint au fond.

SUR CE, LA COUR,

- sur l'incident de procédure

Considérant que, dès lors que les conclusions déposées par M. [B] quatre jours avant le prononcé de l'ordonnance de clôture ne contiennent ni prétention nouvelle ni moyen nouveau et qu'elles se bornent à répliquer à l'argumentation de la ville de [Localité 11], il n'y a pas lieu de les écarter des débats ;

- sur le fond

* sur les droits extra-patrimoniaux

$gt; sur le droit moral

Considérant que le droit de l'auteur au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre prévu à l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle est transmissible à cause de mort à ses héritiers selon les règles ordinaires de la dévolution successorale ; que le légataire universel a vocation à recevoir l'universalité héréditaire et, en particulier, à devenir titulaire, même en présence d'héritiers réservataires, du droit moral de l'auteur ;

Considérant qu'en l'espèce les parties s'opposent sur la titularité du droit moral d'[D] [S] ;

Considérant que la cour entend rappeler à la ville de [Localité 11] que la question relative à la qualité d'héritier est distincte de celle portant sur les droits de celui-ci, de sorte que, dès lors que le jugement du 1er mars 1983 a dit qu'[D] [S] était son père, M. [B] en est l'héritier et a ainsi qualité pour revendiquer la titularité du droit moral de l'artiste, quand bien même il ne pourrait bénéficier de droits patrimoniaux ;

Considérant que, si, en première instance, M. [B] n'a pas dénié la qualité de légataire universelle de la ville de [Localité 11], alors que, en appel, il a remis en cause une telle qualité, sa demande tendant à voir constater que la ville de [Localité 11] ne justifie pas être titulaire du droit moral d'[D] [S] ne saurait être frappée d'irrecevabilité, ainsi que le sollicite la ville de [Localité 11] qui invoque la règle de l'estoppel et celle de la prohibition des prétentions nouvelles en appel ; qu'en effet, d'une part, M. [B] ne s'est pas contredit au détriment d'autrui dès lors qu'il n'a pas adopté successivement des comportements procéduraux contradictoires mais seulement différents et ne saurait se voir reprocher par la ville de [Localité 11] d'avoir dans un premier temps donné crédit aux allégations de celle-ci, d'autre part, sa demande tend à faire écarter les prétentions adverses visant à voir déclarer irrecevables ses propres demandes ;

Considérant que, déférant à l'injonction de la cour, la ville de [Localité 11] a justifié de sa qualité de légataire universelle de [T] [E] ;

Qu'en effet, elle a produit la copie d'un acte authentique dressé le 16 avril 1941 par Me [I], notaire à Cahors, par lequel [D] [S] a consenti à [T] [E] une donation 'de la pleine propriété de l'universalité des biens mobiliers et immobiliers qui appartiendront au donateur lors de son décès et composeront sa succession', ainsi que de deux testaments, l'un authentique reçu le 20 mai 1964, l'autre olographe daté du 13 septembre 1967, par lesquels [D] [S] a confirmé l'acte de donation antérieur, l'absence d'envoi en possession de [T] [E] opposée par M. [B] étant à cet égard radicalement inopérante ;

Qu'elle a également versé aux débats, outre la copie d'un acte authentique reçu le 9 octobre 1978 par Me [F], notaire à Paris, par lequel [T] [E] a consenti à la ville de Paris une donation portant sur divers biens immobiliers et diverses oeuvres d'art, dont des sculptures d'[D] [S], celle d'un testament olographe daté du 18 août 1979 et de deux codicilles datés des 17 juillet et 12 août 1980, par lesquels [T] [E] a institué la ville de Paris légataire universelle, ainsi que celle de l'ordonnance d'envoi en possession de la ville de Paris rendue le 10 janvier 1983 par le président du tribunal de grande instance de cette ville ;

Considérant qu'il en résulte que la ville de [Localité 11] est seule titulaire du droit moral d'[D] [S], tel que prévu à l'article L. 121-1 précité, et que M. [B] ne peut invoquer une quelconque atteinte portée à ce droit, de sorte que ses demandes à ce titre doivent être déclarées irrecevables ;

$gt; sur le droit de divulgation

Considérant qu'il résulte de l'article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle qu'après la mort de l'auteur, le droit de divulgation de ses oeuvres posthumes est exercé leur vie durant par le ou les exécuteurs testamentaires désignés par celui-ci et qu'à leur défaut ou après leur décès, et sauf volonté contraire de l'auteur, ce droit est exercé en premier lieu par les descendants ;

Considérant qu'en l'espèce, si, en première instance, M. [B] n'a formulé que des prétentions relatives au droit au respect de l'oeuvre, les prétentions qu'il formule en appel au titre du droit de divulgation sont recevables, dès lors qu'elles en constituent le complément, s'agissant de deux attributs du droit moral ;

Considérant que M. [B], à défaut d'exécuteur testamentaire désigné par [D] [S] et de volonté contraire exprimé par celui-ci, est seul titulaire, en sa qualité de descendant d'[D] [S], du droit de divulgation, tel que prévu à l'article L. 121-2 précité ;

Considérant toutefois qu'il n'est pas fondé à invoquer une atteinte à ce droit ; qu'en effet, alors qu'il excipe, en se référant au jugement déféré, de la prétendue divulgation, lors d'une exposition temporaire au Musée [S] en 2008-2009, de six fragments de la sculpture Cariatide découverts en 2005, la ville de [Localité 11] justifie de ce que la sculpture a été exposée en 1925 à la Galerie Barbazanges à [Localité 11], de sorte que M. [B] doit être débouté de ses demandes à ce titre ;

* sur les droits patrimoniaux

Considérant que, alors que, en première instance, il n'avait invoqué que des droits extra-patrimoniaux, M. [B] a revendiqué en appel des droits patrimoniaux, en se prévalant des dispositions de la loi du 3 décembre 2001 ;

Considérant que la cour observe à cet égard que, si elle a refusé de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. [B], c'est précisément parce que ni la loi du 15 juillet 1955 ni la loi du 3 janvier 1972 ni la loi du 3 décembre 2001 n'étaient applicables au litige ;

Considérant que, la ville de [Localité 11] lui opposant la nouveauté de ses prétentions de ce chef, M. [B] prétend, non sans contradiction, qu'il s'agit de prétentions virtuellement comprises dans les demandes soumises au premier juge, au sens de l'article 566 du code de procédure civile, ou nées de la révélation d'un fait, au sens de l'article 564 du même code ;

Mais considérant, d'une part, que les prétentions relatives aux droits patrimoniaux ne sauraient être considérées comme virtuellement comprises dans celles afférentes aux droits extra-patrimoniaux, tant ces droits sont, par leur essence même, de nature différente ;

Considérant, d'autre part, que la série de faits allégués par M. [B], à savoir la révélation d'actes et de lettres apparus au cours de l'instance d'appel et relatifs aux conditions de la dévolution de la succession d'[D] [S], ne rend pas recevables les prétentions relatives aux droits patrimoniaux, dès lors que de telles prétentions, qui pouvaient être formulées en première instance, n'étaient pas subordonnées à la connaissance des circonstances entourant la dévolution successorale d'[D] [S] ;

Qu'en conséquence, il y a lieu de déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes formées par M. [B] au titre des droits patrimoniaux ;

Considérant qu'en tout état de cause, de telles demandes ne sont pas fondées ;

Qu'en effet, il résulte de l'article 25 II 2° de la loi du 3 décembre 2001 que, sous réserve des accords amiables déjà intervenus et des décisions judiciaires irrévocables, les dispositions relatives aux nouveaux droits successoraux des enfants naturels seront applicables aux successions ouvertes au 1er juillet 2002 et n'ayant pas donné lieu à partage avant cette date ; qu'une telle disposition présente une justification objective et raisonnable en ce que, d'une part, elle poursuit le but légitime d'assurer la paix des familles en préservant les droits acquis, d'autre part, elle respecte un rapport de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, dès lors que les enfants naturels ne se voient privés des nouveaux droits conférés par la loi précitée que dans les successions déjà partagées ; qu'en l'espèce, [T] [E] ayant pris possession de la totalité des biens composant la succession d'[D] [S] en vertu de l'acte de donation du 16 avril 1941, la succession a déjà été liquidée, à défaut de partage possible entre plusieurs héritiers ; qu'il en résulte que M. [B] ne peut bénéficier des dispositions relatives aux nouveaux droits successoraux conférés par la loi précitée ;

Considérant qu'il y a lieu de rejeter la demande de donner acte formée par M. [B], une telle mesure n'étant pas constitutive de droits ;

* sur les dommages et intérêts

Considérant que, aucun abus de M. [B] dans son droit d'agir en justice n'étant démontré, il y a lieu de débouter la ville de Paris de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les conclusions déposées le 10 juin 2011 par M. [B],

Infirme le jugement déféré seulement en ce qu'il a déclaré M. [B] 'tant irrecevable que mal fondé en ses demandes',

Statuant à nouveau,

Déclare la ville de [Localité 11] seule titulaire du droit moral d'[D] [S], tel que prévu à l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle,

En conséquence, déclare irrecevables les demandes de M. [B] à ce titre,

Déclare M. [B] seul titulaire du droit de divulgation de l'oeuvre d'[D] [S], tel que prévu à l'article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle,

Déboute M. [B] de ses demandes à ce titre,

Déclare irrecevables les demandes formées par M. [B] au titre des droits patrimoniaux,

Déboute la ville de Paris de sa demande de dommages et intérêts,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [B] et le condamne à verser à la ville de Paris la somme de 6 000 euros,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. [B] aux dépens,

Accorde à la Scp Bommart-Forster & Fromantin, avoué, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/25098
Date de la décision : 21/09/2011

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°09/25098 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-21;09.25098 ?
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