Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2011
(no 288, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 10794
Décision déférée à la Cour :
jugement du 26 mars 2010- Tribunal de Grande Instance d'EVRY-RG no 08/ 03145
APPELANTE
Madame Elisabeth Nicole X...
...
...
13127 VITROLLES
représentée par la SCP LAGOURGUE ET OLIVIER, avoués à la Cour
assistée de Maître Danièle VÉRET, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2272
INTIME
Monsieur Guy Y...
...
91520 EGLY
représenté par la SCP BASKAL CHALUT-NATAL, avoués à la Cour
assisté de Me Jean-Marie BECAM, avocat au barreau d'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 juin 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre chargé du rapport, en présence de Madame Dominique GUEGUEN, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, président de chambre
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
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La Cour,
Considérant qu'en 1981, Mme Elisabeth X... s'est installée à Egly (Essonne) avec son mari dans le but de créer une entreprise de réparation, mécanique, carrosserie automobile et de transport de voyageurs ; que, par acte authentique du 10 novembre 1982, elle s'est portée acquéreur d'un terrain et d'un garage situé 79, route de Dourdan à Egly et ce, à l'occasion de la liquidation judiciaire d'une société ;
Qu'en 1985, une importante inondation a détruit les installations et les biens s'y trouvant ;
Que M. Guy Y..., alors maire de la commune, a fait connaître à Mme X... que les inondations étaient dues aux travaux qu'elle avait effectués en vue de couvrir le ruisseau traversant le terrain et qui empêchaient l'écoulement normal des eaux ; qu'il effectuait diverses démarches afin qu'il fût remédié à cet état des choses ; que des expertises ont fait apparaître que le débordement du ruisseau avait, pour causes, le diamètre insuffisant des buses ou leur obstruction, ou les deux ;
Que Mme X... ne pouvant plus faire face à ses obligations financières, l'immeuble a été vendu, à la demande de la société financière Sofal et par adjudication, à la société civile immobilière Saint-Genis ; qu'à cette occasion, le maire, au nom de la commune, a souhaité préempter l'immeuble et que la procédure a été annulée en vertu d'un arrêt rendu le 17 juin 1999 par la Cour administrative d'appel de Paris ; qu'en outre, une procédure d'indemnisation formée par Mme X... a été rejetée par les juridictions administratives ;
Qu'en cet état, Mme X... a saisi d'une demande d'indemnisation de ses préjudices matériels et moral en faisant assigner M. Y..., à titre personnel, devant le Tribunal de grande instance d'Evry qui, par jugement du 26 mars 2010, s'est déclaré incompétent pour statuer sur une partie de ses demandes, a rejeté les autres et l'a condamnée à payer à M. Y... la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 4. 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens ;
Considérant qu'appelante de ce jugement, Mme X..., qui en poursuit l'infirmation, demande que M. Y... soit condamné à lui payer la somme de 2. 000. 000 euros à titre de dommages et intérêts et débouté de sa demande reconventionnelle ;
Que, reprenant l'argumentation développée devant les premiers juges, y ajoutant plusieurs moyens de fait et expliquant toutes les difficultés qu'elle a rencontrées à la suite de l'inondation et de la perte de ses matériels, Mme X... soutient quà partir de 1985, M. Y... a fait pression sur elle afin qu'elle achète le terrain que le liquidateur ne voulait pas vendre à la communauté de communes d'Egly pour, ensuite, récupérer ce terrain, soit en exerçant le droit de préemption de la commune, soit par des actes, pressions ou calomnies propres à la décourager et à l'acculer à la vente de l'immeuble ; qu'elle fait donc valoir que plusieurs de ces actions constituaient des fautes personnelles et détachables des fonctions de maire et que, partant, elles relèvent, pour leur sanction, des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'enfin, elle expose les divers chefs de dommages matériels et le préjudice moral dont elle sollicite la réparation ;
Considérant que M. Y... conclut à la confirmation du jugement tout en demandant que l'indemnité qui lui a été attribuée soit portée à la somme de 10. 000 euros ;
Qu'à l'appui de ses prétentions, l'intimé fait valoir que Mme X... n'administre la preuve d'aucun fait qui, détachable des fonctions municipales qu'il a exercées, serait constitutif d'une faute personnelle ; qu'à cet égard, il souligne que, si la procédure de préemption a été annulée, la juridiction a, ensuite, rejeté le recours en indemnisation formé par Mme X... ;
Que l'intimé ajoute qu'il n'existe, en la cause, ni agissements graves, ni violences, ni faits révélant une intention de nuire, ni malveillance délibérée dont Mme X... pourrait se plaindre, pas plus que de lien de causalité entre les fautes qui lui sont reprochées et le préjudice allégué ;
Qu'en revanche, M. Y... soutient que la procédure dirigée contre lui de façon abusive alors qu'il a été maire pendant cinq mandats successifs et qu'il est âgé de 80 ans, lui cause un dommage moral qui doit être évalué à la somme de 10. 000 euros ;
Sur les demandes de Mme X... :
Considérant qu'en vertu des dispositions de la loi des 16-24 août 1790, les juridictions de l'ordre judiciaire sont incompétentes pour statuer sur la responsabilité de l'Administrations à raison des faits dommageables commis par ses agents ; que l'agent d'un service public n'est personnellement responsable des conséquences dommageables de ses actes qu'en cas de faute détachable de ses fonctions ;
Considérant que, comme l'ont énoncé les premiers juges en de plus amples motifs qu'il échet d'adopter, les faits, initiatives et décisions invoqués par Mme X... relativement aux conséquences des inondations survenues en 1984 et à l'exercice du droit de préemption de la commune d'Egly, fussent-ils fautifs, ne sont pas détachables des fonctions de maire exercées à l'époque par M. Y... ;
Que, dans ces circonstances, les premiers juges se sont exactement déclarés incompétents pour statuer sur la partie des demandes présentée par Mme X... et afférente à ces faits ;
Que, toutefois, le jugement sera complété en ce que Mme X... doit être renvoyée à se mieux pourvoir sur ces chefs de demande ;
Considérant que, s'agissant des multiples désagréments, déboires ou tracas d'ordre fiscal, administratif ou autre dont Mme X... se plaint et que les premiers juges ont énuméré, il n'est aucunement démontré que M. Y..., à titre personnel et en dehors de l'exercice de ses fonctions, fût intervenu d'une manière ou d'une autre ;
Qu'à cet égard, il y a lieu de relever que, même si M. Y... a porté sur Mme X... des jugements de valeur qu'un maire n'a pas à exprimer sur ses administrés, notamment en écrivant le 8 juin 1998 au sous-préfet de Palaiseau qu'il se trouvait « non pas face à d'honnêtes et courageux entrepreneurs … mais au contraire face à des personnes de mauvaise foi … » qui ont tenté « d'abuser les tribunaux, les services fiscaux, l'Urssaf et autres établissements publics », il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas établi que, par de tels écrits ou de toute autre manière, M. Y... ait pu provoquer, fût-ce indirectement, la déconfiture de l'entreprise créée par Mme X... ;
Que, sur ce point, le jugement sera également confirmé ;
Sur la demande reconventionnelle de M. Y... :
Considérant que le droit d'agir en justice ne dégénère en abus qu'en cas de mauvaise foi, de faute lourde ou d'erreur équipollente au dol ;
Qu'en l'occurrence, il n'est aucunement démontré que Mme X... ait abusé du droit d'agir en justice dans des circonstances tout à la fois fautives et préjudiciables à M. Y... ;
Qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement sur ce point et de débouter M. Y... de sa demande de dommages et intérêts ;
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile :
Considérant que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, Mme X... sera déboutée de sa réclamation ; qu'en revanche, elle sera condamnée à payer à M. Y... les frais qui, non compris dans les dépens d'appel, seront arrêtés, en équité, à la somme de 1. 000 euros ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 26 mars 2010 par le Tribunal de grande instance d'Evry sauf en ce qu'il a condamné Mme Elisabeth X... à payer à M. Guy Y... la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau sur cette question et y ajoutant :
Déboute M. Y... de sa demande de dommages et intérêts ;
Sur les demandes présentées par Mme X... contre M. Y... à raison des faits se rapportant à ses fonctions de maire, renvoie Mme X... à se mieux pourvoir ;
Déboute Mme X... de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamne, par application de ce texte, à payer à M. Y... la somme de 1. 000 euros ;
Condamne Mme X... aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés par la S. C. P. Baskal et Chalut-Natal, avoué de M. Y..., conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT