Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2011
(no 273, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 20749
Décision déférée à la Cour : jugement du 8 juillet 2009- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07/ 08768
APPELANTE
Société BANK TEJARAT agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux 130 avenue Taleghani TEHERAN IRAN représentée par la SCP SCP MONIN D AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour assistée de Me Jean-Louis LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 127
INTIMES
Maître Guillaume Y...... 75116 PARIS
S. A. MUTUELLE DU MANS ASSURANCES prise en la personne de ses représentants légaux 10 boulevard Alexandre Oyon 72030 LE MANS CEDEX 09
Société ROYAL et SUN ALLIANCE prise en la personne de ses représentants légaux 12 bis rue de la Victoire 75009 PARIS
représentés par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN, avoués à la Cour assistés de Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E 435
Société ACIMMO prise en la personne de son représentant légal 1-13 rue de la Noue 93170 BAGNOLET non comparante
B. N. P. PARIBAS REAL ESTATE TRANSACTION anciennement dénommée S. A. ATIS REAL ESTATE TRANSACTION AUGUSTE THOUARD prise en la personne de ses représentants légaux 20-24 rue Jacques Ibert et encore 28 rue Jacques Ibert 92300 LEVALLOIS PERRET représentée par la SCP Michel GUIZARD, avoués à la Cour assistée de Me Philippe JAQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : K 8 SELAFA HUBERT MAZINGUE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
Maître Gérard Z... és qualités de liquidateur judiciaire de la compagnie INDEPENDENT INSURANCE S. A. ...75008 PARIS représenté par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour assisté de Me Guillaume VIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K 43 SELARL CHEYSSON MARCHADIER et ASSOCIES
Monsieur Alain E... és qualités de liquidateur des opérations d'assurances de la compagnie INDEPENDENT INSURANCE S. A. ... 93340 LE RAINCY représenté par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour assisté de Me Guillaume VIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K 43 SELARL CHEYSSON MARCHADIER et ASSOCIES
Société CHARTIS EUROPE VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE S. A. AIG EUROPE prise en la personne de ses représentants légaux Tour Aig 34 place des Corolles 92400 COURBEVOIE
représentée par la SCP Michel GUIZARD, avoué à la Cour assistée de Me Claire SAINT-JEVIN, avocat au barreau de BORDEAUX Selarl RACINE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 avril 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre chargé du rapport, en présence de Madame Dominique GUEGUEN, conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur François GRANDPIERRE, Président Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller Madame Françoise MARTINI, Conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement portant organisation des services de la cour d'appel de Paris à compter du 3 janvier 2011, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- par défaut-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire. ********** La Cour,
Considérant que, le 18 janvier 1991, la société Bank Téjarat, souhaitant trouver des locaux pour y loger sa succursale française a donné à la société Auguste Thouard un mandat non exclusif de recherche ; Que, sur la proposition de la société Auguste Thouard et par acte reçu le 19 avril 1991 par M. Guillaume Y..., notaire, la société Bank Téjarat concluait une promesse de vente authentique portant sur des locaux sis 124-126, rue de Provence à Paris, 8ème arrondissement, avec la société Acimmo, propriétaire des lieux, moyennant le prix de 41. 300. 000 francs payable comptant le jour de la signature de l'acte de vente ; que l'acte authentique de réitération de la vente était reçu le 17 juin 1991 par M. Y... ; Que, le 18 avril 1995, la Commission bancaire a effectué une inspection de la société Bank Téjarat et lui a remis un rapport énonçant que la valeur de l'immeuble était de 13. 200. 000 francs ; que la Commission bancaire relevait que la situation comptable de la succursale arrêtée le 31 mars 1995 faisait apparaître une valeur immobilisée de 42. 000. 000 francs et demandait à la société Bank Téjarat de régulariser la situation afin de se soumettre à l'obligation légale de représentation du capital minimum et à l'ensemble de la réglementation prudentielle ; Que la société Bank Téjarat expose que l'écart existant entre la valorisation de l'immeuble, telle qu'elle apparaît au bilan, et la valeur réelle du bien l'a contrainte à recapitaliser sa succursale et qu'elle l'a fait le 22 mai 1997 à hauteur de 25. 400. 000 francs ; qu'estimant que les intervenants à l'opération immobilière ont contribué, par leurs fautes, à son préjudice, la société Bank Téjarat a saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui, après jonction d'autres procédures connexes, a :- reçu la société Royal et Sun Alliance en son intervention volontaire,- rejeté le moyen d'irrecevabilité tiré du défaut de qualité à agir de M. Milani X..., président et directeur général de la société Bank Téjarat,- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Atisréal Auguste Thouard et tirée de la prescription de l'action dirigée contre la société Atisréal Auguste Thouard,- débouté la société Bank Téjarat de toutes ses demandes,- rejeté les demandes de la société Acimmo,- condamné la société Bank Téjarat à payer à la société Atisréal Auguste Thouard, à la société A. I. G. Europe, à la société Independent Insurance représentée par M. Z..., son liquidateur judiciaire, et par M. Alain E..., liquidateur des opérations d'assurances, chacun la somme de 4. 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,- condamné la société Bank Téjarat à payer à M. Y... et à Mutuelles du Mans Assurances une indemnité globale de 4. 000 euros,- condamné la société Bank Téjarat aux dépens de l'instance ;
Considérant qu'appelante de ce jugement, la société Bank Téjarat, qui en poursuit l'infirmation, demande que M. Y..., la société Acimmo et la société Atisréal Auguste Thouard soient condamnés in solidum à lui payer la somme de 9. 013. 972 euros à titre de dommages et intérêts, se décomposant comme il suit : 4. 161. 858 euros en principal au 17 juin 1991 et 4. 864. 131 euros en réparation de la perte de gain ou lucrum cessans du 17 juin 1991 au 17 mars 2011 ; qu'elle demande également que sa créance à l'égard de la société Independent Insurance soit fixée aux sommes susdites de 4. 161. 858 euros en principal au 17 juin 1991 et de 4. 864. 131 euros en réparation de la perte de gain ou lucrum cessans du 17 juin 1991 au 17 mars 2011 ; Qu'à l'appui de ses prétentions, l'appelante, qui souligne le caractère exorbitant de l'écart de prix et de valeur, soutient que le silence gardé par les professionnels intervenus dans l'opération, à savoir le vendeur, marchand de biens, l'intermédiaire mandaté et notaire, sur un tel écart caractérise non seulement leur mauvaise foi et un manquement au devoir d'information et de loyauté, mais également un dol incident, les fautes du notaire et de l'intermédiaire immobilier ayant été déterminantes du préjudice qu'elle a subi ; Que, plus précisément, la société Bank Téjarat expose qu'elle payé les locaux trois fois le prix réel et que l'écart existant entre la valeur du bien et le prix payé ne pouvait pas échapper aux professionnels qui, de leur côté, ne démontrent aucunement qu'avant travaux, le prix de l'immeuble aurait été supérieur à 18. 000. 000 francs ; Que la banque, qui souligne que le juste prix doit exprimer la valeur vénale, en déduit, même si aucune action en rescision pour lésion ne lui est ouverte, que l'écart de prix démontre la mauvaise foi précontractuelle et contractuelle qui, caractérisée par des réticences dolosives, constitue un abus dans la conclusion du contrat et un manquement au devoir de conseil, est imputable à la société Acimmo, venderesse, à M. Y..., notaire, et à la société Atisréal Auguste Thouard, mandataire ; Que la banque reproche également à la société Acimmo, professionnel de l'immobilier, d'avoir gardé le silence sur le mandat de vente donné à la société Auguste Thouard, qui était également son mandataire, à elle, société Bank Téjarat, acquéreur profane, qui, en outre, n'a pas été informée des conditions des opérations, en réalité fictives, ayant antérieurement porté sur les mêmes locaux et d'avoir ainsi commis un dol incident par réticence et par des man œ uvres ayant eu pour but et pour effet de faire croire à une valeur réelle de 42. 000. 000 francs ; Que la société Bank Téjarat fait grief à M. Y..., qui connaissait le caractère exorbitant du prix, d'avoir manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil et de loyauté notamment en s'abstenant de se renseigner sur la valeur réelle du bien et d'attirer son attention, à elle, la société Bank Téjarat, sur l'opportunité économique de l'opération ; qu'elle reproche également au notaire, qui doit veiller à l'efficacité des actes qu'il reçoit, de ne l'avoir pas mise en garde sur les conséquences de l'acquisition au regard de la législation bancaire et, particulièrement, sur les ratios prudentiels entre ses fonds propres et ses engagements ; Qu'à la société Atisréal Auguste Thouard, professionnel de l'immobilier, la société Bank Téjarat, estimant que son action n'est pas prescrite, reproche d'avoir été tout à la fois le mandataire du vendeur et celui de l'acquéreur et d'avoir ainsi manqué à son obligation de loyauté dès lors qu'elle ne pouvait se méprendre sur l'écart existant entre la valeur et le prix ; qu'elle lui fait donc grief d'avoir manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil en ne la dissuadant pas d'acquérir l'immeuble au prix demandé ; Qu'enfin, la société Bank Téjarat explique que son préjudice correspond, d'une part, à la différence existant entre le prix payé et la valeur vénale du bien puisqu'elle a dû recapitaliser sa succursale et, d'autre part, à la perte de chance de gain que pouvait procurer la disposition de la somme de 4. 161. 858 euros ; que, subsidiairement et sur ce point, elle sollicite une mesure d'expertise ;
Considérant que M. Y... et les Mutuelles du Mans Assurances, son assureur, concluent à la confirmation du jugement, tout au moins, en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société Bank Téjarat contre eux ; Qu'à cette fin, M. Y... et son assureur font valoir que, sauf aberration manifeste, le notaire qui authentifie un acte de vente n'a d'obligation de conseil, ni sur l'opportunité économique de l'opération, ni relativement au montant du prix, librement convenu entre les parties avec l'assistance de professionnels alors surtout qu'en l'occurrence, M. Y... n'a pas participé à la préparation de l'accord ; Que, sur le deuxième grief allégué par la banque au regard de ses obligations comptables et financières, M. Y... et son assureur font observer que le notaire qui reçoit un acte doit ses conseils en considération des mobiles qui animent les parties et qu'en l'espèce, la société Bank Téjarat n'a aucunement déclaré qu'elle avait l'intention d'affecter la valeur de l'immeuble à sa dotation d'actifs en France ; Qu'enfin, M. Y... et les Mutuelles du Mans Assurances contestent la réalité des préjudices dont la société Bank Téjarat se prétend victime, avant de conclure à l'irrecevabilité de l'action en garantie non motivée et dirigée contre lui pour la première fois en cause d'appel par la société Chartis Europe ;
Considérant que la société B. N. P.- Paribas réal estate transaction, anciennement dénommée société Auguste Thouard, puis société Atisréal Auguste Thouard, qui forme appel incident, conclut à l'infirmation du jugement en ce que les premiers juges l'ont déboutée de son exception de prescription opposée à la société Bank Téjarat et à l'irrecevabilité de cette action ; qu'à cet effet, elle fait valoir qu'elle a exécuté son mandat le 19 avril 1991, jour de la promesse de vente, de sorte que l'action engagée contre elle par acte du 13 juin 2001 est prescrite en vertu des dispositions de l'article 189 bis, devenu L. 110-4, du Code de commerce alors applicable ; Que, subsidiairement et au fond, l'intimée conclut à la confirmation du jugement aux motifs que la société Bank Téjarat ne démontre pas la cherté du prix qu'elle allègue, que, dans l'absolu, cette notion de prix exorbitant est dénuée de sens et que, le cas échéant, il ne lui appartenait pas d'alerter la société Bank Téjarat sur un prix anormalement élevé ; Que l'intimée conteste avoir commis quelque faute que ce soit, tant au regard du mandat de recherche qui lui était confié, qu'au regard de son devoir de loyauté et de son obligation d'information et de conseil alors surtout qu'elle a été respectueuse du consentement des parties et que l'appelante ne caractérise aucune faute qui lui serait reprochable ; qu'à cet égard, elle fait observer qu'elle était le mandataire du vendeur et de l'acquéreur et qu'il n'y avait aucun conflit d'intérêts entre eux ; Qu'enfin, la société B. N. P.- Paribas réal estate transaction soutient que la société Bank Téjarat ne démontre pas la réalité des préjudices dont elle se plaint ; Que, subsidiairement et en cas de condamnation, la société B. N. P.- Paribas réal estate transaction sollicite la garantie de la société Chartis Europe, venant aux droits de la société A. I. G. Europe, d'une part, et de M. Z..., liquidateur de la société Independent Insurance, et de M. E..., liquidateur aux opérations d'assurance de la société Independent Insurance, d'autre part, ses assureurs de première et de deuxième lignes ;
Considérant que la société Chartis Europe, anciennement dénommée A. I. G. Europe, conclut à la confirmation du jugement aux motifs que la société Auguste Thouard n'a commis aucune faute dans l'exécution du mandat de recherche d'un bien immobilier et qu'en revanche, les fautes commises par la société Bank Téjarat, la société Acimmo et M. Y... exonèrent totalement la société Auguste Thouard de sa responsabilité ; Qu'en particulier, l'intimée fait valoir que la société Auguste Thouard est victime d'une collusion existant entre la société Acimmo, venderesse, et la société Bank Téjarat, acquisitrice, aux fins de voir financer le prix d'un immeuble qui a pour origine une vente fictive ; qu'en tous cas, elle n'a commis aucune faute et que sa responsabilité ne saurait être engagée à raison d'un prix jugé, dix ans après la vente, trop élevé alors surtout que le mandat ne comportait aucune mission de négociation du prix ; qu'elle fait valoir qu'en revanche, la société Bank Téjarat a commis une faute en tardant à agir et, partant en laissant disparaître des moyens de preuve, que la vente de l'immeuble conclue entre la B. R. E. D et la société Yllen était fictive et que les ventes conclues, l'une entre la société Yllen et la société Acimmo et l'autre entre la société Acimmo et la société Bank Téjarat constituaient des ventes écran propres à financer une opération immobilière dont, en réalité, le prix initial n'a jamais été versé ; Que l'intimée ajoute que la banque a commis deux autres fautes, d'une part, en laissant sciemment prescrire l'action en nullité pour dol et, d'autre part, en ignorant la législation bancaire en matière prudentielle ; Que la société Chartis Europe soutient que la société Acimmo a commis une faute en ne révélant pas les éléments douteux de la vente de l'origine de propriété de l'immeuble et que M. Y... a manqué à son obligation de conseil en ne recherchant pas l'origine de propriété du bien ; Que, subsidiairement, la société Chartis Europe souligne que le préjudice invoqué par la société Bank Téjarat n'est ni actuel, ni certain et qu'en outre, il est dépourvu de tout lien de causalité avec les fautes reprochées à la société Auguste Thouard ; qu'en tous cas, le dommage allégué ne consiste qu'en une perte de chance dont l'indemnisation doit être réduite par rapport aux demandes ; Qu'enfin, la société Chartis Europe fait observer que sa garantie est limitée à 2. 256. 245, 26 euros et demande que la société Acimmo et M. Y... soient condamnés in solidum à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ;
Considérant que M. Z..., liquidateur de la société Independent Insurance, et M. E..., liquidateur aux opérations d'assurance de la société Independent Insurance, qui font d'abord observer que si la société Independent Insurance est tenue à garantie envers la société Auguste Thouard, la demande en payement ne peut tendre qu'à une fixation de sa créance au passif de la liquidation et non pas à une condamnation, concluent à l'irrecevabilité de l'action de la société Bank Téjarat en reprenant l'argumentation développée ci-avant par la société B. N. P.- Paribas réal estate transaction ; Que, subsidiairement, MM. Z... et E... font valoir que la société Auguste Thouard n'a pas commis les fautes qui lui sont reprochées alors surtout que, chargée de trouver un immeuble de bureaux correspondant aux souhaits de la société Bank Téjarat, elle ne saurait être tenue pour responsable des importantes fluctuations du marché immobilier survenues entre 1990 et 1996 et censées être connues d'elle, professionnel de la finance ; qu'ils font notamment observer que le double mandat n'était pas fautif ; Que MM. Z... et E... ajoutent qu'aucune inscription au passif ne saurait excéder la somme de 3. 048. 980, 30 euros en application des limites de garantie de police et ce, après épuisement de la somme de 2. 286. 735, 20 euros accordée par la société A. I. G. Europe, assureur de première ligne ;
Considérant que la société Royal et Sun Alliance, ancien assureur de M. Y..., qui a cédé son portefeuille aux M. M. A., régulièrement constituée, a fait connaître qu'elle n'est plus concernée par la procédure ;
Considérant que la société Acimmo, assignée par procès-verbal dressé dans les conditions de l'article 659 du Code de procédure civile, n'a pas constitué avoué ; que, par application des dispositions de l'article 474, alinéa 2, du même code, le présent arrêt sera rendu par défaut ;
Sur l'incident de procédure :
Considérant que la société Chartis Europe demande que les conclusions signifiées le 29 mars 2001 par la société Bank Téjarat soient écartées des débats comme ayant été signifiées le jour du prononcé de l'ordonnance de clôture et huit jours avant la date prévue pour l'audience des plaidoiries ; Qu'à cette fin, la société Chartis Europe fait valoir qu'elle n'a pas été en mesure de répondre aux nouveaux arguments de l'appelante et à sa demande d'expertise alors qu'elle avait déjà conclu, pour la deuxième fois, le 22 mars 2011 et qu'elle, société Chartis Europe, avait répondu par écritures du 24 mars 2011 ; Considérant que la société Bank Téjarat conclut au rejet des prétentions adverses au motif que les arguments qu'elle développe dans ses dernières conclusions ne sont pas nouveaux et qu'ils explicitent les moyens soulevés précédemment ; Considérant que, même signifiées le jour de la clôture, les conclusions ne sont pas irrecevables dès lors que la banque ne fait que développer les arguments de fait exposés dans ses précédentes écritures et que certains d'entre eux ne concernent pas directement la société Chartis Europe ; qu'en outre, la demande d'expertise, qui est subsidiaire, ne modifie pas les termes du débat dès lors que la société Chartis Europe s'oppose à toutes les prétentions de la banque ; Qu'il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats les conclusions signifiées le 29 mars 2001 par la société Bank Téjarat ;
Sur le moyen tiré d'une prétendue prescription de l'action et proposé par la société B. N. P.- Paribas real estate transaction, d'une part, et par MM. E... et Z..., liquidateurs de la société Independent Insurance, d'autre part :
Considérant qu'en vertu de l'article L. 110-4 du Code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans ; Considérant que, par un acte du 18 janvier 1991, la société Bank Téjarat a donné à la société Auguste Thouard et associés un mandat non-exclusif de recherches de locaux commerciaux ; que, par acte du 19 avril 1991, elle a promis d'acquérir « si bon lui semble » de la société Acimmo, propriétaire des lieux, les locaux sis 124-126, rue de Provence à Paris, 8ème arrondissement ; qu'elle a acquis le bien dont il s'agit par acte authentique du 17 juin 1991 ; Que, s'il était loisible à la banque de renoncer à acquérir l'immeuble trouvé par la société Auguste Thouard et associés et qu'elle n'a pas usé de cette faculté de sorte qu'à la date du 19 avril 1991, le mandat avait pris fin, il n'en demeure pas moins que le délai de prescription a pu ne pas commencer à courir à cette date dès lors que le dommage ne s'était pas encore manifesté ; Qu'en l'occurrence, la société Bank Téjarat, qui se plaint du prix excessif de l'immeuble qu'elle a acquis, n'a pu avoir connaissance du dommage que postérieurement au 17 juin 1991, date de la réitération de la vente par acte authentique ; Qu'en faisant assigner la société Atisreal Auguste Thouard, venant aux droits de la société Auguste Thouard et associés, par acte du 13 juin 2001, la société Bank Téjarat a engagé l'action avant l'expiration du délai de dix ans susvisé ; Que, sur ce point, il convient d'approuver les premiers juges qui ont rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Atisreal Auguste Thouard, devenue B. N. P.- Paribas real estate transaction et reprise, en cause d'appel, par MM. E... et Z..., liquidateurs de la société Independent Insurance ;
Sur les demandes dirigées contre la société Acimmo :
Considérant que le dol, tel qu'il est défini par l'article 1116 du Code civil, doit être caractérisé par des man œ uvres pratiquées par l'une des parties et destinées à surprendre son cocontractant ; qu'il ne se présume point et qu'il doit être prouvé ; Que, dans ces conditions, il peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter ; Considérant qu'en l'espèce et comme l'a justement retenu le Tribunal de grande instance, la dissimulation de l'exagération du prix ne suffit pas, en l'absence de man œ uvres qui auraient amené la banque Téjarat à acquérir l'immeuble, à démontrer l'existence d'un dol ; qu'en particulier, il n'est aucunement démontré que les ventes antérieures et notamment la vente intervenue le 29 juin 1990 pour le prix de 42. 000. 000 francs étaient constitutives de mises en scène ou de man œ uvres destinées à obtenir le consentement de la banque en la persuadant du bien-fondé du prix réclamé ; Considérant que la banque reproche également à la société Acimmo d'avoir gardé le silence sur le mandat de vente donné à la société Auguste Thouard, qui était également son mandataire, à elle, société Bank Téjarat ; Qu'en réalité, il ressort d'une lettre adressée par la société Auguste Thouard à la banque Téjarat le 4 mars 1991, soit six semaines avant la conclusion de la promesse de vente et treize semaines avant la conclusion de l'acte authentique, que ladite société Auguste Thouard a notifié à la banque l'intérêt de la société Acimmo, propriétaire, son mandant, pour sa proposition arrêtée à 40. 000. 000 francs ; qu'il suit de là que la banque savait que la société Auguste Thouard agissait également en qualité de mandataire de la venderesse ; Qu'il suit de tout ce qui précède que les dissimulations reprochées à la société Acimmo ne sont pas démontrées et que le dol allégué n'est pas prouvé ; Considérant que, pareillement, l'écart de prix allégué et, au demeurant, non prouvé, n'est pas de nature à démonter la mauvaise foi de la venderesse ; Considérant qu'à l'égard de la société Acimmo, le jugement sera confirmé ;
Sur les demandes dirigées contre la société B. N. P.- Paribas real estate transaction, venant aux droits de la société Auguste Thouard, et ses assureurs :
Considérant qu'il est constant que, par acte du 18 janvier 1991, la société Bank Téjarat a confié à la société Auguste Thouard un mandat de recherche d'un local commercial moyennant une rémunération de 880. 200 francs, toutes charges comprises, exigible le jour de la réitération de la vente par acte authentique ; Considérant que, comme l'ont retenu les premiers juges et comme il est dit ci-avant, il ressort de la lettre adressée par la société Auguste Thouard à la banque Téjarat le 4 mars 1991 qu'elle a notifié à la banque l'intérêt de la société Acimmo, son mandant, pour sa proposition arrêtée à 40. 000. 000 francs ; qu'il suit de là que la banque savait que la société Auguste Thouard agissait également en qualité de mandataire de la venderesse et ce, dans des conditions exemptes de conflit d''intérêt dès lors qu'il appartenait à l'agent immobilier de mettre en relation un vendeur et un acquéreur ; Qu'en outre, il n'entrait pas dans le mandat de la société Auguste Thouard de conseiller la banque d'acquérir pour un moindre prix, pas plus qu'il lui incombait de conseiller la société Acimmo de vendre à un prix plus élevé ; Considérant que, comme l'énoncent également les premiers juges en de plus amples motifs qu'il échet d'adopter, la société Auguste Thouard n'a commis aucune faute en omettant de fournir à la banque une information sur la valeur réelle, ou prétendue telle, de l'immeuble dès lors que les estimations fournies par la banque ont été faites cinq ans après la crise du marché immobilier, qu'il existait, en 1991, un certain « emballement » des prix, qu'à la même époque, une proposition d'achat d'un local d'une superficie inférieure au bien acquis pour le prix de 36. 000. 0000 francs, a été faite à la banque et que, compte tenu des prix auxquels ont été conclues les ventes antérieures et des considérations personnelles à l'acquéreur, le prix n'apparaissait pas exorbitant ; Considérant que, sur ce point, et même si la banque doit être regardée comme étant un acquéreur profane vis-à-vis de la société Auguste Thouard, professionnel de l'immobilier, il convient de noter qu'il n'existe, en la cause, aucune donnée objective, propre à démontrer que le prix de l'immeuble acquis, sis 124-126, rue de Provence à Paris, 8ème arrondissement, était exorbitant ; Que, par voie de conséquence, il convient également d'approuver les premiers juges qui ont débouté la société Bank Téjarat de ses demandes dirigées contre la société Auguste Thouard, contre M. Z..., liquidateur de la société Independent Insurance, M. E..., liquidateur aux opérations d'assurance de la société Independent Insurance, et contre la société Chartis Europe, anciennement dénommée A. I. G. Europe, ses assureurs ;
Sur les demandes dirigées contre M. Y..., notaire, et son assureur :
Considérant que le notaire rédacteur d'acte, tenu à un devoir de conseil et d'information, a l'obligation de procéder à toutes les vérifications nécessaires à l'utilité et à l'efficacité de l'acte qu'il reçoit et, le cas échéant, d'attirer l'attention des parties sur la portée et les effets des engagements souscrits ; qu'en matière de vente immobilière, il n'est tenu à un devoir de conseil sur le prix que dans le cas où ce prix est exorbitant au regard de la valeur réelle de l'immeuble et qu'en cas de prix exorbitant, l'efficacité de l'acte pourrait être compromise ; qu'en revanche, l'acquéreur reste maître de l'opportunité économique de l'opération ; Considérant qu'en l'espèce, M. Y... n'est intervenu qu'en qualité de rédacteur d'acte et que les pourparlers, qui ont abouti à la promesse de vente et à la vente elle-même, ont été menés par la société Auguste Thouard et sans l'intervention du notaire ; que les parties ont donc, sous l'égide de l'agent immobilier, librement débattu du prix ; Considérant que les premiers juges ont exactement énoncé que le devoir de conseil du notaire ne s'étendait, ni à l'opportunité économique de l'opération, ni aux conséquences de l'inscription du prix de l'immeuble à l'actif du bilan de la banque, notamment au regard de la législation bancaire ; Considérant que l'immeuble, vendu moyennant le prix de 41. 300. 000 francs, a été vendu le 29 juin 1990 au prix de 42. 000. 000 francs et que la vente précédente, datée du 22 décembre 1989, a été consentie moyennant le prix de 33. 000. 000 francs ; que la société Auguste Thouard avait d'abord présenté le bien au prix de 50. 000. 000 francs ; que le notaire, qui avait connaissance de ces circonstances et des variations des prix de l'immobilier entre 1989 et 1991, n'a commis aucune faute en recevant l'acte de vente dans les conditions de prix rappelées en tête du présent arrêt : Qu'en outre, si, en 1996, l'immeuble a été évalué par M. Y... à 27. 000. 000 francs, cette circonstance, n'est que le résultat de l'évolution des prix des immeubles entre 1991 et 1996 ; Considérant que, comme l'a jugé le Tribunal de grande instance, M. Y... n'a pas commis les fautes qui lui sont reprochées et que, sur ce point encore, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée, il convient de confirmer le jugement querellé ;
Sur les autres demandes :
Considérant que, compte tenu de la solution donnée au litige quant aux demandes principales de la société Bank Téjarat, il n'y a pas lieu de statuer sur le recours en garantie formé par la société Chartis Europe contre la société Acimmo, d'une part, et contre M. Y..., d'autre part ;
Et considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en toutes ses prétentions et supportant les dépens, la société Bank Téjarat sera déboutée de sa réclamation ; qu'en revanche, elle sera condamnée à payer à chacun des intimés les frais qui, non compris dans les dépens d'appel, seront arrêtés, en équité, à la somme de 3. 000 euros ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 8 juillet 2009 par le Tribunal de grande instance de Paris ;
Déboute la société Bank Téjarat de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamne, par application de ce texte, à payer 1o) à M. Guillaume Y... et aux M. M. A., son assureur, 2o) à M. Gérard Z..., liquidateur de la société Independent Insurance, et à M. Alain E..., liquidateur aux opérations d'assurance de la société Independent Insurance, 3o) à la société Chartis Europe et 4o) à la société B. N. P.- Paribas real estate transaction, chacun la somme de 3. 000 euros ;
Condamne la société Bank Téjarat aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés par les avoués des intimés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT