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22/06/2011 | FRANCE | N°10/11296

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 22 juin 2011, 10/11296


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 22 JUIN 2011



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/11296



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Avril 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/15979







APPELANTE





Madame [H] [V] [K] [S] épouse [E]

née le [Date naissance 1] 1925 à [Loc

alité 13] (MAROC)

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Adresse 14]



représentée par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués à la Cour

assistée de Me Christian CHARRIERE-BOURNAZEL, avocat au barreau de PARIS,

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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 22 JUIN 2011

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/11296

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Avril 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/15979

APPELANTE

Madame [H] [V] [K] [S] épouse [E]

née le [Date naissance 1] 1925 à [Localité 13] (MAROC)

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Adresse 14]

représentée par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués à la Cour

assistée de Me Christian CHARRIERE-BOURNAZEL, avocat au barreau de PARIS,

toque : P. 1357

INTIMÉS

1°) Monsieur [T] [E]

chez Monsieur [L] [E]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

2°) Mademoiselle [P] [E]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

3°) Monsieur [F] [E]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

4°) Monsieur [X] [E]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

5°) Monsieur [L] [E]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

6°) Monsieur [G] [E]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

7°) Madame [I] [M] épouse [Z]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

8°) Monsieur [O] [M]

STTH Service Cuisine

[Adresse 12]

[Adresse 12]

9°) Monsieur [A] [M]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

10°) Monsieur [U] [M]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

représentés par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour

assistés de Me Sandrine MARIE de la SELARL VOVAN et associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P. 212

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2011, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Pascal CHAUVIN, président,

Madame Isabelle LACABARATS, conseiller

Madame Nathalie AUROY, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

[W] [E], veuf d'[B] [J], est décédé le [Date décès 2] 2004 en laissant pour lui succéder :

- Mme [H] [S], sa seconde épouse avec laquelle il s'était marié le [Date mariage 8] 1985 sous le régime de la séparation de biens,

- MM. [F], [X] et [G] [E], ses enfants,

- MM. [L] et [T] [E] et Mlle [P] [E], ses petits-enfants, venant par représentation de leur père prédécédé, [N] [E],

- MM. [U], [A] et [O] [M] et Mme [I] [M], ses petits-enfants, venant par représentation de leur mère prédécédée, [R] [E].

Il avait rédigé trois testaments olographes datés successivement des 12 décembre 1995, 20 avril 1999 et 10 février 2001.

Après avoir indiqué dans les trois testaments que les consorts [E] étaient ses 'seuls héritiers', il a légué à son épouse une somme de 300 000 francs dans le premier testament, puis une somme de 400 000 francs dans le deuxième testament, enfin une somme de 500 000 francs dans le troisième testament en énonçant :

'Cependant, pensant que mon épouse, Madame [H] [E], n'utilisera pas, ce qui serait ma décision si j'étais concerné, les droits dévolus à l'époux survivant par la dernière loi sur les successions, je déclare lui léguer dans ce cas :

la somme de : 500.000 F (CINQ CENT MILLE FRANCS)

à verser en espèces, ou en valeur mobilière, facilement négociable en bourse.'

Le 12 octobre 2006, un litige les opposant sur l'étendue des droits du conjoint survivant, Mme [E] a assigné les consorts [E] devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 6 avril 2010, le tribunal a :

- débouté Mme [E] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté les consorts [E] de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [E] aux dépens, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Alors que Mme [E] prétendait que le testament du 10 février 2001 ne la privait pas de ses droits légaux mais instituait seulement un legs conditionnel et qu'elle avait droit à un quart en pleine propriété de la succession de son époux, tandis que les consorts [E] soutenaient qu'[W] [E] les avait désignés comme ses seuls héritiers et avait privé son épouse de ses droits légaux en lui consentant un legs particulier sous réserve de ne pas opter pour le droit au logement prévu par les articles 763 et 764 du code civil, le tribunal a jugé :

- que, par son testament du 10 février 2001, [W] [E] avait institué les consorts [E] légataires universels,

- que le legs universel a eu pour conséquence d'exhéréder partiellement Mme [E] de ses droits dans la succession de son époux, de sorte que le legs consenti à celle-ci n'a pu porter que sur le droit viager prévu à l'article 764 du même code,

- qu'[W] [E] a entendu consentir un legs conditionnel à son épouse, en subordonnant le legs d'une somme d'argent à la renonciation par celle-ci de son droit viager au logement,

- qu'ainsi, Mme [E] pouvait uniquement opter entre le droit viager au logement et le legs de la somme d'argent, sans pouvoir revendiquer un autre droit dans la succession de son époux,

- qu'en se maintenant dans le logement, Mme [E] a nécessairement renoncé au legs de la somme d'argent.

Par déclaration du 28 mai 2010, Mme [E] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées le 3 mai 2011, elle demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- statuant à nouveau,

- juger qu'elle peut prétendre, pour être remplie de ses droits, au quart du patrimoine immobilier et mobilier possédé par [W] [E] au jour de son décès,

- constater qu'elle a un droit viager d'habitation sur le logement et d'usage sur le mobilier,

- ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession d'[W] [E] afin notamment d'en déterminer la consistance et de définir le quart en toute propriété lui revenant,

- juger que la valeur du droit d'usage et d'habitation sur le domicile conjugal s'imputera sur le quart lui revenant en toute propriété,

- désigner un expert pour déterminer la valeur de ce droit d'usage et d'habitation et un notaire pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage,

- débouter les consorts [E] de toutes leurs demandes,

- condamner solidairement les consorts [E] à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral et celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [E] aux dépens, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 27 avril 2011, les consorts [E] demandent à la cour de :

- débouter Mme [E] de ses demandes,

- en conséquence, juger que Mme [E] a le choix entre le versement d'un legs particulier de 500 000 francs sous condition de ne pas user du droit au logement et confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes à titre de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- en conséquence, juger que Mme [E] sera condamnée à leur verser à chacun la somme de 3 000 euros, subsidiairement celle de 1 euro symbolique, à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil, ainsi que celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [E] aux dépens, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, aux termes de l'article 967 du code civil, 'toute personne pourra disposer par testament soit sous le titre d'institution d'héritier, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre dénomination propre à manifester sa volonté' ;

Que, si l'institution de légataire universel n'est subordonnée à aucune formule sacramentelle, il est nécessaire que le testateur manifeste la volonté que la personne désignée ait vocation à recevoir l'universalité des biens de la succession ;

Considérant, en l'espèce, qu'en indiquant dans son testament daté du 10 février 2001 que les consorts [E] étaient ses 'seuls héritiers', [W] [E] n'a nullement exprimé la volonté de les instituer légataires universels, la formule employée ne leur conférant aucunement une telle qualité, mais s'est borné à rappeler quels étaient ses héritiers par le sang, par opposition au conjoint survivant, l'adverbe 'cependant' placé au début du paragraphe suivant venant conforter cette analyse ;

Que, d'ailleurs, en déclarant ensuite léguer la somme de 500 000 francs à son épouse dans la mesure où il 'pensait' que celle-ci 'n'utilisera pas [...] les droits dévolus à l'époux survivant par la dernière loi sur les successions' et 'dans ce cas' seulement, [W] [E] n'a pas exclu que celle-ci pourrait solliciter le bénéfice de la loi qui a accru les droits du conjoint survivant ;

Que raisonner autrement, c'est-à-dire retenir qu'[W] [E] a institué ses enfants et petits-enfants légataires universels et a ainsi exhérédé son épouse, signifierait que le testateur, en évoquant 'les droits dévolus à l'époux survivant par la dernière loi sur les successions', n'a entendu viser que le droit d'habitation et d'usage prévu à l'article 764 du code civil, ce qui ne se déduit en aucune façon des dispositions testamentaires ;

Que les attestations versées aux débats par les consorts [E] sont impuissantes à contredire la volonté clairement et librement exprimée dans le testament ;

Que, dès lors, il doit être considéré qu'[W] [E] n'a pas institué les consorts [E] légataires universels et, partant, n'a pas exhérédé Mme [E];

Considérant que le legs consenti par [W] [E] à son épouse est un legs conditionnel, celle-ci disposant de la faculté de choisir entre le legs de la somme de 500 000 francs (76 224,50 euros) et les droits dévolus au conjoint survivant par les articles 756 et suivants du code civil ;

Considérant qu'ayant opté pour les droits légaux, Mme [E] a droit, en application de l'article 757 du code civil, à la propriété du quart des biens de la succession et, en application de l'article 764 du même code, en l'absence de volonté contraire exprimée par [W] [E] dans son testament, à un droit d'habitation du logement des époux et à un droit d'usage du mobilier le garnissant, dont la valeur s'imputera sur celle des droits successoraux, conformément à l'article 765 du même code;

Qu'il y a lieu en conséquence d'ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession d'[W] [E] et de désigner le président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris, avec faculté de déléguer tout notaire de son choix, afin d'y procéder ;

Que, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'expertise qui ne saurait pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve, il appartiendra au notaire désigné de calculer la valeur du droit d'habitation et d'usage qui s'imputera sur les droits successoraux de Mme [E] et, en cas de désaccord entre les parties sur cette valeur, à la plus diligente de saisir la cour de la difficulté ;

Considérant que Mme [E], qui se borne à invoquer 'la gravité des insinuations présentes dans les écritures des intimés', ne démontre pas que les consorts [E] ont outrepassé les limites permises au cours d'un débat judiciaire et commis ainsi une faute susceptible de donner lieu à l'octroi de dommages et intérêts ; qu'elle doit donc être déboutée de sa demande à ce titre ;

Considérant qu'il y a lieu de débouter les consorts [E] de l'ensemble de leurs demandes, y compris de celle formée à titre de dommages et intérêts, l'appel formé par Mme [E] étant reconnu fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Dit qu'en vertu du testament rédigé par [W] [E] et daté du 10 février 2001, Mme [H] [E] a droit à la propriété du quart des biens de la succession et à un droit d'habitation du logement des époux et à un droit d'usage du mobilier le garnissant,

Dit que la valeur du droit d'habitation et d'usage s'imputera sur celle des droits successoraux de Mme [E],

Ordonne l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession d'[W] [E],

Désigne le président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris, avec faculté de déléguer tout notaire de son choix, afin d'y procéder,

Dit qu'il appartiendra au notaire désigné de calculer la valeur du droit d'habitation et d'usage qui s'imputera sur les droits successoraux de Mme [E] et, en cas de désaccord entre les parties sur cette valeur, à la plus diligente de saisir la cour de la difficulté,

Rejette toutes autres demandes, y compris celles formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile de part et d'autre,

Condamne les consorts [E] aux dépens de première instance et d'appel,

Accorde à la Scp Bolling Durand Lallement, avoué, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/11296
Date de la décision : 22/06/2011

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°10/11296 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-22;10.11296 ?
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