Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 20 MAI 2011
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/12207
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2009 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 07/06139
APPELANT:
Monsieur [J] [N]
agissant tant en son nom personnel, qu'en qualité d'ayant droit de Madame [E] [H] épouse [N] et en qualité de représentant légal de son fils mineur [X] [N]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par la SCP ALAIN RIBAUT ET VINCENT RIBAUT, avoués à la Cour
assisté de Maître Agnès MORON, avocat au barreau de PARIS, toque : C 425
INTIME:
Monsieur [Y] [T]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Maître Dominique OLIVIER, avoué à la Cour
assisté de Maître Frédéric MALAIZE, avocat au barreau de PARIS, toque D 2018 et substituant Maître Hélène FABRE, avocat au barreau de Paris, toque R 44
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Février 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Jacques BICHARD, Président
Marguerite-Marie MARION, Conseiller
Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Guénaëlle PRIGENT
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jacques BICHARD, Président et par Guénaëlle PRIGENT, Greffier.
***
Le 4 décembre 1996, [E] [H], épouse [N], a accouché à la clinique [6] de deux enfants jumeaux, [X] et [M], le second, [M], qui était né à 16 h 15, étant décédé le [Date décès 2] 1996 des conséquences d'une hypoxie-anoxie.
Estimant que des fautes avaient été commises, les époux [N] agissant tant en leur nom personnel, qu'ès qualités de représentant légaux de leur fils [X], ont assigné devant le tribunal de grande instance de Bobigny, par actes des 7 et 18 mai 2007, le docteur [Y] [T], obstétricien et la clinique [6] afin que leur responsabilité soit reconnue et qu'ils soient condamnés à les indemniser de leurs préjudices .
[E] [H], épouse [N] est décédée en cours de procédure et celle-ci a été poursuivie par M. [J] [N], tant en son nom personnel, qu'ès qualité d'ayant-droit de son épouse défunte et de représentant légal de l'enfant mineur [X] .
***
Vu le jugement rendu le 26 mars 2009 par le tribunal de grande instance de Bobigny qui a :
- déclaré M. [J] [N], agissant tant en son nom propre, qu'en sa qualité d'ayant droit de son épouse et en qualité de représentant légal de son fils mineur [X], irrecevable en son action intentée à l'encontre du docteur [Y] [T],
- dit que la clinique [6] n'a commis aucune faute présentant un lien de causalité avec le décès de l'enfant [M],
- débouté le docteur [Y] [T] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] [N] aux dépens .
Vu la déclaration d'appel déposée le 2 juin 2009 par M. [J] [N] agissant tant en son nom propre, qu'en sa qualité d'ayant droit de son épouse et en qualité de représentant légal de son fils mineur [X] .
Vu les dernières conclusions déposées le :
- 8 novembre 2010 par M. [J] [N] agissant tant en son nom propre, qu'en sa qualité d'ayant droit de son épouse et en qualité de représentant légal de son fils mineur [X] qui demande à la cour, au visa des articles 4-1 du code pénale, 1147, 1315, 1382, 1383 et 1384 du Code Civil de :
- réformer le jugement déféré,
- déclarer le docteur [Y] [T] responsable des conséquences dommageables de ses actes,
- condamner le docteur [Y] [T] à payer :
* M. [J] [N] agissant en qualité de représentant légal de son fils mineur [X] agissant en sa qualité d'ayant droit de sa mère défunte la somme de 60 000 euros à titre de dommages intérêts toutes causes de préjudices confondues,
* M. [J] [N] la somme de 60 000 euros à titre de dommages intérêts toutes causes de préjudices confondues,
* M. [J] [N] agissant en qualité de représentant légal de son fils mineur [X] la somme de 25 000 euros à titre de dommages intérêts toutes causes de préjudices confondues,
- condamner le docteur [Y] [T] à verser M. [J] [N] agissant tant en son nom propre, qu'en sa qualité de représentant légal de son fils mineur [X] agissant en sa qualité d'ayant droit de sa mère défunte la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le docteur [Y] [T] à payer ' solidairement à M. [J] [N] en sa qualité de représentant légal de son fils mineur [X] 'la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .
- 2 novembre 2009 par le docteur [Y] [T] qui demande à la cour de :
* constater l'autorité de la chose jugée au pénal après l'arrêt définitif rendu par la cour d'appel de céans le 23 juin 2003,
* constater en conséquence, sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile, l'irrecevabilité des demandes présentées à son encontre,
* en tout état de cause, le mettre hors de cause,
* à titre subsidiaire, ramener à de plus justes proportions les demandes présentées,
* condamner M. [N] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 6 janvier 2011 .
SUR QUOI LA COUR
Les consorts [N] reprochent au docteur [Y] [T] :
- d'avoir, en laissant s'écouler un délai de près d'une heure entre les deux naissances, nécessairement commis une faute caractérisant un manquement à son obligation de moyen, alors qu'il aurait dû pratiquer l'accouchement du second jumeau dans un délai de 20 minutes, afin de limiter le risque d'accident foetal,
- d'avoir eu une attitude non interventionniste après la première naissance et de n'avoir réalisé aucune manoeuvre permettant d'accélérer l'engagement et la naissance du deuxième enfant, en tardant avant de rompre la poche des eaux et en pratiquant un accouchement artificiel qu'après la survenue des troubles du rythme cardiaque foetal,
- d'avoir pratiqué des actes tardifs qui ont directement causé la mort de l'enfant,
- d'avoir omis d'informer sa patiente de sa conviction et de sa pratique marginale en matière de naissance gémellaire afin que celle-ci puisse donner son autorisation en toute connaissance de cause .
Or, renvoyé devant le tribunal correctionnel de Bobigny du chef d'homicide involontaire, le docteur [Y] [T] a été relaxé des fins de la poursuite et les époux [N] déboutés de leurs demandes sur l'action civile .
Dans sa motivation le tribunal a essentiellement retenu que :
' Il résulte de ce qui précède que le délai de vingt minutes précité qui ne fait pas l'objet d'un consensus médical ne peut davantage constituer une norme qui aurait été transgressée par le médecin mis en cause et qui pourrait ainsi constituer un manquement à une règle de sécurité (....).
On peut penser, mais sans aucune certitude qu'en agissant plus rapidement il ( le docteur [T]) aurait pu sauver cet enfant . Cela n'est toutefois pas certain .
Les experts au cours de l'audience ont été prudents à cet égard . Les formules mêmes incluses dans leur rapport témoignent d'une certaine hésitation; ainsi dans la première expertise, les experts estiment que la mort du jeune [N] [M] est en relation directe avec les circonstances de l'accouchement (.......) .
Mieux encore les experts ont été unanimes pour attirer l'attention du tribunal sur le fait que le second jumeau s'était vidé de son sang dans le placenta du premier, (....) .
Selon les experts qui se sont exprimés sur ce point à l'audience, il n'est pas certain que si la césarienne avait été entreprise plus tôt le second jumeau aurait survécu en raison de la forte anémie présentée à la naissance ;
Admettre que le second jumeau aurait perdu une chance de survie ne permet pas de condamner pénalement le docteur [T], (...) .'
Sur appel interjeté par les époux [N], cette cour dans son arrêt aujourd'hui irrévocable, prononcé le 23 juin 2005, notant que le Ministère Public n'avait pas relevé appel des dispositions pénales du jugement qui lui était déféré et appliquant les dispositions de l'article 515 du code de procédure pénale, a dit que le docteur [Y] [T] n'a commis aucune infraction pénale susceptible de fonder l'action civile des époux devant la juridiction répressive et a confirmé le jugement déféré en ce que ceux-ci ont été déboutés de leurs demandes .
A l'appui de sa décision, la cour a essentiellement retenu que :
' s'il est ainsi établi que 76 minutes se sont écoulées entre la naissance du premier et du second jumeau, force est de considérer que si un tel délai est apparu anormalement long aux experts commis, la règle de vingt minutes préconisée par chacun d'eux, serait-elle de nature à réduire les morts par anoxie et les lésions cérébrales par anoxie, n'est pas considérée comme impérative;
que son dépassement par le prévenu ne saurait dans ces conditions constituer un manquement à une règle de sécurité ;
Considérant qu'il est par ailleurs établi que le docteur [T] n'a, à aucun moment, quitté sa patiente et s'est efforcé, au regard des circonstances, de lui prodiguer ainsi qu'au deuxième jumeau les soins, qu'il estimait adaptés;
qu'ainsi, abstraction faite du grief tiré de la longueur anormale du délai précédemment évoquée, il n'est ni démontré ni allégué que le prévenu ait, au cours de la prise en charge de Madame [E] [N] et des jumeaux qu'elle portait commis une maladresse, une négligence ou une faute d'inattention de nature à engager sa responsabilité pénale .'
Ainsi le juge pénal a définitivement estimé d'une part que le délai de 20 minutes
ne fait pas l'objet d'un consensus médical et ne constitue pas une norme dont la transgression par le docteur [T] caractérise un manquement à une règle de sécurité, d'autre part qu'il n'est pas certain, en raison de la forte anémie dont il était atteint qu'une intervention plus rapide du docteur [T] aurait permis au second jumeau de survivre .
Ces constations dépourvues de toute ambiguïté qui sont le soutien nécessaire de
la décision de relaxe dont a bénéficié le docteur [T] s'imposent au juge civil .
Elles sont la réponse aux griefs formulés par les consorts [S] devant cette cour,
Elles excluent toute faute du docteur [T] mais également l'absence de toute perte de chance.
Dans ces conditions la demande présentée par les consorts [N] ne peut qu'être déclarée irrecevable .
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé .
L'équité ne commande pas d'accueillir les demandes présentées en application de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré .
Rejette toutes autres demandes .
Condamne M. [J] [N] agissant tant en son nom propre, qu'en sa qualité d'ayant droit de son épouse et en qualité de représentant légal de son fils mineur [X] aux dépens dont distraction au profit de Maître olivier, avoué à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT