RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 1
ARRÊT DU 04 mai 2011
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/21460
Décisions déférées à la Cour :
Jugement du 17 Avril 2008 par Tribunal de grande instance de MEAUX RG n° 07/02733
arrêt rendu par la Cour d'appel de PARIS du 04 juin 2009,
arrêt rendu par la Cour de cassation du 06 octobre 2010,
APPELANTE
S.A. CONFORAMA FRANCE agissant en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Cour,
assistée de Me Stéphane FREGARD, avocat au barreau de NANTES
INTIMEES
FEDERATION CGT DU COMMERCE ET DE LA DISTRIBUTION agissant en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentée par Me Chantal BODIN-CASALIS, avoué à la Cour,
assisté de Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316
FEDERATION DES SERVICES CFDT agissant en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour,
assistée de Me Abdellah BESSAA, avocat au barreau de PARIS, toque : R 208
SOCIETE SYNDICAT SNECS CFE-CGC prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 février 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Yves GARCIN, Président
Madame Claire MONTPIED, Conseillère
Madame Marie-Bernadette LE GARS, conseillère légitimement empêchée,
qui en ont délibéré,
Greffier : Madame Sandie FARGIER, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- Le prononcé de la décision initialement prévu le 06 avril a été publiquement prorogé à cette date au 4 mai 2011.
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Yves GARCIN, président et par Madame Sandie FARGIER, greffier.
Par jugement du 17 avril 2008, le Tribunal de Grande Instance de Meaux a, après avoir ordonné la jonction des procédures n° 4500/07 et 2733/07,
- déclaré le CCE de la SA Conforama irrecevable en ses demandes,
- déclaré la fédération CGT du commerce et de l'industrie irrecevable en ses demandes,
- déclaré la fédération des services CFDT recevable et bien fondée en ses demandes,
- déclaré le Syndicat SNECS CFE-CGC recevable en son intervention accessoire à l'action principale de la Fédération des services CFDT,
- dit que l'article 28-i) de l'accord d'entreprise du 15 janvier 1989 ainsi rédigé :
' les salariés dont le jour de repos coïncide avec un jour férié bénéficieront d'un jour supplémentaire de congé' doit être entendu comme suit :
' les salariés dont le jour de repos hebdomadaire coïncide avec un jour férié bénéficieront d'un jour supplémentaire de congé',
- condamne la SA Conforama France à verser à la Fédération des services CFDT 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes des autres parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné le CCE de la SA Conforama et la fédération CGT du commerce et de l'industrie aux dépens, chacun pour l'assignation délivrée par ses soins et pour la signification du jugement qui lui sera faîte ;
- condamne la SA Conforama aux autres dépens ;
Par arrêt du 4 juin 2009, la présente Cour , saisie d'un appel de la Fédération CGT du commerce et de la distribution et de la SA Conforama, a :
- constaté que les dispositions du jugement entrepris relatives au CCE de la société Conforama France n'étaient pas frappées d'appel,
- confirmé le jugement entrepris en ses autres dispositions,
y ajoutant,
- condamné la société Conforama France aux dépens d'appel et au paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de la somme de 2.000 € au profit de la fédération des services CFDT, de la somme de 1.000 € au profit de la Fédération SNECS CFE-CGC et de la somme de 1.000€ au profit de la fédération CGT du Commerce et de la Distribution,
- autorisé, sur leur demande, la SCP Bernabe- Chardin- Chevillier, Me Melun, et la SCP Monin d'Auriac de Erons, avoués, à recouvrer directement les dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Par arrêt du 6 octobre 2010, la Cour de Cassation a,
-cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juin 2009 par la Cour d'appel de Paris et remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyé devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée, condamnant la Fédération CGT du commerce et de la distribution et la Fédération CFDT des services aux dépens,
-vu l'article 700 du code de procédure civile rejeté la demande de la société Conforama France,
La cassation a été prononcée au motif que ' pour décider que l'article 28i)
de l'accord d'entreprise qui énonce que 'les salariés dont le jour de repos coïncide avec un jour férié bénéficieront d'un jour supplémentaire de congé' signifiait que ' les salariés dont le jour de repos hebdomadaire coïncide avec un jour férié bénéficieront d'un jour supplémentaire de congé', que ce jour soit ou non inclus dans une période de congé du salarié, la Cour d'appel a ajouté au texte conventionnel le qualificatif 'd'hebdomadaire' qui n'y figure pas ;
Le 2 novembre 2010, la société Conforama, a saisi la présente Cour d'une demande de fixation sur renvoi ;
La société Conforama, dans le dernier état de ses écritures, signifiées le 25 janvier 2011 entend voir :
- dire que les dispositions de l'article 28 i) sont d'interprétation stricte et doivent s'entendre de la mise en oeuvre d'une règle d'attribution d'un jour de congé supplémentaire en cas de coïncidence entre un jour férié et un jour de congé payé,
- infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Meaux,
- revenir à une interprétation stricte du texte de l'article 28i,
- condamner les intimés à lui payer 4.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner le remboursement par la Fédération des services CFDT de la somme de 3.000€ résultant de l'application de l'article 700 du code de procédure civile consécutivement et respectivement au jugement du Tribunal de Grande Instance de Meaux et à l'arrêt de la Cour d'appel,
- ordonner le remboursement de la somme de 1.000€ au profit de Conforama et au débit de la Fédération SNCES CFE-CGC et de la somme de 1.000€ au profit de la Fédération CGT du commerce et de la distribution,
- condamner ces dernières aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP Gaultier Kistner Gaultier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;
La Fédération des services CFDT, par conclusions signifiées le 21 janvier 2011, demande pour sa part à la Cour de,
- confirmer le jugement du 17 avril 2008 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Meaux - constater que la SA Conforama a mis en oeuvre un avantage, pour le moins dans 38 de ses magasins, permettant à ses salariés de bénéficier d'un jour de congé payé supplémentaire quand leur jour de repos coïncide avec un jour férié et juger que cet avantage doit être étendu à tous les salariés du personnel de la société et ce indépendamment de la localisation de leur magasin,
- condamner la société Conforama à la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens dont distraction à l'avantage de la SCP Bernabe-Chardin-Cheviller, avoués ;
La Fédération CGT du commerce , de la Distribution et des Services , par conclusions signifiées le 24 janvier 2011, demande à la Cour de :
- la dire recevable en son intervention volontaire,
- confirmer les jugement du 17 avril 2008 dont appel,
- débouter la société Conforama de ses demandes,
- dire que les conditions d'application de l'article 28i) telles que mises en oeuvre au sein de Conforama introduisent une atteinte au principe d'égalité de traitement entre les salariés de l'entreprise,
- dire qu'il convient d'élargir à l'ensemble des salariés, le bénéfice d'un jour de congé supplémentaire , lorsqu'un jour de repos coïncide avec un jour férié, quel que soit le cadre dans lequel ce jour de repos intervient,
- condamner la société Conforama à lui payer 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner cette dernière aux dépens, dont distraction à l'avantage de Me Chantal Bodin-Casalis, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;
Le Syndicat SNECS CFE- CGC, par conclusions signifiées le 26 janvier 2011 entend voir,
- confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré l'action du syndicat recevable en son intervention accessoire,
- réformer le jugement et dire que conformément aux dispositions de l'article 28i de l'accord d'entreprise du15 janvier 1989, les salariés qui bénéficieront d'un jour de repos, quelle qu'en soit la cause , qu'ils soient en congés payés ou pour tout autre motif , et que ce jour coïncide avec un jour férié, bénéficieront d'un jour supplémentaire de congé ;
- condamner la société Conforama à verser au syndicat SNEC CFE-CGC une somme de 3.000€ en ce qui concerne la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés, pour ceux le concernant, par Me [E] dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Sur ce la Cour :
Considérant, sur la procédure, qu'il est suffisant aujourd'hui de constater que la société Conforama ne conteste plus la recevabilité des actions et/ou interventions à l'instance des organisations syndicales intimées ;
qu'il y a donc lieu de ce chef de confirmer le jugement déféré du chef de la recevabilité de la Fédération des services CFDT et du syndicat SNEC CFE-CGC et, en l'absence de contestation, de l'infirmer à l'égard de la Fédération CGT du commerce pour admettre la recevabilité à agir de cette dernière ;
Considérant, au fond, que l'accord d'entreprise signé le 15 janvier 1989 , reprenant en cela les termes d'un précédent accord du 20 juin 1980 , prévoit un article 28 intitulé 'congés payés', lequel a pour objet de 'compléter' le régime des congés payés établi par les articles 223.1 et suivants du code du travail ; que cet article contient diverses dispositions allant de a) à k) visant à améliorer le sort des salariés ;
qu'ainsi le point k) précédant le point i) prévoit une augmentation des jours de congés en fonction de l'ancienneté des salariés ( 1 jour ouvrable pour 10 ans d'ancienneté , 2 jours pour 15 ans .........;
qu'à sa suite, le point i, objet du litige, énonce que 'les salariés dont le jour de repos coïncide avec un jour férié bénéficieront d'un jour de congé supplémentaire ' ;
Considérant que les dispositions d'un accord collectif sont d'interprétation strictes ;
Considérant qu'il convient en conséquence , infirmant le jugement dont appel, de déduire de la place des dispositions litigieuses de l'article 28i) lesquelles sont incluses dans un article 28 intitulé 'congés payés' et de leur analyse , qu'elles signifient que, lorsqu'un jour de repos pris par un salarié, au cours de sa période de congés payés - seule question traitée à l'article 28- tombe un jour férié , il lui est attribué un jour de congé supplémentaire, étant par ailleurs précisé qu'il existe dans ce même accord un article 20 traitant des 'jours fériés' ;
Considérant par ailleurs, que les intimés soutiennent que Conforama a appliqué depuis de nombreuses années et dans 39 établissements les dispositions de l'article 28 i) , avec l'interprétation qui est la leur, à savoir, que les jours de congé 'hebdomadaire' ouvrent droit à une journée de congé s'ils tombent un jour férié ; qu'ils sollicitent en conséquence le bénéfice pour l'ensemble des salariés des dispositions plus favorables que celles de l'accord d'entreprise tel que ci-dessus interprété, qui ont été mises en oeuvre par l'employeur en faveur d'une partie du personnel, sauf à constituer une inégalité de traitement entre les salariés de l'entreprise ;
Considérant, qu'en l'absence d'une application générale au sein de l'entreprise, la pratique de certains directeurs de magasin consistant à accorder à leurs salariés la récupération des jours de repos hebdomadaires s'ils tombent un jour férié, ne saurait s'imposer à l'ensemble des salariés de l'entreprise, eu égard à l'autonomie de gestion de chacun des établissements de la société Conforama ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'étendre à l'ensemble des salariés de l'entreprise une telle pratique ;
Considérant que la nature du litige et la situation économique respective des parties, commandent de laisser à chacune d'elle la charge de ses frais irrépétibles pour la totalité de la procédure de première instance et d'appel
Considérant que Conforama demande que soit ordonnée la restitution de la somme de 3.000€ qu'il a versée à la suite du jugement du Tribunal de Grande Instance de Meaux et de l'arrêt de la Cour d'appel du 4 juin 2009 ;
Considérant cependant que le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en exécution du jugement et de l'arrêt ;
Considérant que succombant la Fédération CGT du commerce et de la distribution, la Fédération des services CFDT et la société Syndicat SNECS CFE-CGC supporteront les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
- Infirme le jugement du TGI de Meaux,
statuant à nouveau et y ajoutant,
- Rejette les demandes de la Fédération CGT du Commerce et de la Distribution,
Fédérationdes services CFDT et de la Société Syndicat SNECS CFCE CGC,
- Laisse à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles,
- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de remboursement des sommes versées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en exécution du jugement déféré à la Cour et de l'arrêt de la Cour du 4 mai 2009 ;
- Condamne la Fédération CGT du commerce et de la distribution, la Fédération des services CFDT et la société Syndicat SNECS CFE-CGC aux dépens d'appel .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT