Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 03 MAI 2011
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/13656
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009082861
APPELANTES
SELARL FHB, agissant en la personne de Maître [P] [N], agissant en qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de cession de la Société RECOVCO AFFIMET
ayant son siège [Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour
assistée de Me Emmanuel LA VERRIERE, avocat au barreau de PARIS, et de Me Antoine HONTEBEYRIE, avocat au barreau de PARIS, toque L301
(SELARL RACINE)
SELAFA MJA agissant en la personne de Maître [K] [G] agissant en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la Société RECOVCO AFFIMET
ayant son siège [Adresse 7]
[Localité 5]
représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour
assistée de Me Emmanuel LA VERRIERE, avocat au barreau de PARIS, et de Me Antoine HONTEBEYRIE, avocat au barreau de PARIS, toque L301
(SELARL RACINE)
INTIMÉES
BANK OF LONDON AND THE MIDDLE EAST PLC
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 8]
ROYAUME UNI
représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me Arnaud DE BARTHES DE MONTFORT, avocat au barreau de PARIS
toque K035
SAS RECOVCO AFFIMET
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 6]
[Localité 3]
n'ayant pas constitué avoué
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 8 mars 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nicole MAESTRACCI, Présidente
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Conseillère
Madame Evelyne DELBES, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN
MINISTÈRE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nicole MAESTRACCI, présidente et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par jugement du 19 janvier 2009, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société RECOVCO AFFIMET et fixé la date de cessation des paiements au 8 janvier 2009.
Par jugement du 10 juillet 2009, la même juridiction a arrêté le plan de cession de cette société en faveur de la société AUREA.
La liquidation judiciaire de la société RECOVCO AFFIMET a été prononcée par jugement du 14 septembre 2009 qui a désigné la SELAFA MJA, en la personne de Maître [G], en qualité de mandataire liquidateur et mis fin à la mission d'administrateur judiciaire de la SELARL FHB prise en la personne de Maître [N].
Par requête du 12 juin 2009, la BANK OF LONDON AND THE MIDDLE EAST (BLME), a revendiqué entre les mains de la SELARL FHB un stock de biens meubles corporels, constituant l'assiette d'un gage sans dépossession en sa faveur, en vertu d'un contrat de gage daté du 17 décembre 2007 contenant un pacte commissoire.
Par ordonnance du 30 octobre 2009, le juge-commissaire a ordonné la restitution à la BLME des stocks existants à la date du 16 janvier 2009 ou de leur contre-valeur financière, et a donné acte à celle-ci de ce qu'elle est en droit de réclamer le paiement des stocks existants au 16 janvier 2009 mais consommés postérieurement à cette date.
La SELAFA MJA, en la personne de Maître [G], et la SELARL FHB, prise en la personne de Maître [N], ont formé opposition à cette ordonnance.
Par jugement du 25 juin 2010, le tribunal de commerce de Paris a confirmé l'ordonnance du juge-commissaire, a renvoyé la cause devant celui-ci au titre de la valorisation du gage, et a condamné la SELAFA MJA en la personne de Maître [G], ès qualités, à payer à la BLME la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a retenu essentiellement:
- que les règles spéciales des articles L527-1 à L527-11 du code de commerce relatives au gage sur stock permettent aux établissements de crédit de disposer d'une option entre deux catégories de gage, qu'il résulte des termes du contrat conclu entre BLME et RECOVCO le 17 décembre 2007, intitulé 'gage de meubles corporels', et des éléments du dossier que les parties ont entendu opter pour le gage de droit commun défini par les articles 2333 et suivants du code civil, que le contrat de gage précise en son article 2 que ' les parties conviennent qu'étant donné la nature des obligations garanties, il est plus approprié de convenir d'un gage de biens meubles conformément aux articles 2333 et suivants du code civil et aux articles L521-1 et suivants du code de commerce plutôt que d'un gage de stocks au titre des articles L527-1 et suivants du code de commerce',
- que le gage a été pris pour garantir une créance de la BLME antérieure à la période suspecte, que le paiement en nature a été convenu dans la convention des parties, soit le 17 décembre 2007, que la réalisation de la garantie par la mise en oeuvre du pacte commissoire est intervenue avant l'ouverture de la procédure collective de sorte qu'elle n'encourt pas la nullité prévue par l'article L632-1 du code de commerce.
Par acte du 1er juillet 2010, la SELAFA MJA, en la personne de Maître [G], et la SELARL FHB, en la personne de Maître [N], ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions signifiées le 1er mars 2011, les appelants demandent à la cour d'infirmer le jugement, de dire que le contrat de gage ne peut relever que des articles L527-1 et suivants du code de commerce, de dire nul le pacte commissoire et de débouter la BLME de sa demande en revendication, de prononcer la nullité du contrat de gage au motif qu'il ne comporte pas les mentions prévues par l'article L527-1 sus-visé et qu'il n'a pas été inscrit dans les 15 jours de sa constitution sur le registre spécial prévu, à titre subsidiaire, de constater que la réalisation par la BLME du pacte commissoire est intervenue pendant la période suspecte en violation de l'article L632-1 du code de commerce et de l'annuler en conséquence, à titre encore plus subsidiaire, de constater que la BLME avait une parfaite connaissance de l'état de cessation des paiements de RECOVCO lorsqu'elle a réalisé le pacte commissoire de sorte que celui-ci doit être annulé en application de l'article L632-2 du code de commerce, en tout état de cause, de condamner la BLME au paiement de la somme de 30.000 € à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir:
- que même si l'acte de gage a été conclu sous la dénomination 'contrat de gage de biens meubles', il constitue en réalité un gage de stocks au sens des articles L527-1 et suivants du code de commerce, que la BLME est un établissement de crédit, que l'article 1.1 du contrat de gage reprend d'ailleurs in extenso la définition de l'article L527-3 du code de commerce, que dans sa déclaration de créance, la BLME qualifie elle-même sa garantie comme un contrat de gage commercial portant sur des stocks présents et à venir de RECOVCO,
- que ce gage relève d'un régime spécial, créé par l'ordonnance du 23 mars 2006 réformant le droit des sûretés, auquel les parties ne peuvent déroger en optant pour le droit commun des gages, que cette impossibilité de déroger correspond à l'intention du législateur qui a souhaité assortir ce gage de garanties supplémentaires compte tenu du caractère vital des stocks pour la continuité de l'entreprise, que le principe selon lequel les règles spéciales dérogent au règles générales doit s'appliquer, de sorte que si les parties peuvent recourir au gage sans dépossession du code civil, ils sont contraints de respecter les règles spéciales fixées par le code de commerce,
- que la règle de l'article 2354 du code civil, aux termes de laquelle 'les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle à l'application de règles particulières prévues en matière commerciale ou en faveur des établissements de prêt sur gage autorisés' doit s'appliquer en l'espèce, qu'en conséquence, l'article 2348 du code civil qui autorise le pacte commissoire ne peut faire obstacle à la règle particulière qui le prohibe; que le gage ne peut avoir pour objet de contourner les exigences des règles spéciales édictées par le code de commerce et notamment l'interdiction du pacte commissoire; que le contrat de gage est nul dés lors qu'il prévoit un pacte commissoire, qu'il ne contient pas les mentions prévues à l'article L527-1 du code de commerce et qu'il n'a pas été inscrit sur le registre spécial ouvert au greffe du tribunal de commerce,
- à titre subsidiaire, que la réalisation du pacte commissoire a eu lieu le 16 janvier 2009, soit après la date de cessation des paiements (8 janvier 2009) de sorte qu'il s'agit d'une dation en paiement, nulle en application de l'article L632-1-4 du code de commerce,
- à titre encore plus subsidiaire, que la nullité est encore encourue au titre de l'article L632-2 al1 du code de commerce dès lors que la BLME a mis en oeuvre le pacte commissoire alors qu'elle avait connaissance de la cessation des paiements,
- que s'agissant de la valorisation du gage, la revendication ne peut s'exercer que sur le prix de revente des marchandises dès lors que le jugement du 9 juillet 2009 qui a arrêté le plan de cession au profit de la société AUREA a décidé d'un mode de calcul qui a été accepté par la BLME.
Par conclusions signifiées le 8 mars 2011, la BLME demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de dire irrecevables les demandes relatives à la valorisation du stock qui ont fait l'objet d'une décision définitive du juge-commissaire en date du 30 novembre 2010, et de condamner les appelants au paiement de la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir:
- que le gage du 17 décembre 2007 a été valablement constitué, que les dispositions du code de commerce invoquées ne comportent aucune disposition exclusive de la mise en oeuvre du régime général du code civil, que la sûreté est un simple outil qui n'est jamais imposé aux créanciers par la loi, que les parties pouvaient en conséquence valablement convenir que le gage était régi par l'article 2333 du code civil,
- que le pacte commissoire a été valablement exécuté le 16 janvier 2009, qu'il n'est pas une dation en paiement, qu'il n'est pas nul dès lors qu'il a été consenti hors période suspecte,
- que le pacte commissoire n'est pas un paiement de sorte qu'il ne peut être annulé au visa de l'article L632-2 du code de commerce,
- qu'en exécution du jugement déféré, assorti de l'exécution provisoire, le juge-commissaire a statué sur la valorisation du gage (5.152.148,20 €) et que les appelants n'ont pas interjeté appel de cette décision, que la demande nouvelle relative à la valorisation du stock est en conséquence irrecevable.
SUR CE
Aux termes du 'contrat de gage de biens meubles' conclu entre les parties le 17 décembre 2007, la société RECOVCO AFFIMET a consenti à affecter, en garantie de l'exécution des obligations résultant du contrat de prêt conclu le même jour avec la BLME, des biens meubles définis comme le stock présent et futur des matières premières et approvisionnements, des produits intermédiaires, des produits résiduels et des produits finis et marchandises.
A l'article 6-2 de ce contrat, il est prévu 'conformément à l'article 2348 du code civil' qu''en cas de survenance d'un cas de résiliation, les parties consentent irrévocablement à ce que le bénéficiaire puisse librement décider, sans avoir à recourir à une quelconque procédure d'attribution judiciaire, de se voir attribuer automatiquement les biens meubles et tous autres droits compris dans l'assiette du gage conformément au présent contrat, auquel cas le bénéficiaire acquerra automatiquement la propriété des biens meubles considérés à la date de survenance du cas de réalisation.'
Il est précisé à l'article 2-2 que 'le gage est un gage sans dépossession et le bénéficiaire pourra se prévaloir des dispositions de l'article 2344 alinéa 2 du code civil. Les parties conviennent qu'étant donné la nature des obligations garanties, il est plus approprié de convenir d'un gage de biens meubles conformément aux articles 2333 et suivants du code civil et aux articles L521-1 et suivants du code de commerce plutôt que d'un gage de stocks au titre des articles L527-1 et suivants du code de commerce'.
Par lettre du 9 janvier 2009, la BLME a résilié le contrat de crédit pour non paiement des échéances et par lettre du 16 janvier 2009, elle a notifié à la société RECOVCO AFFIMET la réalisation de son gage en application du contrat sus-visé.
Les appelantes prétendent tout d'abord que ce gage relève des dispositions des articles 527-1 et suivants du code de commerce qui interdisent le pacte commissoire et sont donc exclusives de l'application des dispositions du code civil.
Aux termes de l'article L527-1 du code de commerce: 'tout crédit consenti par un établissement de crédit à une personne morale de droit privé ou à une personne physique dans l'exercice de son activité professionnelle peut être garanti par un gage sans dépossession des stocks détenus par cette personne'.
Il résulte sans ambiguïté de l'utilisation du mot 'peut' qu'il s'agit d'une possibilité offerte aux parties auxquelles aucune disposition n'interdit de prévoir l'application des règles de droit commun du gage telles qu'elles sont fixées par les articles 2333 et suivants du code civil.
Une telle interdiction ne peut davantage être déduite de l'article 2354 du code civil qui prévoit que 'les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle à l'application des règles particulières prévues en matière commerciale ou en faveur des établissements de prêt sur gage autorisés', sans établir d'exclusivité au profit de ces dernières règles.
Il s'ensuit que les parties pouvaient valablement choisir, comme elles l'ont clairement fait aux termes de l'article 2-2 dudit contrat, de se référer aux dispositions des articles 2333 et suivants du code civil dont il n'est pas contesté que les exigences ont en l'espèce été respectées.
Enfin, dès lors que les parties n'ont fait qu'user d'une option qui leur était ouverte, il ne peut être soutenu que le choix de recourir au gage de droit commun constituait une fraude à la loi.
Il s'ensuit que les appelantes ne sont pas fondées à demander la nullité du pacte commissoire.
Les appelantes font plaider à titre subsidiaire que la réalisation du pacte commissoire constitue une dation en paiement qui encourt la nullité en application de l'article L632-1 du code de commerce.
Il est constant que le principe du paiement de la créance en nature par l'attribution de la propriété du stock a été prévu dés l'origine, dans la convention du 17 décembre 2007, de sorte que la réalisation du pacte commissoire ne peut s'analyser comme une 'dation en paiement' intervenue depuis la cessation des paiement et susceptible d'être annulée au visa de l'article L632-1-1-4 du code de commerce.
Dès lors, le pacte commissoire dont il est constant qu'il a été décidé avant l'ouverture de la procédure collective, ne peut être annulé sur ce fondement.
La réalisation de ce pacte n'encourt pas davantage la nullité au visa de l'article L632-2 du code de commerce dès lors, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède qu'il ne s'agit pas d'une dation en paiement, et, d'autre part, que les seules pièces versées, qui se bornent à faire état de la défaillance de la débitrice dans le paiement des échéances, ne suffisent pas à démontrer que la BLME avait connaissance de l'état de cessation des paiements.
Enfin, la demande des appelantes tendant à limiter la valorisation du gage au prix de revente des marchandises telles qu'inventoriées par le commissaire priseur ne peut prospérer devant la cour dès lors que le juge-commissaire a statué sur la valorisation du stock par une ordonnance du 30 novembre 2010, devenue définitive.
Le jugement sera en conséquence confirmé dans toutes ses dispositions.
Compte tenu de la solution donnée au litige, les appelantes seront déboutées de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Aucune circonstance d'équité ne commande en revanche qu'elles soient condamnées de ce chef en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Rejette toutes autres demandes des parties,
Condamne la SELAFA MJA, en la personne de Maître [G], et la SELARL FHB, en la personne de Maître [N] aux dépens, qui seront comptés en frais de procédure collective et pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M.C HOUDIN N. MAESTRACCI