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29/04/2011 | FRANCE | N°10/05466

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 29 avril 2011, 10/05466


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRET DU 29 AVRIL 2011



(n° 106, 9 pages)











Numéro d'inscription au répertoire général : 10/05466.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2010 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 2ème Section - RG n° 09/01665.











APPELANTE :



SARL J.M.B. PR

ODUCTION

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 3],



représentée par la SCP ROBLIN CHAIX de LAVARENNE, avoués à la Cour,

assistée de Maître Jean ENNOCHI, avocat au barreau ...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 29 AVRIL 2011

(n° 106, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/05466.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2010 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 2ème Section - RG n° 09/01665.

APPELANTE :

SARL J.M.B. PRODUCTION

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 3],

représentée par la SCP ROBLIN CHAIX de LAVARENNE, avoués à la Cour,

assistée de Maître Jean ENNOCHI, avocat au barreau de PARIS, toque E 330.

INTIMÉ :

Monsieur [K] [V]

demeurant [Adresse 2]),

représenté par la SCP VERDUN - SEVENO, avoués à la Cour,

assisté de Maître Florence DIFFRE plaidant pour le Cabinet GÔ Associés, avocat au barreau de PARIS, toque P 135.

INTERVENANTE FORCÉE :

Société MERMON

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 1],

représentée par la SCP EDOUARD ET JEAN GOIRAND, avoués à la Cour

assistée de Maître Maud Elodie EGLOFF, avocat au barreau de PARIS, toque C 1757.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 mars 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur GIRARDET, président,

Madame REGNIEZ, conseillère,

Madame NEROT, conseillère.

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur GIRARDET, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

En 1986, une affiche représentant un cerveau humain ceint d'un sous-vêtement féminin, créée par l'artiste affichiste canadien, [K] [V], pour la promotion de la mise en scène de la pièce 'Les Femmes savantes' de Molière au théâtre du Bois de Coulonge à Québec, objet d'une édition limitée, a été primée lors du concours-graphisme de Québec puis sélectionnée dans diverses expositions dans plusieurs pays.

Elle figure dans un ouvrage édité au Québec en 2001 intitulé 'L'affiche au Québec, des origines à nos jours' qui a été distribué en France.

Informé de l'existence d'une affiche destinée à l'annonce du spectacle de l'humoriste français [N] [Z], ' Mon psy va mieux', produit par la société JMB Productions, reproduisant, selon lui, de façon quasi-servile son 'uvre, Monsieur [V] a, le 02 avril 2008, vainement enjoint au producteur d'en cesser l'exploitation et de fournir tous éléments utiles sur celle-ci avant de l'assigner en contrefaçon de ses droits d'auteur.

Par jugement rendu le 19 février 2010, le tribunal de grande instance de Paris a, avec exécution provisoire :

- déclaré Monsieur [V] recevable à agir en contrefaçon au titre de ses droits d'auteur, tant patrimoniaux que moraux, sur l'affiche créée en 1986,

- dit qu'en utilisant et en diffusant, pour la promotion du spectacle de [N] [Z], une affiche reproduisant les caractéristiques essentielles de l'affiche dont Monsieur [K] [V] est l'auteur, sans mention de son nom et en dénaturant sa forme et son esprit, la société JMB Productions a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de ce dernier,

- fait, en conséquence, interdiction à la société JMB Productions de poursuivre de tels agissements, et ce sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement,

- condamné la société JMB Productions à verser à Monsieur [V] la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux d'auteur, celle de 10.000 euros venant réparer l'atteinte à ses droits moraux d'auteur et enfin celle de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en rejetant le surplus des demandes et en condamnant la société JMB Productions à supporter les dépens.

Par actes du 05 janvier 2011, la société JMB Productions appelante a assigné en intervention forcée la société Mermon, désignée comme étant l'agence de publicité spécialisée dans les spectacles à laquelle elle s'est adressée, et Monsieur [X] [L], désigné comme le concepteur de l'affiche arguée de contrefaçon afin de se voir garantie de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Selon ordonnance rendue le 03 mars 2011, le conseiller de la mise en état a ordonné la disjonction de la procédure, le dossier opposant la SARL JMB Productions et Monsieur [V] devant se poursuivre sous l'actuel numéro de répertoire général et le dossier opposant la SARL JMB Productions et Monsieur [L] se poursuivant sous le numéro RG 11/03895.

Par dernières conclusions signifiées le 03 mars 2011, la société à responsabilité limitée JMB Productions appelante demande à la cour, au visa des articles L 122-1 et suivants, L 122-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, d'infirmer le jugement et :

- à titre principal,

de débouter Monsieur [V] de toutes ses demandes tant au titre de ses droits patrimoniaux que moraux d'auteur en considérant que le seul élément commun entre les deux affiches litigieuses réside dans un concept non protégeable en tant que tel par le droit d'auteur, qu'elle n'a pas reproduit l'affiche de Monsieur [V] en tant que telle et n'a porté atteinte ni à son droit de paternité ni à son droit au respect de l'intégrité de son oeuvre,

- à titre subsidiaire,

¿ de débouter Monsieur [V] de toutes ses prétentions et de le condamner à rembourser, avec 'intérêts de droit' à compter de leur paiement toutes les sommes versées en vertu de l'exécution provisoire en constatant que l'affiche litigieuse n'a été utilisée par elle qu'en guise d'affiche du spectacle de [N] [Z] intitulé 'mon psy va mieux' et uniquement entre septembre et décembre 2006, qu'elle n'a généré aucun revenu en tant que telle et en considérant que l'affiche dont Monsieur [V] est l'auteur ne bénéficie d'aucune notoriété en France, outre le fait que ce dernier ne rapporte pas la preuve du moindre préjudice,

¿ de condamner in solidum Monsieur [X] [L] et la société Mermon à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de Monsieur [V],

¿ de condamner Monsieur [V] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 1er mars 2011, Monsieur [K] [V] demande à la cour :

- à titre préliminaire,

au visa de l'article 555 du code de procédure civile, de déclarer irrecevable l'assignation en intervention forcée délivrée le 05 janvier 2011 à Monsieur [L] et à la société Mermon et, en conséquence, de déclarer irrecevable toute demande de la société Mermon,

en tout état de cause et au visa de l'article 564 du code de procédure civile, de déclarer irrecevable toute demande de cette société, s'agissant de demandes nouvelles ;

- en toute hypothèse

¿ de confirmer le jugement en le complétant, l'atteinte étant toujours portée à l'intégrité de la création antérieure et, par ailleurs, d'interdire à la société JMB Productions de reproduire, exploiter, diffuser, directement ou indirectement et sur tous supports, l'affiche contrefaisante et ce sous astreinte de 200 euros par infraction constatée,

¿ y ajoutant, de condamner la société JMB Productions à lui verser les sommes de 150.000 euros et de 100.000 euros en réparation de l'atteinte portée, respectivement, à ses droits patrimoniaux et moraux d'auteur, d'ordonner la publication, aux frais de l'appelante, dans trois journaux par lui désignés et sur son site internet du 'jugement' à intervenir et enfin de la condamner à lui verser la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 11 février 2011, la société par actions simplifié MERMON demande à la cour, au visa des articles L 121-1 et suivants, L 122-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle :

- à titre principal, de débouter Monsieur [K] [V] de l'intégralité de ses demandes en considérant qu'aucun acte de contrefaçon n'est constitué,

- à titre subsidiaire, de débouter la société JMB de ses demandes en considérant que la responsabilité de la société Mermon ne saurait être retenue,

- en tout état de cause , de condamner 'solidairement' Monsieur [V] et la société JMB Productions à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'assignation en intervention forcée de la société Mermon et celle des demandes formées par la société Mermon :

Considérant que pour contester la recevabilité de la délivrance, par la société JMB Productions, de cette assignation, Monsieur [V], visant l'article 555 du code de procédure civile selon lequel les personnes qui n'ont pas été parties ni représentées en première instance 'peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause' , soutient que les conditions n'en sont pas satisfaites puisque la société JMB Productions qui était à même, dès la première instance, de solliciter la garantie des concepteurs de l'affiche (dont il déclare ne pas contester la responsabilité 'solidaire'), ne peut se prévaloir d'une évolution du litige, la condamnation prononcée ne pouvant constituer un élément nouveau ;

Qu'il fait en outre valoir que sont en conséquence irrecevables les demandes de la société Mermon à son encontre, qu'elles sont, de plus, nouvelles en cause d'appel et qu'il n'existe aucun lien d'instance entre elle et lui-même ;

Que la société JMB Productions intimée rétorque que seul le tiers assigné en intervention forcée peut en soulever l'irrecevabilité et que, n'étant pas d'ordre public, elle ne peut l'être, d'office, par la cour ;

Considérant, ceci exposé, que la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité, en l'absence d'évolution du litige, de l'appel en intervention forcée d'une personne n'ayant pas été partie ni représentée en première instance, peut être proposée non seulement par l'appelé en cause mais par toute partie qui y a intérêt ;

Qu'en l'espèce, Monsieur [V], à l'encontre duquel la société Mermon forme une demande de condamnation, a intérêt à soulever le moyen ;

Qu'il est constant que la société Mermon n'était ni partie ni représentée en première instance, ainsi que le requiert l'article 555 sus-visé ;

Que, toutefois, force est de relever que la société JMB Productions ne caractérise en aucune manière en quoi l'évolution du litige justifierait la mise en cause devant la cour d'un tiers ; Qu'alors qu'une telle mise en cause exige l'existence d'un élément nouveau révélé par le jugement - qui ne saurait être la condamnation prononcée - ou survenu postérieurement à celui-ci, il ressort des pièces de la procédure que la société Mermon, à laquelle la société JMB Productions déclare s'être adressée pour concevoir l'affiche incriminée, lui était connue dès la première instance ;

Qu'il y a lieu, par conséquent, d'accueillir cette fin de non-recevoir et de déclarer irrecevable l'appel en cause d'appel de la société Mermon ;

Sur la contrefaçon :

Considérant que la société JMB Productions fait grief au tribunal d'avoir statué comme il l'a fait en écartant l'idée d'une ressemblance fortuite et en ne prenant pas en compte la diffusion confidentielle de l''uvre originale et fait valoir :

- que l'affiche litigieuse n'est pas une reproduction de l'affiche de Monsieur [V], que celui-ci ne peut légitimement revendiquer la protection d'un concept, l'idée d'associer un cerveau à un sous-vêtement féminin n'étant pas protégeable en soi et les ressemblances entre les deux affiches étant purement fortuites ;

- qu' il n'y a aucune raison que le nom de Monsieur [V] figure sur l'affiche litigieuse et qu'il ne peut arguer d'une altération matérielle de son 'uvre puisqu'elle n'a pas été utilisée ;

- que l'intimé ne pouvant tirer argument de sa notoriété et l'affiche litigieuse n'ayant été utilisée que sur très courte durée, il ne peut se prévaloir du moindre préjudice ;

Qu'en réplique, Monsieur [V] soutient :

- que l'affiche incriminée ne reproduit pas seulement la simple idée d'associer un cerveau à un vêtement féminin mais bien les caractéristiques essentielles de son oeuvre qui constitue une mise en forme originale de ce concept, comme telle éligible à la protection par le droit d'auteur ;

- que l'affiche litigieuse est une reproduction quasi-servile de son dessin, que tout emprunt, nonobstant sa brièveté, est une contrefaçon, que la rencontre fortuite invoquée par l'appelante est dénuée de sérieux et que celle-ci ne peut résulter que d'un emprunt volontaire ;

- que cette reproduction qui s'approprie la paternité de son 'uvre et l'altère matériellement en en modifiant l'esprit, porte atteinte à son droit moral ;

- qu'il n'a jamais perçu la moindre rémunération du fait de l'exploitation litigieuse de sa création et peut se prévaloir de la dépréciation de son 'uvre ;

Sur le caractère protégeable de l'oeuvre de Monsieur [K] [V] :

Considérant que l'affiche réalisée par Monsieur [V] qui supporte, concentrés dans ses parties supérieure et inférieure, le nom de la pièce de théâtre, de son auteur et du lieu de représentation, donne à voir, centré sur un fond clair coloré, le dessin d'un cerveau vu du dessus, légèrement oblong, aux circonvolutions ombrées, traversé par un sillon central délimitant ses deux hémisphères, échancré de part et d'autre, à la base duquel est enfilé, comme pourrait l'être un sous-vêtement épousant la forme du corps humain, très ajusté, de petite dimension et vu de face, un slip féminin de couleur rouge, noué de part et d'autre du cerveau, dont la ceinture se situe dans la partie inférieure dudit cerveau ;

Que cette affiche n'est pas, comme le soutient l'appelante, la simple traduction de l'idée consistant à associer un cerveau et un vêtement féminin, mais constitue une oeuvre qui se singularise par la combinaison de ses caractéristiques, tels le positionnement central de cet organe, son importance au sein de l'affiche qu'hormis les indications sur le spectacle annoncé il est seul à occuper et qui est accentuée par la présence d'un fond clair, la vision sommitale qu'offre le dessin, la mise en valeur du relief et de la matière du cortex par le graphisme ou encore le choix de ce sous-vêtement féminin particulier, triangulaire, qui attire le regard par sa couleur et par le fait qu'il est le seul effet habillant ce cerveau en suggérant l'idée qu'il est porté par un corps humain ;

Que la combinaison de ces différents éléments témoigne d'un effort créatif et porte l'empreinte de la personnalité de son auteur en sorte que cette 'uvre est éligible à la protection conférée par le droit d'auteur ;

Sur les actes de contrefaçon :

Considérant que la contrefaçon s'apprécie par les ressemblances et non, comme le voudrait l'appelante, par les différences ;

Que l'affiche exploitée par la société JMB Productions représente, centré sur un fond de couleur sombre et encadré du nom de l'humoriste, du titre et du lieu de son spectacle, l'image du sommet d'un cerveau, légèrement oblong, aux circonvolutions marquées, de couleur claire et brillante, traversé par un sillon central délimitant ses deux hémisphères, échancré à sa base, sur laquelle est enfilé, comme pourrait l'être un sous-vêtement épousant la forme du corps humain, un string féminin satiné de couleur rose, agrémenté d'une légère dentelle sur les côtés, présenté de dos avec la forme d'un triangle et dont la fine ceinture se situe dans la partie inférieure dudit cerveau ;

Que les différences relevées par l'appelante et qui tiennent aux textes respectifs de ces deux affiches, à la technique mise en 'uvre, aux couleurs, au caractère moins marqué de l'une des échancrures du cerveau représenté dans l'affiche incriminée, à la face visible des sous-vêtements et à leur nature, selon elle, différemment suggestive, sont insignifiantes et ne suffisent pas écarter la contrefaçon tenant à la reprise des éléments caractérisant l'originalité de l'oeuvre de Monsieur [V] ;

Que l'importance des ressemblances que présentent ces deux affiches, le fait que l'auteur de l'affiche incriminée qui revendique, dans une attestation, l'originalité de sa propre création soit un professionnel oeuvrant depuis de longues années dans ce domaine particulier (pièce 22) et qu'il est justifié de la diffusion, à travers diverses expositions de par le monde et par la publication d'un ouvrage commercialisé en France, de l'affiche de Monsieur [V], ne permettent pas à la société JMB Productions d'affirmer, pour se dédouaner, que cette reprise est fortuite ou que l'affiche contrefaite n'aurait connu qu'une diffusion 'confidentielle' ;

Qu'enfin, les moyens que présente par l'appelante pour dénier l'existence d'un préjudice, tenant à l'absence de contrefaçon ou à la diffusion restreinte de chacune des deux affiches sont dénués de pertinence ;

Que le jugement mérite, par conséquent, confirmation sur ce point ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que pour affirmer qu'une éventuelle condamnation ne pourrait qu'être symbolique, l'appelante tire encore argument de la faible diffusion de l'affiche contrefaite, qui a fait l'objet d'un tirage limité, n'a reçu aucune récompense ni n'a été exposée en France, où son auteur ne bénéficie pas de la notoriété qu'il revendique ;

Qu'elle argue, par ailleurs, de la courte durée de l'exploitation de l'affiche contrefaisante, laquelle a été défavorablement accueillie lors du début de la programmation du spectacle, en septembre 2006, et a été remplacée dès février 2007 par une nouvelle affiche montrant l'humoriste assis dans un fauteuil surdimensionné ;

Qu'elle soutient, enfin, que si sa conception lui a coûté environ 6.000 euros HT, elle n'a été utilisée que pour annoncer le spectacle, sans exploitation distincte et que, dénuée de potentiel commercial, elle ne peut générer ni perte de revenus pour Monsieur [V] ni gain pour elle ;

Mais considérant qu'à bon droit, Monsieur [V] rétorque qu'il est fondé à se prévaloir de la perte de redevances sur l'exploitation de son oeuvre, s'il y avait consenti, de la perte sur la maîtrise de son oeuvre, de sa banalisation, de sa dépréciation et de son avilissement du fait de l'exploitation contrefaisante ou encore du profit indirect réalisé par le contrefacteur résultant de l'impact, sur le public, de l'affiche ;

Que pour attester de la reconnaissance de la valeur de son 'uvre dans le milieu de l'affiche, il verse diverses appréciations provenant, en particulier, des sites de la cinémathèque de Québec ou de Namur où ses oeuvres ont été exposées ou encore l'ouvrage sur l'affiche au Québec de Monsieur [H]; que sa volonté affirmée d'en restreindre les tirages n'est pas contestée par l'appelante, même ci cette dernière n'y voit qu'un indice du caractère confidentiel de l''uvre alors que l'auteur entend par ce moyen éviter sa banalisation ;

Que, s'agissant de la durée d'exploitation de l'affiche litigieuse, Monsieur [V] soutient pertinemment que celle-ci, facturée en octobre 2005 (pièce 8), était destinée à assurer le lancement du spectacle et qu'elle a été diffusée dès avant ses premières représentation ; qu'il justifie de sa présence persistante sur internet au delà de la date à laquelle l'appelante déclare avoir cessé de l'exploiter ; que l'affiche litigieuse illustre, en effet, une jaquette de DVD commercialisée sur internet et visible en avril 2008 (pièce 15) ou accompagne une offre de vente du spectacle sur le site en juin 2008 (pièce 11) ;

Que, s'agissant des bénéfices réalisés, l'appelante ne peut valablement soutenir que ce support publicitaire était dépourvu de potentiel économique ; qu'à cet égard, accordant une interview, publiée dans la revue 'Metro' du 23 novembre 2006 et reproduite sur internet, [N] [Z], répond à une question relative à la création de cette affiche : 'je voulais un string comme toujours. On l'a mis sur un cerveau parce que ça ressemble à des fesses. C'est amusant parce qu'il n'y a même plus besoin de mettre ma tête, quand les gens voient ce slip sur fond noir, ils savent que c'est moi' (pièce 10) ;

Que, par delà cet affichage urbain, Monsieur [V] établit également, notamment par un constat d'huissier dressé le 14 avril 2008, que l'affiche litigieuse a fait l'objet d'une large diffusion, sur internet, par le biais d'émissions de télévision, par sa présence sur la jaquette de DVD, pour promouvoir le spectacle à [Localité 4] en novembre 2007 ou encore par voie de presse, ayant, en particulier, figuré en première page de l'hebdomadaire 'l'officiel des spectacles' du 13 au 19 septembre 2006 qui fait l'objet d'un important tirage (pièces 4 à 9) ;

Qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement en son évaluation des préjudices et de condamner la société JMB Productions à verser à Monsieur [V] la somme de 30.000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux d'auteur et de 15.000 euros en réparation de l'atteinte portée à des droits moraux d'auteur ;

Que la mesure d'interdiction telle qu'ordonnée par le tribunal répare à suffisance le préjudice subi ; qu'elle sera, par conséquent, confirmée, à l'instar du rejet de la demande de publication ;

Sur les mesures accessoires :

Considérant que l'équité conduit à allouer à Monsieur [V] une somme complémentaire de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à rejeter le surplus des demandes à ce titre ;

Que l'appelante qui succombe supportera les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Déclare la société JMB Productions irrecevable en sa demande d'intervention forcée formée en cause d'appel à l'encontre de la société Mermon ;

Confirme le jugement déféré à l'exception du montant des indemnités allouées au titre de l'atteinte aux droits patrimoniaux et moraux d'auteur et, statuant à nouveau en y ajoutant ;

Condamne la société JMB Productions à verser à Monsieur [K] [V] :

- la somme de 30.000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux d'auteur,

- la somme de 15.000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses droits moraux d'auteur,

- la somme complémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société JMB Productions aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 10/05466
Date de la décision : 29/04/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°10/05466 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-04-29;10.05466 ?
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