Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 4
ARRÊT DU 05 AVRIL 2011
(n° 180 , 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/04770
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Février 2007 - Tribunal d'Instance de PARIS 10ème arrondissement - RG n° 11-06-000664
APPELANTS :
- ASSOCIATION DES LOCATAIRES DU [Adresse 3] agissant poursuites et diligences en la personne de son Président
ayant son siège [Adresse 3]
- Monsieur [C] [W]
demeurant [Adresse 3]
- Madame [V] [W]
demeurant [Adresse 3]
- Monsieur [G] [H] (désistement d'appel)
demeurant [Adresse 3]
- Madame [M] [K] [F] (désistement d'appel)
demeurant [Adresse 3]
- Madame [S] [D] (désistement d'appel)
demeurant [Adresse 3]
- Monsieur [L] [F] (désistement d'appel)
demeurant [Adresse 3]
- Madame [Z] [DC] (désistement d'appel)
demeurant [Adresse 3]
- Madame [TC] [A] (désistement d'appel)
demeurant [Adresse 3]
- Monsieur [B] [O] [GO] (désistement d'appel)
demeurant [Adresse 4]
- Madame [I] [WO]
demeurant [Adresse 3]
- Madame [JG] [X] [P] épouse [GO] (désistement d'appel)
demeurant [Adresse 4]
- Monsieur [E] [R] (désistement d'appel)
demeurant [Adresse 3]
- Monsieur [G] [N] (décédé le 28/11/2009)
- Monsieur [Y] [U] (désistement d'appel)
demeurant [Adresse 3]
- Madame [T] [H] (désistement d'appel)
demeurant [Adresse 3]
tous représentés par Maître Chantal BODIN-CASALIS, avoué à la Cour
assistés de Maître Pierre BOUAZIZ, avocat plaidant pour la SCP BOUAZIZ-BENAMARA, avocats au barreau de PARIS, toque P215
INTIMÉE :
- S.A.S. SOCIETE IMMOBILIERE PARADIS POISSONNIERRE (SIPP), prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 6]
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Maître Thierry CHAPRON, avocat au barreau de PARIS, toque P0479
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques REMOND, Président
Madame Marie KERMINA, Conseillère
Madame Claude JOLY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé : Madame OUDOT
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques REMOND, président et par Madame OUDOT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****************
La Cour est saisie de l'appel interjeté par :
- monsieur [C] [W] et madame [V] [W],
- monsieur [E] [R] et monsieur [Y] [U],
- monsieur [L] [F] et madame [J] [F],
- madame [TC] [A],
- monsieur [G] [H] et madame [T] [H],
- madame [S] [D],
- monsieur [G] [N] et madame [I] [WO],
- monsieur [B] [O] [GO] et madame [JG] [X] [GO], née [P],
- madame [Z] [DC],
- l'association des locataires du [Adresse 3],
d'un jugement rendu le 14 février 2007, par le Tribunal d'Instance de Paris 10ème arrondissement, qui a :
- débouté les demandeurs de leurs prétentions ;
- déclaré régulières les notifications valant offre de vente délivrées sur le fondement de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ;
- validé les congés pour vendre délivrés le 7 juin 2006 à monsieur et à madame [GO] pour le 14 janvier 2007, sur le fondement de l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 ;
- ordonné l'expulsion de monsieur et de madame [GO] et celle de tous occupants de leur fait, en les formes légales et accoutumées, avec l'assistance de la force publique si nécessaire ;
- ordonné le transport et la séquestration de leurs meubles et objets mobiliers dans tout garde-meubles au choix de la bailleresse, en garantie des indemnités d'occupation et réparations locatives susceptibles d'être dues ;
- condamné monsieur et madame [GO] au paiement d'une indemnité journalière d'occupation égale à 5 % du dernier loyer mensuel majoré du montant des charges, du 15 janvier 2007 jusqu'à complète libération des lieux ;
- condamné monsieur et madame [W], monsieur et madame [F], madame [DC], monsieur et madame [GO], messieurs [R] et [U], monsieur et madame [H], madame [D], madame [A], madame [WO] et monsieur [N], ainsi que l'association des locataires du [Adresse 3] au paiement de la somme de 800 € (par appartement, en ce qui concerne les locataires), sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamné les 'défendeurs' (en réalité les demandeurs) aux dépens, en ce compris le coût des notifications des offres de vente et, pour monsieur et madame [GO], le coût des congés pour vendre ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
*
* *
Les faits et les demandes des parties
Propriétaire de l'immeuble situé à [Adresse 3], qui comprend plus de dix logements, la SAS immobilière PARADIS POISSONNIÈRE (ci-après la SIPP) a décidé de le mettre en vente par lots; à cette fin, elle a mis en oeuvre les dispositions de l'accord collectif du 9 juin 1998.
Par lettre datée du 11 mars 2005, la société CATELLA RESIDENTIAL PARTNERS, chargée par la SIPP, de la commercialisation de l'immeuble, a invité les locataires à une réunion d'information qui s'est tenue le 22 mars 2005 et au cours de laquelle chaque locataire présent s'est vu remettre un livret d'information locataire.
Suivant lettres datées des 14 et 23 mars 2005, le propriétaire a informé le maire du [Localité 1] de son intention de procéder à la vente du [Adresse 3], immeuble se composant d'un rez de chaussée et de six étages et devant comporter, après mise en copropriété, 73 lots répartis de la façon suivante:
- 22 lots à usage d'habitation,
- 6 lots à usage commercial,
- 29 lots à usage de cave ou de réserve,
- 16 lots à usage de 'chambres de services'.
Le 7 avril 2005, l'association des locataires du [Adresse 3], a informé le propriétaire de sa création ; le 14 avril 2005, elle a été enregistrée à la Préfecture de Police.
Le 7 juin 2006, monsieur et madame [GO] ont reçu un congé pour vendre à effet du 14 janvier 2007, congé fondé sur l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989.
Les locataires se sont vu notifier, le 8 juillet 2005, des offres de vente fondées sur l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975.
Par acte d'huissier daté du 7 novembre 2006, monsieur et madame [W], messieurs [R] et [U], monsieur et madame [F], madame [A], monsieur et madame [H], madame [D], monsieur [N] et madame [WO], monsieur et madame [GO], madame [DC], ainsi que l'association des locataires du [Adresse 3], ont fait assigner la société immobilière PARADIS POISSONNIÈRE devant le Tribunal d'Instance, aux fins, notamment, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de voir constater la violation de l'accord collectif de location du 9 juin 1998, de voir annuler les offres de vente délivrées aux locataires et le congé pour vendre délivré aux époux [GO], et de voir dire que le droit de préemption des locataires n'était pas purgé et que le contrat de location des époux [GO] s'était renouvelé pour six ans aux conditions antérieures.
Par ordonnances rendue les 22 novembre 2006 et 17 janvier 2007, le Président du Tribunal d'Instance de PARIS 10ème arrondissement, statuant en référé, a ordonné à certains locataires assignés par la SIPP de permettre au propriétaire, dans un délai de huit jours de la signification de cette décision, de laisser visiter les lieux loués aux heures amiablement fixées et, à défaut, pendant deux heures par jour, ce, pendant quatre mois suivant la signification de l'ordonnance, avec, si nécessaire, le recours à la force publique; passé ce délai, les défendeurs étaient tenus d'une astreinte de 50 € par jour de retard, durant un mois, délai à l'issue duquel il pourra être statué sur une nouvelle astreinte.
Le 14 février 2007, le Tribunal d'Instance a rendu le jugement dont monsieur et madame [W], messieurs [R] et [U], monsieur et madame [F], madame [A], monsieur et madame [H], madame [D], monsieur [N] et madame [WO], monsieur et madame [GO], et madame [DC], ainsi que l'association des locataires du [Adresse 3], ont relevé appel.
Le 5 septembre 2007, madame [S] [D] s'est désistée de son appel, et ce, aux offres de droit.
Le 14 mars 2008, messieurs [E] [R] et [Y] [U] se sont désistés de leur appel ; par conclusions signifiées le 23 janvier 2009, la SIPP a accepté le désistement de ces deux appelants, chacun conservant à sa charge ses frais et dépens.
Le 12 novembre 2009, madame [J] [F] et monsieur [L] [F] se sont désistés de leur appel ; par conclusions signifiées le 1er décembre 2009, la SIPP a accepté le désistement de ces deux appelants, chacun conservant à sa charge ses frais et dépens.
Madame [JG] [X] [GO], née [P], et monsieur [B] [O] [GO], puis madame [TC] [A] se sont désistés de leurs appels, respectivement les 1er et 2 décembre 2009.
Le 23 juin 2010, monsieur [G] [H] et madame [T] [H] se sont désistés de leur appel, chaque partie conservant ses frais.
Le 16 septembre 2010, madame [Z] [DC] s'est désistée de son appel, aux offres de droit ; par conclusions signifiées le 21 septembre 2010, la SIPP a accepté ce désistement, et ce, aux offres de droit.
La clôture a été prononcée le 14 septembre 2010.
À la demande de la Cour et suivant lettre datée du 15 octobre 2010, reçue au Greffe le 18 octobre 2010, maître BODIN CASALIS, avoué des appelants, a fait parvenir l'acte de décès de monsieur [G] [N], survenu le [Date décès 5] 2009.
Dans leurs dernières conclusions récapitulatives et en réplique n°3 signifiées le 15 juin 2010, monsieur [C] [W] et madame [V] [W], madame [Z] [DC], madame [T] [H] et monsieur [G] [H], madame [I] [WO] et l'association des locataires du [Adresse 3] (ci-après les appelants) demandent à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :
- mettre à néant les ordonnances de référé rendues par le Tribunal d'Instance du 10ème arrondissement de Paris, les 22 novembre 2006 et 17 janvier 2007 ;
- ordonner le remboursement des sommes versées en exécution des dites ordonnances ;
- dire et juger que l'accord collectif de location conclu le 9 juin 1998 a été violé sur les points ci-dessus énumérés ;
- en conséquence, dire et juger :
- les notifications d'offres de vente nulles et de nul effet ;
- qu'elles ne purgent pas les obligations de notifications d'offres de vente instituées par les dispositions d'ordre public de l'accord collectif ;
- que le droit de préemption des locataires n'est pas purgé ;
- que, si la SIPP entend poursuivre la vente des logements loués aux concluants, elle devra préalablement procéder à une nouvelle notification de l'offre de vente, après le respect des formalités prévues par les accords collectifs, c'est à dire après l'établissement de diagnostics concertés avec l'association des locataires ;
- débouter la SIPP de ses demandes relatives au droit de visite des logements loués aux concluants, tant que leur droit de préemption n'aura pas été valablement purgé ;
- condamner la SIPP à verser à chacun des concluants (par appartement pour les locataires) les sommes suivantes :
- 5 000 €, à titre de dommages et intérêts, en raison de la procédure manifestement abusive diligentée contre eux ;
- 4 000 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamner la SIPP aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec, pour ces derniers, application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives n°3 signifiées le 26 juillet 2010, la société immobilière PARADIS POISSONNIÈRE (SIPP) demande à la Cour de :
- à titre liminaire, prendre acte de ce que la SIPP accepte le désistement d'appel de madame [JG] [X] [GO], née [P], de monsieur [B] [O] [GO], de madame [J] [F], de monsieur [L] [F], ainsi que celui de madame [T] [H] et de monsieur [G] [H], chacun conservant à sa charge ses frais et dépens ;
- constater l'extinction de l'action de monsieur [G] [N] ;
- dire et juger que la procédure organisée par l'accord collectif de location du 9 juin 1998 n'a pas vocation à s'appliquer de plein droit à la vente d'un logement occupé ;
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes ;
- à titre principal, dire et juger valides et de plein effet les offres de vente signifiées aux appelants ;
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes ;
- et y ajoutant, condamner madame [V] [W] et monsieur [C] [W] , madame [Z] [DC], madame [I] [WO] et l'association des locataires du [Adresse 3] à payer à la SIPP la somme de 4 000 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- les condamner aux entiers dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
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* *
SUR CE, LA COUR
* sur la note en délibéré
En vertu des articles 445 et 783 du Code de Procédure Civile, après la clôture, aucune note ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
Non établie en vue de répondre au Ministère Public ou à la demande du Président, la note en délibéré du 28 février 2011 et les pièces qui y sont jointes sont dès lors irrecevables ; elles seront écartées des débats.
* sur les désistements
En vertu de l'article 385 du Code de Procédure Civile, l'instance s'éteint à titre principal par l'effet du désistement.
Aux termes de l'article 401 du Code de Procédure Civile, le désistement d'appel doit être accepté si la partie à l'égard de qui il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente.
Madame [S] [D] s'étant désistée de son appel avant tout appel incident de la SIPP, son désistement n'a pas besoin d'être accepté ; il emporte soumission de payer les frais (la concernant) de l'instance éteinte (article 399 du Code de Procédure Civile).
D'autre part, les désistements de messieurs [E] [R] et [Y] [U], de madame [J] [F] et de monsieur [L] [F], et celui de madame [Z] [DC] ont été acceptés par la SIPP.
Il en est de même des désistements de madame [JG] [X] [GO], née [P] et de monsieur [B] [O] [GO], de monsieur [G] [H] et de madame [T] [H] (cf: les conclusions récapitulatives du 26 juillet 2010).
Ces acceptations rendent ces désistements parfaits au sens de l'article 395, alinéa 1, du Code de Procédure Civile, ce qui entraîne l'extinction de l'instance concernant ces parties et le dessaisissement de la Cour.
S'il ressort des conclusions de la société intimée que, d'une part, messieurs [E] [R] et [Y] [U], madame [J] [F], monsieur [L] [F], madame [JG] [X] [GO], née [P] et monsieur [B] [O] [GO], monsieur [G] [H] et madame [T] [H], et d'autre part, la SIPP conserveront à leur charge leurs frais et dépens respectifs, il n'en est pas de même pour madame [Z] [DC] qui supportera les frais (la concernant) de l'instance éteinte.
Les époux [H] et madame [DC] s'étant désistés, les conclusions des appelants signifiées en leur nom ne lient pas la Cour à leur égard.
Enfin, si la société intimé a conclu contre madame [TC] [A] les 15 et 23 novembre 2007, puis le 29 avril 2008, il apparaît qu'après le désistement de cette appelante (2 décembre 2009), son nom n'apparaît plus dans les écritures de la SIPP, qui ne formule aucune demande à son encontre.
Il en sera déduit qu'aucun motif légitime ne s'oppose à l'acceptation du désistement de madame [TC] [A], lequel sera déclaré parfait en application de l'article 396 du Code de Procédure Civile, cette appelante supportant les frais (la concernant) de l'instance éteinte.
* sur l'appel de monsieur [N]
Il est constant que monsieur [N] et madame [WO] sont titulaires d'un bail à effet du 1er juillet 1994, venant à expiration le 30 juin 2012.
Rien ne permettant de vérifier si l'action engagée par monsieur [N] est ou non transmissible à ses héritiers, il n'y a pas lieu de constater l'extinction de son action.
Au surplus, s'il est survenu le [Date décès 5] 2009, son décès n'a été notifié qu'après l'ouverture des débats devant la Cour.
En application de l'article 371 du Code de Procédure Civile, il y a dès lors lieu de rendre une décision à l'égard de cette partie.
* sur la critique des ordonnances de référé
La Cour n'étant pas saisie de l'appel de ces décisions, il n'y a pas lieu de statuer sur les chefs de demande tendant à :
- mettre à néant les ordonnances de référé rendues par le Tribunal d'Instance du 10ème arrondissement de Paris, les 22 novembre 2006 et 17 janvier 2007 ;
- ordonner le remboursement des sommes versées en exécution des dites ordonnances.
* sur les accords du 9 juin 1998
La SIPP soutient pour la première fois en cause d'appel que la procédure mise en place par les accords collectifs de location des 9 juin 1998 et 16 mars 2005 ne s'applique qu'aux seuls locataires auxquels un congé pour vente a été délivré, le but de ces accords étant de protéger ceux qui, à la suite de la délivrance d'un congé vente, sont susceptibles de quitter les lieux à défaut d'acquisition.
Elle précise qu'en l'espèce, si les époux [GO] ont reçu un congé-vente, ils se sont désistés, et qu'aucun des appelants encore en la cause n'a reçu de congé-vente.
Invoquant la théorie de l'estoppel, les appelants sollicitent le rejet de la demande de la société intimée tendant à voir déclarer non applicable au litige l'accord collectif du 9 juin 1998.
Notion d'origine anglo-saxonne, l'estoppel interdit de se contredire au détriment d'autrui ; enraciné dans l'équité et tendant à la moralisation des comportements processuels, il est à rapprocher du principe de loyauté appliqué au champ procédural.
Si les conclusions des 17 mai et 26 juillet 2010 prises par la société intimée font apparaître un changement de position de la SIPP, ce changement n'est pas, en droit, de nature à induire en erreur les appelants sur les intentions du propriétaire auquel il ne peut être reproché un manque de loyauté, dans la mesure où sa récente argumentation se fonde sur un jugement rendu les 2 février et 6 avril 2010 (rectificatif), donc peu avant la signification des écritures sus-visées, par le Tribunal d'Instance de Paris 16ème arrondissement; même si cette décision a été frappée d'appel, il ne peut être considéré que la SIPP aurait, par avance, renoncé à se prévaloir de la motivation du jugement des 2 février et 6 avril 2010.
Le moyen invoqué par les appelants sera rejeté.
En revanche, force est de constater que la société intimée a fait part aux locataires de son intention de mettre en vente par lots l'intégralité de l'immeuble comportant plus de dix logements et que son intention ou sa volonté de vendre résulte notamment :
- des deux lettres informant le maire du [Localité 1] de ce que, 'conformément au décret n°99-628 du 22 juillet 1999 portant application de l'accord collectif national de location des bailleurs institutionnels conclu le 9 juin 1998, de l'intention de la SIPP de procéder à la mise en copropriété et à la vente par lots de plus de dix logements, de l'immeuble dont elle est propriétaire, sis [Adresse 2]', cette vente devant s'effectuer 'appartement par appartement' ;
- du 'mandat exclusif de recherche d'acquéreurs', confié le 21 mars 2005 par la SIPP à la société CATELLA RESIDENTIAL PARTNERS, à laquelle il est précisé que 'le prix pour un appartement vacant et celui pour un appartement occupé sont les valeurs minimales auxquelles le mandataire est autorisé à vendre chaque lot'et qui s'est vu confier la définition, avec le mandant, d'un budget publicitaire ;
- du livret d'information locataire remis aux intéressés lors de la réunion du 22 mars 2005, document confirmant la décision du propriétaire de mettre en vente l'immeuble, appartement par appartement.
Cette simple constatation suffit à entraîner l'application des accords collectifs, et ce, peu important le nombre de congés pour vendre signifiés ou susceptibles de l'être, ou le fait que le propriétaire se soit abstenu de délivrer un congé-vente aux locataires encore en la cause, une telle abstention étant au demeurant insusceptible de s'analyser en une renonciation à vendre les logements concernés, libres de toute occupation.
Il s'ensuit que c'est à bon droit que les appelants se prévalent de l'accord collectif du 9 juin 1998, lequel est applicable au présent litige.
* sur les règles édictées par l'accord collectif
¿ sur le délai de trois mois séparant l'information personnalisée des locataires de la notification de l'offre :
Selon l'article 1.2 de l'accord collectif, postérieurement à la réunion générale d'information, chaque locataire doit recevoir une information personnalisée sur la vente, le bailleur devant respecter un délai de trois mois avant d'envoyer au locataire l'offre de vente prévue à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975.
Les informations individuelles ont été adressées aux locataires encore en la cause par lettres recommandées avec accusé de réception datées du 7 avril 2005, reçues et présentées le 8 avril 2005; les offres de vente ont été notifiées le 8 juillet 2005.
Si, en application de l'article 641, alinéa 2, du Code de Procédure Civile, les notifications des offres de vente auraient dû intervenir à compter du 9 juillet 2005, le Premier Juge a justement observé que ce délai de trois mois s'inscrivait dans l''esprit de conciliation' qui est évoqué dans le préambule de l'accord aux fins d'assurer l'équilibre entre propriétaires et locataires, qu'il avait pour objet de permettre à ces derniers de réfléchir et de s'organiser sur la proposition qui leur était faite et qu'il n'était assorti d'aucune sanction.
Ayant relevé qu'à défaut par eux de pouvoir justifier du grief que leur aurait causé la notification de l'offre de vente un jour trop tôt, le Tribunal en a justement déduit que les locataires ne pouvaient se prévaloir d'aucune irrégularité des offres de vente sur ce fondement.
Le jugement sera dès lors confirmé sur ce point.
¿ sur l'examen des modalités de réalisation des diagnostics et bilans techniques, avec ou sans l'association de locataires, et sur l'information des locataires au sujet de l'état de l'immeuble :
L'article 2.2 de l'accord collectif impose au bailleur d'informer les locataires sur l'état de l'immeuble et sur les travaux qu'il serait souhaitable de réaliser à court et moyen terme.
S'il existe des associations de locataires représentatives, les modalités de réalisation des diagnostics et bilan technique à réaliser par le propriétaire doivent être organisées de concert, et, à défaut d'association de locataires représentative, un état de l'immeuble doit être établi.
Après avoir constaté que, les 11 mars 2005 (date à laquelle le propriétaire a fait part aux locataires de son intention de procéder à la mise en vente de l'immeuble) et 22 mars 2005 (date de la réunion générale d'information), l'association des locataires n'était pas constituée et se trouvait donc dépourvue de la personnalité juridique, le Premier Juge en a justement déduit que cette situation de fait excluait sa participation à la réalisation de tout diagnostic et bilan technique.
Dès lors, il ne peut être reproché à la SIPP une absence de concertation avec l'association des locataires.
Ce moyen sera rejeté et le jugement sera confirmé sur ce point.
Si, en l'absence d'associations de locataires représentatives, l'accord collectif ne mentionne que l'établissement d'un état de l'immeuble, il n'en demeure pas moins que l'obligation d'information des locataires, destinée à leur permettre de prendre une décision éclairée, ne saurait en ce cas être réduite par rapport à celle prévue en présence d'associations de locataires, précisément plus averties ; il doit en outre être relevé que le troisième alinéa du point 2.2 prévoyant la mise à disposition des locataires des 'diagnostics et bilans techniques dès que possible' ne distingue pas selon qu'il existe ou non une association de locataires.
Il en résulte que, si l'établissement de 'l'état de l'immeuble' se fait à la seule initiative du bailleur et suivant des modalités fixées unilatéralement, son contenu doit en revanche être identique à celui prévu par l'accord pour les diagnostics et bilans techniques, c'est à dire porter sur les éléments essentiels du bâti et les équipements communs et de sécurité susceptibles d'entraîner des dépenses importantes pour les copropriétaires dans les années qui suivront la vente.
En l'espèce, c'est après un examen minutieux du 'dossier de diagnostics techniques' établi le 31 janvier 2005 par la SIPP, au vu du livret d'information locataire (qui récapitule les travaux effectués dans l'immeuble au cours des cinq dernières années et qui précise les travaux d'accompagnement à la vente pris en charge par le propriétaire dans le cadre de cette opération (202 000 €)), ainsi qu'au vu de la liste des travaux qu'il serait souhaitable d'entreprendre à court et moyen terme (liste communiquée et faisant état d'un coût évalué à 40 000 €), que le Premier Juge a, par des motifs pertinents que la Cour adopte, justement estimé que les locataires avaient reçu une information claire et exhaustive leur permettant de nourrir leur réflexion et d'arrêter leur choix et qu'il en a déduit qu'ils ne pouvaient se prévaloir d'aucun manquement du propriétaire à son obligation d'information.
Le bailleur n'ayant pas l'obligation de faire visiter par l'expert les parties privatives, dont l'état peut être évoqué avec le locataire dans le cadre de l'information individuelle (cf: l'alinéa 2 du point 2.3 de l'accord collectif), le jugement sera confirmé sur ce point.
¿ sur le règlement de copropriété :
Selon l'article 2.4, la possibilité de consulter le futur règlement de copropriété est annoncée dès qu'elle est matériellement possible.
Le livret remis aux locataires lors de la réunion du 22 mars 2005 contient un exposé des règles générales de la copropriété et leur précise, outre les coordonnées du syndic, que le règlement de copropriété et l'état descriptif de division sont à leur disposition dans l'espace vente.
La fiche d'information individuelle du 7 avril 2005 mentionne, pour chaque appartement, son numéro de lot de copropriété, le nombre de tantièmes et la superficie loi Carrez.
Le règlement de copropriété ayant été établi par acte notarié du 12 août 2005, il ne peut être considéré, comme le soutiennent les appelants, qu'ils n'auraient pas disposé suffisamment tôt des renseignements leur permettant de décider en 'toute connaissance matérielle et juridique' de l'opportunité de devenir ou non copropriétaires.
Ce moyen sera rejeté, le jugement étant confirmé sur ce point.
¿ sur l'arrêté municipal du 21 avril 2005 :
Selon l'article 1.2, dernier alinéa, de l'accord collectif, 'une information est donnée au maire de la commune et de l'arrondissement du siège de l'immeuble dès la décision de mise en vente'.
Il est constant que la SIPP a satisfait à cette obligation par lettres des 14 et 23 mars 2005.
Si, contrairement à ce que soutient la société intimée, l'arrêté municipal sus-visé est applicable à toutes les opérations en cours (article 4), il n'est prévu aucune sanction en cas de non transmission au maire des informations mentionnées aux articles 2 et 3 dudit arrêté.
Le seul fait que ce texte ait été pris dans un but de protection des locataires ne suffit pas à établir que l'absence de communication des pièces afférentes à cette vente aurait causé un quelconque grief aux locataires; il ne saurait donc entraîner la nullité du processus suivi.
Ce moyen sera en conséquence rejeté.
Il apparaît ainsi que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré régulières les notifications valant offre de vente délivrées sur le fondement de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 et en ce qu'il a débouté les époux [W], madame [WO], monsieur [N] et l'association du [Adresse 3] de leurs prétentions.
* sur la demande en paiement de dommages et intérêts
Dans la mesure où ils sont à l'origine de la saisine du Tribunal et où leurs demandes sont rejetées, les locataires encore en la cause et l'association des locataires du [Adresse 3], ne sont pas fondés à reprocher à la SIPP d'avoir diligenté à leur encontre une 'procédure abusive'.
Leur demande en paiement de dommages et intérêts sera en conséquence rejetée.
Sur les frais irrépétibles
L'issue du litige exclut l'application, en faveur des appelants, des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
S'il y a lieu de confirmer le jugement qui a alloué à la SIPP une indemnité de 800 € (par appartement, pour les locataires) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles exposés par elle en cause d'appel.
Il lui sera alloué de ce chef, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, une indemnité complémentaire unitaire de 1 200 € que devront acquitter, d'une part, les époux [W] (ensemble), madame [WO] et, d'autre part, l'association du [Adresse 3].
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevables et écarte des débats la note en délibéré reçue le 1er mars 2011, ainsi que les pièces qui y sont jointes ;
Constate le désistement d'appel de Madame [S] [D] ;
Déclare parfaits les désistements de messieurs [E] [R] et [Y] [U], de madame [J] [F] et de monsieur [L] [F], celui de madame [Z] [DC], ainsi que ceux de madame [JG] [X] [GO], née [P] et de monsieur [B] [O] [GO], de monsieur [G] [H] et de madame [T] [H] ;
Déclare parfait le désistement de madame [TC] [A] ;
Constate l'extinction de l'instance concernant ces parties et le dessaisissement de la Cour ;
Dit que la Cour n'est saisie que des conclusions des appelants signifiées au nom de monsieur [C] [W] et de madame [V] [W], de madame [I] [WO] et de monsieur [G] [N], et de l'association des locataires du [Adresse 3] ;
Dit que messieurs [E] [R] et [Y] [U], madame [J] [F], monsieur [L] [F], madame [JG] [X] [GO], née [P] et monsieur [B] [O] [GO], monsieur [G] [H] et madame [T] [H], d'une part et la SIPP, d'autre part, conserveront à leur charge les frais et dépens exposés par eux dans le cadre des instances éteintes ;
Dit que mesdames [S] [D], [Z] [DC] et [TC] [A] supporteront les frais et dépens des instances éteintes les concernant ;
Rejette la demande tendant à voir constater l'extinction de l'action de monsieur [G] [N] ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les chefs de demande tendant à :
- mettre à néant les ordonnances de référé rendues par le Tribunal d'Instance du 10ème arrondissement de Paris, les 22 novembre 2006 et 17 janvier 2007 ;
- ordonner le remboursement des sommes versées en exécution des dites ordonnances ;
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré régulières les notifications valant offre de vente délivrées sur le fondement de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 et en ce qu'il a débouté les époux [W], madame [WO], monsieur [N] et l'association du [Adresse 3] de leurs prétentions ;
Y ajoutant,
Déboute monsieur [C] [W] et madame [V] [W], madame [I] [WO] et monsieur [G] [N], ainsi que l'association des locataires du [Adresse 3] de l'ensemble de leurs demandes, y compris de celles tendant à l'octroi de dommages et intérêts ;
Condamne :
- monsieur [C] [W] et madame [V] [W] (ensemble),
- madame [I] [WO],
et l'association des locataires du [Adresse 3] à verser à la SAS immobilière PARADIS POISSONNIÈRE (SIPP) la somme complémentaire unitaire de 1 200 € (par appartement pour les locataires), en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Déboute la SAS immobilière PARADIS POISSONNIÈRE (SIPP) du surplus de ses demandes ;
Condamne monsieur [C] [W] et madame [V] [W], madame [I] [WO], ainsi que l'association des locataires du [Adresse 3] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
La Greffière, Le Président,