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23/03/2011 | FRANCE | N°09/23177

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 7, 23 mars 2011, 09/23177


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 7



ARRET DU 23 MARS 2011



(n°15, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/23177



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/09510





APPELANT



Monsieur [R] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, a

voué à la Cour

assisté de Me Bruno ILLOUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C1118





INTIMEES



Madame [Z] [L]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 7

ARRET DU 23 MARS 2011

(n°15, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/23177

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/09510

APPELANT

Monsieur [R] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assisté de Me Bruno ILLOUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C1118

INTIMEES

Madame [Z] [L]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assistée de Me BERGEZ Noémie, substituant Me Olivier HUGOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2501

S.A.R.L. TASCHEN FRANCE, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par la SCP FANET SERRA, avoués à la Cour

assistée de Me Thomas HOFFMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0286

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Février 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Alain VERLEENE, Président,

Gilles CROISSANT, Conseiller

François REYGROBELLET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, Valène JOLLY lors des débats :

MINISTERE PUBLIC :

représenté lors des débats par [G] [Y] [T], qui a fait connaître son avis et par [F] [S], au prononcé de l'arrêt.

Monsieur Alain VERLEENE a été entendu en son rapport.

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Alain VERLEENE, président

- signé par Alain VERLEENE, président et par Valène JOLLY, greffier présent lors du prononcé.

******************************

Vu l'assignation délivrée à la requête de [Z] [L] et par laquelle cette dernière, au visa des articles 9, 1353 du Code Civil et 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, a sollicité du tribunal la condamnation de [R] [C] et de la société TASCHEN FRANCE à réparer les préjudices résultant des atteintes à son droit à l'image et au respect de sa vie privée à la suite de la publication d'un ouvrage intitulé '[R] [C] V';

Vu le jugement, auquel il est expressément référé en ce qui concerne les prétentions initiales des parties, par lequel, le 21 octobre 2009, la 17ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris a :

- rejeté la demande de [R] [C] tendant à voir appliquer le droit américain aux rapports entre les parties,

- dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les contrats d'autorisation du 30 mars 2005,

- condamné [R] [C] à payer à [Z] [L] la somme de 2.500 €uros au titre de l'atteinte portée à son droit à l'image et celle de 2.500 €uros au titre de l'atteinte à sa vie privée,

- fait injonction à la société TASCHEN FRANCE prise en sa qualité de distributeur, de retirer l'ouvrage '[R] [C] V' comportant les clichés litigieux du circuit de distribution et de diffusion et de prendre toute mesure pour le retirer des lieux de vente sous une astreinte de 50 €uros par manquement constaté,

- débouté [Z] [L] de ses autres demandes,

- condamné in solidum [R] [C] et la société TASCHEN FRANCE à payer à [Z] [L] la somme de 3.000 €uros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- et ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

Vu les conclusions par lesquelles [R] [C], appelant, demande à la cour :

- d'infirmer le jugement dont appel,

- de juger qu'il n'a commis aucune faute en faisant publier par les éditions TASCHEN GmbH les photographies de [Z] [L],

- de débouter cette dernière de ses demandes,

- d'ordonner la restitution des sommes versées par lui à la suite de l'exécution du jugement,

- de lui allouer la somme de 6.000 €uros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de condamner [Z] [L] aux entiers dépens ;

Vu les conclusions de la société TASCHEN FRANCE, intimée, qui demande à la cour :

- de rejeter toutes les demandes de [Z] [L],

- subsidiairement, de condamner [R] [C] à garantir TASCHEN FRANCE de toute condamnation éventuelle prononcée à son encontre, de juger que [R] [C] doit supporter la charge définitive de la condamnation au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile prononcée en première instance et de le condamner à payer à la société TASCHEN FRANCE la somme de 3.244, 73 €uros versée par elle à la suite de l'exécution du jugement,

- en tout état de cause, de condamner [R] [C] , outre aux dépens, à lui verser la somme de 2.500 €uros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Vu les conclusions de [Z] [L], intimée, qui demande à la cour :

- de constater que les contrats français versés aux débats par [R] [C] en cause d'appel sont douteux et contredisent ceux qu'il avait versé aux débats de première instance,

- d'enjoindre [R] [C] à verser les originaux de ces contrats ;

- et tout état de cause, d'écarter ces contrats des débats,

- de dire et juger que les autorisations cédées par elle ne concernaient pas des photographies à caractère pornographique,

- de dire et juger que [R] [C] a porté atteinte à son droit à l'image et au droit à l'intimité de sa vie privée,

- de confirmer le jugement entrepris et de débouter [R] [C] et la société TASCHEN FRANCE de leurs demandes,

- de les condamner in solidum, outre aux entiers dépens, à lui verser la somme de 5.000 €uros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 9 février 2011.

Sur ce :

[Z] [L] expose avoir posé nue à deux reprises , à [Localité 7], les 5 janvier et 30 mars 2005, pour le photographe professionnel [R] [C], ce dernier lui ayant proposé, lors de la seconde séance, d'entretenir avec lui une relation sexuelle qui a fait l'objet de clichés réalisés par l'amie du photographe.

Elle précise avoir signé, lors de chacune de ces séances, une autorisation de reproduction et de diffusion de ces photographies, limitée, quant à celles issues de la deuxième séance, à des 'collections privées' et affirme qu'elle ne détenait, avant la présente procédure, aucun exemplaire de ces documents.

Elle devait constater, courant 2009, qu'une photographie réalisée le 5 janvier 2005- dont elle ne conteste pas la publication- et neuf clichés sexuellement explicites la représentant et issus de la seconde séance étaient reproduits dans un ouvrage intitulé '[R] [C] V' publié par les éditions TASCHEN GmbH et distribué en France par la société TASCHEN FRANCE.

Elle soutient qu'elle n'a jamais autorisé la diffusion de ces neuf photographies qui ne pouvaient être utilisées que dans un cadre privé et qu'il a ainsi été porté atteinte à son droit à l'image et à celui du respect de sa vie privée.

La charge de la preuve de l'autorisation de publication incombant à celui qui reproduit l'image contestée, [R] [C] a produit devant les premiers juges l'original d'un contrat rédigé en anglais, intitulé 'Model release and certification' et auquel est jointe une traduction non officielle mais non contestée.

Ce contrat de cession de droits, en date du 30 mars 2005 et correspondant aux images litigieuses réalisées lors de la seconde séance, ce qui n'est pas davantage contesté, exclut de son champ 'les représentations visuelles' à 'caractère sexuel explicite',ce qui a permis au tribunal de juger, à bon droit, que [R] [C] ne pouvait se prévaloir de ce document pour exciper du consentement à publication de [Z] [L], compte tenu de la nature des clichés en cause et décrits en page 5 du jugement auquel il est expressément référé.

[R] [C] a produit un contrat identique en la forme et comportant la même clause pour les prises de vue réalisées le 5 janvier 2005.

Dans le cadre d'une procédure en référé aux fins de suspension de l'exécution provisoire du jugement, demande rejetée par ordonnance du 27 janvier 2010, [R] [C] a produit les photocopies de deux contrats portant les mêmes dates des 5 janvier et 30 mars 2005 mais cette fois rédigés en français.

Les produisant devant la cour, il prétend que ces contrats n'ont pas été présentés aux premiers juges en raison du fait qu'ils étaient archivés aux Etats-Unis.

Outre les extrêmes réserves émises par [Z] [L] quant à l'authenticité de ces documents dont les originaux ne sont pas produits mais qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats, il convient d'observer ce qui suit :

- l'existence de ces contrats rédigés en français n'a pas été signalée aux premiers juges et il a été au contraire soutenu devant ces derniers, sur la base des documents en langue anglaise, que la loi américaine était applicable au présent litige ;

- 'les difficultés d'archivage' alléguées semblent peu compatibles avec la pratique généralisée de la numérisation des documents et de leur transmission par internet notamment chez les photographes professionnels ;

- le document en français daté du 5 janvier 2005 mentionne en son article 1 que [Z] [L] 'accepte de poser [souligné par nous]...dans des scènes sexuellement explicites' et, en son article 2, qu'elle cède à [R] [C] l'ensemble des droits de reproduction sur tous supports moyennant la 'somme globale et forfaitaire' de 300 €uros , précision étant faite que les clichés litigieux n'ont pas été réalisés lors de cette séance ( ce qui était admis par l'appelant devant le tribunal) et que ce 'nouveau' document ne fait pas disparaître le contrat établi en anglais à la même date et excluant de la cession de droits les photographies à caractère sexuel explicite ;

- le document en français daté du 30 mars 2005 mentionne en son article 1 que '[Z] [L] accepte de poser lors de séances de photographies et vidéos', sans précision sur la nature des scènes photographiées, et, en son article 2, qu'elle cède à [R] [C] l'ensemble des droits de reproduction et de commercialisation moyennant la 'somme globale et forfaitaire' de 300 €uros, précision étant faite, comme précédemment, que ce document ne fait pas disparaître le contrat établi en anglais à la même date et excluant de la cession de droits les photographies à caractère sexuel explicite.

Il résulte de ce qui précède que [R] [C] ne peut se prévaloir d'une autorisation de diffusion et de commercialisation, dont il n'apporte pas la preuve, des neuf images à caractère sexuel explicite reproduites dans l'ouvrage litigieux et représentant [Z] [L], parfaitement identifiable comme chacun en convient.

Est donc caractérisée, ainsi que l'a déjà jugé le tribunal, l'atteinte au droit à l'image de cette dernière de même que l'atteinte, distincte de la précédente, au respect de sa vie privée, compte tenu de la nature des photographies publiées qui révèlent l'intimité la plus extrême.

Sur le préjudice.

Justement appréciés par les premiers juges, les montants des indemnités réparatrices des préjudices résultant de la publication en France de l'ouvrage en cause seront confirmés par la cour qui observe, comme le tribunal, que [Z] [L] a volontairement participé aux séances de pose dirigées par [R] [C] ainsi qu'elle l'avait déjà fait pour un autre photographe.

C'est également à bon droit que le tribunal a jugé que la charge des dommages et intérêts ne devait peser que sur le seul photographe, ce que la cour confirmera, la société TASCHEN FRANCE justifiant n'être pas l'éditeur de l'ouvrage litigieux publié par TASCHEN GmbH, société de droit allemand non mise en cause.

Il y aura lieu, en outre, de confirmer les dispositions du jugement ayant fait injonction, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, à la société TASHEN FRANCE, prise en sa qualité de distributeur, de retirer l'ouvrage '[R] [C] V' comportant les clichés litigieux du circuit de distribution et de diffusion en France et de prendre toute mesure pour le retirer des lieux de vente sous une astreinte de 50 €uros par manquement constaté.

Seront enfin confirmées les dispositions du jugement relatives à l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, l'équité commandant la condamnation de [R] [C] , seul appelant, au versement, sur ce même fondement, de la somme supplémentaire de 1.000 €uros au profit de [Z] [L].

[R] [C] et TASCHEN FRANCE, qui succombent, seront condamnés in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré :

- confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- y ajoutant,

- condamne [R] [C] à payer à [Z] [L] la somme de 1.000 €uros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais exposés en cause d'appel,

- condamne in solidum [R] [C] et la société TASCHEN FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, vu l'article 699 du Code de Procédure Civile, au profit de la SCP PETIT & LESENECHAL, avoués,

- rejette toute autre conclusion plus ample ou contraire.

LE PRESIDENT LE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 09/23177
Date de la décision : 23/03/2011

Références :

Cour d'appel de Paris C7, arrêt n°09/23177 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-23;09.23177 ?
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