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15/03/2011 | FRANCE | N°09/28862

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 1, 15 mars 2011, 09/28862


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 15 MARS 2011

(no 111, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 28862

Décision déférée à la Cour :
jugement du 7 octobre 2009- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 08/ 16267

APPELANTS

Monsieur Roland X...
...
19230 SEGUR LE CHATEAU
représenté par la SCP SCP MONIN D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assisté de Me Didier LEMOULT, avocat au ba

rreau de TROYES, qui a fait déposer son dossier

Madame Sylvie Z... épouse X...
...
19230 SEGUR LE CHATEAU
représentée par la ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 15 MARS 2011

(no 111, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 28862

Décision déférée à la Cour :
jugement du 7 octobre 2009- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 08/ 16267

APPELANTS

Monsieur Roland X...
...
19230 SEGUR LE CHATEAU
représenté par la SCP SCP MONIN D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assisté de Me Didier LEMOULT, avocat au barreau de TROYES, qui a fait déposer son dossier

Madame Sylvie Z... épouse X...
...
19230 SEGUR LE CHATEAU
représentée par la SCP SCP MONIN D AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assistée de Me Didier LEMOULT, avocat au barreau de TROYES, qui a fait déposer son dossier

INTIME

Maître Stéphane A...
...
75008 PARIS
représenté par la SCP BOMMART-FORSTER-FROMANTIN, avoués à la Cour
assisté de Me Patrick MICHAUD, avocat au barreau de PARIS, qui a fait déposer son dossier
toque : E 2123

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 février 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

Les époux Roland X..., à la recherche du montage juridique et fiscal le plus approprié en vue de la cession à la société Rosy des actions dont ils étaient propriétaires au sein de la société Dicasy, exploitant un Intermarché, désireux de cesser leur activité professionnelle en raison de problèmes de santé de M. X..., tout en assurant la gestion des actifs résultant du prix de cession pour permettre d'avoir des revenus réguliers en préparant l'organisation de leur patrimoine afin d'en faciliter la transmission à leurs enfants, ont consulté M. Stéphane A..., avocat, lequel leur a remis une consultation le 29 octobre 1998, dans laquelle il faisait état, au plan fiscal, du régime de faveur, permettant un report d'imposition de la plus value dégagée à l'occasion de la cession, résultant des dispositions de l'article 160-1 ter du code général des impôts, en cas de plus-values réalisées à l'occasion d'un échange de titre dans le cadre d'un apport à une société soumise à l'impôt sur les sociétés de plein droit ou sur option, puisM. A... s'est chargé des formalités administratives et juridiques pour réaliser l'apport finalisé le 25 janvier 1999.

L'opération a donné lieu à deux redressements fiscaux notifiés le 6 novembre 200, le montage a été remis en cause selon la procédure de l'abus de droit prévue par l'article L 64 du Livre des Procédures Fiscales avec application de l'article 1729 du Code Général des Impôts qui prévoit des pénalités si le contribuable s'est rendu coupable d'abus de droit au sens de cet article et ils ont supporté des redressements pour un rappel d'impôts s'élevant à 670 353, 72 € avec des pénalités de 617 001, 42 €, dont seul le second redressement a été maintenu, les pénalités étant supprimées à la suite d'une transaction, soit finalement une mise en recouvrement d'un rappel de droit et d'intérêts de retard à hauteur de 80 478, 97 €.

C'est dans ces conditions que les époux X..., estimant ne pas avoir, en raison d'un manquement de leur avocat à son devoir de conseil, été avertis du risque fiscal présenté par l'opération, ont recherché devant le tribunal de grande instance de Paris la responsabilité civile professionnelle de M. Stéphane A... et demandé sa condamnation à leur payer la somme totale de 111 670, 65 €, représentant la somme de 80 478 € au titre des intérêts de retard, celle de 16 192, 65 € au titre des honoraires du cabinet Francis Lefebvre et la somme de 15000 € en réparation de leur préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2003, date de la lettre recommandée adressée à M. A... sur la somme de 96 670, 65 € ainsi que la somme de 4500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 7 octobre 2009, le tribunal a condamné M. Stéphane A... à payer aux époux X... la somme de 41 500 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, a rejeté toute autre demande et a condamné M. A... aux dépens.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 28 décembre 2009 par les époux X...,

Vu les conclusions déposées le 6 avril 2010 par les appelants qui demandent l'infirmation du jugement, statuant à nouveau, au constat de la responsabilité civile professionnelle contractuelle engagée par l'intimé, la condamnation de M. A..., en réparation du préjudice par eux subi, à leur verser la somme de 111 670, 65 € outre les intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2003 sur la somme de 96 670, 65 €, avec confirmation du jugement quant à l'indemnité procédurale qui leur a été allouée en première instance, y ajoutant la condamnation de M. A... à leur payer la somme de 4500 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel ainsi qu'à payer les entiers dépens,

Vu les conclusions déposées le 25 novembre 2010 par l'intimé qui demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, la condamnation des appelants à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens.

SUR CE :

Considérant que les appelants, qui demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que l'intimé avait engagé sa responsabilité à l'égard de ses clients, sollicitent l'infirmation dudit jugement en ce qu'ils soutiennent qu'il ne les a pas justement indemnisés de tout leur préjudice ; qu'ils font valoir que la perte de chance dont ils sont fondés à se prévaloir correspond au redressement fiscal subi dès lors que, correctement informés, ils n'auraient pas mise ce montage en place ; qu'ils demandent aussi la condamnation de l'intimé à leur payer les intérêts à compter de leur mise en demeure recommandée du 6 janvier 2003 ; que les époux X... précisent qu'ils ont effectivement versé l'impôt principal et des intérêts et pénalités de retard s'y rattachant d'un montant de 80 478, 97 € et qu'ils sont en mesure de justifier de leur règlement en versant aux débats les relevés de leur compte bancaire à la Caisse agricole de Franche-Comté ; qu'ils précisent ne pas avoir bénéficié de remise gracieuse partielle, si ce n'est que certes les pénalités initiales de 617 001, 42 €, pour abus de droit, ont été annulées grâce à l'intervention de l'avocat fiscaliste ;

Considérant que l'avocat intimé conteste avoir commis une faute dès lors que le choix d'optimisation fiscale qu'il a prodigué était conforme au dernier état de la jurisprudence et aux commentaires de la doctrine, sans qu'il ne lui puisse lui être reproché de n'avoir pas anticipé l'évolution de ladite jurisprudence ; qu'il oppose aux appelants la clause renfermée dans la consultation " établie en fonction des règles juridiques et fiscales applicables à la date de ce jour " ; que M. A... conteste en outre l'existence d'un lien de causalité, car les clients sont responsables de la perte de chance de voir l'administration remettre en cause sa position dès lors qu'ils ont choisi de transiger, n'ont pas soumis le litige à l'appréciation du comité pour la répression des abus de droit et n'ont pas poursuivi devant le tribunal administratif ;

Considérant qu'au plan fiscal, le bénéfice du report d'imposition est prévu pour favoriser la restructuration d'entreprise et que tel n'était pas le but poursuivi, s'agissant d'une opération patrimoniale indépendante de tout investissement économique et professionnel ; qu'en effet l'apport des actions à la société Rosy a eu un but exclusivement fiscal dès lors que choix de l'option à l'impôt sur les sociétés de la société Rosy effectué le 7 janvier 1999 et le très court délai, de 18 jours, entre l'apport des titres de Dicasy à Rosy, effectué le 9 janvier 1999 et la cession desdits titres à Hofibar, effectuée le le 25 janvier 1999, ne pouvait que conduire l'administration fiscale à répondre le 27 décembre 2001 aux époux X... qu'elle leur reprochait d'avoir fait apport de titres sous ce régime alors qu'ils savaient que les titres apportés devaient être prochainement cédés ; qu'ainsi l'opération visait à éluder ou atténuer les charges fiscales que l'intéressé aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles, en ayant recours à une société créée ou utilisée pour acquérir la propriété de parts sociales ;

Considérant que par des motifs pertinents que la cour approuve, le jugement déféré a considéré que M. A... avait engagé sa responsabilité à l'égard de ses clients, dès lors que dans le cadre de son devoir d'information et de conseil, il devait attirer leur attention sur les risques auxquels ils s'exposaient ; qu'il est constant en effet que la consultation délivrée ne faisait pas état d'un quelconque risque fiscal ; que M. A... n'est pas fondé, pour se décharger de son obligation d'information, à se retrancher derrière une clause incluse dans la consultation, ainsi rédigée " il convient d'indiquer que la présente consultation est établie en fonction des règles juridiques et fiscales applicables à la date de ce jour ", dont la portée ne saurait être que relative à un changement de législation, situation différente de l'espèce, qu'ils ont encore exactement estimé que l'intimé ne saurait invoquer qu'il n'aurait pas été en mesure d'anticiper une évolution de la jurisprudence, dès lors que les principes appliqués par l'administration fiscale en l'occurrence ne sont que l'application de dispositions générales et habituelles, lesquelles ne font que restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse ; qu'ainsi les premiers juges ont exactement retenu qu'il n'existait aucune chance d'avoir un réexamen favorable au regard de la jurisprudence administrative, étant observé que les pénalités de retard ont été supprimées ;

Considérant sur le montant et le caractère certain du préjudice fiscal que si les premiers juges ont considéré qu'il n'était pas établi que les époux X... aient payé les intérêts de retard, ayant sans doute bénéficié d'une remise gracieuse partielle, il convient de constater que les appelants justifient devant la cour, ce qui résulte des pièces par eux communiquées Nos 30 et 31, d'avoir effectivement payé par deux virements de leur compte bancaire au Crédit Agricole en date des 13 et 26 juin 2003, la somme totale de 751 132 €, soit le rappel des droits et la somme de 80 780, 23 € représentant des intérêts de retard ; que toutefois les intérêts de retard ne constituent pas en eux-mêmes un poste de préjudice indemnisable, dès lors que le contribuable dispose dans sa trésorerie des fonds correspondant au montant de l'impôt qu'il peut placer pendant la période de retard considérée ; qu'en l'espèce, le redressement notifié le 6 novembre 2001, à la suite d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er Janvier 1998 au 30 décembre 2000, porte sur une opération réalisée en 1999, remet en cause le report d'imposition pour l'année 1999, que le versement de l'impôt aurait dû intervenir en 2000 ; qu'ainsi c'est encore pertinemment que les premiers juges, retenant seulement la perte de chance d'avoir pu faire le choix en toute connaissance de cause des risques et d'opter le cas échéant pour le paiement immédiat de l'impôt sur les plus-values en évitant le paiement des intérêts de retard au taux de 12 % du Trésor Public ont évalué à la somme de 30 000 € le préjudice indemnisable ;

Considérant sur les frais d'avocat engagés que les premiers juges, au vu d'une note d'honoraires d'un avocat fiscaliste auquel ils ont été contraint d'avoir recours, d'un montant de 16 192, 65 €, en ont justement accordé le remboursement à titre de dommages et intérêts aux appelants, le quantum desdits dommages et intérêts devant toutefois être porté à la somme de 13000 € ; que sur le préjudice moral, il est établi par la réalité des tracas et soucis auxquels les époux X... ont été confrontés et doit être indemnisé à hauteur de la somme de 3000 € ; que le jugement sera confirmé pour le surplus de ses dispositions relatives au point de départ des intérêts au taux légal sur des créances indemnitaires ; qu'ainsi M. A... sera condamné à payer aux époux X... la somme de 46 000 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence de la somme de 41 500 € et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

Considérant que l'équité commande de faire application au profit des appelants des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de leur allouer la somme de 4000 € sur ce fondement, M. A... étant débouté de la demande par lui formée à ce titre ; que les dépens d'appel seront supportés par l'intimé.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement déféré uniquement sur le quantum des dommages et intérêts,

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Condamne M. Stéphane A... à payer aux époux Roland X... la somme de 46000 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal sur la somme de 41 500 € à compter du jugement et sur la somme de 4500 € à compter du présent arrêt,

Confirme le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. Stéphane A... à payer aux époux Roland X... la somme de 4000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Stéphane A... à payer les dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/28862
Date de la décision : 15/03/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-03-15;09.28862 ?
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