La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2011 | FRANCE | N°09/19705

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 1, 08 mars 2011, 09/19705


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 8 MARS 2011

(no 102, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 19705

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2009- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 08/ 07547

APPELANT

Monsieur Pierre X...
...
71340 MELAY
représenté par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués à la Cour
assisté de Me ANTON Anita, avocat substituant Me Christian

CHARRIERE-BOURNAZEL, avocat au Barreau de Paris, ancien Bâtonnier (toque C1357)

INTIME

Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESO...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 8 MARS 2011

(no 102, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 19705

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2009- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 08/ 07547

APPELANT

Monsieur Pierre X...
...
71340 MELAY
représenté par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués à la Cour
assisté de Me ANTON Anita, avocat substituant Me Christian CHARRIERE-BOURNAZEL, avocat au Barreau de Paris, ancien Bâtonnier (toque C1357)

INTIME

Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR
Bâtiment Condorcet-TELEDOC 353
6 Rue Louis Weiss
75703 PARIS CEDEX 13
représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour
assisté de Me Fabienne DELECROIX, avocat au Barreau de Paris, toque R229

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 janvier 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique GUEGUEN, chargée d'instruire l'affaire et M. François GRANDPIERRE.

MME Dominique GUEGUEN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, président
Madame Brigitte HORBETTE, conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, conseiller

Greffier, lors des débats : Melle Isabelle COULON

ARRET :

- contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Melle Sabine DAYAN, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Contestant le placement en redressement judiciaire et les actes subséquents de la procédure collective de la Sarl Le Catalogue Indépendant, ci-après la société LCI, dont il a été le gérant jusqu'en Janvier 2001 dès lors que la société n'était pas en cessation de paiement, soutenant que Maître Y..., administrateur judiciaire et Maître Z..., mandataire liquidateur, ont commis des fautes caractérisées, invoquant des dysfonctionnements au sein du tribunal de commerce de Roanne ainsi que l'inaction du parquet de Roanne, lequel n'a pas donné suite à ses dénonciations, alors que M. A...a détourné en toute impunité l'actif de la société LCI et a concurrencé de manière déloyale sa nouvelle société, M. Pierre X... a recherché la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire et assigné devant le tribunal de grande instance de Paris l'agent judiciaire du Trésor pour demander sa condamnation à lui payer les sommes de 198 536 € en réparation de son préjudice matériel, de 100 000 € en réparation de son préjudice moral, de 15 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens.

Par jugement en date du 9 septembre 2009, le tribunal a débouté M. X... de toutes ses demandes et l'a condamné aux dépens.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 17 septembre 2009 par M. Pierre X...,

Vu les conclusions déposées le 9 novembre 2010 par l'appelant qui demande l'infirmation du jugement sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à la prescription de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, au constat d'un dysfonctionnement manifeste du service public de la justice, la condamnation de l'agent judiciaire du Trésor à lui verser la somme de 198 536 € en réparation de ses préjudices matériels, la somme de 100 000 € en réparation de son préjudice moral, la somme de 15000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les entiers dépens,

Vu les conclusions déposées le 5 janvier 2011 par l'agent judiciaire du Trésor qui demande la confirmation du jugement et la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens.

SUR CE :

Considérant qu'aux termes de l'article L 141-1 alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire " L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice " ;

Considérant que la faute lourde suppose l'existence d'une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ; que l'appréciation de cette inaptitude prend nécessairement en compte l'exercice des voies de recours susceptible de réparer le mauvais fonctionnement allégué ;

Considérant que l'appelant expose que jusqu'en Janvier 2001, il a exercé la fonction de gérant de la société Le Catalogue Indépendant, ou LCI, dont il détenait 45 % du capital, avant de démissionner en raison de la stratégie de blocage systématique mise en oeuvre par ses associés, MM. A...et B..., devenus seuls co-gérants après les assemblées générales du 15 mars 2001, modifications qui n'ont pas fait l'objet de publications régulières au Registre du commerce et des sociétés, le laissant, à tort, apparaître seul gérant auprès des tiers ; qu'il a sollicité le remboursement de ses comptes courants d'associé, mais que, pour se soustraire à ce paiement, le 9 juillet 2001, les co-gérants de la société LCI ont déposé le bilan de la société, qui pourtant n'était pas en état de cessation des paiements, ce qui a provoqué l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Roanne du 11 juillet 2001, avec désignation de M. Y...en qualité d'administrateur judiciaire, puis la conversion en liquidation judiciaire prononcée par jugement du 3 octobre 2001, ledit tribunal ayant estimé que la continuation de l'entreprise était impossible en l'état d'une mésintelligence chronique entre les associés, et ce malgré la présentation par M. Y...d'un plan de reprise par M. A...et d'autres offres de reprise ; que M. X... a été visé par une action en comblement de passif engagée par le liquidateur judiciaire, M. Z...; qu'il a été condamné à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société LCI par jugement du 16 février 2006 du tribunal de grande instance de Lyon, infirmé par arrêt de la cour d'appel de Lyon du 16 mai 2007 et qu'il estime que l'ensemble de la procédure a connu une accumulation de fautes et négligences dont la réunion caractérise la faute lourde ;

Considérant que l'intimé fait valoir que la version des faits donnée par l'appelant est largement incomplète ; que les difficultés rencontrées par M. X... trouvent leur origine dans un crise profonde survenue entre les trois associés début 2001 au sein de la Sarl LCI, spécialisée dans le matériel de bricolage, l'outillage et les appareils ménagers, MM. A...et B...s'opposant à M. X... alors gérant de la société ; que M. X... entendait prendre le contrôle de la société, par acquisition des parts de ses associés ou par l'entrée de nouveaux actionnaires et que devant le refus des deux associés, il a démissionné de son poste de gérant, ce qui a entraîné la désignation de deux co-gérants, MM. A...et B...selon procès verbal de l'Assemblée Générale Extraordinaire et Ordinaire du 15 mars 2001, laquelle toutefois n'a pas été publiée régulièrement au greffe du tribunal de commerce de Roanne ; qu'il en est résulté des difficultés lors du dépôt de bilan, intervenu le 9 juillet 2001, dès lors que M. A..., désigné co-gérant par ladite Assemblée Générale, n'avait pas été enregistré en cette qualité ; que par ailleurs, M. X... n'a pas accepté le principe du dépôt de bilan, ayant déjà connu en 1993 de difficultés de cette nature ; qu'il entendait poursuivre à son compte en se faisant rembourser le montant de son compte courant et en recouvrant, au nom de la SCI dont il est propriétaire, des créances de loyers sur la SARL LCI, déménageant une large partie du stock de l'entreprise ; qu'il est entré en conflit avec l'administrateur judiciaire, lui reprochant de laisser M. A...gérer, que des conflits incessants ont paralysé la vie sociale et conduit aux procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire prononcées par le tribunal ;

Considérant que l'intimé souligne que curieusement M. X... n'a pas relevé appel du jugement de redressement judiciaire du 11 Juillet 2001, lequel lui a été notifié en sa qualité de seul gérant apparaissant au registre du commerce et des sociétés, alors même que le passif déclaré était alors constitué uniquement de créances qui lui étaient propres ou relevaient de loyers dus à la Sci dont son fils était le gérant ; que pourtant, l'un des motifs de son conflit avec l'administrateur judiciaire, M. Y..., était le reproche fait à ce dernier de ne pas se conformer au dispositif du jugement lui prescrivant de gérer seul l'entreprise et de s'être fait substituer par le pseudo gérant A...; qu'ensuite, lors de la présentation de deux plans de reprise, dont une offre intervenant tardivement et qui n'a effectivement pas, sans explication sur ce point, été présentée par l'administrateur judiciaire, les conflits incessants paralysant la vie sociale au sein de la Sarl LCI ont conduit le tribunal de commerce de Roanne, par un jugement du 3 octobre 2001, à convertir la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire ; que de nouveau, de manière inexplicable, aucune partie concernée n'a pris l'initiative de faire appel de ce jugement, alors que la situation du gérant demeurait incertaine et que la période d'observation ne paraissait pas avoir généré de dettes supplémentaires ; que le tribunal de commerce de Roanne a pris acte de la paralysie totale de la vie de la société en raison des conflits entre associés ; que la personne morale étant alors dissoute, le passage de pouvoir entre l'administrateur et le mandataire liquidateur, M. Z..., n'a pas simplifié les choses dès lors que M. X... a entrepris de contester une à une les créances déclarées, ce qui a donné naissance à un contentieux de communication de pièces comptables, M. X... s'opposant à la vente aux enchères publiques des actifs ; que le contentieux s'est alors nourri de fautes en tous genres, commerciales et même pénales, doublé d'une campagne de presse sur les " errements " du tribunal ; que toutefois, parallèlement, M. X... a repris sous une autre forme sociale, la société Ustil, ayant des activités de même nature que la société LCI, laquelle ne connaîtra pas le succès par lui escompté ; que M. X... en imputera la déconfiture à l'enregistrement de la liquidation judiciaire de la société LCI sous son nom de gérant, entraînant par la même le retrait de ses concours bancaires ; que c'est dans ces circonstances que le mandataire judiciaire, M. Z...a initié contre les trois gérants successifs de la société LCI une action en comblement de l'insuffisance d'actif, soumise au tribunal non plus de Roanne, mais de Lyon, en raison de la mise en cause de l'impartialité des magistrats consulaires de Roanne ; que par jugement du 16 février 2006, le tribunal de commerce de Lyon a condamné M. X... à combler seul la totalité de l'insuffisance d'actif de la société LCI, soit la somme de 56 353, 32 € ; que frappé d'appel, ce jugement sera infirmé par un arrêt du 16 mai 2007 de la chambre commerciale de la cour d'appel de Lyon ;

Considérant que s'agissant du parquet de Roanne, l'intimé fait valoir qu'il a été très rapidement saisi des doléances de M. X..., que toutefois, il a été saisi d'abord, non pas par une plainte de l'appelant, mais par une plainte de son associé, M. A...qui en Mars 2002, a dénoncé des faits de faux et usage de faux pour une signature apposée à son insu par M. X... sur un bail commercial ; que cette plainte a été examinée, a donné lieu à l'audition de M. X... le 30 octobre 2001 puis a été classée sans suite le 4 juin 2003, faute d'éléments probants ; qu'alors, en écho à cette plainte initiale, l'appelant a déposé une plainte du chef de banqueroute par détournement d'actif, imputable à ses deux anciens associés, concernant notamment les fichiers clients/ fournisseurs, laquelle plainte, instruite par les services de police pour enquête approfondie, n'a pas abouti, que son classement sans suite lui a été régulièrement notifié après la décision du 18 juillet 2006 ;

Considérant que ces faits ont conduit les premiers juges, en des motifs pertinents que la cour adopte, à estimer qu'à supposer même que les organes de la procédure aient commis des fautes qui ne soient pas de simples erreurs d'appréciation, ces dernières étant au demeurant insusceptibles de fonder une action pour faute lourde, par exemple une inaction fautive, ce qui n'est pas établi, il n'est pas démontré par l'appelant de toute manière l'existence de faits pouvant caractériser la faute lourde qui serait imputable au tribunal en l'absence en ce litige d'un exercice normal des voies de recours ; qu'en effet ni contre le jugement d'ouverture en procédure collective, ni contre celui ayant provoqué la conversion en liquidation judiciaire, M. X..., qui apparaissait toujours officiellement comme gérant, qui avait un intérêt direct, n'a cru devoir contester les décisions ; qu'en revanche, lorsqu'il a contesté le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 16 février 2006, il a obtenu gain de cause devant la cour d'appel de Lyon laquelle a infirmé ledit jugement, ce qui démontre que l'institution judiciaire a parfaitement fonctionné ;

Considérant que par ailleurs, les prétendues " défaillances " de l'administrateur et du liquidateur judiciaire, lesquels sont des collaborateurs du service public de la justice, distincts de l'institution judiciaire, ne sauraient avoir pour conséquence que d'être susceptibles d'engager leur responsabilité personnelle ;

Considérant enfin que le ministère public a classé la plainte sans suite le 25 avril 2008, après diligences, donc sans qu'il ne puisse lui être reproché de passivité, qu'en particulier en l'espèce, il convient de relever que M. X..., régulièrement informé d'un classement sans suite, insusceptible en soi de pouvoir caractériser un dysfonctionnement du service de la justice, n'a pas envisagé de déposer une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction ou de procéder par citation directe, comme il en avait la possibilité, ce qui lui a été rappelé par le procureur de la république de Roanne lors du classement de la plainte ;

Considérant en conséquence que l'appelant sera débouté de l'ensemble de ses demandes et le jugement confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que l'équité commande de faire application au profit de l'intimé des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer, pour ses frais irrépétibles engagés en cause d'appel, la somme de 1500 € ; que l'appelant supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. Pierre X... à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. Pierre X... à payer les dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/19705
Date de la décision : 08/03/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-03-08;09.19705 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award