Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRET DU 25 FEVRIER 2011
(n° 059, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/19149.
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 07 mai 2009 - Cour d'appel de PARIS 4ème Chambre Section B - RG n° 07/12447.
DEMANDEURS EN LIQUIDATION D'ASTREINTE :
- Monsieur [P] [D]
demeurant [Adresse 3],
- Monsieur [I] [C]
demeurant [Adresse 4],
- Monsieur [B] [N]
demeurant [Adresse 2],
représentés par la SCP VERDUN - SEVENO, avoués à la Cour,
assistés de Maître André SCHMIDT de la SCP SCHMIDT & GOLDGRAB, avocats au barreau de PARIS, Toque P 391.
DEFENDERESSE EN LIQUIDATION D'ASTREINTE :
SARL PRODUCTIONS PAUL LEDERMAN
prise en la personne de ses représentants légaux,
ayant son siège social [Adresse 1],
représentée par la SCP BAUFUME GALLAND VIGNES, avoués à la Cour,
assistée de Maître Louis DE GAULLE de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque K 035.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 janvier 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur GIRARDET, président,
Madame REGNIEZ, conseillère,
Madame NEROT, conseillère.
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.
ARRET :
Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur GIRARDET, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
Messieurs [I] [C], [B] [N] et [P] [D], artistes humoristes désignés sous le nom de scène 'Les Inconnus', ont signé avec la société Productions Paul Lederman diverses conventions parmi lesquelles, un contrat d'exclusivité d'enregistrement en date du 15 mars 1989 et 175 contrats de cession et d'édition d''uvres musicales.
Faisant grief à la société Paul Lederman, ci-après PPL, d'avoir méconnu leurs droits, ils l'assignèrent devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir prononcer notamment la résolution, subsidiairement la résiliation, desdits contrats. Par jugement du 2 mai 2007, le tribunal déclara irrecevable la demande de nullité des contrats précités, rejeta la demande de résiliation des contrats d'édition mais prononça la résiliation du contrat d'enregistrement du 15 mars 1989 aux torts exclusifs de la société PPL.
Par arrêt du 7 mai 2009, la cour d'appel confirma le jugement du 2 mai 2007 et, y ajoutant, rejeta la demande d'annulation du contrat d'agent, interdit à la société PPL d'exploiter ou de faire exploiter les enregistrements objets du contrat du 15 mars 1989 sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passé un délai de deux semaines à compter de la signification de l'arrêt, condamna la société PPL à verser à chacun des artistes une somme de 20 000 euros en réparation des fautes contractuelles commises et une somme provisionnelle de 40 000 euros à valoir sur le montant des droits éludés, avant de désigner en qualité de consultant Monsieur [M] [O] pour fournir à la cour les éléments comptables nécessaires à l'appréciation des droits éludés au titre de l'abattement technique vidéo, de la rediffusion des sketches et des redevances vidéographiques et phonographiques.
Par requête en date du 26 mai 2010, Messieurs [C], [D] et [N], font état de la poursuite par PPL de la commercialisation des enregistrements, nonobstant l'interdiction prononcée, et sollicitent la liquidation de l'astreinte dont l'arrêt du 7 mai 2009 avait assorti la mesure d'interdiction.
Vu leurs dernières écritures signifiées le 14 janvier 2011, aux termes desquelles, ils demandent à la cour de constater que la société PPL a commis au cours du deuxième semestre 2009, 82 332 infractions à l'interdiction d'exploiter, de condamner cette dernière à leur verser une provision de 8 millions d'euros à valoir sur le montant total de l'astreinte qui sera fixée connaissance prise de l'exploitation des enregistrements pendant le premier semestre 2010, et d'ordonner à cette fin à la société PPL de produire sous astreinte ses comptes d'exploitation des enregistrements pour le 1er semestre 2010 ;
Vu les conclusions en date du 12 janvier 2011 de la société PPL qui soulève in limine litis, la nullité du procès verbal de constat en date des 12 et 18 février 2010, fait valoir que la preuve des infractions dénoncées n'est pas rapportée par les autres pièces produites, avant de soutenir que la violation de l'interdiction n'est en tout cas pas caractérisée dans la mesure où la résiliation du contrat d'enregistrement exclusif du 15 mars 1989 n'a pas entraîné la résiliation du contrat de distribution conclu antérieurement par la sociét PPL avec la société Sony Music Entertainment ; elle conteste que la liquidation de l'astreinte puisse être d'un quelconque secours pour résoudre la situation de conflits de droits dans laquelle les parties sont désormais placées pour, in fine, se déclarer favorable à la conclusion d'un accord transactionnel dont elle fixe les condition préalables ;
SUR CE,
Sur la validité des opérations de constat :
Considérant que la société PPL conclut à la nullité des opérations de constat menées les 12 et 18 février 2010 dans les locaux de la société Sony Music Entertainment pour connaître l'importance des ventes réalisées, aux motifs que ces opérations ont été diligentées en application d'une ordonnance irrégulière au regard des exigences des articles 812 et 958 du Code de procédure civile et qu'elles doivent être qualifiées d'opérations de saisie contrefaçon déguisées ;
Considérant que la requête aux fins de constat a été présentée au président du tribunal de grande instance de Nanterre le 13 janvier 2010, lequel a, par ordonnance du même jour, désigné Maître [W], avec mission de se rendre dans les locaux de la société Sony Music Entertainment, pour notamment, se faire présenter et prendre copie des relevés d'exploitation portant sur les CD et DVD du groupe 'Les Inconnus', distribués du 1er Juillet 2001 jusqu'au jour de l'ordonnance ;
Considérant qu'au 13 janvier 2010, la cour demeurait cependant saisie de l'instance dans le cadre de laquelle la mesure d'interdiction avait été prononcée puisqu'elle avait désigné un consultant pour l'aider à déterminer le montant des droits éludés et avait renvoyé l'affaire à une autre audience pour, notamment, s'assurer de la mise en 'uvre effective de la consultation ;
Qu'il sera d'ailleurs observé que l'ordonnance se fonde sur la résiliation du contrat d'enregistrement et l'interdiction sous astreinte, pour donner mission à l'huissier de procéder à des recherches sur une période au demeurant plus vaste (à partir du 1er juillet 2001) que celle écoulée à compter de la date de prise d'effet de l'interdiction prononcée (à savoir le 11 juin 2009, l'arrêt du 7 mai 2009 ayant été signifié le 27 mai suivant) ;
Considérant qu'aux termes de l'article 958 du Code de procédure civile, 'Le premier président peut, au cours de l'instance d'appel, ordonner sur requête toutes mesures urgentes relatives à la sauvegarde des droits d'une partie ou d'un tiers lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement' ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, que dès lors qu'une instance d'appel est pendante, le premier président ou son délégataire a compétence exclusive pour connaître des requêtes qui ont trait à cette instance, ce que confirment encore, s'agissant du tribunal de grande instance, les dispositions de l'article 812 al 3 du Code de procédure civile qui attribuent la connaissance des requêtes afférentes à des instances en cours au 'président de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée et saisie ou au juge déjà saisi' ;
Considérant qu'en l'espèce, l'affaire étant toujours pendante et la mesure de constat étant sollicitée dans le cadre des dispositions prises par la cour dans son arrêt, le président du tribunal de grande instance de Nanterre n'était donc pas compétent pour ordonner les opérations de constat litigieuses ;
Que cette incompétence commande d'annuler le procès verbal de constat en date des 12 et 18 février 2010.
Sur les autres éléments probatoires :
Considérant que Messieurs [C], [N] et [D] font valoir pertinemment que dans le cadre de la consultation confiée à Monsieur [O], la société PPL donne des chiffres d'exploitation des enregistrements des Inconnus pour la période comprise entre le 1er Juillet 2009 et 31 décembre 2009 ; que PPL soutient dans ses écritures que toute exploitation des vidéogrammes et des phonogrammes a cessé depuis la réalisation du constat précité, reconnaissant par la même la réalité de la poursuite de l'exploitation des enregistrements au-delà de la prise d'effet de l'interdiction ;
Considérant que la société PPL reconnaît par ailleurs qu'elle a conclu avec la société TMC un contrat en date du 12 mars 2010, portant sur la diffusion télévisuelle de sketches ;
Que 'les Inconnus' ont conclu avec la société TMC un protocole d'accord autorisant la poursuite de l'exploitation, sans que celui-ci n'emporte de leur part renonciation à agir à l'encontre de la société PPL ;
Sur la violation de l'interdiction :
Considérant que l'arrêt a fait interdiction à la société PPL 'd'exploiter ou de faire exploiter les enregistrements objets du contrat en date du 15 mars 1989, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, passé un délai de deux semaines à compter de la signification' du présent arrêt ;
Qu'il s'agit d'une mesure personnelle d'interdiction de réaliser tout nouvel acte d'exploitation ;
Que la prise d'effet de cette mesure doit être fixée, comme indiqué plus haut, au 11 juin 2009 ;
Considérant qu'en concluant avec TMC, le 12 mars 2010, un contrat de concession de droits de télédiffusion des sketches des Inconnus pour deux ans, la société PPL a commis une violation caractérisée de la mesure d'interdiction, étant observé au surplus qu'aux termes du contrat la société PPL se déclare 'titulaire des droits de propriété intellectuelle y afférents pour les avoir acquis de tous les ayants droit notamment les auteurs et artistes interprètes..' ;
Considérant en revanche, que la poursuite de la vente des enregistrements par la société Sony Music Entertainment bénéficiaire d'un contrat de concession exclusive de droits d'exploitation en date du 4 avril 2001 prolongé le 10 janvier 2007, ne caractérise pas, au vu des termes précis de l'interdiction prononcée, un acte d'exploitation nouveau commis par la société PPL ;
Considérant que la demande de production dans le cadre de cette procédure, des comptes d'exploitation des enregistrements des 'Inconnus' pour le 1er semestre 2010, sera rejetée dès lors que ceux-ci ne portent que sur la poursuite de l'exploitation commerciale réalisée par la société Sony Music Entertainement ;
Considérant en conséquence, qu'il convient de liquider l'astreinte à hauteur de 100 euros et de condamner la société PPL à verser aux appelants la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés dans le cadre de la présente procédure.
PAR CES MOTIFS,
Annule le procès verbal de constat en date des 12 et 18 février 2010,
Condamne la société Productions Paul Lederman à verser à [I] [C], [B] [N] et [P] [D] la somme de 100 euros au titre de la liquidation de l'astreinte assortissant la mesure d'interdiction prononcée par l'arrêt de cette cour en date du 7 mai 2009,
La condamne en outre à verser à [I] [C], [B] [N] et [P] [D] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens qui seront recouvrés dans les formes de l'article 699 du même code.
Le greffier,Le Président,