La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2011 | FRANCE | N°09/21941

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 04 février 2011, 09/21941


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRET DU 04 FEVRIER 2011



(n° 031, 12 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 09/21941.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2009 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 2ème Section - RG n° 09/06128.









APPELANTES et INTIMÉES SIMULTANÉMENT :



- SARL GOOGLE FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège [Adresse 3],



- Société de droit de l'Etat de Californie GOOGLE INC

prise en la personne de son représentant légal,

...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 04 FEVRIER 2011

(n° 031, 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/21941.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2009 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 2ème Section - RG n° 09/06128.

APPELANTES et INTIMÉES SIMULTANÉMENT :

- SARL GOOGLE FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège [Adresse 3],

- Société de droit de l'Etat de Californie GOOGLE INC

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1] (ETATS UNIS)

représentées par la SCP FANET SERRA, avoués à la Cour,

assistées de Maître Alexandra NERI plaidant pour le Cabinet HERBERT SMITH LLP, avocat au barreau de PARIS, toque J025.

INTIMÉE et APPELANTE SIMULTANÉMENT :

SA AUFEMININ.COM

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 5],

représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Maître Eric ANDRIEU de la SCP DEFLERS ANDRIEU, avocat au barreau de PARIS, toque R 047.

INTIMÉS :

- Monsieur [W] [I]

demeurant [Adresse 2],

- SARL H & K

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 4],

représentés par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour,

assistés de Maître Alain DE LA ROCHERE plaidant pour la SELARL BITOUN, avocat au barreau de PARIS, toque P189.

INTERVENANTS VOLONTAIRES :

- Maître [Z] [X]

ès qualités d'administrateur au redressement de la Société H & K,

ayant élu domicile en étude de la SCP [Adresse 6],

- SCP BTSG

prise en la personne de Maître [T],

ès qualités de mandataire au redressement judiciaire de la Société H & K,

ayant élu domicile en étude de la SCP DUBOSCQ & PELLERIN, [Adresse 6],

représentés par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 décembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur GIRARDET, président,

Madame DARBOIS, conseillère,

Madame NEROT, conseillère.

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur GIRARDET, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

[W] [I] est photographe. Il prit plusieurs photos du chanteur [J] [H] lors du Festival du Film de Marrakech de 2001.

La société H&K qui finance ses frais de reportage, a reçu mandat de vendre ses 'uvres photographiques.

[W] [I] et la société H&K firent constater le 13 novembre 2008 que la société Auféminin.com rendait accessible sur son site une photo de [J] [H] et que celle-ci était reprise par le moteur de recherche Google Images, alors qu'aucune autorisation ne leur avait été demandée. Après avoir engagé une procédure en référé au terme de laquelle la société Google Inc. avait déclaré procéder au déréférencement de la photo et, constatant que celle-ci était de nouveau accessible sur les mêmes sites, Monsieur [I] et la société H&K assignèrent à jour fixe les sociétés Google Inc., Google France et Auféminin.com devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir sanctionner les actes de contrefaçon.

Par jugement en date du 9 octobre 2009, le tribunal rejeta la demande de mise hors de cause de la société Google France, déclara la société H&K irrecevable à agir au titre des droits patrimoniaux, dit que la société Auféminin.com en exploitant la photo sur son site et en ne rendant pas impossible la remise en ligne de la photographie de Monsieur [I], alors qu'elle lui avait déjà été signalée comme étant illicite, avait engagé sa responsabilité et que les sociétés Google Inc. et Google France en reproduisant sans autorisation sur le site http://images.google.fr ladite photo avaient commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au sens de l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle. Outre les mesures d'interdiction et de publication d'usage, le tribunal condamna in solidum les défenderesses à verser à Monsieur [I] les sommes de 10 000 euros au titre de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux et de 10 000 euros en réparation de celle portée à son droit moral.

Vu les dernières écritures en date du 9 décembre 2010 des sociétés Google France et Google Inc. qui demandent à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que la société H&K était irrecevable à agir au titre des droits patrimoniaux d'auteur et l'infirmant pour le surplus de :

- prononcer la mise hors de cause de la société Google France,

- dire que l'indexation d'images reproduisant toute ou partie de celles-ci par le moteur de recherches dénommé Google Images constitue un usage légitime au sens de l'article 107 du Copyright Act fédéral des Etats-Unis dont l'application serait imposée par l'article 5.2 de la Convention de Berne,

- dire que le stockage sous forme de vignette ne saurait entraîner la responsabilité de Google et que Google Inc. n'a procédé à aucun acte de reproduction ou de communication illicite,

subsidiairement,

- de dire, sur le fondement du droit français, que le droit d'indexer les images et d'en afficher des aperçus en format vignette est un corollaire de la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Convention de Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et que l'affichage des aperçus sur les pages de résultats constitue un acte fortuit, accessoire ou inhérent au fonctionnement du service.

La société Google Inc. s'engage à désindexer des résultats de son moteur de recherche Google Images les images des sites web reproduisant la photographie litigieuse sous réserve que lui soit communiquée l'URL exacte de chacune des images à supprimer ;

Vu les dernières écritures en date du 2 décembre 2010 de la société Auféminin.com qui conclut à son absence de responsabilité dès lors qu'en tant qu'hébergeur des sites qui mettaient en ligne la photo incriminée, elle a procédé au retrait de celle-ci et qu'elle a rempli ses obligations conformément à l'article 6-1-2 de la loi du 21 Juin 2004.

Elle ajoute qu'elle est prête à communiquer, si la cour le lui ordonne, les nom, prénom, adresse postale, e-mail et IP des internautes qui sont à l'origine des mises en ligne ;

Vu les dernières écritures en date du 7 décembre 2010 de Monsieur [I] et de la société H&K qui sollicitent la confirmation de la décision déférée sauf en ce qu'elle a déclaré la société H&K irrecevable à agir sur le fondement des droits patrimoniaux et rejeté les demandes relatives à la responsabilité de la société Auféminin.com en raison de l'absence d'information conservée par elle sur la personne se cachant sous le pseudonyme 'Choupine 1000'. Ils soulignent que leur préjudice s'est aggravé du fait de la remise en ligne persistante de la photo querellée tant sur le site images.google.fr que sur les sites d'auféminin.com avec, le 19 mai 2010, 4 sites référencés qui étaient toujours référencés le 4 juin 2010, les 26/29 novembre 2010, les sites étaient encore référencés et le 6 décembre 2010, 4 l'étaient toujours alors qu'ils étaient visés par la notification du 29 novembre 2010 ; ils concluent en demandant à la cour d'assortir l'interdiction prononcée d'une astreinte définitive, de les autoriser à se faire communiquer les données collectées aux fins d'identifier la ou les personnes à l'origine des mises en ligne et ce, par application de l'article 6 de la LCEN et de condamner la société Auféminin.com à leur verser la somme de 10 000 euros pour ne pas avoir fourni une information quelconque sur la personne se cachant sous le pseudonyme 'Choupine1000' ; s'agissant des photographies initialement mises en ligne sur le site auféminin.com, ils demandent la condamnation in solidum des sociétés Google et de la société Auféminin.com à verser à chacun d'eux la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice patrimonial complémentaire et à Monsieur [I] la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral complémentaire ; s'agissant des photographies référencées sur Google autres que celles initialement mises en ligne sur le site auféminin.com, ils sollicitent la condamnation in solidum des sociétés Google à verser à chacun d'eux la somme de 50 000 euros en réparation de leur préjudice patrimonial et à Monsieur [I] seul, la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Vu l'intervention volontaire de Maître [Z] [X] et de la SCP BTSG en la personne de Maître [T], respectivement ès qualités d'administrateur et de mandataire au redressement de la Société H & K, du 7 décembre 2010,

SUR CE,

Sur la recevabilité des demandes formées par la société H&K :

Considérant que la société H&K précise dans ses écritures (p 3) qu'elle prend à sa charge l'ensemble des frais de reportage du photographe lequel lui a donné mandat de vendre au niveau mondial ses photographie et qu'elle a la qualité de 'producteur' des photographies réalisées par [W] [I] et notamment de celle faisant l'objet du présent litige ;

Considérant toutefois qu'elle ne justifie ni ne prétend être cessionnaire des droits patrimoniaux sur la photo en cause ;

Que c'est donc à bon droit que les premiers juges en ont déduit qu'elle était irrecevable à agir en contrefaçon de droits dont elle n'est nullement investie ;

Sur la demande de mise hors de cause de la société Google France :

Considérant que les sociétés Google exposent que le seul exploitant des services en cause est la société Google Inc., propriétaire des sites Google dans le monde et des extensions nationales, tous hébergés en Californie ; que la société Google France est un simple prestataire de Google Ireland, en charge exclusivement d'une mission d'assistance auprès de la clientèle française qui souhaite avoir des conseils sur certains services, principalement les services publicitaires de la société Google Inc., en sorte que Google France qui n'est dotée d'aucun pouvoir de représentation et qui ne fait aucune exploitation personnelle des sites de recherche ne saurait voir sa responsabilité engagée ;

Mais considérant que la société Google France sise à Paris, apparaît sur les différents constats versés aux débats comme étant le bureau français à contacter de la société Google Inc. ;

Que selon ses statuts, elle exerce une activité de fourniture de services et de conseil par 'l'intermédiation en matière de vente de publicité en ligne, la promotion directe des produits et services et la mise en oeuvre de centres de traitement de l'information' ;

Qu'elle participe ainsi directement à la promotion et à la diffusion des services litigieux ;

Que quand bien même Google Inc. revendique-t-elle la responsabilité du fonctionnement du service gratuit d'indexation, il demeure que la recherche de la responsabilité de sa filiale ne saurait être exclue puisque celle-ci réalise des opérations commerciales pour faciliter et développer l'exploitation du réseau Google ;

Que la décision entreprise sera également confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de mise hors de cause de la société Google France ;

Sur le cadre juridique applicable :

Considérant que les faits incriminés consistent en la mise en ligne d'une photographie dont il est constant qu'elle est protégée par le droit d'auteur et qu'[W] [I], son auteur, n'a jamais consenti à sa mise en ligne ;

Considérant que différentes personnes individualisées par des pseudonymes ont présenté ladite photo sur leur site hébergé par la société Auféminénin.com ; qu'elle est indexée par le moteur de recherche Google Image lequel permet à tout internaute de la faire apparaître dans le cadre d'une recherche, sous forme de vignette dans une mosaïque d'images, même de l'isoler pour en faciliter la lisibilité et l'agrandir ;

Que la société Auféminin.com fait valoir qu'elle a satisfait aux exigences de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004, dite loi pour la confiance dans l'économie numérique, ci-après LCEN, alors que la société Google Inc. oppose que sa responsabilité doit être appréhendée au regard de la loi américaine et, notamment, du fair use du Copyright Act de 1976, de la 'liberté d'indexer'dont le respect conditionnerait le droit public à l'information sur internet et, subsidiairement, de sa qualité de prestataire de stockage au sens de l'article 13 de la directive CE 2000/31 du 8 juin 2000 ;

Sur la loi du 21 juin 2004 et la directive CE 2000/31 :

Considérant que la loi du 21 juin 2004 prise pour la transposition de la directive CE 2000/31 du 8 juin 2000, organise, s'agissant de l'activité d'hébergement, un régime de responsabilité spécifique au profit des personnes qui assurent une prestation de stockage ;

Que son article 6.1.2 qui doit être interprété à la lumière de ladite directive dont il transpose l'article 14, dispose : 'Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour la mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible' ;

Qu'il convient d'observer que le considérant 42 de cette directive précise que 'Les dérogations en matière de responsabilité prévues par (cette) directive ne couvrent que les cas où l'activité du prestataire de service dans le cadre de la société de l'information est limitée au processus technique d'exploitation et de fourniture d'un accès au réseau de communication (...)' et 'revêt un caractère purement technique, automatique et passif, qui implique que le prestataire de services de la société de l'information n'a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées' ;

Considérant que l'article L 6.1.5 de la loi énonce les éléments qui doivent être notifiés pour que la connaissance des faits litigieux soit présumée acquise par les personnes désignées à l'article 6.1.2 précité ;

Considérant que, dès lors que le prestataire de service hébergement reçoit notification de l'oeuvre à laquelle il est porté atteinte et des droits de propriété intellectuelle qui la protègent, il lui incombe de prendre les mesures nécessaires pour en assurer le retrait et pour empêcher qu'elle soit à nouveau mise en ligne ;

Qu'est dès lors inopérant le moyen selon lequel chaque remise en ligne, imputable au même utilisateur ou à des utilisateurs différents, commanderait une notification nouvelle sans laquelle la responsabilité du prestataire ne pourrait être engagée ;

Sur l'application de la loi américaine :

Considérant que la société Google Inc. expose que ses moteurs de recherche sont hébergés sur ses serveurs à Mountain View, en Californie, et que c'est à partir de ceux-ci que le moteur de recherche est accessible sur internet aux internautes du monde entier par le biais de la consultation des interfaces fournies dans la langue de chaque pays ; que sur ces serveurs sont stockés les robots qui explorent les milliards de pages Web sur internet et recensent automatiquement les images mises en ligne ;

Qu'elle soutient que par application de l'article 5§2 de la Convention de Berne, la loi applicable est celle du pays où la protection est demandée qui n'est pas celle du lieu où le dommage est subi mais celle du pays sur le territoire duquel se sont produits les agissements ; qu'elle ajoute que l'application de la loi du lieu de la commission de l'acte serait plus efficace puisqu'elle est celle du pays source de la communication, en l'espèce pays où est implanté le serveur ;

Mais considérant que le litige porte sur le fonctionnement des services Google Images, rédigés en français, destinés au public français et accessibles en France par les adresses URL en '. fr' ; que l'internaute pourra ainsi visualiser en France la photographie de Monsieur [I] et au besoin la télécharger ; que cette photo a été mise en ligne et stockée sur plusieurs sites français ; que la société Auféminin.com, dont la responsabilité est également recherchée, est une société dont le siège est à Paris ;

Considérant qu'il suit que le lieu de destination et de réception des services Google Images et de connexion à ceux-ci, caractérisent un lien de rattachement substantiel avec la France qui commande l'application de la loi française, comme l'ont pertinemment dit les premiers juges ;

Sur la responsabilité de la société Auféminin.com :

Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Auféminin.com a la qualité d'hébergeur de divers sites sur lesquels figurait la photo de Monsieur [I] ;

Que sa responsabilité est recherchée sur le fondement de l'article 6.1.2 précité pour ne pas avoir agi promptement en retirant les photographies qui lui furent notifiées ;

Considérant que la photographie en cause et les droits dont elle fait l'objet ont été notifiés à la société Auféminin.com dès le 27 novembre 2008 ;

Considérant qu'à partir de cette date il n'est pas contestable qu'elle était dûment informée des droits en cause ;

Que cependant, la photo était toujours en ligne le 10 mars 2009, peu important, pour les motifs sus indiqués, que la photographie dont la présence était constatée le 10 mars 2009 fût accessible à partir d'une adresse différente de celle portée dans le constat du 27 novembre 2008 et que l'appelante ait appelé l'attention des internautes sur la nécessité de ne mettre en ligne que des 'uvres libres de droits ;

Considérant que la société Auféminin.com ne prétend d'ailleurs pas avoir cherché à prévenir de nouvelles violations sur les sites qu'elle héberge des droits dont elle avait pourtant connaissance et dont elle ne conteste pas la portée ;

Considérant qu'elle n'est dès lors pas fondée à solliciter le bénéfice des dérogations en matière de responsabilité prévues l'article 6.1.2 précité ;

Qu'elle a donc engagé sa responsabilité dans les termes du droit commun non seulement pour les faits retenus par les premiers juges mais encore pour ceux constatés les 19 mai 2010, 4 juin 2010 et 26 novembre 2010 sur le site accessible à l'adresse http://blog.auféminin.com (pièces 40, 43, 45) ;

Considérant qu'[W] [I] fait par ailleurs grief à la société Auféminin.com de ne pas avoir conservé les données et informations permettant d'identifier la personne se cachant sous le pseudonyme 'Choupine 1000' et demande à être autorisé à se faire communiquer les données collectées aux fins d'identifier la ou les personnes à l'origine de la mise en ligne de la photographie litigieuse accessible à l'adresse http://blog.auféminin.com ;

Considérant que la société Auféminin.com lui oppose que la conservation de ces données et leur communication ne sauraient être mises à sa charge en l'absence de publication du décret d'application de l'article 6-II de la loi ;

Considérant en effet que cet article met à la charge du prestataire, la détention et la conservation 'des données de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l'un des contenus des services dont elles sont prestataires' et par ailleurs de fournir 'aux personnes qui éditent un service de communication au public en ligne des moyens techniques permettant à celles-ci de satisfaire aux conditions d'identification prévues au III' ;

Considérant que ce même texte renvoie à un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la CNIL, la définition des données mentionnées au premier alinéa comme la fixation de la durée et des modalités de leur conservation ;

Considérant cependant que ce décret n'est pas intervenu alors que ce sont ces données, mentionnées au premier alinéa, qui font l'objet des demandes de Monsieur [I] ;

Considérant qu'en l'absence d'intervention du décret d'application, il n'appartient pas à la cour de fixer la durée de conservation des données que l'hébergeur doit conserver ni de sélectionner celles que celui-ci doit communiquer en application de l'article 6-II, étant observé que les intimés demandent de façon générale la communication 'des données collectées aux fins d'identifier'les internautes en cause ;

Sur la responsabilité des sociétés Google :

Considérant que les appelantes exposent qu'il est de la nature d'un moteur de recherche tel que Google Images, d'indexer les images qui circulent sur internet et d'en proposer aux utilisateurs sur la page des résultats, des aperçus sous la forme de vignettes ; que de telles activités ne constituent pas des actes illicites ; qu'elles ajoutent que l'indexation de la photographie et l'affichage d'aperçus ne portent pas atteinte aux droits d'auteur en sorte qu'il n'existe aucune nécessité dans une société démocratique, de restreindre la liberté d'indexer dont bénéficie un moteur de recherche tel que Google Images pour satisfaire le droit du public à l'information ;

Considérant que Monsieur [I] fait en revanche valoir que les appelantes ne proposent pas simplement un moteur de recherche, mais offrent la possibilité de visionner et de télécharger directement la photographie sur le site de Google Images ; qu'en effet, cette fonctionnalité est offerte par Google directement sur son site en dissociant l'image de son contexte originel ; qu'en outre Google Images permet à l'internaute de rechercher et d'obtenir les images aux formats qu'il souhaite (de très grande taille, portraits, ..), outils auxquels Monsieur [I] ne consacre pas une analyse juridique distincte mais qu'il décrit comme concourant à l'aggravation de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux et moraux ;

Qu'il souligne que Google s'est vu notifier dès le 8 décembre 2008 puis le 21 janvier 2009, sa volonté de ne voir indexer aucun site reprenant sa photographie, n'en ayant jamais cédé les droits ; que pourtant Google Image continua à référencer ces reproductions contrefaisantes et a, ce faisant, engagé sa responsabilité délictuelle ;

Considérant, ceci exposé, qu'en raison de la nature du service fourni et des faits tels qu'ils sont incriminés par [W] [I], la responsabilité des sociétés Google doit être appréhendée au regard de l'article 6.1.2 de la loi du 21 juin 2004 et de la directive CE 2000/31, examinés ci-avant ;

Considérant que s'agissant de l'activité du moteur de recherche, il sera relevé que cette fonction permet, grâce à la constitution d'index à partir d'informations disponibles sur internet, qui sont détectées, identifiées et indexées par un processus entièrement automatisé, sans intervention ou révision par des personnes humaines, de faire apparaître sur la page résultats en réponse à une demande de recherche, une mosaïque d'images sous la forme de vignettes, avec la mention de références (en particulier l'adresse du site présentant la photo) ;

Considérant que l'affichage des résultats ainsi réalisé ne saurait être considéré comme excédant la prestation technique adaptée à la fonctionnalité attendue d'un moteur de recherche d'images, tant il est vrai qu'une présentation de résultats sous la seule forme de références textuelles ne répondrait pas à la fonction même d'un tel service dont la nécessité ne fait pas débat ;

Considérant qu'il suit qu'en raison de l'automatisme de la recherche, le résultat de celle-ci qui conduit aux contenus mis en ligne, n'établit pas pour autant que les appelantes ont pu exercer un contrôle actif sur ces contenus ; que la forme de l'affichage (mosaïque de vignettes) donne un simple aperçu visuel qui répond à l'exigence de neutralité dégagée par la directive et permet aux appelantes, sous réserve de limiter leur prestation à la seule activité de référencement, de bénéficier du régime spécifique de responsabilité organisé par l'article 6.1.2 de la loi du 21 juin 2004 ;

Considérant que les appelantes qui se prévalent de la liberté de recevoir ou de communiquer des informations énoncée à l'article 10 de la Convention de Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne soutiennent pas que cette liberté les autoriserait à maintenir l'indexation d'images dont le caractère contrefaisant leur aurait été dûment notifié ;

Qu'elles se devaient donc, par application de l'article 6.1.2 précité, d'agir promptement pour retirer les images portant atteinte aux droits d'auteur de Monsieur [I], droits fondamentaux qui figurent également au nombre de ceux proclamés, notamment, par la Déclaration Universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 et par la Charte des droits fondamentaux communautaire du 18 décembre 2000 ;

Considérant que, comme l'ont relevé les premiers juges, les procès-verbaux de constat dressés par l'Agence de Protection des Programmes les 13 novembre 2008, 2 janvier, 4 février et 10 mars 2009 établissent la reproduction sur le site accessible à l'adresse http://images.google.fr de la photographie de [J] [H] dont [W] [I] est l'auteur ;

Considérant que celui-ci a fait connaître aux appelantes en notifiant le 8 décembre 2008 le premier constat du 28 novembre, puis le 21 janvier 2009 le second constat en date du 2 janvier, sa volonté de ne voir indexer aucun site reprenant sa photographie ;

Que ce ne sera pourtant que le 14 janvier 2009 que les appelantes peuvent justifier avoir procédé aux premiers retraits, avant d'effectuer le 6 février 2009 le retrait de nouvelles reproductions identifiées par le procès-verbal du 2 janvier ;

Que les retraits ne furent effectifs que plus de deux semaines après le signalement des sites litigieux, délai que les appelantes expliquent par des difficultés techniques, notamment la nécessité de traduire les signalements, mais qui ne satisfait pas à l'exigence de promptitude posée par la loi ;

Considérant que les constats et les captures d'écran postérieurs démontrent à l'envi que les appelantes, alors qu'elles étaient dûment informées des droits de Monsieur [I], n'ont pas pris les mesures utiles pour prévenir de nouvelles mises en ligne, rien ne venant établir qu'il puisse s'agir d'autres photographies que celles dont l'intimé est l'auteur ;

Que les sociétés Google qui ne sauraient dès lors bénéficier du régime de responsabilité aménagée prévue à l'article 6.1.2 sus mentionné, ont engagé leur responsabilité dans les termes du droit commun ;

Considérant qu'il suit que la décision entreprise sera confirmée, par substitution de motifs en ce qui concerne la responsabilité des sociétés Google, en ce qu'elle a retenu que l'atteinte aux droits patrimoniaux de l'intimé était constituée par les diffusions successives de son 'uvre sur le service de Google Images, toutes intervenues sans son autorisation ;

Que la violation de son droit moral l'est tout autant par l'atteinte portée à son droit au nom en l'absence de mention d'un crédit photographique, et par celle portée à l'intégrité de l'oeuvre en raison des recadrages opérés ;

Qu'en revanche, Monsieur [I] ne peut prétendre que son droit de divulgation aurait été violé puisque sa photographie avait déjà été divulguée avec son accord, dans un extrait du journal Télé Moustique du 29 novembre 2006 ;

Considérant enfin que le procès-verbal du 19 mai 2010 et les captures d'écran du 26 novembre 2010 démontrent la récurrence de mise en ligne de la photo et l'absence de diligences entreprises par les appelantes pour en prévenir le renouvellement ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que le préjudice patrimonial de Monsieur [I] tient à un manque à gagner sur les redevances qu'il aurait pu percevoir et sur l'impossibilité si non la difficulté de céder ses droits pour une exploitation de cette photographie sur internet ;

Que son préjudice est aggravé, comme il le soutient, par la possibilité de réaliser grâce aux services de Google Images, l'agrandissement de la vignette pour obtenir la photo en taille réelle ;

Considérant qu'il convient de distinguer, comme le fait Monsieur [I] dans ses écritures, les photographies initialement mises en ligne sur les sites hébergés par la société Auféminin.com et référencées par Google Images de celles mises en ligne par d'autres sites qui ne sont pas hébergés par la société Auféminin.com et qui ont été référencées par Google Images(cf procès-verbaux des 19 mai et 4 juin 2010, captures d'écran des 26/29 novembre et 6 décembre 2010) ;

Considérant qu'au regard de l'ensemble de ces éléments il convient de confirmer la condamnation in solidum des sociétés Google et de la société Auféminin.com prononcée par les premiers juges, mais d'y ajouter une condamnation des seules sociétés Google à verser à Monsieur [I] les sommes complémentaires de 10 000 euros en réparation des atteintes portées à ses droits patrimoniaux et de 10 000 euros en réparation des atteintes portées à son droit moral ;

Que les mesures d'interdiction et de publication seront confirmées sauf à ajouter que la mesure de publication tiendra compte du présent arrêt ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que l'équité commande de condamner les sociétés Google et Auféminin.com à verser à Monsieur [I] la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Confirme la décision déférée sauf en ce qui concerne le fondement de la responsabilité des sociétés Google,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que les sociétés Google Inc. et Google France, exploitant le moteur de recherche sur le site accessible à l'adresse http://images.google.fr, n'ont pas retiré promptement la reproduction de la photographie représentant [J] [H], prise par [W] [I] au festival de Marrakech en 2001, ni accompli les diligences nécessaires pour empêcher la remise en ligne de cette 'uvre ; que ce faisant, elles ne peuvent se prévaloir de la limitation de responsabilité prévue à l'article 6.1.2 de la loi du 21 juin 2004 modifiée par la loi du 9 juillet 2010, et ont engagé leur responsabilité pour avoir porté atteinte aux droits patrimoniaux et au droit moral d'[W] [I],

Condamne in solidum les sociétés Google Inc. et Google France à verser au titre des reproductions autres que celles initialement mises en ligne sur les sites hébergés par la société Auféminin.com et référencées sur leur moteur de recherche, à verser à [W] [I] les sommes complémentaires de 10 000 euros au titre de l'atteinte à ses droits patrimoniaux et de 10 000 euros au titre de l'atteinte portée à son droit moral,

Déboute [W] [I] de sa demande relative à la condamnation de la société Auféminin.com pour ne pas avoir conservé des données utiles à l'identification de la personne se cachant sous le pseudonyme 'Choupine 1000' et de sa demande relative à la communication de données permettant d'identifier les personnes à l'origine des mises en ligne litigieuses,

Condamne in solidum les sociétés Google Inc., Google France et Auféminin.com à verser à [W] [I] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens qui seront recouvrés dans les formes de l'article 699 du même code.

Le greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 09/21941
Date de la décision : 04/02/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°09/21941 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-04;09.21941 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award