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01/02/2011 | FRANCE | N°08/23888

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 01 février 2011, 08/23888


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 01 FEVRIER 2011



(n° , 7 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 08/23888



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/15729







APPELANTE





ASSOCIATION LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER représentÃ

©e par ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 8]



Représenté par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoué

Assisté de Me Philippe LAMOTTE





INTIME





Société MAAF VIE prise en la personne de ses repr...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRET DU 01 FEVRIER 2011

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/23888

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/15729

APPELANTE

ASSOCIATION LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER représentée par ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoué

Assisté de Me Philippe LAMOTTE

INTIME

Société MAAF VIE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 11]

Représenté par la SCP GOIRAND, avoué

Assisté de Me Jean-François SALPHATI, avocat SELAS SALPHATI

INTIME

Madame [H] [T] épouse [Y]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représenté par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoué

Assisté de Me Frédérique BAULIEU, avocat plaidant pour la SCP HENRI LECLERC & associés

INTIME

SA ASSURANCES BANQUE POPULAIRE VIE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par la SCP BASKAL - CHALUT-NATAL, avoué

Assisté de Me Stéphanie COUILBAULT DI TOMMASO, avocat plaidant pour la SELARL MESSAGER-COUILBAULT

INTIME

Société HSBC ASSURANCES VIE ANCIENNEMENT DENOMMEE ERISA

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoué

Assisté de Me Bruno QUINT, avocat du cabinet GRANRUT

INTIME

Société PROTECTRICE DES ANIMAUX prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représenté par Me MELUN, avoué

Assisté de Me JF FERRAND, avocat à Bordeaux

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRESIDENT : Madame Sabine GARBAN

CONSEILLERS : M. Christian BYK et Mme Sophie BADIE

GREFFIER

Dominique BONHOMME-AUCLERE

DEBATS

A l'audience publique du 06.12.2010

Rapport fait par M. Christian BYK, conseiller, en application de l'article 785 du CPC

ARRET

Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par M. Christian BYK, conseiller, en l'empêchement du président et par D. BONHOMME-AUCLERE, greffier

***********************

Par acte du 26 septembre 2006, Mme [T] a assigné devant le Tribunal de grande instance de PARIS, en restitution de sommes léguées par son père, les sociétés d'assurance ASSURANCES BANQUE POPULAIRE VIE (ABPV), ERISA(devenue HSBC ASSURANCES VIE), MAAF VIE, la SOCIÉTÉ PROTECTRICE DES ANIMAUX (SPA) et la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER.

Par jugement du 18 novembre 2008, cette juridiction a:

- rejeté la demande de requalification des contrats litigieux en contrats de capitalisation,

- condamné la société ABPV à restituer à Mme [T] la somme de 48981,37 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2005,

- constaté la nullité des désignations, au profit de la SPA et de la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER, opérées sur les contrats d'assurance vie souscrits par M. [T] auprès de la société ABPV, de la MAAF et de la société HSBC,

- ordonné le rapport à la succession de M. [T] des fonds placés sous le contrat Multi Epargne Vie n°2,

- condamné la société ABPV à payer à Mme [T] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .

Par déclaration du 18 décembre 2008, la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER a fait appel de cette décision et, dans dernières conclusions du 26 août 2009, elle demande l'infirmation du jugement , de dire que sa désignation comme bénéficiaire et co-bénéficiaire des contrats litigieux repose sur une cause licite, de débouter Mme [T] de ses demandes en nullité et de rapport à la succession et, subsidiairement, de limiter ce rapport à une proportion très réduite des primes. Il est demandé à Mme [T] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration du 18 décembre 2008, la SPA a fait appel de cette décision et, dans des dernières conclusions du 2 novembre 2010, elle sollicite la confirmation du jugement s'agissant de la qualification des contrats, l'infirmation en ce qu'il a constaté la nullité des désignations opérées à son profit et à celui de la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER, le rejet des demandes subsidiaires de Mme [T] fondées sur les articles 1131 et 1133 du code civil, le débouté des demandes très subsidiaires visant à voir retenir le caractère manifestement exagéré des primes et à voir ordonner le rapport de la totalité de celles-ci et des intérêts et, à titre infiniment subsidiaire, le rejet de la demande de Mme [T] tendant à obtenir le rapport à la succession de l'intégralité des primes versées.

En tout état de cause, il est demandé la condamnation de Mme [T] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par dernières écritures du 23 novembre 2010, Mme [T] sollicite la confirmation du jugement, subsidiairement, elle demande à la cour de constater le caractère manifestement exagéré des primes et d'ordonner le rapport à la succession de la totalité de celles-ci et des intérêts .En tout état de cause, elle réclame la condamnation in solidum des sociétés ABPV, HSBC, MAAF, de la SPA et de la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER à lui payer la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par dernières conclusions du 20 août 2009, la société ABPV s'en remet à justice quant au fait de savoir si elle doit ou non restituer à Mme [T] la somme de 48981,37 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2005, demande à la cour de dire qu'elle n'a commis aucune faute , de constater que les contrats souscrits sont des contrats d'assurance-vie et non des contrats de capitalisation et s'en remet à justice sur la demande de nullité des modifications ayant exclu Mme [T] du bénéfice des contrats. En tout état de cause, elle demande à la cour de dire qu'elle ne pourra verser le capital que conformément aux dispositions de l'article 806 III du code général des impôts, de prendre acte qu'elle s'en remet à justice sur le caractère manifestement exagéré ou non des primes et leur rapport à la succession. Il est enfin demandé à Mme [T] la somme de 2 600 euros au titre des frais irrépétibles.

Par dernières conclusions du 9 octobre 2009, la MAAF s'en rapporte à justice et sollicite de tous succombants la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 20 novembre 2010,la société HSBC sollicite la confirmation du jugement sur la requalification des contrats, l'infirmation sur la demande en nullité et le rapport à succession. Elle demande, à titre subsidiaire, de constater que seule la SPA pourra être tenue de restituer la partie des primes jugées manifestement excessives, que les sommes à verser à Mme [T] au titre du contrat Multi Epargne Vie n°2 s'entendent après déduction des droits de mutation , de condamner la SPA à restituer les sommes versées par la société HSBC au titre du contrat Plan Epargne Vie . En tout état de cause, elle réclame la condamnation de Mme [T] à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

CE SUR QUOI, LA COUR

Sur la qualification des contrats:

Considérant que tant la SPA que la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER, l'ABPV et la société HSBC concluent à la qualification des contrats au titre de l'assurance-vie, que Mme [T] et la MAAF s'en rapportent à justice sur ce point ;

Considérant que les contrats d'assurance litigieux , qui comportent un aléa dépendant de la durée de vie, constituent des contrats d'assurance-vie, qu'il n'y a donc pas lieu de procéder à leur requalification ;

Sur la demande de restitution par la société APBV de la somme de 48981,37 euros:

Considérant que Mme [T] déduit la légitimité de la restitution de la somme de 48 981,37 euros du fait que son père a utilisé abusivement des sommes, dont il n'était que l'usufruitier, pour alimenter le contrat litigieux ;

Considérant que la société APBV s'en rapporte à justice ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que la somme litigieuse provient de fonds, dont M. [T] n'était qu'usufruitier, sa fille étant nue-propriétaire, que l'usufruit s'éteignant avec le décès, cette somme doit être restituée , avec les intérêts produits, à Mme [T], qui en a acquis la pleine propriété au décès de son père;

Sur la nullité des modifications des bénéficiaires des contrats:

Considérant qu'au soutien de son appel, la SPA fait valoir que dans un contrat d'assurance-vie, la désignation par le souscripteur d'un bénéficiaire ne peut encourir la nullité sur le fondement de la cause licite puisqu'il ne s'agit pas d'une obligation au sens du code civil;

Considérant que la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER souligne que Mme [T] ne démontre pas la nature illicite de la cause qui a animé son père alors que son intention libérale à l'égard de la Ligue est incontestable;

Considérant que la société HSBC ajoute que la désignation d'une association d'utilité publique est exclusive de toute clause illicite ou immorale;

Considérant que Mme [T] estime que son père a agi, non par intention libérale, mais avec le seul souhait de ne pas laisser son héritage à sa fille ;

Considérant, en premier lieu, que, contrairement au moyen avancé par la SPA, la désignation du bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie constitue un acte unilatéral , dont les conditions de validité sont soumises aux dispositions de l'article 1108 du code civil et donc à l'exigence d'une cause licite ;

Considérant que, pour démontrer que la cause déterminante des désignations litigieuses réside essentiellement dans l'intention de nuire à sa fille 'en raison d'une discrimination fondée sur la race de son conjoint et la couleur de ses enfants', ainsi que l'ont estimé les premiers juges, Mme [T] fournit les attestations de Mmes [S], [K] et [L] ;

Considérant que Mme [S] déclare avoir 'appris par [Z] [T] (la mère de l'intimée) un jour au téléphone que sa fille [H] était partie de la maison, qu'elle était enceinte de sa fille et que le père était 'noir', qu'elle ajoute que 'connaissant le sectarisme de mon cousin, il était évident que cela allait être un drame';

Considérant que cette relation d'une unique conversation téléphonique-l'attestante reconnaissant qu'elle n'avait pas l'occasion de rencontrer les époux [T]- n'est pas suffisante à démontrer que la cause du changement de bénéficiaire des contrats aurait été fondée sur le racisme de M.[T], que notamment, l'impossibilité de dater la conversation téléphonique rapportée ne permet pas d'établir sa concomitance avec la date à laquelle le changement de bénéficiaire a été opéré;

Considérant que ,si dans son attestation Mme [K] mentionne avoir entendu 'M. [T] affirmer que son état médical et celui de sa femme étaient la conséquence des contrariétés qu'ils subissaient du fait du choix d'[H] de faire sa vie avec un noir', il ne se déduit pas automatiquement de cette relation que M. [T] ait entendu déshériter sa fille en raison de ce choix ;

Considérant, enfin, que si Mme [L] atteste également que ' de toute évidence, M. [T] refusait que sa fille fréquente un homme de couleur' et a persisté en ce sens, elle ne rapporte cependant aucun propos de M. [T] démontrant qu'il souhaitait priver sa fille de tout héritage pour cette raison ;

Considérant, par ailleurs, qu'en désignant en 2003 et 2005 la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER comme unique bénéficiaire de trois contrats et comme co-bénéficiaires de deux autres, M. [T], dont l'épouse était décédée antérieurement d'un cancer et qui se savait atteint dès 2003 par cette maladie, a incontestablement, en procédant à cette désignation non anodine d'un bénéficiaire, donné une cause licite à l'ensemble de ses libéralités au profit des associations désignées ;

Considérant que quel que soit le mobile qui a animé M. [T] dans son intention libérale, la cause de celle-ci est bien, en l'espèce, de gratifier les bénéficiaires désignés , notamment au regard de l'objet de l'activité de la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER, que cette intention libérale ainsi caractérisée constitue une cause licite aux présentes libéralités, qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité des désignations, le jugement déféré devant être infirmé de ce chef ;

Sur le caractère manifestement exagéré des primes versées:

Considérant qu'à titre subsidiaire, Mme [T] estime que les primes, qui représentent près de 100 % de ce qu'aurait été la succession, sont manifestement exagérées et doivent être rapportées intégralement à la succession ;

Considérant que la Ligue réplique que le caractère manifestement excessif s'apprécie pour chaque prime individuellement et au regard de la situation de fortune du souscripteur à l'époque du versement et, qu'en l'espèce, Mme [T] ne rapporte pas la preuve que, pour les contrats MAAF et ABPV signés avant 2002, cette situation de fortune n'était pas en relation avec les primes versées ;

Considérant qu'elle ajoute, s'agissant de contrat ERISA VIE 2 souscrit en 2003, qu'elle estime, comme la SPA, que les primes ne sauraient être considérées comme exagérées et que si elles l'étaient, ce caractère excessif ne devrait en toucher qu'une proportion réduite;

Considérant que c'est au moment du versement des primes qu'il convient d'apprécier leur caractère excessif ou non au regard de l'âge et de la situation patrimoniale du souscripteur;

Considérant que, s'agissant des primes versées antérieurement au décès de sa mère, Mme [T] reconnaît explicitement dans ses conclusions qu' 'elles ne sont pas manifestement excessives';

Considérant qu'elle estime que tel n'est pas le cas des primes versées postérieurement à ce décès dès lors que son père ne bénéficiait que d' 'une retraite dérisoire' et 'était gravement malade';

Mais considérant que si les revenus de M. [T] étaient alors moins fournis, il est néanmoins établi qu'il possédait un capital mobilier non négligeable , qu'il était usufruitier des propriétés appartenant à son épouse défunte et qu'il a bénéficié du prix de la vente de son fonds de commerce, que le subsidiaire de la demande ne saurait donc être accueilli;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que l'équité ne commande pas, en l'espèce, de faire droit aux demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire et par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le rejet de la demande de requalification des contrats et celle portant sur la restitution par la société APBV à Mme [T] de la somme de 48 981,37 euros,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [T] tant de sa demande de nullité des désignations des bénéficiaires des contrats que de celle visant à faire rapporter à la succession les primes manifestement exagérées versées par le souscripteur,

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ,

Condamne Mme [T] aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile .

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 08/23888
Date de la décision : 01/02/2011

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°08/23888 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-01;08.23888 ?
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