Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 26 JANVIER 2011
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/09747
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2008 -Tribunal de Grande Instance d'AUXERRE - RG n° 03/01705
APPELANT
Monsieur [F] [J]
né le [Date naissance 4] 1946 à [Localité 11] (ALGÉRIE)
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour
assisté de Me Gilles BOSSY, avocat au barreau de PARIS, toque : B 421
INTIMÉE
Madame [G] [Y] divorcée [J]
née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 9] (54)
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentée par Me Bruno NUT, avoué à la Cour
assistée de Me Michaël DOULIKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E 21
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 14 décembre 2010, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Pascal CHAUVIN, président,
Madame Isabelle LACABARATS, conseiller
Madame Dominique REYGNER, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats : Madame Nathalie GALVEZ
lors du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Le 22 mai 1995, le tribunal de grande instance d'Auxerre a prononcé le divorce de Monsieur [F] [J] et Madame [G] [Y], qui s'étaient mariés le [Date mariage 3] 1970 et avaient adopté le régime de la séparation de biens par acte du 15 février 1974.
Par jugement du 5 mai 2008, après expertise ordonnée par le juge de la mise en état et confiée à Monsieur [Z], le tribunal de grande instance d'Auxerre a :
- fixé la valeur vénale de l'immeuble indivis situé à [Localité 10] à la somme de 330 000 euros,
- ordonné l'attribution préférentielle de l'immeuble indivis à Madame [Y],
- dit cette dernière créancière, au titre du financement de l'immeuble indivis, de la somme de 335 020,98 euros envers l'indivision et de la somme de 167 510,49 euros envers Monsieur [J],
- débouté Madame [Y] de ses demandes d'application du coefficient d'érosion monétaire,
- condamné Madame [Y] à payer à Monsieur [J] une indemnité d'occupation mensuelle de 742,91 euros à compter du 19 avril 1997 et jusqu'à la date du jugement,
- débouté Madame [Y] de sa demande d'abattement de 25 % par enfant,
- dit que les sommes déjà versées par Madame [Y] au titre de l'indemnité d'occupation viendraient, sur justificatifs, s'imputer sur le montant retenu par la présente décision,
- dit Madame [Y] créancière envers l'indivision de la somme de 19 071,06 euros au titre des primes d'assurance, taxes d'habitation et taxes foncières,
- dit que cette somme serait à parfaire sur justificatifs concernant les dépenses engagées par Madame [Y] postérieurement aux opérations d'expertise,
- débouté Monsieur [J] de sa demande au titre des meubles meublants,
- dit Monsieur [J] créancier envers Madame [Y] au titre du paiement des impôts de cette dernière,
- renvoyé sur ce point les parties devant le notaire liquidateur qui, sur justificatifs, procéderait aux comptes permettant de déterminer précisément la somme due par Madame [Y] à ce titre, et qui achèverait de procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage,
- rejeté les autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.
Monsieur [F] [J] a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe du 20 mai 2008 et Madame [G] [Y] par déclaration du 19 juin 2008.
Les deux procédures, enregistrées respectivement sous les n° 08/09747 et 08/ 12119 ont été jointes par ordonnances du conseiller de la mise en état du 30 octobre 2008 pour être suivies sous le n° 08/09747.
Par arrêt du 30 avril 2009, cette cour (2ème chambre B) a, avant dire droit, ordonné une nouvelle expertise, confiée à Monsieur [K], afin d'estimer l'immeuble indivis et d'évaluer le montant de l'indemnité d'occupation due par Madame [Y] et a sursis à statuer sur le surplus des demandes jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.
L'expert a déposé son rapport le 13 avril 2010.
Par ordonnance du 28 septembre 2010, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de contre-expertise formée par Madame [Y] par voie d'incident.
Par dernières conclusions déposées le 26 novembre 2010, Monsieur [F] [J] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qui concerne l'attribution préférentielle à Madame [Y] du bien immobilier situé à [Adresse 8],
infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
- fixer la valeur actuelle de la maison à 430 000 euros et l'indemnité d'occupation à 1 600 euros par mois à compter du 19 avril 1997,
- dire qu'au vu des comptes entre les parties, il est créancier d'une somme qui ne saurait être inférieure à 203 250 euros, avec intérêts à compter du 1er janvier 1991, ou, subsidiairement, à compter du 19 avril 1997, avec anatocisme en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,
- constater qu'il a financé la maison à hauteur au moins de 828 949 francs, soit 126 372,46 euros,
- désigner un commissaire priseur pour évaluer les meubles meublants ou fixer leur valeur à 50 000 euros,
- dire que dans le cadre des opérations de comptes, liquidation et partage, le notaire devra tenir compte de ces valeurs,
en tout état de cause,
- débouter Madame [Y] de l'ensemble de ses demandes et notamment de celles qu'elle forme au titre du coefficient d'érosion monétaire, de l'abattement de 25% par enfant occupant sur l'indemnité d'occupation et de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame [Y] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et au paiement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du même code.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 24 novembre 2010, Madame [G] [Y] entend voir, infirmant partiellement le jugement :
- fixer l'indemnité d'occupation de la maison de [Localité 10] (89) à une somme mensuelle, revenant à l'indivision, n'excédant pas 800 euros,
- dire qu'il y aura lieu d'appliquer un abattement de 25 % sur les périodes d'occupation par chaque enfant,
- dire que la somme de 19 071,06 euros correspondant aux primes d'assurance, taxes d'habitation et taxes foncières sera revalorisée et se verra appliquer le coefficient d'érosion monétaire du CGI par le notaire liquidateur,
- dire que la somme de 335 020,98 euros correspondant au remboursement intégral des emprunts ayant servi à l'édification du bien indivis sera revalorisée et se verra appliquer le coefficient d'érosion monétaire du CGI par le notaire liquidateur,
- condamner Monsieur [F] [J] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
- confirmer pour le surplus le jugement et débouter Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes,
subsidiairement, au cas où la valeur vénale de l'immeuble serait fixée à une somme supérieure à 330 000 euros,
- lui donner acte de ce qu'elle ne sollicite plus l'attribution préférentielle du bien indivis.
SUR CE, LA COUR,
Considérant, sur les valeurs vénale et locative de l'immeuble indivis, que Monsieur [K], qui a visité l'immeuble, dont il donne une description minutieuse, et procédé à une étude de sa situation et des ventes réalisées récemment dans la même commune, conclut à une valeur vénale du bien indivis de 430 000 euros et à une valeur locative de 1 600 euros que Monsieur [J] propose de retenir ; que pour s'opposer à ces estimations, Madame [Y] verse aux débats un avis de valeur et une attestation de Maître [T], notaire, deux attestations émanant d'agences immobilières et plusieurs annonces relevées sur internet et invoque un certain nombre d'éléments susceptibles de diminuer la valeur de l'immeuble ;
Que les annonces publiées sur internet qui ne sont pas le reflet de transactions effectives sont dépourvues de valeur probante ; qu'outre qu'ils sont, curieusement, présentés et rédigés en termes quasiment identiques, les avis émanant de deux agents immobiliers, qui ne mentionnent pas avoir visité le bien dont ils ne fournissent aucune description et précisent eux-mêmes que l'indication de prix donnée ne peut s'assimiler à une expertise, ne présentent guère plus de force probante ; que l'avis de valeur délivré par Maître [T], qui conclut à une valeur vénale de 390 000 euros et à une valeur locative de 1 150 euros, comporte une description du bien et de son environnement mais ne fait cependant référence à aucune transaction comparable ;
Qu'enfin, force est de constater que Madame [Y] ne fournit pas davantage à la cour qu'à l'expert de justificatifs à l'appui de ses dires quant aux différents éléments susceptibles de diminuer la valeur locative du bien qu'elle invoque ;
Qu'étant observé que Madame [Y] ne réitère pas devant la cour sa demande de nouvelle expertise, les valeurs vénale et locative proposées par Monsieur [K] au terme d'une expertise rigoureuse et contradictoire seront en conséquence retenues ;
Considérant, sur l'attribution préférentielle de l'immeuble, qu'il convient de prendre acte de ce que, compte tenu de la valeur vénale retenue par la cour, Madame [Y] ne maintient pas sa demande d'attribution préférentielle ;
Que le jugement doit donc être infirmé de ce chef ;
Considérant, sur l'indemnité d'occupation, qu'eu égard à la valeur locative proposée par l'expert, dont il convient d'observer qu'elle demeure assez proche de celle préconisée par le premier expert en 2003, à la précarité de l'occupation dont bénéficie Madame [Y] sur le bien et à la circonstance qu'elle a hébergé les enfants communs respectivement jusqu'en 1998, 1999 et 2002, il convient, sans suivre cette dernière en sa demande d'application d'un abattement de 25% par enfant occupant, de fixer l'indemnité d'occupation mensuelle dont elle est redevable envers l'indivision à la somme de 1 100 euros pour la période du 19 avril 1997 jusqu'au 31 décembre 2002 et à 1400 euros à compter du mois de janvier 2003 ;
Considérant, sur le financement de l'immeuble indivis, que, relevant qu'il n'était pas contesté par Monsieur [J] que Madame [Y] avait financé intégralement la construction de la maison et assumé seule les emprunts y afférents, le jugement a retenu que Madame [Y] était ainsi créancière à ce titre de la somme de 335 020,98 euros envers l'indivision et de 167 510,49 euros envers Monsieur [J] ; que ce dernier soutient en cause d'appel avoir financé l'immeuble à hauteur de 126 372,46 euros, directement par le montant du PEL ayant servi à obtenir le prêt et de versements effectués ou chèques prélevés sur son compte et par les pensions versées depuis 1992 ainsi qu'indirectement par une plus grande participation aux frais du ménage, impôts locaux et sur le revenu, fioul, électricité, vacances, etc... ;
Que Monsieur [J] ne se réfère dans ses écritures à aucune des pièces qu'il a communiquées, versées à son dossier de plaidoirie dans un ordre aléatoire, parmi lesquelles il n'a été trouvé aucun élément concernant le versement de son PEL ; que les tableaux de répartition des factures de travaux et photocopies de relevés de comptes annotés par ses soins ou de talons de chèques produits sont dépourvus de valeur probante ; que si sa contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants communs a pu être fixée en tenant compte, notamment, des remboursements d'emprunts, le versement de cette pension alimentaire ne saurait être considéré comme une participation, directe ni même indirecte, au financement du bien immobilier et qu'il en va de même des sommes versées au titre de sa participation aux charges de la vie courante ; qu'encore, s'il peut se prévaloir, le cas échéant, d'une créance envers son épouse au titre du paiement de l'impôt sur ses revenus dont il se serait acquitté, ces paiements ne peuvent être pris en considération comme une participation indirecte au financement de l'immeuble ;
Que Madame [Y] verse pour sa part aux débats devant la cour les conclusions, signifiées le 28 décembre 2007, par lesquelles Monsieur [J] demandait expressément au tribunal de lui donner acte de ce qu'il ne contestait pas que Madame [Y] avait réglé la somme de 335 020,98 euros correspondant aux remboursements des emprunts sans indexation ;
Que Monsieur [J] doit en conséquence être débouté de ses prétentions à ce titre et le jugement confirmé de ce chef ;
Considérant, sur le paiement de l'impôt sur le revenu, que si, ainsi que l'a justement rappelé le premier juge, l'impôt sur le revenu est une charge directe des revenus personnels des époux, de sorte que celui des époux qui a réglé les impôts sur le revenu de l'autre dispose envers lui d'une créance à ce titre, Monsieur [J], à qui incombe la charge de la preuve de la créance de 203 250 euros dont il se prévaut, ne produit qu'un tableau des impositions prélevées en totalité ou partiellement sur un compte ouvert à son nom, sans fournir aucun justificatif des paiements effectués pour le compte de son épouse ;
Que le jugement doit, en conséquence, être infirmé de ce chef et Monsieur [J] débouté de sa demande à ce titre ;
Considérant, sur les meubles meublants, que Monsieur [J], qui sollicite la désignation d'un commissaire priseur ou l'évaluation des meubles meublants à la somme de 50 000 euros, se borne à avancer que le couple s'était attaché à meubler le logement de meubles de grande qualité comme le leur permettait, alors, leur train de vie ; que Madame [Y] réplique qu'à la suite d'un partage amiable en nature, il a emporté les meubles qu'il souhaitait ; que si elle ne justifie pas de ce que les époux auraient procédé à un partage amiable du mobilier comme elle le soutient, Monsieur [J], à qui incombe la charge de la preuve de ce que Madame [Y] serait restée en possession de meubles meublants indivis, ne produit pas la moindre facture, ni la moindre description du mobilier prétendument acquis indivisément et ne verse aux débats que deux photographies, insuffisantes à étayer ses prétentions ;
Que le jugement doit donc être confirmé de ce chef ;
Considérant, sur l'application du coefficient d'érosion monétaire, qu'il résulte de la combinaison des articles 1543, 1479 et 1469 du code civil applicables aux créances entre époux nées pendant le mariage et de l'article 815-13 applicable aux créances nées postérieurement à la dissolution du litige qu'hormis le cas des dépenses d'acquisition, de conservation ou d'amélioration d'un bien, qui peuvent donner lieu à une indemnité eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage, les créances sont du montant de la dépense faite ;
Que Madame [Y] ne peut, dès lors, être suivie dans sa demande d'application d'un coefficient d'érosion monétaire prévu par le code général des impôts ;
Considérant, sur la demande d'anatocisme, que la capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil;
PAR CES MOTIFS
INFIRMANT PARTIELLEMENT le jugement,
FIXE la valeur vénale de l'immeuble situé à [Adresse 8], à la somme de 430 000 euros,
PREND ACTE de ce que Madame [Y] ne sollicite plus l'attribution préférentielle de l'immeuble,
FIXE l'indemnité d'occupation dont Madame [Y] est redevable envers l'indivision à 1 100 euros par mois du 19 avril 1997 jusqu'au 31 décembre 2002 et à 1400 euros par mois à compter du mois de janvier 2003, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
DÉBOUTE Monsieur [J] de sa demande au titre de l'impôt sur le revenu de Madame [Y],
CONFIRME pour le surplus le jugement,
Y AJOUTANT,
DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dûs pour une année entière,
DÉBOUTE les parties de toutes demandes autres, plus amples ou contraires, en ce compris celles formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposés en cause d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,