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20/01/2011 | FRANCE | N°09/03754

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 20 janvier 2011, 09/03754


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 20 Janvier 2011

(n° 4 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/03754 - MAC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Février 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° F 07/00827



APPELANT



1° - Monsieur [N] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Olivier RUPP, avo

cat au barreau de PARIS, toque : L152



INTIMEE



2° - SA FINANCIERE FIDEURAM nouvellement dénommée SA BANQUE PRIVEE FIDEURAM

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Alain...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 20 Janvier 2011

(n° 4 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/03754 - MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Février 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° F 07/00827

APPELANT

1° - Monsieur [N] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Olivier RUPP, avocat au barreau de PARIS, toque : L152

INTIMEE

2° - SA FINANCIERE FIDEURAM nouvellement dénommée SA BANQUE PRIVEE FIDEURAM

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Alain MENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301 substitué par Me Elodie ORY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Décembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Irène LEBE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire en présence de Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente

Mme Irène LEBE, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Irène LEBE, Conseillère, par suite d'un empêchement de la présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [R] a été engagé le 1er janvier 1997 par la SA Banque privée Fideuram Wargny devenue Banque privée Fideuram, en qualité de directeur des activités de marché. Il a été affecté à la table obligataire.

Le 6 mars 2006, il a reçu un rappel à l'ordre pour des manquements professionnels établis par un audit interne de juin 2005 en lien avec une inspection en cours de l'AMF . Ces manquements correspondaient à des conflits d'intérêts par la détention personnelle de titres chez un autre intermédiaire et des opérations financières privées interdites d'aller-retour dans la même journée et pendant les heures de travail.

Les conclusions de l'AMF ont été déposées le 8 Novembre 2006.

M. [R] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement par lettre recommandée du 21 Novembre 2006.

A la suite de l' entretien préalable qui s'est tenu le 4 décembre 2006, M. [R] a été licencié par lettre recommandée du 8 décembre 2006 pour insuffisance professionnelle et manquements aux règles déontologiques.

Contestant son licenciement, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de se voir allouer une indemnité compensatrice de congés payés sur prime annuelle à hauteur de 609'576,90 € ainsi qu'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 4'367'390,22 €, outre une indemnité de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par un jugement du 16 février 2009, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes.

M. [R] a relevé appel de ce jugement.

Dans des conclusions déposées et soutenues oralement lors des débats, M. [R] demande à la cour, à titre principal d'annuler le jugement rendu pour défaut de motivation, subsidiairement de l'infirmer.

Il sollicite la condamnation de la SA Banque Privée Fideuram à lui verser les sommes suivantes :

- 4'387'638,75 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 609'576,90 € à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés sur prime annuelle,

- 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance,

- 5000 € en application des mêmes dispositions légales pour les frais exposés en cause d'appel.

La SA Banque Privée Fideuram conclut à la confirmation du jugement entrepris, s'oppose en tant que de besoin à l'ensemble des demandes formulées et réclame une intégrité de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est expressément renvoyé au jugement, aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement du 8 Décembre 2006, qui circonscrit le litige est rédigée de la manière suivante :

'....en qualité de responsable de la table 'obligations', vous êtes en charge de la réalisation des objectifs de chiffre d'affaires et du budget qui sont fixés avec la direction générale. Vos responsabilités impliquent également l'encadrement d'une équipe pour laquelle une attitude managériale dynamique et constructive est essentielle.

Vos fonctions relèvent par ailleurs d'une activité réglementée et soumise au contrôle de notre autorité de tutelle, l'autorité des marchés financiers, l'AMF.

Or, nous devons déplorer de votre part une insuffisance professionnelle caractérisée et un certain nombre de manquements à nos règles déontologiques et professionnelles.

Votre insuffisance professionnelle s'est révélée tant au travers des résultats de la table obligations que par votre attitude managériale.

Même si notre société a connu en 2006 une baisse générale de ses résultats, la dégradation des résultats de votre département est sans commune mesure puisque le chiffre d'affaires de la table 'obligations' pour l'année 2006 devrait s'établir à moins de 3 millions d'euros alors qu'il a été de 19 millions d'euros pour l'année 2005, soit une chute de plus de 84%.

Nous avons pourtant attiré votre attention, à plusieurs reprises sur cette situation en vous invitant fortement à élargir votre base de clientèle, ce qui aurait ainsi permis d'anticiper et de limiter les conséquences de la perte d'un client important directement lié au départ en congé prolongé d'un membre de l'équipe dont vous avez la responsabilité, Mme [E], sans relation aucune avec une quelconque situation particulière de notre entreprise.

En dépit de nos préconisations, vous n'avez pas su mettre en oeuvre les actions qui auraient permis une diversification de la clientèle ; aucun nouveau client, pouvant générer un chiffre d'affaires significatif, n'a en effet été enregistré.

La dégradation significative des résultats de votre département est donc directement liée à votre manque d'initiative et de motivation.

Ces manquements ont également affecté les collaborateurs de votre département qui connaît depuis trois ans un grave 'turn ouver' par le biais de démissions, le plus important de l'entreprise, alors que nous n'avons cessé d'attirer votre attention sur cette situation et que vous ne pouvez sérieusement soutenir qu'elle serait liée au climat que connaît actuellement l'entreprise en raison d'un éventuel projet de cession envisagé par notre actionnaire, lequel est connu tout au plus depuis un an.

Nous devons également constater un certain nombre d'infractions à nos règles déontologiques et professionnelles, telles qu'édictées par l'AMF et reprises dans le recueil des dispositions déontologiques qui fait partie intégrante de notre règlement intérieur, dont vous avez une parfaite connaissance.

Nous vous avions déjà mis en garde le 6 mars dernier sur ces manquements. Or, leur gravité a été mise en évidence par le rapport que nous a transmis l'AMF, au mois de novembre dernier à la suite de l'enquête qu'elle a diligentée.

Vous avez ainsi fait preuve d'une légèreté particulièrement blâmable et d'un défaut de surveillance surprenant :

- en ne révélant pas à la direction une situation qui était pourtant source d'un conflit d'intérêts, à savoir le fait que la fille de Mme [E] était salariée de Préparvie, client le plus important de votre département dont cette dernière était responsable,

- en ayant permis à votre subordonnée, Mme [E], qui refusait de se soumettre aux procédures réglementaires des enregistrements des échanges téléphoniques de la table, de recevoir et d'exécuter des ordres, notamment avec ce même client Préparvie, dans des conditions irrégulières et aujourd'hui relevées par l'AMF.

De même, non seulement vous n'avez pas déclaré l'existence de comptes titres que vous aviez ouverts auprès d'autres intermédiaires financiers, mais surtout il s'avère que vous avez effectué régulièrement, pendant vos heures de travail, un grand nombre d'opérations sur warrants. Vous saviez pertinemment que ces agissements étaient contraires aux règles édictées par l'AMF et rappelées par notre code de déontologie interne.

Ces faits sont extrêmement préjudiciables à notre entreprise et à sa direction, sans préjuger des sanctions qu'ils pourraient entraîner de la part de notre autorité de tutelle.

Enfin, sans revenir sur l'attitude que vous avez cru devoir adopter en réponse tant à nos précédents courriers qu'à la situation particulière et difficile que traverse notre entreprise, vous avez démontré l'intérêt que vous manifestiez à son encadrement en cherchant ouvertement à provoquer la rupture de votre contrat de travail, et en tentant de l'imputer à la direction générale.

Un tel comportement de la part d'un cadre de votre niveau révèle un manque certain de loyauté et de sens des responsabilités qui rend impossible la poursuite d'une collaboration sereine.

L'ensemble de ces raisons nous conduit donc à vous notifier, par la présente, votre licenciement.

M. [R] demande en vain, à titre préliminaire que le jugement déféré soit annulé pour défaut de motivation, au motif le conseil de prud'hommes a traité de manière indifférenciée sa propre situation et celle de Mme [E] alors qu'en réalité les griefs formulés par la banque pour justifier leurs licenciements respectifs sont distincts, dès lors que le conseil de prud'hommes a relevé que l'existence de difficultés économiques éventuelles ne fait pas obstacle à un licenciement individuel pour insuffisance professionnelle ou pour faute, dont il convient d'examiner le caractère réel et sérieux, que la situation de ces deux salariés ne peut s'apprécier comme celles de cadres ordinaires s'agissant de managers du département de la table obligataire ne pouvant se soustraire aux responsabilités afférentes en se retranchant derrière un manque d'instructions et de directives, que s'y ajoutent des libertés prises en regard de certaines règles déontologiques révélées pendant l'inspection et officialisées par le dépôt du rapport, que ces analyses certes communes mais entrant dans le champ des griefs formulés à l'encontre de M [R] notamment caractérisent une motivation expliquant le rejet de ses prétentions.

Ce moyen est inopérant.

M. [R] soutient par ailleurs que la véritable cause du licenciement est économique puisqu'elle s'est inscrite dans le cadre du projet de cession de la banque officialisée en janvier 2007, que son propre salaire et les charges sociales afférentes étaient susceptibles d'augmenter sensiblement le coût du plan social à mettre en oeuvre, alors que les coûts de fermeture de la société pour 2007 n'ont été provisionnés qu'à hauteur de 50 millions d'euros, qu'une série de licenciements est intervenue entre fin juillet et octobre 2007 au prétendu motif d'un rejet marqué des choix organisationnels de la société, que dans ce contexte la prétendue insuffisance professionnelle est un prétexte fallacieux.

Toutefois, c'est avec pertinence que les premiers juges ont relevé, ainsi que cela a été repris précédemment que l'existence de difficultés économiques ayant en effet amené la banque à négocier un projet de cession dans le courant de l'année 2007 n'est pas exclusif d'un licenciement individuel pour une insuffisance professionnelle ou pour une faute, sous réserve d'en examiner le caractère réel et sérieux.

S'agissant de prétendus manquements aux règles déontologiques et professionnelles, M. [R] fait valoir qu'ils ont fait l'objet d'un avertissement le 6 mars 2006, qu'ils ne peuvent dès lors plus être évoqués, que pour certains des griefs émis et non visés dans l'avertissement, les faits étaient prescrits lorsque la procédure de licenciement a été initiée.

Les manquements aux règles déontologiques et professionnelles évoqués dans la lettre de licenciement ont trait à :

- l'absence de révélation du conflit d'intérêts résultant du fait que la fille de Mme [E], coresponsable du département, était salariée de Préparvie l'un des principaux clients du desk,

- la permission donnée à Mme [E] de se soustraire aux procédures réglementaires des enregistrements des échanges téléphoniques et de recevoir et d'exécuter des ordres dans des conditions irrégulières,

- l'existence de comptes titre ouverts auprès d'autres intermédiaires financiers et la réalisation pendant les heures de travail d'un grand nombre d'opérations sur warrants.

L'avertissement du 6 mars 2006 notifié à M. [R] par une lettre remise en mains propres fait état de la mise en évidence de conflits d'intérêts potentiels résultant notamment de la détention jusqu'en juin 2005 de comptes de dépôts de titres auprès d'un autre intermédiaire, le défaut d'information de ces situations auprès de la direction ainsi que la réalisation d'opérations financières d'ordre privé non seulement interdites mais exécutées pendant les heures de travail.

À défaut pour la banque d'établir que M. [R] a persisté à détenir des comptes- titre auprès d'un autre intermédiaire et à réaliser des opérations financières d'ordre privé interdites et qui plus est, pendant les heures de travail, elle ne peut plus se prévaloir de ce grief, l'avertissement donné le 6 mars 2006 ayant à cet égard vidé son pouvoir disciplinaire.

S'agissant de la permission donnée à Mme [E] de se soustraire aux procédures réglementaires des enregistrements des échanges téléphoniques et de recevoir et d'exécuter des ordres des conditions irrégulières, force est de constater que la banque avait connaissance de ce grief depuis plusieurs mois puisque M. [R] établit par la copie de l'avertissement donné à Mme [E] le 6 mars 2006 que la banque avait connaissance de l'utilisation par Mme [E] d'un poste téléphonique autre que celui qui permettait l'enregistrement des échanges, conformément à la réglementation ,et ce, dès le 21 février 2006 puisqu'il ressort du dit avertissement que la salariée a été expressément interrogée sur cette attitude à cette date.

C'est en vain, que la banque soutient qu'elle n'a été informée de la gravité de ce manquement que lors du dépôt du rapport de l'AMF, dès lors que les termes mêmes de l'avertissement donné à Mme [E] montrent que la banque avait parfaitement connaissance de l'exigence au regard des règles déontologiques de la nécessité de procéder à l'enregistrement des échanges téléphoniques, procédures d'enregistrement qu'il avait d'ailleurs mises en place pour satisfaire au règlement général de l'AMF dont elle avait nécessairement connaissance.

Dès lors qu'il est établi que la banque avait connaissance de cette contravention aux règles déontologiques dès le mois de février 2006, et à défaut pour elle de démontrer que les agissements ont perduré au-delà du 6 mars 2006, avec l'aval de M. [R], ce fait est également prescrit.

Enfin, le grief relatif à l'existence de conflits d'intérêts résultant des liens privés existants entre Mme [E] et un interlocuteur du client Préparvie ne peut davantage être retenu comme motif sérieux de licenciement dès lors que M. [R] établit par la production de la copie de la lettre que Mme [E] a adressée à la banque le 12 avril 2006 que cette dernière avait connaissance de l'existence des relations privées en cause. Mme [E] écrit en effet : 'vous feignez de découvrir l'existence de relations privées entre moi-même et un interlocuteur de notre client (en l'occurrence Préparvie) je me permets à ce sujet de remarquer que les relations privées auxquelles vous faites allusion sont des relations de filiation, puisque cet interlocuteur est ma fille ( portant le même nom que moi, la relation familiale est d'ailleurs facile à faire), que la direction est encore une fois parfaitement informée de ce fait puisque j'organise avec celle-ci et ce client, depuis plusieurs années, des déjeuners réguliers lors desquels ce fait est bien évidemment évoqué, qu'une information officielle, qui plus est a été fait e à ce sujet en mars 2005, soit il y a plus d'un an, enfin ma fille est en congé maternité depuis 2004, ce qui exclut toute relation professionnelle depuis cette date'.

La SA Banque Privée Fideuram ne pouvait donc faire état de ce fait dont elle avait connaissance depuis plus de deux mois quand elle a initié la procédure de licenciement.

Ainsi les manquements aux règles déontologiques ne pouvaient plus être invoqués au soutien de la procédure de licenciement.

Par ailleurs, selon la lettre de licenciement qui circonscrit le litige, l'insuffisance professionnelle s'est révélée, selon l'employeur, tant au travers des résultats de la table 'obligations' que par l'attitude managériale de M. [R].

La banque admet que l'ensemble des activités a connu une dégradation de résultats, mais estime que celle-ci est sans commune mesure avec la chute des résultats de la table 'obligations' que dirigeait M. [R]. Elle précise que le chiffre d'affaires de la table est passé de près de 19 millions en 2005 à moins de 3 millions en 2006, que cette chute résulte de ce que M [R] n'a pas cherché à élargir la base de clientèle, laissant la dite table 'obligations' dépendante d'un client, à savoir le client Préparvie.

Après avoir fait observer qu'il avait toujours reçu, depuis son entrée en fonction en 1997, les félicitations de la banque sans aucun reproche jusqu'en 2006, M. [R] soutient que l'insuffisance de résultats ne peut constituer en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement, qu'elle doit résulter de faits objectifs qui lui soient imputables, qu'en l'espèce, il n'a jamais été invité à élargir sa base de clientèle, que la part de sa rémunération variable révèle l'excellence de ses résultats, que la part du chiffre d'affaires du client Préparvie est demeurée constante, alors que le volume global a considérablement augmenté, que la banque ne pouvait ignorer qu'une part significative du chiffre d'affaires réalisé par l'activité obligataire était avec la compagnie d'assurances Préparvie.

En tout état de cause, il soutient avoir proposé la création de nouvelles activités pour diversifier les sources de revenus de la banque qu'il s'est, à cet égard, heurté à des refus inexplicables de la part de son employeur.

Enfin, il fait remarquer que l'ensemble de l'activité de la banque a connu une baisse significative que M. [W] lui-même expliquait comme résultant 'de la perte de vendeurs et par le dé- référencement de FW auprès des clients'. Elle avait aussi pour lui comme origine l'incertitude sur le devenir de la banque laquelle incertitude compromettait la confiance des clients.

C'est avec pertinence que les premiers juges ont fait remarquer que la situation de M. [R], ne peut s'apprécier comme celle d'un cadre ordinaire s'agissant du manager du département de la table obligataire, disposant de larges pouvoirs pour assumer tout à la fois ses missions et ses responsabilités.

Même si de façon générale la banque accusait une baisse de résultat net entre les exercices 2005 et 2006 de l'ordre de 40%, en ce compris l'effondrement des résultats de la table obligataire, force est de relever que celle-ci a connu une chute de 84% dans le même temps, le chiffre d'affaires étant passé de près de 19 millions d'euros en 2005 à moins de 3 millions d'euros en 2006, que cette chute a pour cause principale la perte du client Préparvie, représentant 61% du chiffre d'affaires et 93% des volumes de transactions.

Les résultats du département 'Table Obligations', certes créé et développé depuis l'origine soit depuis 1997 par M. [R] mais ayant connu une augmentation sensible du volume des transactions à l'occasion de l'arrivée de Mme [E], dépendaient essentiellement du client Préparvie, ce qui représentait un risque important, et pour le département et pour la banque.

À ce niveau de compétences et de responsabilités, M. [R] ne peut effectivement se retrancher derrière l'absence d'instructions ou de consignes précises de la direction sur l'exigence de la diversification de la clientèle pour soutenir que cette carence ne lui est pas imputable et ne peut caractériser une insuffisance professionnelle de nature à justifier son licenciement.

En effet, cette règle élémentaire en ce domaine s'imposait à lui en tant que responsable du département 'obligations'.

Si pendant plusieurs années consécutives, les résultats du département ont été bénéfiques tant pour la banque que pour lui-même ainsi que cela résulte de la part variable de sa rémunération, s'il est patent que la banque qui ne pouvait ignorer l'insuffisance de la base de clientèle doit assumer sa propre carence à cet égard par suite de la baisse sensible des résultats en lien direct avec la perte du client Préparvie, la banque peut faire grief à M [R], le directeur du département disposant d'une compétence spécifique et de pouvoirs importants pour assumer ses fonctions, de la carence professionnelle avérée dont il a fait preuve.

Un témoin, Mme [G], chargée du secteur dit 'Middle office' et assurant le secrétariat de l'équipe obligataire expose que M. [R] a proposé en vain à la banque la création d'une nouvelle activité de 'pensions livrées' dans un souci de diversification des sources de revenus et d'élargissement de l'offre de produits pour la clientèle. S'il est ainsi démontré que conformément à sa mission, M [R] a été amené à présenter au moins une proposition d'activité nouvelle, il n'explique ni quand cette proposition a été faite, ni ne justifie en quoi cette proposition aurait permis l'élargissement de la base de la clientèle et dans quelle proportion.

De même pour un développement de clientèle et d'activité vers la Russie, outre que l'époque à laquelle cette proposition n'est pas précisée, le refus de la la direction en raison du caractère risqué du marché russe est motivé.

En tout état de cause, ces deux propositions limitées dans leur nombre ne sont pas de nature à rendre inopérant le grief formulé dès lors que le marché international était ouvert et que les activités déjà proposées à la clientèle étaient attractives puisqu'un client y souscrivait largement, que d'autres clients pouvaient y souscrire sous réserve d'une prospection adaptée et efficace.

La carence professionnelle résultant de l'absence pendant plusieurs années d'élargissement de la base de clientèle caractérise un motif réel et suffisamment sérieux à ce niveau de compétences et de responsabilités pour justifier le licenciement prononcé et ce sans qu'il soit besoin de procéder à l'analyse de l'attitude managériale de M. [R].

M. [R] sera dès lors débouté de ses demandes tendant à voir qualifier le licenciement de licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir des dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement déféré sera confirmé à cet égard.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés sur la rémunération variable :

M. [R] sollicite le versement d'une somme de 609 576,90 € correspondant à 10% de la rémunération variable perçue entre juin 2001 et janvier 2006, au motif que cette rémunération n'a pas été incluse dans l'assiette de calcul des congés payés.

Toutefois, sont exclues de la base de calcul de l'indemnité de congés payés, les rémunérations variables sans rapport immédiat et nécessaire avec l'activité personnelle du salarié.

Au surplus, ces rémunérations dont le calcul et donc le montant ne sont pas affectés par la prise de congés, sont donc acquises tout au long de l'année, périodes de travail et périodes de congés payés confondues et ne sauraient être incluses dans l'assiette de l'indemnité de congés payés sous peine de cumul.

Il est établi et non utilement contesté que les primes étaient bien assises sur le chiffre d'affaires net généré par l'ensemble du département 'obligations' et versées globalement au département. La distribution et la répartition de ces primes étaient assurées par M. [R] notamment entre tous les membres de l'équipe.

M. [R] ne combat pas non plus l'affirmation selon laquelle il octroyait des primes équivalentes aux siennes à Mme [E].

Il ne peut voir sa demande prospérer dès lors que les primes n'étaient pas directement en lien avec son travail personnel et étaient acquises tout au long de l'année, périodes de travail et périodes de congés payés confondues .

Le jugement entrepris sera également confirmé à cet égard.

Sur la demande d'indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité impose de condamner M [R] à verser à la SA Banque Privée Fideuram une indemnité de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne M. [R] à verser à la SA Banque Privée Fideuram une indemnité de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M [R] aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 09/03754
Date de la décision : 20/01/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°09/03754 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-20;09.03754 ?
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