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18/01/2011 | FRANCE | N°09/19421

France | France, Cour d'appel de Paris, 18 janvier 2011, 09/19421


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 2 - Chambre 1


ARRET DU 18 JANVIER 2011


(no 32, 5 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : 09/19421


Décision déférée à la Cour :
recours formé
contre la décision rendue le 24 juin 2009 par le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques siégeant en matière disciplinaire


DEMANDEUR AU RECOURS


Monsieur Jean-Claude X...


...

75003

PARIS
présent à l'audience
qui a eu la parole en dernier
assisté de Me Geoffroy GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R 17


DÉFENDEURS AU RECOURS


LE ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 18 JANVIER 2011

(no 32, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/19421

Décision déférée à la Cour :
recours formé
contre la décision rendue le 24 juin 2009 par le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques siégeant en matière disciplinaire

DEMANDEUR AU RECOURS

Monsieur Jean-Claude X...

...

75003 PARIS
présent à l'audience
qui a eu la parole en dernier
assisté de Me Geoffroy GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R 17

DÉFENDEURS AU RECOURS

LE CONSEIL DES VENTES VOLONTAIRES DE MEUBLES AUX ENCHERES PUBLIQUES
19, avenue de l'Opéra
75001 PARIS
assisté de Me Laurent MERLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 327
SCP DARTEVELLE BENAZERAF MERLET, avocats au barreau de PARIS

Le MINISTERE PUBLIC
pris en la personne de
Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL
près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile en son parquet
au Palais de Justice
34 Quai des Orfèvres
75001 PARIS
représenté à l'audience par Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général entendu en ses observations

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 novembre 2010, en audience publique les avocats ne s'y étant pas opposé, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
Madame Sylvie MAUNAND, Conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance portant organisation des services de la cour d'appel de PARIS à compter du 30 août 2010, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

MINISTERE PUBLIC
représenté à l'audience par Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, entendu en ses observations

ARRET :

- contradictoire
- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************

La Cour,

En fait :

Considérant que, le 18 juin 2008, la S.V.V. Galiléo Auction et M. Jean-Claude X..., commissaire-priseur, ont organisé une vente aux enchères intitulée « Autographes et militaria » comprenant un ensemble de documents manuscrits et dactylographiés datés de juin à octobre 1940 et se rapportant à l'activité de l'Etat français ;
Que, par lettre du 17 juin 2008, la Directrice des archives de France se prévalant des prérogatives qui lui sont attribuées par l'article L. 212-1 du Code du patrimoine, a revendiqué comme archives publiques un certain nombre de lots de documents se rapportant au Maréchal Pétain ; qu'elle écrivait notamment : « Il n'est pas douteux, au vu de leur descriptif, que ces documents ont été produits dans le cadre des fonctions gouvernementales exercées par le Maréchal Pétain ; par là même, ils appartiennent au domaine de l'Etat et sont, par conséquent, inaliénables et imprescriptibles, conformément aux articles L. 2112-1 du Code général de la propriété des personnes publiques et L. 211-4 du Code du patrimoine. C'est pourquoi, je vous remercie de bien vouloir retirer ces trois lots de la vente et d'en informer le vendeur, avec lequel mes services se mettront en relation pour envisager un règlement amiable » ;
Que, le 18 juin 2008, le conseil de la S.V.V. Galiléo Auction a répondu que sa cliente contestait la nature d'archives publiques des documents visés par la lettre de la Directrice des archives de France et que la vente aurait lieu après lecture de la lettre de revendication ; qu'ainsi, le procès-verbal établi le même jour à la requête de la S.V.V. Galiléo Auction mentionne : « Maître Philippe Pourteau, avocat de la S.V.V. Galiléo Auction a fait lecture de la lettre de la direction des archives de France et de sa réponse du même jour (documents annexés au présent procès-verbal) » ;

Considérant que, le 7 novembre 2008, des faits identiques se sont produits à l'occasion d'une vente organisée par la S.V.V. Galiléo Auction et M. X... ; que, par lettre du 6 novembre 2008, la Directrice des archives de France a revendiqué comme archives publiques un certain nombre de lots de documents en demandant qu'ils fussent retirés de la vente et que, par lettre du 7 novembre 2008, le conseil de la S.V.V. Galiléo Auction et de M. X... répondait que ses clients prenaient les documents dont il s'agissait pour des archives privées ; que le procès-verbal de la vente du 7 novembre 2008 porte la mention suivante : « Maître Philippe Pourteau, avocat de la S.V.V. a fait lecture de la lettre de la direction des archives de France et de sa réponse du même jour (documents annexés au présent procès-verbal) » ;

Considérant que, le 26 novembre 2008, la Directrice des archives de France a saisi de ces faits le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris ; que, le 8 décembre 2008, elle a renouvelé, auprès de M. Pourteau la revendication émise le 6 novembre. Au nom de la S.V.V. Galiléo Auction, l'avocat lui a répondu que les vendeurs et les acheteurs étaient informés de l'opinion de la direction des archives de France et que la S.V.V. Galiléo Auction avait décidé « à titre conservatoire, de suspendre le paiement des produits des ventes en faveur des acheteurs » ;
Que, par lettre du 22 septembre 2008, la Directrice des archives de France a demandé la restitution des documents litigieux et que, par lettre du 14 janvier 2009, elle a informé le commissaire du gouvernement près le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques de l'action en revendication qu'elle engageait ;
Que, par lettre des 3 et 20 février 2009, la S.V.V. Galiléo Auction répondait qu'elle avait pris des mesures conservatoires pour suspendre le règlement des archives revendiquées et conserver celles qui n'avaient pas été vendues ; qu'elle faisait connaître au commissaire du gouvernement et à la Directrice des archives de France que la revendication ne pouvait se régler « que sur le plan judiciaire » dès lors que les vendeurs avaient saisi le Conseil des ventes pour obtenir « la restitution des documents invendus et le paiement du prix des documents vendus » ;
Considérant que, dans ce contexte, le commissaire du gouvernement a saisi le, contre la S.V.V. Galiléo Auction et M. X..., chacun l'interdiction d'exercer son activité pendant deux mois ;

Quant aux prétentions respectives des parties :

Considérant que M. X... a formé un recours contre cette décision ;
Qu'à l'appui de sa demande d'annulation de la décision, M. X... fait valoir que, d'une part, la sanction prise contre lui n'est pas fondée sur le grief qui était visé dans la citation du 12 mai 2009, à savoir la vente d'archives publiques, et que le Conseil des ventes lui a substitué un grief qui n'a pas été discuté à l'audience, c'est-à-dire le refus de déférer aux injonctions de la Directrice des archives de France, de sorte que le Conseil des ventes a violé les droits de la défense et que, d'autre part, le grief substitué n'est pas fondé dès lors que les lettres de la Directrice des archives de France ne contenaient « aucune mesure d'interdiction véritable » ;
Que M. X... fait également valoir que tous les documents litigieux sont postérieurs au 16 juin 1940 de sorte qu'il n'est pas possible, sans violer les articles 1er et 2 de l'ordonnance du 9 août 1944 rétablissant la légalité républicaine, de soutenir qu'ils ont été établis à l'occasion « d'une mission du service de l'Etat par le Maréchal Pétain » ; qu'il en déduit qu'il ne s'agit pas d'archives publiques au sens des articles L. 211-1 et L. 211-4 du Code du patrimoine ;

Considérant que le Conseil des ventes conclut au rejet du recours formé par M. X... qui a été poursuivi pour avoir « mis en vente divers lots qui, ayant le caractère d'archives publiques au sens du Code du patrimoine, avaient été revendiqués par la direction des archives de France » et pour s'être abstenu, en particulier, « de prendre la décision de retirer les lots de la vente » après avoir entendu son conseil « lire les courriers des archives de France » ;
Que le Conseil des ventes soutient que les documents dont il s'agit ont le caractère d'archives publiques dès lors qu'ils émanent du Maréchal Pétain, chef de l'Etat, et que l'existence du régime de Vichy n'entame en rien le principe de la continuité de l'Etat ; qu'il ajoute que seule la direction des archives de France est habilitée à déterminer, sous le contrôle du juge administratif, le caractère d'archives publiques attribué à des documents ;
Qu'au fond, le Conseil des ventes, invoquant les dispositions des articles L. 321-18 et L. 321-22 du Code de commerce, soutient que M. X... a manqué à son devoir de conseil, de loyauté et de prudence en acceptant de procéder aux ventes litigieuses malgré les demandes que lui a fait parvenir le Directrice des archives de France ;

Sur le grief tiré d'une prétendue violation des droits de la défense :

Considérant qu'il ressort de l'acte de poursuites disciplinaires en date du 12 mai 2009 que M. X... a été invité à comparaître pour « avoir mis en vente divers lots qui, ayant la caractère d'archives publiques au sens du Code du patrimoine, avaient été revendiquée par la Direction des archives de France » ; que, pour sanctionner M. X..., le conseil des ventes, qui rappelle la teneur des lettres adressés par la Directrice des archives de France, a notamment retenu que « en acceptant de poursuivre la direction des ventes litigieuses, M. X... a commis un manquement particulièrement grave à ses obligations déontologiques » ;
Qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient M. X..., le Conseil des ventes a statué sur le manquement exposé dans la convocation ;

Sur le moyen tiré de la nature des archives revendiquées par la Direction des archives de France :

Considérant que, comme il ressort tant de la convocation à comparaître devant le Conseil des ventes, que de la décision de ce Conseil, le reproche formé contre M. X... était, non pas d'avoir procédé à la vente d'archives publiques, mais d'avoir vendu des archives revendiquées comme telles par la Direction des archives de France et d'avoir ainsi passé outre une décision de l'autorité légitime ;
Que, dès lors, c'est à juste titre que le Conseil des ventes a notamment décidé que « le débat de savoir si les documents litigieux ont un caractère public est inopérant devant le Conseil… qui n'a pas vocation à trancher le litige, lequel relève de l'appréciation souveraine des juridictions compétentes » ;
Que, sur ce dernier point, il y a lieu d'observer que, d'une part, le juge judiciaire, statuant en matière de discipline des commissaires-priseurs, n'a pas compétence pour apprécier la caractère public d'un document d'archives et que, d'autre part, l'administration bénéficiant du privilège du préalable, le juge administratif ne saurait être saisi que sur la contestation d'une décision de l'administration chargée de la conservation des archives ;
Qu'en conséquence, est inopérante l'argumentation développée par M. X..., tant sur le fondement des articles L. 211-1 et L. 211-4 du Code du patrimoine et L. 2112-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, relatifs à la définition des archives publiques, que sur la base des articles 1er et 2 de l'ordonnance du 9 août 1944 rétablissant la légalité républicaine ;

Sur les injonctions données par la Directrice des archives de France :

Considérant que, pour fonder sa décision, le Conseil des ventes s'appuie sur les lettres adressées les 17 juin 2008 et 6 novembre 2008 tandis que M. X..., qui ne voit dans ces missives « aucune mesure d'interdiction véritable », n'y trouve qu'une « invitation courtoise » ;
Considérant qu'en réalité, par la lettre du 17 juin 2008, la Directrice des archives de France a demandé à la S.V.V. Galiléo dont le marteau était tenu par M. X... « de bien vouloir retirer ces trois lots décrits dans la lettre de la vente » après avoir fait observer qu'au vu du descriptif, « ces documents ont été produits des fonctions gouvernementales exercées par le Maréchal Pétain » et que, « par là même, ils appartiennent au Domaine de l'Etat » ; que, par la lettre du 6 novembre 2008, rédigée en termes empreints de fermeté, la Directrice donne une liste de lots dont elle « demande » le retrait de la vente et ce, en remerciant M. X... de prendre l'attache de ses services « afin d'organiser le retour de ces documents dans les collections publiques » ;
Qu'il ressort de ces deux lettres, rédigées en termes clairs, précis et dépourvus d'ambiguïté, qu'il était demandé à M. X... de s'abstenir de procéder à la vente des lots y énoncés ; qu'il s'agissait donc de décisions exécutoires sans que l'administration, qui bénéficie du privilège du préalable comme il est dit au paragraphe précédent, soit contrainte d'agir en revendication des objets proposés à la vente ou en nullité des ventes, ni même de s'adresser au juge pour arrêter la nature des archives dont il s'agit ;
Que M. X... était donc tenu de déférer aux injonctions de l'autorité administrative sans se faire juge de l'opportunité ou de la légalité des deux décisions, fussent-elles dépourvues de menace de sanction en cas d'inexécution et adressées peu de temps avant l'une et l'autre vente ;
Qu'il appartenait seulement à la société Galiléo ou à M. X..., s'ils s'y croyaient recevables et fondés, de saisir le juge administratif d'un recours contre les deux décisions dont s'agit ;

Sur les faits reprochés à M. X... et la sanction :

Considérant qu'il ressort des circonstances de la cause, telles qu'elles sont rappelées en tête du présent arrêt et énoncées dans la décision critiquée, dont il échet d'adopter la motivation, que M. X... a mis en vente, les 18 juin 2008 et 7 novembre de la même année, des documents qu'il savait revendiqués par la Direction des archives de France comme ayant la nature d'archives publiques ;
Que, se faisant juge de décisions administratives auxquelles il a sciemment refusé de déférer, M. X... a commis des faits difficilement remédiables au préjudice de l'Etat, des vendeurs et des acheteurs et contraires aux règles de prudence et de loyauté régissant sa profession ;
Qu'en conséquence, il convient d'approuver le Conseil des ventes qui, par sa décision du 24 juin 2009, a prononcé contre M. X... une interdiction de deux ans d'exercice de l'activité de personne habilitée à diriger les ventes ;

Et considérant que le Conseil des ventes sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'il convient de lui allouer, en équité, la somme de 3.000 euros ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme la décision prise le 24 juin 2009 par le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques qui a prononcé contre M. Jean-Claude X... une interdiction de deux ans d'exercice de l'activité de personne habilitée à diriger les ventes ;

Condamne M. X... à payer au Conseil des ventes la somme de 3.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne M. X... aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 09/19421
Date de la décision : 18/01/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-18;09.19421 ?
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