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07/12/2010 | FRANCE | N°08/11749

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 07 décembre 2010, 08/11749


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 7 DECEMBRE 2010



(n° , 6 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 08/11749



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mai 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 04/06898









APPELANTE





S.A. COMPAGNIE AVIVA VIE agissant poursuites et dilig

ences en la personne de son directeur général et tous représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 7]



Représenté par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoué

Assisté de Me Bernard VATIER, avocat





INTIMEE



...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRET DU 7 DECEMBRE 2010

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/11749

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mai 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 04/06898

APPELANTE

S.A. COMPAGNIE AVIVA VIE agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général et tous représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoué

Assisté de Me Bernard VATIER, avocat

INTIMEE

Madame [C] [W] et encore [Adresse 2] BELGIQUE

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représenté par la SCP NARRAT - PEYTAVI, avoué

Assisté de Me Nicolas LECOQ-VALLON, avocat plaidant pour la SCP LECOQ-VALLON et associés

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRESIDENT : Madame Sabine GARBAN

CONSEILLERS : M. Christian BYK et Mme Sophie BADIE

GREFFIER

Dominique BONHOMME-AUCLERE

DEBATS

A l'audience publique du 11.10.2010

Rapport fait par Mme Sabine GARBAN, président en application de l'article 785 du CPC

ARRET

Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Mme S. GARBAN, président, et par D. BONHOMME-AUCLERE, greffier

***********************

Le 24 juin 1997, Mme [C] [W] a souscrit auprès de la société ABEILLE VIE, aujourd'hui dénommée AVIVA VIE, un contrat d'assurance vie multisupports, dénommé SELECTION INTERNATIONAL, lui permettant des versements libres sur des parts ou actions de supports financiers, acquis et gérés par l'assureur, entre lesquels il pouvait arbitrer sur la base du cours de la dernière bourse de la semaine précédente en application d'une clause dite d'arbitrage à cours connu. Il expose que selon la liste des supports qui lui a été remise, il disposait de 27 supports dont 19 composés majoritairement d'actions.

En juin 1998, l'assureur a modifié la liste des supports éligibles en supprimant les supports les plus spéculatifs pour les remplacer par des supports obligataires ou monétaires, à volatilité plus faible. Il a émis un avenant, aboutissant à la restitution des supports en contrepartie de la renonciation à l'arbitrage à cours connu. Mme [W] n'a pas signé cet avenant.

Le 4 novembre 1999, Mme [W] a souhaité effectuer un arbitrage sur le support CROISSANCE BRITANNIA. La société AVIVA VIE indique qu'elle lui a répondu par courrier du 19 novembre 1999 en l'informant qu'elle ne pouvait donner suite à cette demande et en réitérant sa proposition d'avenant. Le 26 septembre 2003, Mme [W] a effectué une demande d'arbitrage vers les supports VICTOIRE GARANTIE et VICTOIRE JAPON. Ces arbitrages n'ont pas été exécutés par la société AVIVA VIE.

Par acte du 16 avril 2004, Mme [W] a assigné la société AVIVA VIE devant le tribunal de grande instance de Paris, demandant, essentiellement, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil, la restitution des 19 supports supprimés ou de tous supports équivalents, sous astreinte de 1.000 € par semaine de retard, et à exécuter sous la même astreinte les arbitrages demandés.

Par jugement du 13 mai 2008, le tribunal :

- a rejeté la fin de non-recevoir tirée par la société AVIVA VIE de la prescription de l'action ;

- a dit que la société AVIVA VIE a commis une faute en supprimant les supports énumérés sur la liste annexée au contrat SELECTION INTERNATIONAL souscrit le 24 juin 1997 ;

- en conséquence, l'a condamnée à restituer ces supports ou des supports présentant les mêmes caractéristiques et à exécuter les arbitrages effectués par Mme [W] sur ces supports ;

- a condamné la société AVIVA VIE à payer à Mme [W] la somme de 7.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a rejeté le surplus des demandes.

LA COUR,

Vu l'appel de ce jugement interjeté par la société AVIVA VIE ;

Vu les conclusions de l'appelante en date du 13 septembre 2010 ;

Vu les conclusions de Mme [W] en date du 12 août 2010 ;

SUR CE,

Sur la prescription

Considérant que la société AVIVA VIE soulève, en vertu de l'article L 114-1 du code des assurances, la prescription de l'action de Mme [W] ; qu'elle déclare que le point de départ de cette prescription se situe en juin 1998, date à laquelle elle lui a adressé l'avenant comportant la nouvelle liste des supports éligibles, Mme [W] reconnaissant, selon elle, dans ses écritures en avoir été destinataire en juin 1998 ; qu'elle ajoute que dans ses conclusions de première instance, elle a admis qu'au 25 mars 2002 elle avait connaissance de la modification de la liste des supports ; qu'il s'ensuit que l'action s'est trouvée prescrite au plus tard le 25 mars 2004, de sorte que, l'assignation étant en date du 16 avril 2004, la demande est irrecevable ;

Qu'elle déclare qu'au surplus les conditions générales du contrat comportaient expressément la faculté pour elle de modifier la liste des supports, que Mme [W] savait donc pertinemment que cette modification pouvait intervenir ;

Mais considérant que l'article L 114-1 du code des assurances prévoit que l'action dérivant d'un contrat d'assurance se prescrit par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; que le point de départ de la prescription se situe au jour où Mme [W] a pu prendre connaissance de la réduction des supports ; que la société AVIVA VIE ne verse aucun élément justifiant qu'elle a reçu la proposition d'avenant de juin 1998, non plus que le courrier du 19 avril 2001 par lequel elle refusait l'arbitrage sollicité ; que les passages qu'elle invoque des écritures de première instance de Mme [W] et de ses conclusions devant la cour d'appel du 12 août 2010 ne contiennent nullement l'aveu de sa part qu'elle avait connaissance de la modification de la liste des supports ;

Considérant que, si les conditions générales du contrat stipulent que 'la liste et le nombre des supports sont susceptibles d'évoluer', cette clause, ainsi qu'il est ci-dessous retenu, n'autorisait pas la société AVIVA VIE à bloquer le fonctionnement du contrat tel que conclu par les parties, de sorte que la société AVIVA VIE ne peut prétendre que Mme [W] savait depuis la conclusion du contrat qu'elle avait la possibilité de faire évoluer la liste des supports ;

Considérant, ainsi, que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription par la société AVIVA VIE et déclaré recevable l'action de Mme [W] ;

Sur le fond

Considérant que la société AVIVA VIE soutient que la modification de la liste des supports est parfaitement régulière et n'a nullement dénaturé les contrats; qu'elle fait valoir :

- que la possibilité de modifier les supports est prévue par le contrat; que cette faculté participe de l'équilibre contractuel, s'agissant d'un contrat souscrit pour une durée viagère qui ne peut raisonnablement proposer une liste de supports figée ;

- qu'en modifiant cette liste, elle a fait profiter ses assurés de nouveaux supports et les a mis à l'abri des supports devenus trop dangereux ; qu'en octobre 1997, elle a augmenté le nombre de supports, ce dont Mme [W] ne s'est pas plaint, qu'elle ne peut vouloir bénéficier de la clause d'évolution lorsqu'elle joue à la hausse et en contester le fonctionnement lorsqu'elle s'exerce à la baisse ;

- qu'elle n'a nullement abusé de sa position et a appliqué le contrat de bonne foi ; qu'ont été exclus les supports dont la volatilité ne correspondait plus à celle qui avait été enregistrée antérieurement à la signature du contrat ; qu'en effet, à partir de 1997, certains titres ont connu une grande volatilité, inconnue auparavant, qui déséquilibrait le contrat, de sorte qu'il était légitime que la clause d'imprévision, formellement acceptée par les parties, reçoive application;

- qu'elle est investie d'une mission de protection de l'épargne et ainsi d' une obligation de prudence qui s'apprécie à l'égard de la mutualité des assurés et non pas à l'égard d'un assuré individuellement, que c'est au titre de cette obligation qu'elle a modifié la liste des supports en choisissant des supports qui, tout en restant spéculatifs, n'étaient pas extrêmement volatils ;

Mais considérant que le contrat était présenté par la société ABEILLE VIE comme poursuivant un objectif de valorisation de l'épargne, une grande diversité de supports étant soumise au candidat à l'assurance, des plus sûrs au plus spéculatifs ; qu'au 1er juillet 1998, la société ABEILLE VIE a, unilatéralement, supprimé ou déclaré inéligibles certains supports pour les remplacer par des supports à dominante obligataire ou monétaire n'offrant plus la même volatilité, altérant ainsi profondément le contrat tel que l'avait conclu Mme [W] ;

Considérant que la clause d'arbitrage à cours connu, très avantageuse pour l'assuré et destinée par conséquent à le déterminer à souscrire, constituait une des spécificités essentielles du contrat puisqu'elle permettait à l'assuré d'arbitrer en toute connaissance de cause, sans courir de risque boursier ; qu'elle s'est trouvée fortement réduite par la disparition de certains supports, faisant perdre une grande partie de l'intérêt du contrat ; qu'il y a lieu de relever que concomitamment la société ABEILLE VIE réintroduisait un certain nombre de supports, qu'elle qualifie pourtant de trop volatils, mais seulement au profit des assurés qui acceptaient de signer l'avenant qu'elle proposait supprimant la clause d'arbitrage à cours connu, comportement qui montre, qu'en dépit de ses affirmations, elle recherchait en fait la protection de ses seuls intérêts ;

Considérant que, si les conditions générales du contrat prévoient que :

'La liste et le nombre des supports sont susceptibles d'évoluer. Si, pour une raison de force majeure, Abeille vie se trouvait dans l'impossibilité d'acquérir les parts ou actions du support financier choisi, elle s'engage à le remplacer par un support de même nature en préservant vos intérêts.'

cette stipulation n'autorise pas l'assureur à bloquer le fonctionnement du contrat, la suppression des supports ne devant pas être, comme elle l'a été, massive, sans contrepartie, et effectuée dans le but de vider le contrat de sa substance pour en interdire le fonctionnement normal, ainsi que le montre clairement la seconde partie de la clause ;

Considérant que la société AVIVA VIE ne peut arguer de l'obligation de prudence et de sécurisation de l'épargne pour justifier son comportement, alors que Mme [W] n'a fait que réclamer l'application du contrat qu'elle avait souscrit ; qu'elle ne peut se réfugier derrière ces obligations et le maintien nécessaire de l'équilibre contractuel au profit de la mutualité des assurés pour expliquer les suppressions faites, alors qu'elle n'était évidemment pas sans ignorer les aléas boursiers et les modifications de la volatilité des supports qui risquaient fort de survenir et a cependant choisi de commercialiser le contrat tel qu'elle l'a conçu ;

Considérant que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu que Mme [W] était en droit de réclamer l'exécution par la société AVIVA VIE du contrat tel que souscrit ;

Sur la demande d'expertise

Considérant que Mme [W] qui déclare avoir voulu effectuer des arbitrages et s'être heurtée au refus de la société AVIVA VIE, demande que soit ordonnée une mesure d'expertise aux fins d'évaluation du préjudice résultant pour elle de la suppression illicite des supports depuis le 19 septembre 2003 et jusqu'au jour de la décision à intervenir ;

Considérant que la société AVIVA VIE soulève, en vertu de l'article 564 du code de procédure civile, l'irrecevabilité de cette demande comme nouvelle en cause d'appel, Mme [W] ayant en première instance demandé la restitution des supports dont elle bénéficiait au jour de la souscription du contrat, avec éventuellement une restitution par équivalent, mais n'ayant nullement sollicité la réparation d'un préjudice et la désignation d'un expert pour évaluer ce préjudice ;

Mais considérant que cette demande n'apparaît pas nouvelle dans la mesure où elle tend pour Mme [W], comme sa demande formée en première instance, à obtenir la réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la suppression des supports initialement prévus ;

Considérant qu'il convient ainsi d'accueillir la demande d'expertise ; qu'il y a lieu de donner mission à l'expert de recueillir tous éléments permettant de déterminer le préjudice subi par Mme [W] du fait du refus de la société AVIVA VIE d'exécuter ses demandes d'arbitrage sur les supports supprimés, et ce du 19 septembre 2003 à ce jour ;

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 13 mai 2008 ;

Avant dire droit sur le préjudice,

Désigne M. [Y] [D], [Adresse 5], (Tél [XXXXXXXX01]), en qualité d'expert, avec mission de fournir tous éléments permettant de déterminer le préjudice qu'a pu subir Mme [W] du fait du refus de la société AVIVA VIE d'exécuter ses demandes d'arbitrage, et ce du 19 septembre 2003 à ce jour ;

Fixe la provision sur honoraires de l'expert à la somme de 5.000 € qui sera consignée par Mme [W] auprès du régisseur des recettes de la cour dans le délai de deux mois de la présente décision, à peine de caducité de la désignation de l'expert ;

Dit que le rapport, en double exemplaire, devra être déposé par l'expert dans les six mois de sa saisine au service de la mise en état de la chambre 2-5 ;

Désigne le conseiller de la mise en état pour suivre les opérations d'expertise ;

Condamne la société AVIVA VIE à payer à Mme [W] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 08/11749
Date de la décision : 07/12/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°08/11749 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-12-07;08.11749 ?
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