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30/11/2010 | FRANCE | N°09/17798

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 30 novembre 2010, 09/17798


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2010



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/17798



Sur renvoi après cassation du 7 juillet 2009 d'un arrêt rendu le 28 novembre 2006 par la Cour d'Appel de PARIS (3ème CH. A ) RG : 05-10588 sur appel de trois ordonnances rendues les 20 et 26 avril 2005 par le Tribunal de Commerce de CRETEIL RG : 2004M4877

, 2005M83 et 2005M95





DEMANDEURS A LA SAISINE



Madame [Y] [F] épouse [H]

née le [Date naissance 4] à [Localité 14]

de nationalité française

deme...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/17798

Sur renvoi après cassation du 7 juillet 2009 d'un arrêt rendu le 28 novembre 2006 par la Cour d'Appel de PARIS (3ème CH. A ) RG : 05-10588 sur appel de trois ordonnances rendues les 20 et 26 avril 2005 par le Tribunal de Commerce de CRETEIL RG : 2004M4877, 2005M83 et 2005M95

DEMANDEURS A LA SAISINE

Madame [Y] [F] épouse [H]

née le [Date naissance 4] à [Localité 14]

de nationalité française

demeurant [Adresse 25]

[Adresse 22]

[Localité 16]

représentée par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline HATET-SAUVAL, avoués à la Cour

ayant pour avocat Me Alain GALISSARD, du barreau de PARIS,

Monsieur [M] [X]

né le [Date naissance 15] 1934 à [Localité 21]

demeurant [Adresse 8]

[Localité 10]

représenté par Me Michel BLIN, avoué à la Cour

assisté de Me Emmanuel LUDOT, avocat au barreau de REIMS

Monsieur [U] [A]

né le [Date naissance 5] 1933 à [Localité 24]

demeurant [Adresse 7]

[Localité 6]

représenté par la SCP BLIN, avoués à la Cour

assisté de Me Emmanuel LUDOT, avocat au barreau de REIMS

DÉFENDEURS A LA SAISINE

Maître [B] [V], ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société LUC TERME

demeurant [Adresse 9]

[Localité 20]

représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assisté de Me Florence REGENT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0411

(AARDI VATIER ET ASSOCIES)

Maître [L] [WL], ès qualités de mandataire ad hoc de la société LUC TERME

demeurant [Adresse 23]

[Adresse 2]

[Localité 18]

non assigné

Maître [G] [P], ès qualités d'administrateur provisoire de la succession de Monsieur [K] [R]

demeurant [Adresse 13]

[Localité 14]

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

Madame [T] [R]

demeurant [Adresse 11]

[Localité 1]

assignée - défaillante

ASSIGNÉE EN REPRISE D'INSTANCE

SELARL [I] en la personne de Maître [I] [I], ès qualités de mandataire ad hoc de la Société LUC TERME

ayant son siège [Adresse 12]

[Localité 19]

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 octobre 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame MAESTRACCI, Présidente, et Madame DELBES, Conseillère, chargées d'instruire l'affaire,

Un rapport a été présenté à l'audience conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nicole MAESTRACCI, Présidente

Madame Evelyne DELBES, Conseillère

Monsieur Edouard LOOS, Conseiller, appelé d'une autre chambre pour compléter la Cour en application de l'article R 312-3 du Code de l'Organisation judiciaire.

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude HOUDIN

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public,

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame MAESTRACCI, présidente, et par Madame HOUDIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel interjeté par Madame [Y] [F] épouse [H] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 20 avril 2005 par le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la société Luc Terme qui a rejeté sa créance déclarée à hauteur de 45.734,71 € ;

Vu l'appel interjeté par Monsieur [U] [A] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 26 avril 2005 par le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Luc Terme qui a rejeté sa créance déclarée à hauteur de 77.772,18 € ;

Vu l'appel interjeté par Monsieur [M] [X] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 26 avril 2005 par le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Luc Terme qui a rejeté sa créance déclarée à hauteur de 25.760,60 € ;

Vu l'arrêt rendu le 28 novembre 2006 par la troisième chambre section A de la cour d'appel de Paris qui a annulé l'ordonnance du 20 avril 2005 par laquelle le juge-commissaire a rejeté la créance de Madame [H], infirmé les ordonnances déférées et admis à titre chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de la Société LUC TERME :

- la créance de Madame [Y] [F] épouse [H] à hauteur de 45.734,71 €,

- la créance de Monsieur [U] [A] à hauteur de 36.587,76 €,

- la créance de Monsieur [M] [X] à hauteur de 21.384 € ;

Vu l'arrêt rendu le 7 juillet 2009 par la cour de cassation qui a cassé cette dernière décision, en retenant qu'en ne précisant pas le fondement juridique de sa décision, alors que la remise de fonds ne suffit pas à établir l'obligation de les restituer, la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision ;

Vu la déclaration de saisine de Madame [F] en date du 28 août 2009, de Monsieur [U] [A] en date du 21 juillet 2009 et de Monsieur [M] [X] en date du 21 juillet 2009 ;

Vu l'ordonnance de jonction des dossiers 09/17798 et 09/17807 intervenue le 13 avril 2010 ;

Vu l'ordonnance du Président du tribunal de commerce de Créteil du 2 septembre 2010 qui a désigné la SELARL [I] en qualité de mandataire ad hoc afin de représenter la Société LUC TERME dans le cadre de la présente instance ;

Vu l'assignation de Madame [T] [R], par acte du 18 février 2010 ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 mars 2010 et resignifiées le 4 octobre 2010 par Monsieur [X] et Monsieur [Z] [A] qui demandent à la cour d'infirmer l'ordonnance déférée, d'admettre la créance de Monsieur [X] à hauteur de 21.342,90€, et celle de Monsieur [U] [A] à hauteur de 36.587,62 € au passif de la liquidation judiciaire de la société Luc Terme et de leur allouer la somme de 10.000 €,chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions, signifiées le 22 avril 2010 et resignifiées le 19 octobre 2010 par Madame [Y] [F] épouse [H] qui demande à la cour d'infirmer l'ordonnance déférée, d'admettre sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Luc Terme à hauteur de 45.734,71 € et de lui allouer la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. ;

Vu les conclusions signifiées le 12 avril 2010 par Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société LUC TERME, et par Maître [P], ès qualités d'administrateur provisoire de la succession de Monsieur [K] [R], qui sollicitent la confirmation de l'ordonnance entreprise et la condamnation de Monsieur [U] [A] et Madame [H] à payer à Maître [V], ès qualités, la somme de 2.500 € chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 13 avril 2010 par Maître [V] , ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société LUC TERME, qui sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise et la condamnation de Monsieur [X] à lui payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les deux jeux de conclusions signifiées le 15 octobre 2010 par la SELARL GAUTHIER [I] en la personne de Maître [I] [I], prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la société LUC TERME, qui demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise et de condamner Monsieur [M] [X], Monsieur [U] [A] et Madame [H] à payer à Maître [V], ès qualités, la somme de 2.500 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE

La société Luc Terme SA , constituée le 9/7/1976, sous forme de société anonyme, avait pour activité celle de commissionnaire agréé auprès de la bourse de commerce de Paris afin d'effectuer toute opération de négoce au comptant ou à terme, de courtage concernant des marchandises et toute catégorie de marchandises négociées par les bourses de commerce tant en France qu'à l'étranger. Dès l'année 1988, l'activité de la société a été orientée vers une activité nouvelle d'intermédiaire en instruments financiers sur le MATIF.

Le 26/2/1991, le Président de la Commission des Opérations de Bourse (COB) a rappelé à la société que son habilitation sur le MATIF se limitait aux opérations à terme de marchandises. Saisie de diverses plaintes de clients, la COB a ouvert, le 30 août 2003, une enquête sur les activités de la société.

Par ordonnance du 29 octobre 1993, le tribunal de grande instance de Créteil a confirmé l'ordonnance du Président de cette juridiction qui avait prononcé, à l'encontre de la société, l'interdiction temporaire d'exercer son activité professionnelle, à l'exception de celle portant sur les contrats de marchandises.

Par ordonnance du Président du tribunal de commerce de Créteil, Monsieur [K] [R] a été dessaisi de ses fonctions de représentant de la société, Maître [CF] étant désigné comme administrateur ad hoc.

Le 22 novembre 1993, le conseil des marchés à terme a prononcé une mesure de suspension temporaire d'activité pour une durée de 6 mois puis, par décision du 8 avril 1994, a décidé de retirer l'agrément de la société Luc Terme en qualité de commissionnaire agréé.

Par jugement du 3 février1994, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société, puis, par décision du 21juillet 1994, a prononcé sa liquidation judiciaire et désigné Maître [V], en qualité de mandataire liquidateur. Par arrêt du 16 décembre1994, la date de la cessation des paiements a été fixée au 24 janvier 1994.

Par jugement du 5 juin 1995, devenu définitif, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire personnelle à l'encontre d'[K] [R], président du conseil d'administration, et de son épouse [T] [S], qui occupait des fonctions officielles de directrice administrative de la société, et dirigeait en fait celle-ci.

Le 16 avril 1994, Monsieur [X] a déclaré une créance au passif de la liquidation judiciaire de la Société LUC TERME pour une somme de 168.978,48 FF. Maître [V], ès qualités, a contesté cette créance. C'est dans ces conditions que l'ordonnance attaquée du 26 avril 2005 est intervenue et a rejeté la créance au motif que les justificatifs apportés ne permettaient pas d'établir de manière certaine que les apports effectués avaient effectivement été encaissés par la société LUC TERME.

Devant la cour, l'appelant sollicite l'admission de sa créance à hauteur de 21.342,93 €, montant des sommes remises à la société Luc Terme.

Il fait valoir :

- qu'il a été démarché par Monsieur [N], agissant pour le compte de la société Luc Terme ;

- qu'il a établi 2 chèques d'un montant identique de 100.000 F, les 5 juillet 1991 et 20 juillet 1992, à l'ordre de la société LUC TERME et que ces chèques ont été encaissés ainsi qu'en atteste le rapport de la Société Fiduciaire Georges V et l'ouverture d'un compte 3148 P ;

- qu'il justifie en conséquence de versements à hauteur de 30.489,80 €, somme de laquelle doit être déduite le retrait qu'il a effectué à hauteur de 9146,94 € ;

- que cette remise entraîne une obligation de restituer, que la Société LUC TERME a manqué à ses obligations légales qui devaient notamment la conduire à conclure un contrat avec son client fixant les conditions du placement; qu'il appartient à Maître [V], ès qualités, de rapporter la preuve que la Société LUC TERME n'était tenue à aucune obligation de restituer ;

- que cette obligation de restituer les fonds est également fondée sur l'article 30 de la loi N°83-1 du 3 janvier 1983, que la société n'en avait pas la pleine propriété puisqu'elle les avait perçus dans le cadre de son activité de commissionnaire agréé en marchandises sur le marché à terme et que l'agrément lui avait été retiré le 8/4/1994 ;

- que le montant réclamé est justifié dans son quantum.

Maître [V], et la SELARL [I], ès qualités, font valoir :

- que Monsieur [X] ne démontre pas la réalité de l'encaissement des versements effectués dès lors que la preuve de l'endossement des chèques litigieux n'est pas apportée; que compte tenu du rapport du cabinet fiduciaire Georges V, il ne peut être reconnu aucun caractère probant aux relevés de compte produits,

- que Monsieur [X] ne démontre pas davantage l'obligation de restituer, - que même si une inexécution contractuelle résultant de la mauvaise gestion des sommes et de l'absence de respect des obligations légales était démontrée à la charge de la Société LUC TERME, elle ne pourrait se résoudre qu'en dommages et intérêts et ne saurait conduire à un renversement de la charge de la preuve.

Le 28 mars 1994, Monsieur [U] [A] a déclaré une créance au passif de la liquidation judiciaire de la Société LUC TERME pour une somme de 77.772,18 €. Maître [V], ès qualités, a contesté cette créance. Par l'ordonnance attaquée du 26 avril 2005, cette créance a été rejetée au motif que les justificatifs produits ne permettaient pas d'établir de manière certaine que les apports effectués avaient été encaissés par la société LUC TERME.

Devant la cour, l'appelant sollicite l'admission de sa créance à hauteur de 36.587,10 €, montant des sommes remises à la société Luc Terme.

Il fait valoir :

- qu'il a été démarché par Madame [O], laquelle était en relation avec Monsieur [N] et Monsieur [D], pour le compte de la société Luc Terme ;

- que les versements qu'il a effectués sont établis par deux correspondances émanant de Madame [O] ainsi que par les relevés de compte, qui indiquent au compte 3194 P que deux versements de 200.000 F et 50.000 F ont été effectués, que ce compte a été débité le 14 octobre 1991 d'une somme de 10.000 F transmise à Monsieur [D], que son propre compte à la BNP a été débité du montant des deux chèques sus-visés ;

- que par arrêt du 1er février 2006, la 9ème chambre de la cour d'appel de Paris a condamné Madame [R] et Monsieur [D] à payer à Monsieur [A] la somme de 38.112,25 € à titre de dommages et intérêts ; que dès lors qu'il a fait un retrait de 1524,49 € sa créance est établie à hauteur de 36.587,67 € ;

- que la remise des fonds entraîne une obligation de restituer ; que la Société LUC TERME a manqué à ses obligations légales qui devaient notamment la conduire à conclure un contrat avec son client fixant les conditions du placement ; qu'il appartient à Maître [V], ès qualités, de rapporter la preuve que la Société LUC TERME n'était tenue à aucune obligation de restituer ;

- que cette obligation de restituer les fonds est également fondée sur l'article 30 de la loi N°83-1 du 3 janvier 1983 ; que la société n'en avait pas la pleine propriété puisqu'elle les avait perçus dans le cadre de son activité de commissionnaire agréé en marchandises sur le marché à terme et que l'agrément lui avait été retiré le 8/4/1994 ;

- que le montant réclamé est justifié dans son quantum, la décision de la cour d'appel du 1er février 2006 étant définitive.

Maître [V], et la SELARL [I], ès qualités, font valoir :

- que Monsieur [A] ne démontre pas la réalité de l'encaissement des versements dès lors que la preuve de l'endossement des chèques litigieux n'est pas rapportée ;

- qu'il ne démontre pas davantage l'obligation de restituer ;

- que même si une inexécution contractuelle résultant de la mauvaise gestion des sommes et de l'absence de respect des obligations légales était démontrée à la charge de la Société LUC TERME, elle ne pourrait se résoudre qu'en dommages et intérêts et ne saurait conduire à un renversement de la charge de la preuve.

Le 8 mars 1994, Madame [F] épouse [H] a déclaré une créance au passif de la liquidation judiciaire de la Société LUC TERME pour une somme de 300.000 FF . Maître [V], ès qualités, a contesté cette créance. Par l'ordonnance attaquée du 20 avril 2005, le juge-commissaire a rejeté cette créance au motif que Madame [F] n'établissait pas être créancière de la société LUC TERME.

Devant la cour, l'appelante sollicite l'admission de sa créance à hauteur de 45.734,71 € montant des sommes remises à la société Luc Terme.

Elle fait valoir :

- qu'elle a été démarchée par Monsieur [W], lequel lui a présenté Monsieur [N], qui lui a proposé une convention d'ouverture de compte au nom de la société Luc Terme ;

- que les versements qu'elle a effectués à hauteur de 300.000 F sont incontestables au regard du relevé de compte en date du 3 décembre 1992 et d'un courrier de Monsieur [N] en date du 6 octobre 1993 ;

- que sa qualité de créancière résulte également de l'invitation d'avoir à déclarer sa créance que lui a adressé Maître [V], ès qualités, dès l'ouverture de la procédure collective et de sa qualité de partie civile dans le cadre de la procédure pénale ;

- que Monsieur [N], en sa qualité de préposé, engageait la Société LUC TERME ;

- que dans le cadre de la convention d'ouverture de compte régularisée le 3 juillet 1992, les fonds ne pouvaient être utilisés que sur ordre du client et qu'elle n'a passé aucun ordre, de sorte que l'obligation de restituer est avérée ;

- que l'obligation de restituer est également justifiée par le comportement fautif de la Société LUC TERME.

Maître [V], et la SELARL [I], ès qualités, font valoir :

- que Madame [H] ne démontre pas l'existence de liens contractuels entre elle-même et la société LUC TERME ;

- que la preuve du paiement allégué n'est pas rapportée, dès lors qu'elle ne produit pas de photocopie de chèque et qu'elle ne démontre pas l'existence d'un mandat apparent de Monsieur [N] ;

- que la mention des versements qu'elle a effectués, dans les motifs de la décision du tribunal correctionnel, puis de la cour d'appel, dans le cadre de la procédure pénale, n'a pas autorité de la chose jugée ;

- que la remise en espèce d'une somme supérieure à 5.000 F est prohibée par l'article 1 de la loi du 22 octobre 1940 ;

- que Madame [H] ne démontre pas davantage l'obligation de restituer ; - que même si une inexécution contractuelle résultant de la mauvaise gestion des sommes et de l'absence de respect des obligations légales était démontrée à la charge de la Société LUC TERME, elle ne pourrait se résoudre qu'en dommages et intérêts et ne saurait conduire à un renversement de la charge de la preuve.

La remise de fonds ne suffit pas à établir l'obligation de restituer. Il appartient à celui qui demande la restitution de démontrer que sa demande est fondée.

En l'espèce, les intimés ne contestent pas sérieusement que la société Luc Terme, qui était détenteur des fonds à titre précaire, soit tenue d'une obligation de restituer le montant des dépôts, diminués de celui des retraits, à chacun de ses clients qui disposait d'un compte individuel dans les livres de la société. Ils se contentent de soutenir que les intermédiaires, Messieurs [N], Madame [O] et Monsieur [W] ont agi sans mandat de la société Luc Terme et que la preuve n'est pas rapportée que les fonds versés aient rejoint le patrimoine de cette société.

Cependant, ces affirmations, qui s'intègrent dans le système de défense adopté durant la procédure pénale par les dirigeants de la société, sont contraires à la réalité telle qu'elle a été appréhendée par la commission des opérations de bourse et par l'information judiciaire qui a abouti à leur condamnation par la juridiction correctionnelle.

En effet, il résulte des conclusions de l' enquête de la COB, de l'information ouverte à la suite de ce rapport ainsi que de l'expertise réalisée par Monsieur [C] :

- qu'à partir de 1989, la société Luc Terme a entrepris de diversifier ses interventions auprès de la clientèle de particuliers et s'est orientée vers les opérations sur les marchés étrangers et majoritairement sur les contrats d'instruments financiers, que pour développer cette activité nouvelle, la société a notamment utilisé les services d'[J] [N], titulaire d'une carte d'emploi de la société Luc Terme, et que celui-ci a constitué son propre réseau de démarcheurs, au nombre desquels se trouvaient Monsieur [D], Madame [O] et Monsieur [W] ;

- que c'est dans ces conditions que la clientèle privée de la société LUC TERME a été démarchée pour des opérations à terme sur les marchés étrangers d'instruments financiers, alors que son agrément par la MATIF était limité aux opérations sur la marchandise et que la gestion portant sur la gestion des instruments financiers était interdite,

- que les clients se voyaient proposer une convention d'ouverture de compte intitulée 'compte sur ordre' et versait des fonds dès l'ouverture de ce compte, que celui-ci, qui impliquait que les clients soient les donneurs d'ordre, faisait en réalité l'objet d'une gestion de fait par la société LUC TERME et Monsieur [N], aucun des clients, interrogés dans le cadre de l'enquête, n'ayant jamais donné d'ordre ;

- que LUC TERME et Monsieur [N] procédaient à une gestion collective des fonds déposés par les clients, qu'ils décidaient des investissements en fonction du seul total de trésorerie disponible sur le compte clients de LUC TERME et prélevaient globalement sur le même compte les appels de marge nécessaires au maintien des positions sur le marché, qu'enfin, ils affectaient, a posteriori, les opérations dans les comptes clients, en fonction du solde créditeur disponible ;

-qu'en raison de cette gestion collective, les relevés d'opérations adressés par LUC TERME à ses clients ne reflétaient pas la réalité des opérations et de leurs avoirs, et que les clients, qui n'étaient pas alertés en temps réel des risques pris, ne pouvaient y parer ;

-qu'un compte ouvert le 26 juin 1989 sous le n° 2001V au nom de Madame [E] regroupait les comptes de 265 clients alors que ceux-ci n'avaient pas signé de contrat d'ouverture de compte et ne figuraient pas sur la liste des clients répertoriés chez LUC TERME, que ce compte était géré par Madame [T] [R] et que les sous-comptes établis par Monsieur [N], pour chaque déposant, faisaient l'objet de relevés qui étaient en réalité des faux, destinés à faire croire aux clients qu'ils avaient bénéficié de gain alors qu'ils avaient perdu une partie de leur investissement ;

- que les fonds de clients déposés sur le compte 2001 V avaient été utilisés à d'autres fins que des interventions sur le marché ;

- que l'ensemble de ces irrégularités démontrent que les clients ont été abusés.

Monsieur [D] a été condamné par arrêt de cette cour du 1er février 2006, pour avoir, à [Localité 26] de septembre 1991 à fin 1993, en sa qualité de personne ayant recours au démarchage en vue d'opérations sur les instruments financiers à terme définis à l'article 3 de la loi du 28/3/11885 modifiée, exigé ou obtenu des personnes démarchées une contrepartie quelconque pécuniaire ou un engagement sur remise de fonds avant l'expiration d'un délai de 7 jours, à une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis.

Monsieur [N], qui avait été mis en examen, est décédé le [Date décès 17], avant la clôture de l'information . Monsieur [K] [R] est décédé, le [Date décès 3], alors qu'il avait interjeté appel du jugement du Tribunal correctionnel de Créteil qui avait prononcé à son égard une peine de 4 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis.

Par l'arrêt du 1er février 2006, la cour d'appel a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Créteil en ce qu'il a condamné Madame [T] [S] épouse [R] à payer à Monsieur [X] la somme de 3.000 €, à Monsieur [A], la somme de 4.500 € et à Madame [F] la somme de 4.500 €, à titre de dommages et intérêts. La même juridiction a rejeté comme non fondées les demandes indemnitaires présentées par Maître [V] en relevant que la société Luc Terme n'était pas victime des infractions.

Monsieur [X] a produit pour justifier sa créance deux chèques de 100.000 F à l'ordre de la société LUC TERME, les relevés de compte qui démontrent que ces sommes ont été débitées ainsi qu'un relevé d'ouverture 3148P de la société LUC TERME. Il reconnaît avoir effectué sur cette somme un retrait pour un montant de 9146,94 €.

Monsieur [A] a produit pour justifier sa créance deux correspondances émanant de Madame [O] qui, d'une part, font état de l'ouverture d'un compte LUC TERME et, d'autre part, annoncent des 'performances extraordinaires' sur ce compte, les relevés de son propre compte à la BNP qui démontrent que deux chèques d'un montant de 200.000 F et 50.000 F ont été débités le 17 novembre 1991 et le 15 janvier 1992, un relevé de compte 3194 P au nom de Madame [E] qui établissent que deux versements des mêmes sommes ont été encaissés les 20 décembre 1991 et 23 janvier 1992 ainsi qu'un ordre de débit daté du 14 octobre 1992 adressé à LUC TERME demandant que le compte soit débité de la somme de 10.000 F transmis à Monsieur [D]. Il reconnaît avoir effectué, sur les sommes versées, un retrait pour un montant de 1524,49 €.

Madame [F] a produit pour justifier sa créance un historique des mouvements de capitaux établi par Monsieur [N] qui fait apparaître un versement de 300.000 € le 3 décembre 1992, un courrier de Monsieur [N] daté du 6 octobre 2009, aux termes duquel il confirme qu'un compte est ouvert à son nom dans les livres de la société LUC TERME, une attestation sur l'honneur précisant qu'elle n'a effectué aucun retrait, ainsi que le jugement du tribunal correctionnel de Créteil, confirmé par l'arrêt du 1er février 2006 de la cour d'appel de Paris qui précise que 'Madame [H] justifie avoir versé une somme de 300.000 F le 27 décembre 1992 placé par Monsieur [J] [N]...' .

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur [X], Monsieur [A] et Madame [F] justifient avoir remis des fonds à une personne qui représentait la société Luc Terme, que ces fonds ont fait l'objet de manipulations et de détournements pénalement sanctionnés, qu'ils ont été retrouvés dans la comptabilité de la société Luc Terme, sans que les intimés puissent sérieusement tirer de la tenue irrégulière et fragmentaire des comptes, telle qu'elle est ci-dessus décrite, une quelconque preuve contraire, que la société LUC TERME, qui est incapable de rendre compte de l'emploi des fonds qui lui ont été remis, doit les représenter.

Il s'ensuit que les appelants sont recevables et bien fondés à demander l'admission de leur créance à hauteur de 21.342,90 € pour Monsieur [X], à hauteur de 36.587,67 € pour Monsieur [A] et à hauteur de 45.734,71 € pour Madame [F] épouse [H].

Maître [V], ès qualités, qui succombe et sera condamné aux dépens, ne peut prétendre à l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité commande au contraire de le condamner, au paiement de la somme de 5000 € à chacun des trois appelants, à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Infirme les ordonnances déférées.

Statuant à nouveau,

Admet la créance de Monsieur [X] au passif de la société Luc Terme à hauteur de 21.342,90 € à titre chirographaire,

Admet la créance de Monsieur [A] au passif de la société Luc Terme à hauteur de 36.587,67€ à titre chirographaire,

Admet la créance de Madame [F] épouse [H] au passif de la société Luc Terme à hauteur de 45.734,71 € à titre chirographaire.

Condamne Maître [V], ès qualités, à payer à Monsieur [X], Monsieur [A] et Madame [F] épouse [H] la somme de 5000 €, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande des parties,

Condamne Maître [V], ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'aux dépens de l'arrêt cassé, dit qu'ils seront comptés en frais privilégiés de liquidation judiciaire et recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

M.C HOUDIN N. MAESTRACCI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 09/17798
Date de la décision : 30/11/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°09/17798 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-30;09.17798 ?
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