Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRET DU 26 NOVEMBRE 2010
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/04276
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 03/08892
APPELANTE :
S.A. BAXTER agissant en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 10]
[Localité 9] BELGIQUE
représentée par la SCP Anne-Marie OUDINOTet Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour
assistée de Me Agnès ROMAN-AMAT, avocat au barreau de PARIS, toque : J 033 plaidant pour le Cabinet HOGAN LOVELLS LLP, avocats associés
INTIMES :
ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG venant aux droits et obligations de la Fondation Nationale de Transfusion Sanguine prise en la personne de son président
[Adresse 4]
[Localité 15]
représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour
assisté de Me Sophie GONZALEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : A 294 plaidant pour la Selarl HOUDART & ASSOCIES, avocats associés
Monsieur [L] [O] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de son fils mineur [F] [O]
[Adresse 16]
[Adresse 16]
[Localité 13]
Madame [E] [Y] épouse [O] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de son fils mineur [F] [O]
[Adresse 16]
[Adresse 16]
[Localité 13]
représentés par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assistés de Me Marie-Claire GRAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0220 plaidant pour la SCP B.GUILLON, avocats au barreau de PARIS
C.P.A.M. DES HAUTS DE SEINE prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 11]
représentée par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour
assistée de Me Christine CORBIN DESCHANEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1328
CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MALADIE DE L'ILE DE FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour
assistée de Me Olivier JESSEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1037 plaidant pour la
SCP PETROLACCI
INTERVENANTE VOLONTAIRE et comme telle INTIMEE :
Société COVEA RISKS venant aux droits et obligationsde la société MMA I.A.R.D venant elle-même aux droits de la S.A AZUR ASSURANCES IARD agissant en la personne de son Président du Directoire
[Adresse 3]
[Localité 12]
représentée par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline HATET-SAUVAL, avoués à la Cour
assistée de Me Clotilde SAINT RAYMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : R075 plaidant pour la SCP LECLERE ET ASSOCIES, avocats associés
INTERVENANT FORCÉ
OFFICE NATIONAL DES ACCIDENTS MEDICAUX pris en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 6]
[Localité 14]
représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoué à la cour
assisté de Me H. MARECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P 82 substituant Me SAUMON, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Septembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Jacques BICHARD, Président
Marguerite-Marie MARION, Conseiller
Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jacques BICHARD, président et par Gilles DUPONT, greffier
* * *
Vu le jugement rendu le 9 janvier 2006 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
- constaté l'intervention volontaire de l'Etablissement français du sang venant aux droits de la Fondation nationale de transfusion sanguine,
- dit que l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 est applicable au litige,
- déclaré l'Etablissement français du sang responsable des conséquences dommageables de la contamination de [L] [O] par le virus de l'hépatite C résultant des transfusions de produits sanguins administrés au cours du mois de février 1983,
- dit que la société Azur Assurances est tenue in solidum avec l'Etablissement français du sang à la réparation des préjudices subis par les consorts [O] et au remboursement des prestations versées par les organismes sociaux, étant précisé que pour l'application de sa garantie, le sinistre est rattaché à l'année 1983 et qu'il sera fait application du plafond de garantie stipulé dans sa police,
- condamné la société Baxter à relever et garantir l'Etablissement français du sang et la société Azur Assurances à hauteur de 50% de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre tant au titre du principal et des intérêts que des indemnités allouées sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et des dépens,
- fixé le préjudice corporel soumis au recours des tiers payeurs subi par [L] [O] à la somme de 684.840,14 euros et à celle de 30.000 euros son préjudice personnel non soumis à recours,
- constaté que la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine justifie d'une créance en relation avec les conséquences de l'hépatite C d'un montant de 28.704,18 euros,
- constaté que la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France justifie d'une créance en relation avec les conséquences de l'hépatite C d'une montant de 160.014,16 euros,
- fixé le préjudice personnel de [E] [O] à la somme de 20.000 euros,
- fixé le préjudice personnel de [F] [O] à la somme de 10.000 euros,
- condamné en conséquence in solidum l'Etablissement français du sang et la société Azur Assurances, cette dernière dans les limites de sa police à payer :
* à [L] [O] la somme de 561.121,80 euros en réparation de ses divers préjudices, déduction faite des créances des organismes sociaux, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
* à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine la somme de 28.704,18 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2004, sous réserve des prestations non connues au jour du jugement et de celles qui pourraient être versées ultérieurement,
* à la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France les sommes de 42.213,99 euros au titre des arrérages échus au 30 septembre 2005 avec intérêts au taux légal et celle de
117.800,17 euros au titre du capital représentatif de la pension d'invalidité au 1er octobre 2005, cette somme devant être réglée au fur et à mesure du versement des arrérages à échoir, avec intérêts au taux légal à compter de chacun de ceux-ci,
* à [E] [O] la somme de 20.000 euros, en réparation de son préjudice personnel,
* à [L] [O] et [E] [O], en leur qualité de représentants légaux de [F] [O], la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice personnel de l'enfant,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné in solidum l'Etablissement français du sang et la société Azur Assurances à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine la somme de 760 euros au titre de l'indemnité forfaitaire avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
- condamné in solidum l'Etablissement français du sang et la société Azur Assurances à payer, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
* à [L] [O], la somme de 3.500 euros,
* à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine, la somme de 500 euros,
* à la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France, la somme de 800 euros,
- débouté la société Baxter de sa demande fondée sur ce texte,
- rejeté tous autres chefs de demandes,
- condamné in solidum l'Etablissement français du sang et la société Azur Assurances aux dépens qui comprendront notamment les frais de l'expertise judiciaire ;
Vu l'appel formé par la société Baxter et l'arrêt rendu le 14 novembre 2008 par cette cour d'appel qui a :
- confirmé le jugement à l'exception de ses dispositions relatives à la garantie de la société Baxter, aux préjudices subis par les consorts [O] et aux créances de la CPAM des Hauts de Seine et de la CRAMIF,
Statuant à nouveau dans cette limite,
- débouté l'EFS et la société Covea Risks, celle-ci venant aux droits de la société MMA Assurances Iard, elle-même venant aux droits de la société Azur assurances Iard de leurs demandes de garantie formées à l'encontre de la société Baxter,
Avant-dire droit sur les demandes des consorts [O] et sur les créances de la CPAM des Hauts de Seine et de la CRAMIF :
- ordonné une expertise confiée au docteur [I], lequel a notamment reçu mission d'évaluer les préjudices liés à la contamination par le VHC, - constaté qu'en application des articles 29-5 et 30 de la loi du 5 juillet 1985, il y a lieu de déduire des sommes réclamées par M. [O] en réparation de son préjudice économique la rente d'invalidité versée par la société Novalis, - invité M. [O] à justifier des sommes versées par la société Novalis, à les déduire des sommes réclamées au titre de son préjudice économique et à mettre en cause la société Novalis, - dit que le cas échéant il y aura lieu de faire application du barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais des 7 et 9 novembre 2004, - débouté la société Baxter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les autres demandes fondées au l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les dépens ;
Vu, après le dépôt du rapport d'expertise, les dernières conclusions déposées au greffe:
- le 13 juillet 2010 par M. et Mme [O] agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur [F] [O], qui demandent à la cour, au visa de la loi du 4 mars 2002, de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 et de l'article 1.221-14 du code de la santé publique de :
* condamner l'ONIAM, substitué à l'EFS à verser à M. [O], après déduction des créances des organismes sociaux visés par l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, conformément aux dispositions de la loi du 21 décembre 2006 , la somme de 417.049,49 euros au titre du préjudice économique, celle de 212.335,22 euros au titre de l'assistance tierce personne et celle de 150.000 euros au titre du préjudice spécifique de contamination,
* condamner l'ONIAM, substitué à l'EFS, à verser, au titre du préjudice d'accompagnement, la somme de 70.000 euros à Mme [O] et celle de 45.000 euros à [F] [O],
* débouter l'ONIAM de toutes demandes contraires,
* condamner l'ONIAM, substitué à l'EFS à payer à M. [O] la somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* le condamner en tous les dépens ;
- le 15 septembre 2010 par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ci-après l'ONIAM) qui demande à la cour, au visa des articles L.1.221-14 et suivants du code de la santé publique, 67 IV de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, des décrets n° 2010-251 et 2010-252 du 11 mars 2008 et de l'arrêté du 15 mars 2010 portant nomination au conseil d'orientation de l'ONIAM de :
A titre principal,
* constater l'absence de consolidation de l'état de santé de M. [O],
* dire que seules les pertes de gains professionnels actuels de M. [O] pour la période du 1er septembre 2002 au 31 décembre 2009 peuvent être liquidées,
* statuer sur l'octroi d'une rente annuelle à verser au requérant à compter du 1er janvier 2010 jusqu'à l'âge théorique de sa retraite à 60 ans soit en mai 2017, payable à terme échu à charge pour M. [O] de produire les justificatifs relatifs aux revenus qu'il a effectivement perçus (montant annuel de la pension d'invalidité, justificatif de tout revenu complémentaire) et de son incapacité d'exercer une activité professionnelle,
* surseoir à statuer sur l'évaluation du préjudice au titre des pertes de gains professionnels et enjoindre à M. [O] de communiquer ses avis d'imposition pour les années 1990 à 2009 ainsi que tout document établissant le montant annuel de sa rente d'invalidité pour les années 2002 à 2009 ou tout autre revenu qu'il aurait pu percevoir,
En conséquence,
* rejeter la demande de M. [O] au titre de la capitalisation viagère de ses préjudices professionnels,
* rejeter la demande d'indemnisation au titre d'une tierce personne,
* ramener à une plus juste proportion les demandes formulées par M. [O] au titre de son préjudice économique et de son préjudice extra patrimonial,
* réduire à une plus juste proportion les demandes d'indemnisation des préjudices moraux de Mme [O] et de M. [F] [O],
* dire qu'aucune condamnation de l'ONIAM ne saurait intervenir au bénéfice des tiers payeurs en cause,
* condamner tout succombant aux dépens ;
- le 8 septembre 2010 par la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine (ci-après la CPAM des Hauts de Seine) qui demande à la cour, au visa de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de l'article 8 du décret n°2010-251et de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale modifié par l'article 25 de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006 de :
* fixer à la somme de 9.439,72 euros le poste "dépenses de santé actuelles" du préjudice à caractère patrimonial subi par M. [O],
- fixer à la somme de 21.025,12 euros le poste "pertes de gains professionnels actuels" du préjudice à caractère patrimonial subi par M. [O],
Réformant le jugement du chef de la condamnation en principal prononcée à son profit,
* condamner in solidum l'EFS et la société Covea Risks à lui payer la somme de 30.464,84 euros au titre des prestations par elle servies pour le compte de M. [O] du fait de la contamination de celui-ci par le VHC et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 18
février 2004, date de la première demande, sur la somme de 28.704,18 euros et à compter "des présentes conclusions" pour le surplus,
* confirmer le jugement en ses autres dispositions la concernant,
* y ajoutant, condamner in solidum l'EFS et la société Covea Risks à lui payer la somme de 1.500 euros (1.000 euros, conclusions, page 7) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
- le 9 septembre 2010 par la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France (ci-après la CRAMIF) qui demande à la cour, au visa de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de l'article 8 du décret n°2010-251, de l' article L.376-1 du code de la sécurité sociale, modifié par l'article 25 de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006 et de l'article L.376-2 du même code de :
* condamner conjointement et solidairement le tiers responsable et son assureur à lui payer les arrérages versés du 1er septembre 2002 au 30 juin 2010, soit la somme de 110.450,23 euros, les arrérages à échoir de la pension de deuxième catégorie au fur et à mesure de leur échéance jusqu'au 60ème anniversaire de M. [O] à moins que le tiers responsable ne préfère s'en libérer par le paiement du capital représentatif d'un montant de 73.957,61 euros,
* condamner conjointement et solidairement le tiers responsable et son assureur à lui verser l'indemnité forfaitaire de recouvrement prévue à l'article L.376-1 alinéa 7 du code de la sécurité sociale modifié par l'ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996 (d'un montant de 966 euros pour 2010, conclusions page 11),
* condamner conjointement et solidairement le tiers responsable et son assureur à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- les condamner aux entiers dépens ;
- le 2 juillet 2010 par la société Covea Risks qui sollicite sa mise hors de cause,
- le 16 juillet 2010 par l'EFS qui demande à la cour de :
* dire que l'ONIAM lui est substitué dans la présente instance et répond seul des conséquences dommageables résultant pour M. [O] de sa contamination par le virus de l'hépatite C,
* dire que la créance de la CPAM des Hauts de seine ne saurait excéder la somme de 21.025,21 euros au titre des prestations en espèces,
* infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes formées par la CRAMIF au titre de la rente invalidité 2ème catégorie,
* rejeter les demandes de la CRAMIF dès lors qu'il n'est pas démontré que la pension d'invalidité 2ème catégorie versée à M. [O] résulterait de manière directe, certaine et exclusive de sa contamination par le VHC et qu'en tout état de cause sa créance ne peut s'imputer sur aucun poste de préjudice,
* lui donner acte de se qu'il se désiste de sa demande de garantie dirigée à l'endroit de la société Covea Risks le plafond de garantie étant atteint pour l'année 1983,
* condamner la société Baxter aux dépens ;
- le 9 septembre 2010 par la société Baxter qui demande à la cour de rejeter toutes demandes formulées à son encontre et de condamner l'EFS aux dépens ;
Sur ce, la Cour :
Considérant que les dispositions de l'article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 sont entrées en vigueur le 1er juin 2010, à la suite de la publication au journal officiel des décrets n° 2010-251 et 2010-252 du 11 mars 2010 et de l'arrêté du 15 mars 2010 portant nomination au conseil d'orientation de l'ONIAM, de sorte que l'ONIAM est désormais substitué à l'EFS pour le règlement des indemnités réparant les préjudices résultant de la contamination par le VHC causée notamment par une transfusion de produits sanguins ; que dès lors l'ONIAM, à l'égard duquel les consorts [O] ont formé leurs demandes, devra les indemniser des préjudices qu'ils ont subis ; qu'il y a lieu de relever que, dans la présente instance, l'EFS ne conteste pas devoir régler les créances de la CPAM des Hauts de Seine et de la CRAMIF ;
Considérant que la société Covea Risks venant aux droits de la société MMA Iard, elle-même venant aux droits de la société Azur Assurances, indique que le plafond de garantie prévu à l'article 8 du contrat est désormais atteint et sollicite sa mise hors de cause ;
Considérant qu'il y a lieu de rappeler que par son arrêt du 14 novembre 2008, cette cour a confirmé le jugement en ce qu'il "dit que la société Azur Assurances est tenue in solidum avec l'Etablissement français du sang à la réparation des préjudices subis par les consorts [O] et au remboursement des prestations versées par les organismes sociaux, étant précisé que pour l'application de sa garantie, le sinistre est rattaché à l'année 1983 et qu'il sera fait application du plafond de garantie stipulé dans sa police" ; que dès lors les condamnations à paiement prononcées à l'encontre de la société Covea Risks le seront dans les limites du plafond de garantie ;
Que de surcroît, les affirmations de la société Covea Risks selon lesquelles le plafond de garantie est atteint ne sont corroborées par aucune pièce et que si l'EFS a indiqué qu'il se "désistait" de sa demande de garantie, comme il l'a fait dans d'autres procédures, la CPAM des Hauts de Seine et la CRAMIF n'ont pas renoncé à leurs demandes dirigées contre la société Covea Risks ; qu'il n'y a donc pas lieu de mettre celle-ci hors de cause ;
Considérant que bien que la cour ait, par son précédant arrêt, invité M. [O] à mettre en cause la société Novalis, il n'a pas été satisfait à cette demande ; que néanmoins, par lettre du 18 mai 2009, la société Novalis a indiqué au conseil de M. [O] que le capital représentatif de la rente qu'elle versait s'élevait à la somme de 179.898 euros étant relevé que dans une télécopie du 30 mai 2008, elle avait précisé qu'elle n'exercerait pas de recours subrogatoire ;
Considérant que les conclusions de l'expert désigné par l'arrêt du 14 novembre 2008 sont les suivantes :
"M. [L] [O] souffrant d'hémophilie A modérée a présentée en 1983 une hépatite virale C transfusionnelle ayant évolué vers la chronicité.
Alors qu'il n'avait aucun antécédent psychiatrique, il a développé, au cours d'un 1er traitement par interféron alpha débuté en août 1993, un syndrome anxio-depressif d'évolution défavorable, malgré l'arrêt du traitement . L'échec de ce premier traitement antiviral a conduit à un nouveau traitement par interféron alpha et ribavirine en janvier 1999 avec à nouveau aggravation des troubles anxio-dépressifs nécessitant une hospitalisation prolongée en milieu spécialisé.
L'évolution ultérieure a été défavorable avec :
- nouvel échappement virologique, l'hépatite C restant évolutive,
- et persistance, puis aggravation des troubles anxio-dépressifs à la faveur de la procédure judiciaire d'appel.
Le lien de causalité entre hépatite C et dépression, d'une part, et interféron alpha et dépression d'autre part est parfaitement établi par de très nombreuses études sur le sujet, en particulier entre 2003 et 2007. De plus, la persistance d'un état dépressif à distance du traitement antiviral est d'autant plus volontiers observé, comme dans le cas de M. [O] :
- en cas d'infection avec un génotype 1,
- en cas d'échappement au traitement antiviral,
- et quand il n'existe pas d'antécédent dépressif.
Ainsi, les traitements antiviraux sont en lien direct avec la contamination et la prise en charge psychiatrique lourde, toujours en cours, est en lien indirect, mais certain, avec l'hépatite virale et son traitement.
La consolidation médico-légale, dans ce contexte d'hépatite chronique, ne peut être envisagée.
Le déficit fonctionnel temporaire a débuté lors du premier traitement antiviral, en 1993. Le plus souvent partiel, il a été total lors des périodes d'hospitalisation en milieu psychiatrique. Les périodes d'arrêt de travail en lien direct ou indirect avec la contamination ont été précisées dans le corps du rapport.
La mise en invalidité, intervenue à compter du 1er septembre 2002, n'est pas liée à l'hémophilie, mais s'intègre dans les conséquences directes ou indirectes de la contamination par le VHC.
Les souffrances endurées en lien avec la contamination ne sauraient être inférieures à 4/7.
Le préjudice lié à une pathologie évolutive est avéré, en raison du risque connu, au cours d'une hépatite C active, de survenue de cirrhose hépatique, voire d'un cancer du foie . "
Considérant que ces conclusions sont claires et non critiquées par les parties ; que c'est en tenant compte desdites conclusions, de l'ensemble des éléments contenus au rapport d'expertise, et des pièces produites, qu'il sera procédé à la fixation des préjudices de M. [O], né le [Date naissance 7] 1957, les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exerçant poste par poste conformément aux dispositions de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ;
1) Préjudices patrimoniaux
- Dépenses de santé et perte de gains professionnels :
Considérant que M. [O] ne forme aucune demande au titre des dépenses de santé ; que la CPAM des Hauts de Seine réclame la somme de 9.439,72 euros pour les frais médicaux et d'hospitalisation qu'elle a pris en charge ; que cette somme n'est pas contestée et lui sera dès lors allouée ;
Considérant que la CPAM des Hauts de Seine réclame en outre la somme de 21.025,12 euros, montant des indemnités journalières qu'elle a versées à M. [O] durant plusieurs périodes comprises entre le 22 avril 1996 et le 31 août 2002 ; que M. [O] ne forme aucune demande s'agissant de cette période ; que l'EFS demande dans ses conclusions, page 8 de "dire que le montant de la créance de la CPAM ne saurait excéder la somme de 21.025,21 euros au titre des prestations en espèces" mais indique également dans ces mêmes conclusions, page 7 que "la cour devra évaluer la créance de la CPAM des Hauts de Seine à la somme de 21.025,12 euros se décomposant comme suit : total des indemnités journalières versées 21.025,12 euros dont seront déduites 100% des indemnités journalières versées du 18 juin au 28 juin 1996 et du 11 au 18 octobre 1996 et 50% des indemnités journalières versées du 11 au 20 septembre 1996 et du 21 au 25 septembre 1998 partiellement mais non exclusivement liées à la maladie hépatique" ;
Considérant que la CPAM des Hauts de Seine a produit un certificat d'imputabilité établi par son médecin conseil, lequel n'exclut pas les quatre périodes ci-dessus visées qui sont d'ailleurs mentionnées par l'expert comme étant en relation avec la contamination ; que dès lors la demande de la CPAM à ce titre sera accueillie ;
Qu'en définitive, l'EFS sera condamné in solidum avec la société Covea Risks, cette dernière dans les limites du plafond de garantie stipulé dans sa police, à verser à la CPAM des Hauts de Seine la somme de 30.464,84 euros, avec intérêts au taux légal sur la somme de 28.704,18 euros à compter du 18 février 2004 et à compter du 8 septembre 2010 pour le surplus;
- Préjudice économique :
Considérant que M. [O], qui exerçait la profession de gestionnaire au sein de la société Thales, tel que cela ressort des documents qu'il a produits, a été placé en invalidité et perçoit de la CRAMIF, depuis le 1er septembre 2002, une pension d'invalidité de deuxième catégorie ; qu'il perçoit également une rente versée par la société Novalis ; qu'il réclame, au titre du préjudice économique, pour la période du 1er septembre 2002 au 31 décembre 2009, déduction faite des arrérages de la pension d'invalidité, la somme de 144.962,53 euros et pour l'avenir, déduction faite du capital représentatif de la pension d'invalidité en décembre 2009, la somme
de 451.979,96 euros ; qu'il demande que le capital représentatif de la rente servie par l'organisme de prévoyance complémentaire, soit 179.898 euros, soit déduit de la somme de 596.942,49 euros (144.962,53 € + 451.979,96 €) ; que pour sa part, la CRAMIF réclame paiement des arrérages versés du 1er septembre 2002 au 30 juin 2010, soit la somme de 110.450,23 euros et des arrérages à échoir jusqu'au soixantième anniversaire de M. [O] ou du capital représentatif d'un montant de 73.957,61 euros ;
Considérant que l'ONIAM expose que les premiers arrêts de travail en lien avec la contamination sont du mois d'août 1993 et qu'il convient, pour calculer un revenu de référence, que M. [O] verse aux débats ses avis d'imposition pour les années 1990 à 1992, ce qu'il ne fait pas et qu'il y a donc lieu de surseoir à statuer et d'enjoindre à M. [O] de communiquer ces pièces ; qu'il ajoute que son état n'étant pas consolidé, M. [O] ne peut être indemnisé par capitalisation de ses pertes de gains professionnels actuels et futurs, que seules les pertes de gains professionnels du 1er septembre 2002 au 31 décembre 2009 peuvent à ce jour être liquidées, qu'à partir du 1er janvier 2010, une rente annuelle pourra être versée à M. [O], à terme échu, sur production des justificatifs de ses revenus effectivement perçus et de son incapacité d'exercer une activité professionnelle, qu'enfin la capitalisation selon un coefficient viager ne peut être retenue dans la mesure où les pertes de gains professionnels ne peuvent être évalués que jusqu'à l'âge légal théorique de la retraite soit 60 ans, l'éventuel préjudice économique qui persisterait à cette date ne constituant qu'un préjudice éventuel de retraite ;
Considérant que l'EFS s'oppose aux demandes de la CRAMIF en faisant valoir d'une part que celle-ci ne démontre pas que la rente qu'elle verse résulte de manière certaine de la contamination, d'autre part que sa créance ne peut s'imputer sur aucun poste de préjudice puisqu'il n'existe pas de déficit fonctionnel permanent ou de préjudice économique après consolidation ;
Considérant que l'expert a précisé que la mise en invalidité n'était pas imputable à l'hémophilie (modérée) mais bien à la contamination par le VHC et à ses conséquences directes et indirectes ; que dès lors la CRAMIF peut réclamer à l'EFS le remboursement des sommes versées à M. [O] au titre de la pension d'invalidité ; que toutefois la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer tant sur la demande de M. [O] au titre de son préjudice économique que sur celle de la CRAMIF ;
Considérant en effet que si M. [O] a versé aux débats de très nombreuses pièces justifiant de ses revenus pour la période de 1977 à 2002, il demeure que le montant des arrérages de la rente versée par la CRAMIF pour la période du 1er septembre 2002 au 31 décembre 2009 n'est pas connu, M. [O] affirmant, sans en justifier, que celui-ci s'élève à la somme de 83.100,91 euros, étant relevé que les pièces produites par la CRAMIF ne permettent pas plus de connaître ce montant pour la période considérée ainsi que le montant du capital représentatif des
arrérages à échoir à compter du 1er janvier 2010 ; qu'en outre, il est établi que M. [O] perçoit de la société Novalis une rente invalidité mais le montant des sommes versées au 31 décembre 2009 n'a pas été précisé, seul le capital représentatif de cette rente, calculé en mars 2002, étant mentionné dans la lettre du 18 mai 2009 adressée par cette société au conseil de M. [O] ;
Considérant dès lors qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur ce poste de préjudice, et d'inviter les parties à produire les justificatifs afférents aux éléments ci-dessus mentionnés ; que M. [O] devra également, compte tenu des observations de l'ONIAM et pour éviter toute difficulté ultérieure, verser aux débats ses avis d'imposition pour les années 2002 à 2009 ;
- Tierce personne :
Considérant que M. [O] expose que les hospitalisations subies en raison de son état dépressif ont été précédées de périodes de crise imposant la présence permanente d'un tiers
compte tenu du risque de passage à l'acte suicidaire et que le poids des traitements antidépresseurs et leurs effets secondaires, notamment sur la conduite, génère également un besoin d'accompagnement ; qu'il réclame une indemnité sur la base d'un besoin d'assistance quotidien de une heure, depuis le mois d'août 1993, date du premier traitement d'interféron ;
Mais considérant que l'expert n'a pas évoqué la nécessité pour M. [O] d'être aidé quotidiennement et qu'aucun dire ne lui a été adressé sur ce point ; que la demande formée à ce titre, qui n'est en tout état de cause nullement justifiée par les pièces versées aux débats, sera rejetée ;
2) préjudices personnels
Considérant qu'au titre du préjudice spécifique de contamination, M. [O] réclame la somme de 150.000 euros ; que l'ONIAM indique que ce préjudice sera indemnisé par le versement d'une somme de 40.000 euros ;
Considérant que le préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C comprend l'ensemble des préjudices de caractère personnel, tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination virale ; qu'il inclut notamment les perturbations et craintes éprouvées concernant l'espérance de vie ainsi que la crainte des souffrances ; qu'il comprend aussi le risque de toutes les affections opportunistes consécutives à la découverte de la contamination, les perturbations de la vie sociale et familiale, les souffrances provoquées par les soins et traitements subis ;
Et considérant que compte tenu des éléments fournis par le rapport d'expertise sur les points ci-dessus mentionnés, l'indemnité réparant le préjudice spécifique de contamination subi par M. [O] sera fixée à la somme de 70.000 euros ;
Considérant que Mme [O] réclame la somme de 70.000 euros au titre du préjudice d'accompagnement ; qu'il convient, eu égard aux répercussions entraînées par l'état de santé de M. [O] résultant de sa contamination sur la vie conjugale et familiale, d'allouer à Mme [O] la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice ;
Considérant qu'il est réclamé pour [F] [O] la somme de 45.000 euros au titre de son préjudice d'accompagnement ; que M. et Mme [O] agissent en qualité de représentants légaux de leur fils ; que cependant, il ressort des pièces d'état civil produites aux débats que [F] [O] est devenu majeur le [Date naissance 5] 2009 ; que l'instance est donc interrompue en ce qui le concerne et que la procédure doit être régularisée ;
Considérant, vu l'article 700 du code de procédure civile, que l'EFS et la société Covea Risks seront condamnées in solidum à payer à la CPAM des Hauts de Seine la somme de 1.000 euros pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel ; que les demandes formées à ce titre par la CRAMIF et M. [O] seront réservées ;
PAR CES MOTIFS
Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la société Covea Risks,
Condamne in solidum l'Etablissement français du sang et la société Covea Risks, cette dernière dans les limites du plafond de garantie stipulé dans sa police, à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine la somme de 30.464,84 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 28.704,18 euros à compter du 18 février 2004 et sur le surplus à compter du 8 septembre 2010,
Constate que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est substitué à l'EFS pour le règlement des indemnités réparant les préjudices des consorts [O] résultant de la contamination par le VHC de M. [L] [O],
Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Mme [O] la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice,
Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à M. [O] la somme de 70.000 euros en réparation du préjudice spécifique de contamination,
Déboute M. [L] [O] de sa demande d'indemnisation au titre des frais d'assistance par une tierce personne,
Sursoit à statuer sur le préjudice économique de M. [L] [O] et sur la créance de la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France ,
Ordonne sur ces points la réouverture des débats et renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du jeudi 13 janvier 2011 à 13 heures,
Invite M. [L] [O] à justifier des sommes versées par la société Novalis pour la période du 1er septembre 2002 au 31 décembre 2009 et à produire ses avis d'imposition pour les années 2002 à 2009,
Invite la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France à justifier des sommes versées à M. [L] [O] pour la période du 1er septembre 2002 au 31 décembre 2009 et à préciser le montant du capital représentatif des arrérages à échoir à compter du 1er janvier 2010,
Constate l'interruption de l'instance en ce qui concerne [F] [O] devenu majeur le [Date naissance 5] 2009 et invite les parties à régulariser la procédure,
Condamne in solidum l'Etablissement français du sang et la société Covea Risks à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Réserve l'examen des demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par M. [L] [O] et la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France,
Condamne in solidum l'Etablissement français du sang et la société Covea Risks aux dépens d'appel exposés par la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne l'Etablissement français du sang aux dépens d'appel exposés par la société Baxter et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Réserve le surplus des dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT