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25/11/2010 | FRANCE | N°09/01372

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 25 novembre 2010, 09/01372


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 25 Novembre 2010

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/01372 - MAC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Octobre 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 07/11506



APPELANT



1° - Monsieur [B] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Hugues BOUGET, avocat au barreau de P

ARIS, toque : E1752



INTIMEE



2° - SOCIETE TRADITION SECURITES AND FUTURES (TSAF)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Muriel KRAMER-ADLER, avocat au barreau de PARIS...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 25 Novembre 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/01372 - MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Octobre 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 07/11506

APPELANT

1° - Monsieur [B] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Hugues BOUGET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1752

INTIMEE

2° - SOCIETE TRADITION SECURITES AND FUTURES (TSAF)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Muriel KRAMER-ADLER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0267

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Irène LEBE, Conseillère et Mme Marie-Antoinette COLAS, conseillère, chargées d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente,

Mme Irène LEBE, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Madame Nadine LAVILLE, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [K] a été engagé par la société Tradition Sécurities and Futures, suivant un contrat à durée indéterminée à compter du 25 août 2003 en qualité d'opérateur vendeur, position cadre confirmé repère A- indice 450.

La rémunération contractuellement fixée était composée d'une partie fixe brute annuelle de 100'000 € répartis sur 12 mois et incluant toutes primes conventionnelles à laquelle s'ajoutait une partie variable calculée sur le chiffre d'affaires selon les termes suivants : 'au-delà de 333'333 € de chiffre d'affaires annuel..., la partie variable appelée à être versée sera égale à 30% du chiffre d'affaires net et recouvré par M. [K]'.

Une clause contractuelle de non-concurrence limitée à six mois, portant sur les seules fonctions du salarié circonscrite géographiquement sur [Localité 5], l'Union Européenne et la Suisse, assortie d'une contrepartie financière d'un montant mensuel brut égal au salaire fixe de base du dernier mois travaillé était également incluse dans le contrat de travail.

Le 22 décembre 2006, M. [K] a démissionné.

Les parties sont convenues qu'il n'exécuterait pas le préavis, mais la société Tradition Sécurities and Futures a confirmé l'obligation pour le salarié de respecter la clause de non-concurrence.

La société a versé mensuellement à M. [K] une somme de 8333,33 euros, majorée de 68 € au titre de la prime d'ancienneté et de 10% au titre des congés payés afférents.

À défaut d'obtenir le paiement d'une indemnité incluant la partie variable de la rémunération, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, qui par un jugement du 30 octobre 2008, l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions.

Le conseil de prud'hommes a également rejeté la demande reconventionnelle formulée par la société tendant au paiement d'une somme de 180 000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de procédure.

M. [K] a relevé appel de ce jugement.

Dans des conclusions déposées et reprises lors des débats, M. [K] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de condamner la société Tradition Sécurities and Futures à lui verser la somme de 89'741,82 €, ou subsidiairement la somme de 41'334,98 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le respect d'une clause de non-concurrence illicite.

Il sollicite aussi une somme de 180'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, de carrière et financier, outre une indemnité de 6000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes d'écritures soutenues oralement lors de l'audience, la société Tradition Sécurities and Futures conclut à la confirmation du jugement déféré, reconventionnellement elle réclame une somme de 180 000 € en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile outre une indemnité de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé au jugement, aux conclusions respectives des parties visées par le greffier lors des débats, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés.

MOTIFS :

Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

La contrepartie financière est due quel que soit le motif de la rupture, même si le salarié a retrouvé un emploi immédiatement après avoir démissionné, à moins que l'employeur ait libéré le salarié de l'obligation dans les délais et les formes prescrites.

Enfin, le montant de la contrepartie financière doit respecter le principe de proportionnalité. Il s'ensuit dès lors qu'une contrepartie financière dérisoire équivaut à une absence de contrepartie.

Il n'est pas discuté dans la présente espèce que la clause de non-concurrence prévue au contrat assurait la protection des intérêts légitimes de la société Tradition Sécurities and Futures , qu'elle ne portait pas atteinte à la liberté du travail, qu'elle était limitée dans le temps et l'espace, M. [K] estimant que le caractère illicite de la clause de non-concurrence incluse dans le contrat de travail résulte d'une contrepartie financière dérisoire équivalent à une absence de contrepartie.

Dans le cas d'espèce, la contrepartie financière contractuellement prévue devait correspondre pendant toute la durée de l'application de la clause de non-concurrence soit pendant six mois, à une indemnité compensatrice dont le montant mensuel brut devait être égal au salaire fixe de base de son dernier mois travaillé.

D'après ce même contrat de travail, il était précisé que M. [K] devait percevoir une rémunération fixe brute annuelle de 100 000 € répartis sur 12 mois, incluant toutes primes conventionnelles à laquelle devait s'ajouter une partie variable calculée sur le chiffre d'affaires net traité par le salarié . En effet , au-delà d'un chiffre d'affaires nets de 333'333 €, la partie variable appelée à être versée devait être égale à 30% du chiffre d'affaires net, recouvré et traité par M. [K] .

En application des dispositions contractuelles relatives à la rémunération, il n'est pas contesté que la rémunération moyenne mensuelle brute perçue par M. [K] pour le mois de décembre 2006, dernier mois travaillé s'est élevée à la somme de 43'997,16 € hors congés payés et à la somme de 49'935,56 € avec congés payés.

Il convient d'observer que la rémunération moyenne brute mensuelle s'est élevée en 2006 à la somme de 61'419,83 €.

La société Tradition Sécurities and Futures , appliquant strictement les dispositions contractuelles a versé au total à M. [K] une somme de 55'448,76 € bruts comprenant les congés payés, au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence.

Il apparaît donc que la contrepartie financière versée correspond globalement à 1,11 mois sur la base du dernier mois travaillé.

C'est en vain, que la société soutient que cette clause était proportionnée au motif que M. [K] pouvait à la cessation de son contrat de travail exercer les mêmes fonctions que celles qu'il avait précédemment exercées au sein de la banque ING et qui correspondent à sa formation initiale.

En application de la clause, M. [K] s'interdisait d'exercer ses fonctions d'opérateur/ vendeur, au sein d'une société intermédiaire sur les marchés financiers, sociétés de bourse ou de tout autre entreprise d'investissement ayant une activité similaire, connexes ou complémentaire à celle de la Tradition Sécurities and Futures et ce, dans un secteur géographique délimité et pendant une durée de six mois.

Il résulte de l'analyse de l'ensemble des éléments que la contrepartie financière prévue contractuellement et correspondant pour toute la durée de son application, soit pour 6 mois à 1,14 mois sur la base du dernier mois travaillé, était disproportionnée et dérisoire, que la clause de non concurrence est par voie de conséquence illicite.

Il n'est pas contesté que M. [K] a respecté la clause de non-concurrence illicite.

Dans ces conditions, le respect de la clause de non-concurrence illicite est nécessairement à l'origine d'un préjudice pour M. [K] ouvrant droit à réparation et dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue

Les contreparties financières des clauses de non-concurrence correspondent en général au minimum à 33% de la rémunération moyenne mensuelle brute sur les 12 derniers mois de l'année.

Dans ces conditions, la Cour fixera la contrepartie financière à la somme de 121.700 €.

Compte tenu de ce que M. [K] a effectivement perçu une somme de 55'448,76 €, il convient de condamner la société Tradition Sécurities and Futures à lui la somme de 66'251,24 € en réparation du préjudice subi du fait du respect par M. [K] de la clause illicite.

Sur la demande de dommages-intérêts en réparation des préjudices moral, de carrière, financier :

M. [K] prétend avoir été poussé à démissionner d'une part, et considère qu'en ne le libérant pas de la clause de non-concurrence, la société l'a empêché d'exercer le métier de vendeur devenu le sien depuis huit années.

Toutefois, M. [K] produit aux débats la lettre de démission adressée à la société, faisant apparaître que cette démission était consécutive à de récentes discussions avec la direction de la société.

Pour autant, M. [K] n'établit pas que cette démission résultait d'une pression, d'une contrainte directe.

Par ailleurs, la clause de non-concurrence illicite était limitée dans le temps et ne pouvait l'empêcher à terme d'envisager l'exercice de la profession de 'brooker'.

Le préjudice résultant de l'application d'une clause de non-concurrence illicite fait l'objet d'une indemnisation fixée par le présent arrêt.

Cette indemnisation est de nature à couvrir le préjudice financier résultant de la moindre rémunération perçue dans son nouvel emploi pendant la durée de l'application de la clause de concurrence illicite.

Il s'ensuit qu'à défaut d'établir un préjudice distinct de celui qui a été préalablement analysé et évalué, M. [K] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour les autres préjudices allégués.

Sur la demande d'indemnité application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande d'allouer à M. [K] une indemnité de 5000 € pour les frais exposés par lui en cause d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, étant observé que la société Tradition Sécurities and Futures avait elle-même évalué à cette somme les frais que lui a imposés la présentation de son argumentaire devant la cour d'appel.

Sur les demandes reconventionnelles :

La société Tradition Sécurities and Futures sera déboutée de dommages et intérêts pour procédure abusive, d'indemnité sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile dès lorsqu'il a été fait partiellement droit aux prétentions de M. [K] et d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, puisqu'elle est elle-même partie perdante dans la présente instance.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Dit que la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail M. [K] est illicite,

En conséquence,

Condamne la société Tradition Sécurities and Futures à verser à M. [K] les sommes suivantes :

- 66'251,24 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du respect d'une clause de non-concurrence illicite,

- 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Tradition Sécurities and Futures aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 09/01372
Date de la décision : 25/11/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°09/01372 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-25;09.01372 ?
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