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18/11/2010 | FRANCE | N°09/00557

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 18 novembre 2010, 09/00557


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 18 Novembre 2010



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/00557 - MAC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Novembre 2008 par le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL - section activités diverses RG n° 07/00644



APPELANT



1° - Monsieur [S] [O]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Christian L

E GALL, avocat au barreau de PARIS, B0754



INTIMÉE



2° - S.A.R.L. CAVE CANEM

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Corinne CHARBONNIER, avocate au barreau de PARIS, E142



COMPOSIT...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 18 Novembre 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/00557 - MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Novembre 2008 par le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL - section activités diverses RG n° 07/00644

APPELANT

1° - Monsieur [S] [O]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Christian LE GALL, avocat au barreau de PARIS, B0754

INTIMÉE

2° - S.A.R.L. CAVE CANEM

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Corinne CHARBONNIER, avocate au barreau de PARIS, E142

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente

Madame Irène LEBE, Conseillère

Madame Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Irène LEBE, Conseillère, par suite d'un empêchement de la Présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [O] a été engagé par la SARL Cave Canem suivant un contrat à durée indéterminée du 25 octobre 2004, en qualité d'agent de surveillance.

Par une lettre du 27 février 2007, M. [O] a été licencié pour faute grave caractérisée par une inobservation persistante du règlement intérieur et des consignes obligatoires au sein de l' entreprise.

Contestant les motifs de son licenciement M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil, qui, par un jugement du 27 novembre 2008, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.

M. [O] a relevé appel du jugement.

Dans des conclusions déposées et reprises lors des débats, M. [O] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de considérer son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de condamner la SARL Cave Canem à lui verser les sommes suivantes :

- 3800 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 380 € à titre d'indemnité pour les congés payés afférents,

- 380 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 18'000 € à titre d'indemnité pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1600 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes d'écritures soutenues oralement lors de l'audience, la SARL Cave Canem conclut à la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil. En toute hypothèse, elle s'oppose aux demandes formulées par M. [O] et réclame une indemnité de 3000 € sur le fondement de l'article 700 de procédure civile.

Il est expressément renvoyé au jugement, aux conclusions respectives des parties visées par le greffier lors de l'audience, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés.

MOTIFS :

En application des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties...si un doute subsiste, il profite au salarié.

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

La lettre de licenciement du 27 février 2007, qui circonscrit le litige, est ainsi rédigée:

'...nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave au motif suivant :

insubordination pour violation du règlement intérieur résidant dans le refus de respecter l'obligation de se présenter à la prise de service rasé de près.

Le 31 janvier 2007, de retour après une période de congés payés, vous vous présentez à la prise de service avec une barbe longue(environ 3 cm). Lorsque votre chef de groupe vous demande des explications sur cette violation des consignes en vigueur, vous lui répondez simplement 'avoir fait l'effort depuis votre arrivée dans l'entreprise, mais ne plus vouloir vous raser.'Vous avez d'ailleurs réitéré ses propos lors de l'entretien. Bien que les risques que vous preniez en persistant dans cette attitude vous aient été exposés, vous vous êtes de nouveau présenté avec votre barbe non entretenue les jours suivants. Le 5 février, nous avons été contraints de vous notifier votre mise à pied à titre conservatoire face à votre refus de respecter la réglementation applicable...'

Après avoir rappelé les dispositions de l'article L.1121-1 du code du travail, M. [O] relève que ni le contrat de travail, ni le règlement intérieur n'imposent aux salariés d'être rasés de près, que les consignes obligatoires et consignes générales n'ont jamais fait l'objet d'une acceptation sans réserve de sa part, qu'en tout état de cause la prohibition pure et simple du port de la barbe n'est pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, qu'enfin il a toujours respecté ses obligations contractuelles notamment le port de la tenue.

Il fait observer qu'il n'a jamais reçu une quelconque mise en demeure, ni un avertissement préalablement à la notification de son licenciement pour faute grave alors que selon les dispositions de son contrat de travail, s'agissant du port de la tenue, le salarié ne pouvait être licencié qu'en cas de récidive.

La SARL Cave Canem rappelle que M. [O] s'est engagé lors de la signature de son contrat de travail à se conformer au règlement intérieur, notes de service et instructions de la direction concernant les conditions d'exécution de son travail, qu'il est notamment tenu par le règlement intérieur de respecter toute instruction venant de ses supérieurs hiérarchiques ou diffusée par voie de notes de service, d'affichage, que lui a été remis lors de l'embauche un carnet de bord faisant état des consignes obligatoires en vigueur lesquelles consistent notamment à 'être propre et rasé sur les sites... au contact du public...'.

L'employeur fait également état de l'article 4 du règlement intérieur du GIPS qui prévoit ' tous les personnels doivent prendre leur service rasé...'.

La SARL Cave Canem précise que M. [O] a persisté dans son attitude malgré le rappel réitéré de ses obligations, qu'il était en contact permanent avec le public et la clientèle, que la situation découlant de son refus persistant de se présenter, rasé, était de nature à altérer les bonnes relations entre le client et la société.

Selon l'article L.1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché.

Pour établir une violation grave et délibérée de ses obligations par M. [O] en se présentant avec une barbe de plusieurs semaines et ce, en contravention avec les prescriptions contractuelles, au regard des tâches de surveillance à accomplir auprès de clients, la SARL Cave Canem verse aux débats le contrat de travail signé par M. [O] le 25 octobre 2004 aux termes duquel M. [O] s'est engagé notamment à ' se conformer au règlement intérieur, notes de service et instruction de la direction concernant les conditions d'exécution du travail...', le carnet de bord , dont M. [O] ne conteste pas qu'il lui a été remis lors de son embauche, dans lequel sont reportées les consignes obligatoires pour la bonne exécution de la prestation.

Figurent parmi les 10 consignes obligatoires celle-ci :

'5) soyez propre et rasé sur les sites. Pas de mains dans les poches.'

Ce carnet de bord comporte également le règlement intérieur aux termes duquel il est indiqué:

'le personnel est tenu au respect de toutes instructions venant de ses supérieurs hiérarchiques ou diffusées par voie de note de service et d'affichage. Tout acte contraire à la discipline est passible de sanction, les responsables de sites étant habilités par la direction à diriger, surveiller et contrôler la bonne marche du site. Il doit être relevé que le règlement intérieur inclus dans le carnet de bord ne prévoit pas en son article 9 que le salarié est tenu de respecter les consignes données par les clients. A cet égard il sera relévé que l'employeur communique un autre règlement intérieur distinct avec une domiciliation distincte de celle figurant sur le contrat de travail et sur les bulletins de salaire .

Par ailleurs, la SARL Cave Canem verse aux débats les témoignages précis et concordants de Messieurs [X] et [D], respectivement directeur opérationnel et chef de groupe, établissant qu' à son retour de congé le 31 janvier 2007, M. [O] s'est présenté avec une barbe de plusieurs semaines, alors qu'il était rasé avant son départ, qu'il a refusé de respecter les consignes du client.

La SARL Cave Canem communique les consignes données par le GPIS, soit le groupement parisien inter-bailleurs de surveillance, son client sur le site duquel M. [O] était affecté en qualité d'agent de surveillance. Il y est spécialement spécifié que tous les personnels doivent prendre leur service rasés, dans une tenue soignée, complète et en état d'effectuer leur mission.

La lettre du 3 février 2007 que M. [O] a adressée à son employeur fait état d'une part, du fait que sa barbe remontait à deux mois, d'autre part qu'il a fait l'effort de se raser le crâne et la moustache, qu'il espérait pouvoir continuer à travailler en étant ' bien dans sa peau.'

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les consignes de la société comme celles du client le client GPIS mettaient manifestement l'accent sur la nécessité pour les personnels de se présenter dans des conditions d'hygiène et de propreté satisfaisantes passant par une tenue soignée, en étant notamment rasé.

Les éléments produits ne permettent pas d'établir que M. [O] s'est présenté dans une tenue négligée, étant observé, que les consignes contractuelles n'imposent pas formellement au salarié de se présenter sans barbe, mais simplement rasé, qu'il est tout à fait possible en conséquence d'exhiber une barbe propre et entretenue avec des rasoirs adaptés.

Il n'est dès lors pas établi que le salarié a, dans le cas d'espèce, contrevenu aux obligations mises à sa charge par le contrat.

Le licenciement ne repose dès lors pas sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

S'agissant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [O] est recevable et fondé à réclamer les indemnités de rupture soit une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et une indemnité de licenciement.

La SARL Cave Canem ne formule aucune observation particulière sur le quantum des sommes réclamées.

En conséquence, il convient d'allouer à M. [O] les sommes qu'il réclame, soit 3800 € titre de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire, 380 € au titre des congés payés afférents et 380 € au titre de l'indemnité de licenciement.

Par ailleurs, l'article L.1235-3 du code du travail prévoit qu'en cas de licenciement d'un salarié disposant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise comptant plus de 10 salariés, le juge octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

M. [O] avait une ancienneté de plus de deux ans au moment de son licenciement. Il est marié, son épouse n'exerce pas d'activité rémunérée.

Il explique n'avoir retrouvé aucun emploi depuis lors, mais ne justifie pas des démarches entreprises.

Dans ces conditions, le préjudice de M. [O] sera équitablement réparé par l'allocation d'une somme de 11.500 €.

Sur l'indemnité prévue à l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande d'allouer à M. [O] une indemnité de 1600 € qu'il réclame au titre des frais exposés en cause d'appel et ce, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [O] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamne la SARL Cave Canem à verser à M. [O] les sommes suivantes:

- 3800 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 380 € au titre des congés payés afférents,

- 380 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 11.500 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1600 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SARL Cave Canem aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 09/00557
Date de la décision : 18/11/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°09/00557 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-18;09.00557 ?
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