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10/11/2010 | FRANCE | N°10/02134

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1, 10 novembre 2010, 10/02134


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1



ARRÊT DU 10 Novembre 2010

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02134



Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 06 Janvier 2010 par Mme La Première Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny RG n° 09/02099



APPELANTES



UNION SYNDICALE D'AIR FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 4]
>[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour,

assisté de Me Isabelle GRELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1930



SOCIETE SNP...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1

ARRÊT DU 10 Novembre 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02134

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 06 Janvier 2010 par Mme La Première Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny RG n° 09/02099

APPELANTES

UNION SYNDICALE D'AIR FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour,

assisté de Me Isabelle GRELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1930

SOCIETE SNPNC, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour,

assisté de Me Isabelle GRELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1930

SOCIETE SNGAF-CFTC

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour,

assisté de Me Isabelle GRELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1930

INTIMEE

S.A. AIR FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour,

assisté de Me Baudouin DE MOUCHERON, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Yves GARCIN, Président

Madame Marie-Bernadette LEGARS,

Madame Claire MONTPIED, Conseillère

qui en ont délibéré

Le prononcé de la décision initialement prévu le 8 novembre 2010 a été prorogé ce jour par M. le Président au 10 novembre 2010 .

Greffier : Madame Sandie FARGIER, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Yves GARCIN, président et par Madame Sandie FARGIER, greffier.

Vu l'appel interjeté, par déclaration au greffe enregistrée le 25 février 2010, par l'Union Syndicale d'Air France agissant en la personne de son Président et par le Syndicat du personnel Naviguant agissant en la personne de son président, à l'encontre de l'ordonnance rendue le 6 janvier 2010 par Mme La Première Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny, qui statuant en matière de référés, à la suite de la saisine de l'Union Syndicale d'Air France ( UNSA SMAF), du Syndicat du personnel naviguant commercial (SNPNC ) et du Syndicat national Groupe Air France CFTC ( SNGAF-CFTC) , a :

- débouté l'UNSA SMAF, le SNPNC et le SNGAF de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de l'UNSA SMAF, du SNPNC et du SNGAF,

Vu les conclusions signifiées le 8 octobre 2010 aux termes desquelles L'UNSA SMAF, le SNPC, appelants et le SNGAF-CFTC intimé, appelant incident, demandent à la Cour de :

- les dire recevables en leurs appels,

- dire y avoir lieu à référé et infirmer le jugement dont appel,

- dire que le Temps Mensuel Réduit ( TMR) tel que défini par Air France ne saurait être mis en place au sein de l'entreprise autrement que par voie d'accord collectif,

- dire que le TMR est en tout état de cause en contradiction avec les textes régissant la matière soit l'article L3122-1 du code du travail , ainsi que les articles L 3123-1 et L 3123-2 du code du travail relatifs au temps partiel,

- ordonner en conséquence la suspension ou cessation par Air France de la mise en oeuvre au sein de l'entreprise d'un temps de travail réduit sous astreinte de 15.000€ par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- à titre principal, annuler tous actes et avenants conclus en conséquence de ce dispositif de TMR,

- à titre subsidiaire suspendre l'application de tous actes et avenants conclus en conséquence de ce dispositif de TMR,

- condamner la société Air France à verser à chaque demandeur la somme de 4.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Air France aux entiers dépens comprenant les frais d'exécution éventuels de la présente décision , dont distraction au profit de Me Luc Couturier, avoué, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 8 octobre 2010 aux termes desquelles la société Air France entend voir :

vu les articles 484,488,808 et 809 du code de procédure civile ,

- confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ,

vu l'article 122 du code de procédure civile

- dire et juger que les demandes de l'UNSA-SMAF, du SNPNC et du SNGAF CFTC d'annulation ou de suspension des actes et avenants aux contrats de travail conclus dans le cadre du TMR sont irrecevables,

En tout état de cause

- condamner l'UNSA-SMAF, le SNPNC et le SNGAF CFTC à verser , chacun, une somme de 2.000€ à la société Air France sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux dépens,

- dire que Me Frédéric Buret, Avoué, pourra poursuivre directement le recouvrement des dépens le concernant conformément aux dispositions dont distraction au bénéfice de la SCP Gerigny Freneaux, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

SUR CE LA COUR

Considérant qu'il est constant que :

- En juin 2008 la société Air France a engagé des négociations avec les syndicats représentatifs tendant à la conclusion d'un accord collectif sur la mise en oeuvre du 'Temps Mensuel Réduit', ci-après TMR , à destination du personnel navigant commercial ( PNC),

- Pour faire face à la crise internationale, la compagnie Air France a parallèlement mis en place 'un plan de riposte gradué' incluant des modalités d'adaptation de ses effectifs face à la baisse d'activité, consistant, en ce qui concerne la première phase, à bloquer les embauches et, en seconde phase, à recourir au volontariat afin de prévenir le recours au chômage partiel ou aux départs non volontaires,

- Le 20 juillet 2009, le Comité d'établissement opérations aériennes était en conséquence consulté sur 'le projet de passage volontaire et temporaire , pour la saison hiver 2009/2010, à Temps Mensuel Réduit',

- un document relatif aux modalités d'organisation du TMR précisait qu'il était ' mis en oeuvre dans le cadre du plan de riposte graduée-phase 2" et accessible aux PNC non cadre de la société Air France affectés en Ile de France ayant prévus de travailler à temps plein sur la période de novembre 2009 à mars 2010 .

Sur cette période les PNC volontaires devaient s'engager, par voie d'avenant à leur contrat de travail, à réduire leur activité 'grâce à l'attribution mensuelle d'une période de 4 jours de repos-base supplémentaire, correspondant à un niveau mensuel d'activité égal à 77% de celui d'un PNC à temps plein avec un salaire minimum garanti de 83% , les droits à congés payés acquis pendant la période de travail à temps mensuel réduit étant proportionnels au niveau d'activité ( soit 77% des droits à congés d'un PNC à temps plein) .

Il était également indiqué qu''au titre de la réduction d'activité', une période de 4 jours consécutifs de repos-base supplémentaire serait attribuée chaque mois .... étant précisé que

'si les contraintes d'exploitation rendent impossible le positionnement sur le mois M de tout ou partie des jours de repos base supplémentaires attribués au titre de la réduction d'activité du mois M, les jours manquants seront décalés sur le début du mois suivant'

- ce dispositif a été renouvelé pour la saison été 2010 et saison Hiver 2010/2011,

- le 20 novembre 2009, les syndicats UNSA-SMAF, SNPNC , SNGAF-CFTC saisissaient le juge des référés, après signature des avenants à leur contrat de travail des PNC volontaires pour voir dire :

* nulle la mise en place par Air France d'un temps de travail réduit par voie d'appel au volontariat,

* ordonner la cessation d'un processus d'appel au volontariat sous astreinte de 1.000€ par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir,

* dire que la mise en place d'un tel projet s'inscrit dans le cadre des dispositions relatives à la négociation collective,

* annuler tous actes et avenants conclus en conséquence de ce dispositif de TMR,

Sur ce la Cour

Considérant que les syndicats appelants ont pour objet de défendre les intérêts tant collectifs qu'individuels de ses adhérents et des personnels qu'ils représentent ; que ce faisant , même en l'absence à la procédure des salariés individuellement concernés les syndicats sont fondés à critiquer les modalités du ' Temps Mensuel Réduit' mis en place par Air France, par voie d'avenant individuel, dans la mesure où ce procédé est susceptible d'être contraire à l' exigence d'une négociation collective en matière d'aménagement du temps de travail;

Considérant que si l' article 808 du code de procédure civile limite la compétence du juge des référés aux mesures ne se heurtant pas à une contestation sérieuse, l'article 809 du code de procédure civile, autorise la formation de référés , 'même en présence d'une contestation sérieuse' à 'prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent , soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite',

qu'il appartient en conséquence à la formation de référés d'apprécier le caractère manifestement illicite du trouble invoqué par les syndicats appelants ;

Considérant qu'en l'espèce, le trouble manifestement illicite invoqué résulte, selon les syndicats appelants, de la remise en cause par Air France du principe de la négociation collective, en instaurant, par voie d'avenants individuels aux contrats de travail de salariés volontaires , un dispositif de 'Travail Mensuel Réduit' pour la période de novembre 2009 à mars 2010, renouvelé en 2010/2011 ;

Considérant qu'il est constant que, le temps de travail, les règles de rémunérations , ainsi que les droits à congés des personnels navigants commerciaux, employés à temps plein, ressortent d'un accord collectif d' avril 2008 ; qu'il n'est pas davantage contesté que le processus de négociation collective relatif à la mise en oeuvre du TMR n'a pas abouti, faute d'avoir obtenu le nombre de signatures nécessaires (30%) , étant précisé que la durée du travail du personnel navigant commercial et sa répartition sont régies par le code du travail, le code de l'aviation civile ne dérogeant pas à cette règle ;

Considérant qu'il convient en premier lieu de relever que le dispositif de Temps Mensuel Réduit mis en oeuvre par Air France n'est pas, comme le soutient Air France, une modalité de travail à temps partiel à la demande des salariés, lequel existait déjà au sein de l'entreprise et a ses propres exigences, mais constitue une modalité de réduction et donc d'aménagement du temps de travail permettant à Air France, dans un contexte de crise, de trouver des solutions, en dehors des suppressions d'embauches, pour réduire la masse salariale ;

que l'accès à ce dispositif est d'ailleurs limité aux seuls salariés précédemment à temps plein et se décline par référence au travail à temps plein; que le dispositif a en outre des incidences notamment en ce qui concerne le régime des heures supplémentaires, bien différentes ce celles du travail à temps partiel ;

Considérant dès lors, s'agissant d'une proposition d'aménagement 'mensuel' du temps de travail qu' il appartenait à Air France de soumettre un tel dispositif à la négociation collective ;

qu'en effet, les articles L 3122-1 et L 3122-2 du code du travail prévoient que le temps de travail se calcule par semaine civile, mais que, par voie 'd' accord collectif d'entreprise ou d'établissement , ou à défaut une convention ou un accord de branche', des dérogations au module hebdomadaire de référence, peuvent intervenir pour définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année ;

Considérant qu'il s'en déduit qu'Air France ne pouvait, sans recourir à un accord collectif, proposer la mise en oeuvre du TMR, par le seul biais d'avenants individuels aux contrats de travail des PNC, fussent-ils conclus sur la base du volontariat ;

Considérant que ce faisant la conclusion d'avenants aux contrats individuels pour assurer la mise en oeuvre du dispositif de Temps Mensuel Réduit, en dehors de tout accord collectif, est constitutive d' un trouble manifestement illicite qu'il appartient à la formation de référé de faire cesser ;

Considérant qu'il y a lieu de condamner la société Air France qui succombe à verser à chacun des appelants la somme de 2.000€, soit 6.000€ au total sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure ;

qu'il convient également de condamner Air France aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme l'ordonnance dont appel,

Statuant à nouveau,

Déclare recevables les demandes des syndicats appelants,

Dit que la mise en oeuvre par Air France du TMR, en dehors d'un accord collectif, qu'il soit d'entreprise, d'établissement ou de branche est constitutive d'un trouble manifestement illicite ;

Ordonne à la société AIR FRANCE de suspendre à compter de la signification du présent arrêt toute mise en oeuvre du dispositif de TMR, sous peine d'astreinte de 5.000€ par jour et infraction constatée passé un délai d'un mois au delà de la signification,

Condamne Air France à payer 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à chacun des syndicats, UNSA-SMAF, SNPNC et SNGAF-CFTC,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne la société Air France aux entiers dépens de première instance et d'appel .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/02134
Date de la décision : 10/11/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K1, arrêt n°10/02134 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-10;10.02134 ?
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