RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 1
ARRÊT DU 03 Novembre 2010
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05055
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Mars 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG n° 07/12855
APPELANT
Monsieur [Z] [O]
[Adresse 2]
[Localité 5]
comparant en personne,
assisté de Me Jean Claude SULTAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 546
INTIMEE
SA PIANOS LABROUSSE
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Antoinette BREAVOINE POULAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D.753
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Septembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernadette LE GARS, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves GARCIN, président
Madame Marie-Bernadette LE GARS, conseillère
Madame Claire MONTPIED, conseillère
Greffier : Sandie FARGIER, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Yves GARCIN, président et par Sandie FARGIER, greffier.
La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [Z] [O] du jugement du Conseil des Prud'hommes de Paris (départage) du 12 mars 2009 l'ayant débouté de toutes les demandes qu'il formulait contre son ancien employeur, la SA PIANOS LABROUSSE, et l'ayant condamné à payer à la même une indemnité de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Faits et demandes des parties :
Par contrat à durée indéterminée à temps partiel (95 heures par mois/ 22 heures par semaine), prenant effet au 26 février 2001, M. [Z] [O] a été engagé par la SA PIANOS LABROUSSE en qualité de vendeur démonstrateur. De 2001 à 2003 il a exercé sa prestation de travail dans le cadre d'expositions se tenant dans des centres commerciaux, puis dans un magasin situé à [Localité 8], avant d'être affecté, à compter d'avril 2005, dans un magasin situé [Adresse 1]. Sa rémunération consistait en un salaire basé sur une commission de 8% du chiffre d'affaires HT des ventes réalisées. La relation de travail a été paisible de 2001 à septembre 2007. Le 26 septembre 2007, alors que le responsable de la société employeur s'était étonné de la disparition d'un UKULELE, qui se trouvait en réalité chez la fille de M. [Z] [O] et qui était immédiatement règlé par ce dernier, ainsi que de 145 partitions, M. [Z] [O] écrivait à son employeur pour demander de mettre son contrat de travail en harmonie avec la réalité et avec la législation et pour réclamer des rappels de salaire sur la base d'un contrat de travail à temps plein.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 28 septembre 2007 M. [Z] [O] était convoqué à un entretien préalable fixé au 9 octobre suivant, aux fins que toutes explications soient données sur certains dysfonctionnements constatés (disparitions précitées, utilisation d'internet à des fins privées..), entretien qui n'était pas suivi d'effet.
Le caractère conflictuel de la relation de travail perdurant entre les parties, la SA PIANOS LABROUSSE convoquait M. [Z] [O] à un nouvel entretien préalable fixé au 22 décembre 2007, en vue de licenciement et par lettre recommandée avec avis de réception du 29 décembre 2007 la SA PIANOS LABROUSSE notifiait à M. [Z] [O] son licenciement pour faute grave caractérisée par :
- la mauvaise foi du salarié dans l'exécution du contrat de travail (prétendant que le travail était à temps plein et non partiel et créant un litige de toutes pièces),
- le refus réitéré de respecter les horaires et, de manière générale, l'indiscipline,
- l'entretien permanent d'une polémique sur la nature du contrat de travail (temps plein/ temps complet),
- les perturbations à l'intérieur de l'entreprise dont le salarié était à l'origine (appels téléphoniques en direction des salariés de l'entreprise pour obtenir des attestations mensongères et aussi pour les menacer d'un prochain licenciement les concernant dans un but de déstabilisation).
Dans la lettre de licenciement l'employeur rappelait à M. [Z] [O] qu'il avait toujours travaillé en complète liberté, choisissant lui-même les centres commerciaux dans lesquels il désirait intervenir (en général proches de son domicile) ainsi que les jours et horaires d'intervention et rappelait aussi qu'en ce qui le concernait, lui, il avait tout fait pour lui faciliter ce travail au moyen de diverses propositions d'aménagement auxquelles le salarié n'avait pas donné de suite.
C'est dans ce contexte de fait que, le 5 décembre 2007, M. [Z] [O] saisissait le Conseil des Prud'hommes de diverses demandes contre son employeur et qu'est intervenu le jugement dont appel.
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M. [Z] [O] poursuit l'infirmation totale du jugement du 12 mars 2009 et demande à la cour de :
- requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, et condamner, en conséquence, la SA PIANOS LABROUSSE à lui payer une somme de 1.993,68 € à titre d'indemnité de requalification ainsi que les sommes de 57.068,95 € à titre de rappel de salaires et 5.706,89 € pour les congés payés afférents,
- condamner la SA PIANOS LABROUSSE à lui payer la somme de 2.598,98 € à titre de solde de commissions et 259,90 € pour les congés payés afférents.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour s'estimait insuffisamment informée quant aux demandes de rappel de salaires et d'accessoires, M. [Z] [O] sollicite le bénéfice d'une expertise aux frais de la SA PIANOS LABROUSSE et demande, d'ores et déjà, la condamnation de la SA PIANOS LABROUSSE à lui verser la somme de 25.000 € à titre provisionnel, ainsi que la condamnation de la même à produire les bandes enregistreuses des années 2003 à 2007, ceci sous astreinte.
L'appelant requiert, en outre, les sommes de :
* 11.962,08 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
* 5.000 € à titre de dommages intérêts pour non-respect des stipulations contractuelles, à savoir, notamment, la non proposition de poste en priorité à la boutique [Adresse 7],
*12.000 € pour harcèlement moral,
* 500 € au titre du remboursement de la déduction de l'acompte exceptionnel,
* 1.122,00 € au titre de remboursement du téléphone indûment prélevé,* 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande de :
- dire son licenciement 'nul et de nul effet et, de surcroît, dépourvu de cause réelle et sérieuse',
- ordonner, en conséquence, sa réintégration sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision,
à défaut de réintégration,
- condamner la SA PIANOS LABROUSSE à lui payer :
* 23.924,16 € à titre de dommages intérêts pour 'nullité de licenciement, licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement abusif',
* 3.987,36 € à titre d'indemnité de préavis, et 398, 73 € pour les congés payés afférents,
* 9.562,55 € à titre d'indemnité de licenciement,
toutes les sommes 'sauf à parfaire',
* 2.000 € à titre de dommages intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,
* 1.395, 58 € au titre des congés payés, sauf mémoire à parfaire, du 1er juin 2007 au 3 janvier 2008,
* 20.000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice subi.
Il réclame également les documents sociaux conformes sous astreinte, l'exécution provisoire de la décision, la capitalisation des intérêts sur les sommes dues.
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La SA PIANOS LABROUSSE conclut au débouté de M. [Z] [O] de toutes ses demandes en requérant de constater que le litige soulevé par l'intéressé n'a pas d'objet. Elle réclame 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, la SA PIANOS LABROUSSE demande de juger que le licenciement de M. [Z] [O] est intervenu pour une cause réelle et sérieuse, de fixer la moyenne de ses salaires à 1.553,58 € , le préavis à 3.117,16 € et l'indemnité conventionnelle de licenciement à 1.242,32 €.
SUR CE,
Considérant qu'il convient de se référer expressément aux conclusions des parties visées à l'audience et à leurs explications orales développées au soutien de celles-ci ;
Sur la demande de requalification du contrat de travail :
Considérant que, comme il a été rappelé ci-dessus, le contrat de travail intervenu entre les parties le 26 février 2001 était qualifié de contrat à durée indéterminée à temps partiel ce temps devant s'exercer à raison de 95 heures par mois/ 22 heures par semaine, sans précision supplémentaire quant aux jours et quant aux heures travaillées, ceci alors qu'en application de l'article L.3123-14 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée étant communiqués par écrit au salarié ;
Que le contrat signé entre les parties n'est donc pas conforme à la loi ;
Considérant que dans cette hypothèse il appartient au salarié de rapporter la preuve de son temps plein et à l'employeur, pour contrecarrer la prétention du salarié, de rapporter la preuve d'un temps partiel, ceci par tous moyens ;
Considérant qu'il est largement établi par les éléments du dossier que à compter du début du contrat M. [Z] [O] exerçait son activité de démonstration et de vente dans des 'corner' installés dans des centres commerciaux, situés souvent à proximité de son domicile et selon des horaires de présence qu'il choisissait, en général l'après midi, ce qui correspond à la fréquentation de la clientèle ; qu'il a ensuite exercé l'activité en question de manière sédentaire, d'abord au magasin de [Localité 8] puis, à compter d'avril 2005, au magasin d'[Adresse 1] ;
Considérant que la plupart des attestations produites par M. [Z] [O] sont écrites en termes généraux et, ne visent pas expressément, un lieu de travail précis de l'intéressé (énonçant des propos tels que : 'étant client du magasin 'PIANOS LABROUSSE', sans préciser lequel) de telle sorte que l'on ne peut en tirer argument quant à l'exercice d'un travail à temps plein dans des centres commerciaux où ailleurs ; que si les attestations [B], [M], [H], [T], [A] font état précisément de la présence de M. [Z] [O], tant le matin que l'après midi, au magasin du [Adresse 1], force est de constater que ces attetations ne mentionnenet pas la période à partir de laquelle les témoins ont constaté la présence de M. [Z] [O] sur le lieu de travail en question étant observé que les témoignages sont tous datés de novembre et de décembre 2007, soit de la période contemporaine de la saisine du Conseil des Prud'hommes par le salarié ; que, de surcroît, le contenu de ces attestations est combattu de manière précise par les témoins [R] (gardienne de l'immeuble qui indique, à la date du 14 décembre 2007, que c'est seulement depuis ce mois là que M. [Z] [O] est présent au magasin tous les jours), [S] (transporteur de pianos qui confirme, le 12 décembre 2007, que c'est seulement depuis 'quelques jours' qu'il voit M. [Z] [O] plus souvent au magasin), [N] (également transporteur de pianos), [X], qui écrit précisément que cliente du magasin de l'[Adresse 6] depuis plusiuers années elle a constaté que M. [W] était souvent seul dans le magasin ce qui l'obligeait à attendre longtemps avant d'être servie, [F], occupant d'un magasin contigu, qui atteste que M. [Z] [O] n'est pas toujours présent au magasin ;
Considérant qu'il résulte de la confrontation de l'ensemble des témoignages produits que la présence à temps plein de M. [Z] [O] tant dans des centres commerciaux dès l'origine de la relation de travail en 2001, qu'au magasin de [Localité 8] et au magasin de l'[Adresse 6] à partir d'avril 2005, n'est pas démontrée, seule sa présence, plus constante dans le dernier magasin cité étant constatée à compter de la fin de l'année 2007, soit opportunément dans un but évident d'assise à ses demandes procédurales, observation étant faite de ce qu'avant l'incident de septembre 2007 relatif à la disparition de l'ukulele, M. [Z] [O] n'avait pas contesté le caractère partiel de son contrat de travail qui pourtant durait depuis plus de 6 années ;
Considérant qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Z] [O] de sa demande de requalification de son contrat de travail et de ses demandes financières afférentes (rappel de salaires et congés payés afférents, indemnité de requalification, indemnité pour travail dissimulé...) ;
Sur le rappel de commissions :
Considérant que c'est par des motifs appropriés, que la cour adopte, que le premier juge a constaté que M. [Z] [O] se bornait à procéder par voir d'affirmations alors que l'employeur versait aux débats les tableaux de chiffre d'affaires servant d'assise au commissionnement du salarié, et l'a débouté de ses demandes de ce chef ;
Que la cour n'estime pas opportun d'ordonner une expertise dans le cadre de laquelle l'expert aurait pour mission d'examiner sur une période de 5 ans de 2002 à 2007 des bandes enregisteuses nécessairement détruites en 2010 ;
Sur la demande de dommages intérêts pour non-respect des dispositions contractuelles :
Considérant que M. [Z] [O] fait grief à son employeur de ne pas lui avoir proposé en priorité un poste de travail au magasin [Adresse 7] , embauchant, à sa place, le 28 mai 2003 Mme [J] en qualité de vendeuse et accordeur de piano ;
Mais considérant que force est de constater qu'à la date de l'embauche M. [Z] [O] n'a pas manifesté son intérêt pour le poste en question et n'a formulé aucune revendication, celle-ci n'intervenant que dans le cadre de la présente procédure ;
Que c'est donc à juste titre que le premier juge l'a débouté également de sa demande à ce titre ;
Sur la demande de remboursement de la somme de 1122 € au titre du téléphone :
Considérant que dans le cadre de la relation de travail l'employeur avait mis à la disposition de M. [Z] [O] un téléphone portable comportant un forfait de 6 heures de communications pour un montant de 71,29 € ; que l'employeur ne saurait donc être tenu au delà et c'est donc à bon droit qu'il a retenu sur le salaire de M. [Z] [O] le dépassement du forfait ; que le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] [O] de cette demande ;
Sur le remboursement de la somme de 500 € :
Considérant que M. [Z] [O] n'est pas fondé en cette réclamation qui correspond à un trop versé par l'employeur qui doit légitimement rester à son crédit ;
Sur le harcèlement moral :
Considérant que M. [Z] [O] ne rapporte pas la preuve de quelconques faits répétés de harcèlement moral le concernant, les éléments versés aux débats démontrant, au contraire, que c'est M. [Z] [O] qui harcelait son employeur en lui adressant de façon répétitive des courriers revendicatifs et agressifs ; qu'il sera donc débouté de sa demande de dommages intérêts à ce titre ;
Sur le licenciement :
Considérant que le contenu de la lettre de licenciement a été rappelé ci-desus ;
Que force est de constater que l'attitude de M. [Z] [O] consistant, à partir de la fin de l'année 2007, à entretenir, de manière récurrente, une polémique sur la nature de son contrat de travail alors qu'il ne s'en était jamais plaint auparavant, est constitutive d'une exécution de mauvaise foi du contrat ; que si cette mauvaise foi n'est pas à proprement parler une faute grave rendant impossible de manière immédiate le maintien du salarié dans l'entreprise, elle constitue une cause rélle et sérieuse de licenciement, tout dialogue entre employeur et salarié étant rompu, ce qui implique qu'il doit être mis fin à la relation contractuelle ;
Que réformant partiellement le jugement la cour allouera, en conséquence, à M. [Z] [O] les indemnités de rupture, dues en cas de licenciement pour cause réelle et sérieuse, lesquelles seront fixées à :
- 3.987,36 € pour le préavis (2 mois de salaire)
- 398,73 € pour les congés payés afférents,
- 1.395,57 € pour l'indemnité de licenciement, ceci au regard des dispositions de la convention collective applicable (section 3) ;
Que le licenciement de M. [Z] [O] étant validé sa demande de réintégration dans l'entreprise sera rejetée
Qu'il convient,pour le surplus, de débouter M. [Z] [O] de sa demande au titre des congés payés pour la période du de juin 2007 au 3 janvier 2008 dès lors qu'il ne démontre pas que ses droits à ce titre n'ont pas été respectés ;
Que les arrêts de cour d'appel étant exécutoires de plein droit dès leur prononcé la demande d'exécution provisoire est sans objet ,tout comme est sans objet la demande de remise des documents sociaux conformes ;
Que l'équité commande de condamner la SA PIANOS LABROUSSE à payer à M. [Z] [O] une indemnité de 2.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
Réforme partiellement le jugement dont appel en ce qu'il a validé le licenciement de M. [Z] [O] pour faute grave ;
statuant à nouveau dit que le licenciement de M. [Z] [O] par la SA PIANOS LABROUSSE est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SA PIANOS LABROUSSE à payer à M. [Z] [O] les sommes de :
- 3.987,36 € pour le préavis,
- 398,73 € pour les congés payés afférents,
- 1.395,57 € pour l'indemnité de licenciement, lesdites somes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la SA PIANOS LABROUSSE de sa convocation devant le bureau de conciliation et capitalisation selon les modalités de l'article 1154 du code civil;
Condamne la SA PIANOS LABROUSSE à payer à M. [Z] [O] 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la SA PIANOS LABROUSSE aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT