Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2010
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/02186
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Janvier 2009 -Tribunal de Grande Instance de CRÉTEIL - RG n° 03/02569
APPELANTS
1°) Monsieur [R] [J]
né le [Date naissance 10] 1945 à [Localité 16] (ALGÉRIE)
[Adresse 1]
[Localité 15]
2°) Monsieur [Y] [J]
né le [Date naissance 7] 1933 à [Localité 18] (67)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentés par Me Pascale BETTINGER, avoué à la Cour
assistés de Me Tamara RUBINSZTAJN-GHNASSIA, avocat au barreau de CRETEIL, toque : PC 26
INTIMÉE
Madame [T] [B] divorcée [I]
née le [Date naissance 5] 1946 à [Localité 19] (Hauts de Seine)
[Adresse 13]
[Localité 14]
représentée par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour
assistée de Me Jérôme DOULET, avocat au barreau de CRETEIL, toque : PC 351
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 21 septembre 2010, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Pascal CHAUVIN, président,
Madame Isabelle LACABARATS, conseiller
Madame Dominique REYGNER, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
[M] [J] est décédé le [Date décès 8] 1988, en laissant pour lui succéder :
- [N] [B], sa seconde épouse avec laquelle il s'était marié le [Date mariage 6] 1955 sous le régime de la séparation de biens et qui, bénéficiaire d'une donation de la plus large quotité disponible entre époux, a opté pour un quart en propriété et trois quarts en usufruit,
- MM. [Y] et [R] [J], ses deux enfants issus de son premier mariage dissous par divorce.
[N] [B] est elle-même décédée le [Date décès 11] 1996, en laissant pour lui succéder son frère institué légataire universel, [R] [B], qui est lui-même décédé le [Date décès 4] 1996, en laissant pour lui succéder sa fille, Mme [G] [B].
Le tribunal de grande instance de Créteil et la cour d'appel de Paris ont rendu plusieurs décisions dans un litige qui oppose désormais les héritiers de [M] [J] à l'héritière de [N] [B].
Par jugement du 6 janvier 2009, le tribunal de grande instance de Créteil a :
- dit que [M] [J] a effectué au profit de son épouse, [N] [B], une donation déguisée lors de l'acquisition du bien situé [Adresse 9],
- en conséquence, condamné Mme [B] à rapporter à l'indivision successorale la somme de 28 463,18 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du [Date décès 8] 1988 et capitalisation des intérêts à compter du 1er août 2008,
- condamné Mme [B] à verser à MM. [J] la somme de 1 105,25 euros au titre des taxes foncières relatives au bien situé [Adresse 12],
- dit que les charges de copropriété relatives à ce bien devront être réglées en fonction des droits des parties dans l'indivision et constaté que Mme [B] a réglé une partie des charges à hauteur de 3 873 euros,
- fixé à la charge de MM. [J] une indemnité d'occupation mensuelle de 800 euros à compter du 1er avril 2003 jusqu'à la date la plus proche du partage, due à l'indivision successorale,
- au besoin, les a condamnés solidairement au paiement de cette indemnité,
- dit que la compensation des sommes dues aura lieu dans le cadre des opérations de partage,
- débouté MM. [J] de leurs autres demandes,
- renvoyé les parties pour le surplus devant le notaire liquidateur,
- débouté Mme [B] de ses demandes à titre de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- dit que les dépens, qui comprendront les frais d'expertise, seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties en proportion de leurs droits dans l'indivision, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 3 février 2009, MM. [J] ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 30 août 2010, MM. [J] demandent à la cour de :
- réformer le jugement déféré,
- statuant à nouveau,
- juger qu'il y a eu donation déguisée par [M] [J] au profit de [N] [B] et fraude au détriment des héritiers réservataires pour la somme totale de 468 542,10 euros,
- juger que les biens détournés excèdent la quotité disponible,
- dire que cette somme sera réintégrée dans la succession de [M] [J],
- juger qu'il sera fait application de l'article 792 du code civil à Mme [B], venant aux droits de [N] [B] et qu'elle sera privée de sa part dans les éléments de la succession détournés,
- condamner Mme [B] à leur payer la somme de 468 542,10 euros avec intérêts à compter du [Date décès 8] 1998 et capitalisation des intérêts,
- leur attribuer préférentiellement l'appartement avec cave et parking de [Localité 17], évalué à 198 300 euros, moyennant le paiement d'une soulte de 49 557 euros à Mme [B],
- condamner Mme [B] à payer la somme de 1 904,58 euros au titre de travaux et la somme de 1 105,25 euros au titre de l'impôt foncier,
- fixer à 320 euros, soit 25 % = 80 euros, à compter de septembre 2003 l'indemnité mensuelle due à Mme [B],
- condamner Mme [B] à leur restituer la somme de 12 844,44 euros avec intérêts à compter [Date décès 11] 1996 au titre des fonds dont [N] [B] avait l'usufruit,
- condamner Mme [B] 'à la somme de 25 000 euros' à titre de dommages et intérêts,
- ordonner la compensation entre les sommes dues par Mme [B] et celles dues par eux pour la soulte au titre de l'attribution préférentielle,
- dire qu'ils seront propriétaires de l'immeuble dès le 'jugement' à intervenir,
- condamner Mme [B] à leur payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [B] aux dépens de première instance et d'appel incluant les honoraires de l'expert, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 10 août 2010, Mme [B] demande à la cour de :
- débouter MM. [J] de l'ensemble de leurs demandes,
- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il l'a condamnée à rapporter à l'indivision successorale la somme de 28 463,18 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du [Date décès 8] 1988 et capitalisation des intérêts à compter du 1er août 2008, fixé au 1er avril 2003 le point de départ de l'indemnité d'occupation et rejeté sa demande de dommages et intérêts,
- statuant à nouveau,
- débouter MM. [J] de leurs demandes de rapport relatives à l'appartement situé [Adresse 9],
- fixer au 30 juin 2001 le point de départ de l'indemnité d'occupation due par MM. [J] in solidum,
- condamner MM. [J] à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi et du harcèlement procédural dont elle est victime,
- condamner in solidum MM. [J] à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement MM. [J] aux dépens, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 septembre 2010.
A l'audience du 21 septembre 2010, avant la tenue des débats, les parties ayant exprimé leur accord par l'intermédiaire de leurs avoués, l'ordonnance de clôture prononcée le 7 septembre 2010 a été révoquée et une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue, de manière à permettre la recevabilité de la pièce n° 80 communiquée par Mme [B] postérieurement à l'ordonnance de clôture du 7 septembre 2010.
SUR CE, LA COUR,
- sur les acquisitions immobilières
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents adoptés par la cour que le tribunal, qui s'est fondé sur les conclusions claires, précises et circonstanciées de Mme [A] [V], expert judiciaire, ainsi que sur les différentes pièces versées aux débats par les parties, a d'abord retenu que [N] [B] avait perçu, cinq ans avant son mariage avec [M] [J], une somme de 28 667,72 francs provenant de la vente d'un fonds de commerce et encaissé, le 10 mai 1976, la somme de 65 671,95 francs provenant de la cession de ses droits indivis dans un terrain hérité de ses parents, alors qu'il n'était nullement démontré que [M] [J], qui avait renoncé à ses droits dans la communauté ayant existé entre lui et sa première épouse, disposait d'un patrimoine lors de son second mariage avec [N] [B], et a ensuite estimé que MM. [J] ne rapportaient que la preuve d'une donation déguisée de deniers par [M] [J] au profit de [N] [B] lors de l'acquisition par celle-ci, le 22 mars 1963, de l'immeuble situé [Adresse 9] ;
Que, cependant, s'il est établi que [M] [J] avait versé deux sommes de 5 500 et 2 000 francs à un promoteur, il n'est justifié du règlement par celui-ci des échéances de l'emprunt ayant financé partiellement l'acquisition qu'à hauteur de 5 589,14 francs et non à hauteur de 8 669,20 francs comme l'a retenu le tribunal, ainsi que l'a relevé Mme [B] ; qu'il s'ensuit que la participation de [M] [J] dans l'acquisition s'est élevée à 17,57 % du montant de celle-ci et non à 21,71 % (7 500 + 5 589,14 = 13 089,14 ; 13 089,14 : 74 459,17 (montant de l'acquisition) x 100 = 17,57 %), de sorte que, le bien ayant été vendu au prix de 860 000 francs le 12 décembre 1980, le montant de la donation déguisée doit être fixé à 151 102 francs, soit 23 035,35 euros ; qu'en conséquence, il y a lieu de condamner Mme [B] à rapporter à la succession la somme de 23 035,35 euros avec intérêts au taux légal à compter du [Date décès 8] 1988, jour de l'ouverture de la succession ;
Considérant que, aucune volonté de dissimuler cette donation de deniers dans le but de rompre l'égalité du partage n'étant démontrée à la charge de [N] [B], il y a lieu de débouter MM. [J] de leur demande tendant à voir constater l'existence d'un recel successoral ;
- sur les transferts de fonds
Considérant que, là encore, c'est par des motifs exacts et pertinents adoptés par la cour que le tribunal a estimé que MM. [J] ne rapportaient pas la preuve, qui leur incombait, des donations déguisées qu'il alléguaient au sujet de transferts de fonds sur des comptes de [N] [B], faute par eux de démontrer que les actifs transférés étaient des fonds personnels de [M] [J] ;
- sur les meubles
Considérant que c'est à juste titre que le tribunal a débouté MM. [J] de leur demande tendant à voir condamner Mme [B] à leur payer la somme de 12 844,44 euros au titre des biens mobiliers dont [N] [B] a eu l'usufruit après le décès de son époux, faute par eux de démontrer, comme ils le prétendent, que les biens mobiliers dépendant de la succession de [M] [J] avaient une valeur de 17 583,26 euros (115 368,69 francs) et étant observé que la déclaration de succession mentionnait une valeur de 4 647,37 euros (30 484,79 francs) ;
- sur l'immeuble de [Localité 17]
Considérant que ce bien acquis par [M] [J] et composé d'un appartement d'environ 60 m² situé au 5ème étage avec cave et parking, dépend de l'indivision successorale par suite de l'option exercée par [N] [B] ; qu'il est actuellement occupé par le fils de M. [R] [J] ;
Considérant que, s'il est vrai que MM. [J] ne peuvent légalement bénéficier de l'attribution préférentielle de cet immeuble, dès lors qu'ils n'y résidaient pas lors du décès de leur père, il doit être relevé que Mme [B] déclare ne pas s'opposer à ce que ce bien leur soit attribué par le partage, de sorte qu'il y a lieu d'en prendre acte, l'attribution qui s'ensuivra devant évidemment s'opérer à charge de soulte ;
Considérant que MM. [J] produisent deux estimations émanant d'agences immobilières, datées du 18 juillet 2006 et faisant état, pour l'une, d'une valeur comprise entre 167 000 et 175 000 euros, pour l'autre, d'une valeur comprise entre 189 000 et 198 300 euros ; que Mme [B] verse aux débats une attestation émanant d'une agence immobilière, datée du 17 janvier 2007 et retenant une valeur comprise entre 230 000 et 240 000 euros, ainsi qu'un acte de vente conclu le 28 janvier 2008, concernant un appartement de mêmes caractéristiques (mais situé au 2ème étage) et mentionnant un prix de 250 000 euros ;
Qu'au vu de ces éléments et de l'évolution du marché immobilier au cours de ces dernières années, il y a lieu de retenir la valeur de 250 000 euros comme étant celle de l'immeuble au jour le plus proche du partage ;
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents adoptés par la cour que le tribunal a retenu une indemnité d'occupation mensuelle de 800 euros due à compter du 1er avril 2003 ;
Qu'il y a lieu d'ajouter que, contrairement à ce que Mme [B] prétend, l'expert judiciaire n'a pas indiqué que le fils de M. [R] [J] a occupé l'appartement après le départ de locataires, mais que celui-ci l'occupait sans que l'on sache depuis quelle date ;
Qu'en outre, seul M. [R] [J] doit être déclaré redevable de l'indemnité envers l'indivision successorale, dès lors que son fils occupe le bien du chef de celui-ci ;
Considérant qu'il y a lieu de débouter MM. [J] de leur demande au titre de travaux prétendument réalisés dans l'appartement, dès lors qu'ils ne prouvent ni que les matériaux mentionnés sur les factures qu'ils produisent ont servi à ces travaux ni qu'ils en ont assuré le paiement ;
Considérant que, au vu des pièces versées aux débats, il y a lieu de déclarer l'indivision successorale redevable envers MM. [J] de la somme de 4 421 euros au titre de la taxe foncière dont ils se sont acquittés de 2004 à 2007 et envers Mme [B] de la somme de 3 873 euros représentant les charges de copropriété qu'elle a seule réglées, le quart de ces sommes incombant en définitive à Mme [B] ;
- sur les demandes de dommages et intérêts
Considérant qu'il y a lieu de débouter MM. [J] de leur demande de dommages et intérêts ; qu'en effet ceux-ci ne sauraient sérieusement prétendre avoir été évincés de la réserve héréditaire et avoir été ainsi privés du patrimoine auquel ils avaient légitimement droit, alors qu'ils ont eux-mêmes initié toutes les instances consécutives au décès de leur père et qu'en définitive ils ont été déboutés de presque toutes leurs demandes ;
Considérant de même qu'il y a lieu de débouter Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts ; qu'en effet, il n'est pas démontré que MM. [J] aient eu tant à l'égard de [N] [B] qu'à l'égard de Mme [B] un comportement fautif dépassant les limites permises au cours d'instances judiciaires ;
Considérant enfin la compensation des sommes respectivement dues s'opérera dans le cadre des opérations de liquidation et de partage de la succession ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a :
- condamné Mme [B] à rapporter à l'indivision successorale la somme de 28 463,18 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du [Date décès 8] 1988 et capitalisation des intérêts à compter du 1er août 2008,
- condamné Mme [B] à verser à MM. [J] la somme de 1 105,25 euros au titre des taxes foncières relatives au bien situé [Adresse 12],
- dit que les charges de copropriété relatives à ce bien devront être réglées en fonction des droits des parties dans l'indivision et constaté que Mme [B] a réglé une partie des charges à hauteur de 3 873 euros,
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [B] à rapporter à la succession la somme de 23 035,35 euros avec intérêts au taux légal à compter du [Date décès 8] 1988 et capitalisation des intérêts,
Dit que l'immeuble situé [Adresse 12] sera attribué, à charge de soulte, à MM. [J],
Fixe à 250 000 euros la valeur de l'immeuble au jour le plus proche du partage,
Déclare l'indivision successorale redevable :
- envers MM. [J] de la somme de 4 421 euros au titre de la taxe foncière dont ils se sont acquittés de 2004 à 2007,
- envers Mme [B] de la somme de 3 873 représentant les charges de copropriété qu'elle a seule réglées,
le quart de ces sommes incombant en définitive à Mme [B],
Vu l'article 700, rejette la demande de MM. [J] et les condamne à verser à Mme [B] la somme de 5 000 euros,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne MM. [J] aux dépens d'appel,
Accorde à Me Lionel Melun, avoué, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,