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14/10/2010 | FRANCE | N°10/02846

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 14 octobre 2010, 10/02846


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 14 Octobre 2010

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02846 - MAC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juillet 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 07/07365



APPELANT



1° - Monsieur [N] [O]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Cédric LIGER, avocat au b

arreau de PARIS, toque : E1065



INTIMEES



2° - Société CDR CREANCES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T 3

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 14 Octobre 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02846 - MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juillet 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 07/07365

APPELANT

1° - Monsieur [N] [O]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Cédric LIGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1065

INTIMEES

2° - Société CDR CREANCES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T 3

3° - S.A. CDR

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T 3

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Irène LEBE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente

Mme Irène LEBE, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Irène LEBE, Conseillère, par suite d'un empêchement de la présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le consortium de réalisation (CDR) a été créé en 1995 à la suite des difficultés financières du Crédit Lyonnais.

Cette société, constituée dans le cadre d'un protocole signé entre l'État et le Crédit Lyonnais a pour objet de reprendre, valoriser, liquider les actifs dégradés du Crédit Lyonnais et de recouvrer les créances contentieuses. Les créances, participations et actifs immobiliers constituaient un portefeuille d'un montant initial de 28,3 milliards d'euros.

Dans une décision du 28 juillet 1995, la commission européenne, appelée à se prononcer sur l'aide accordée par l'État français au Crédit Lyonnais a précisé que '80% des actifs devraient être cédés dans les cinq ans et, si les conditions de marché le permettent, au moins 50 % de ces mêmes des actifs devraient être cédés d'ici trois ans'.

À l'origine filiale du Crédit Lyonnais, le consortium de réalisation est depuis le 28 décembre 1998, détenu à 100% par l'établissement public de financement et de restructuration (EPFR) institué par la loi du 28 novembre 1995 relative à l'action de l'État dans les plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des Entrepreneurs.

L'article 2 de cette loi du 28 novembre 1995 dispose que l'établissement public de financement et de restructuration (EPFR) a pour mission de gérer le soutien financier apporté par l'État au Crédit Lyonnais dans le cadre du cantonnement de certains de ses actifs au sein de la société chargée d'assurer la réalisation de ceux-ci et dénommée 'consortium de réalisation...'.

Le CDR est financé par l'EPFR au moyen d'un prêt, lui-même financé par le Crédit Lyonnais. Le CDR rembourse le prêt participatif en fonction des produits de cession et des recouvrements de prêts, de créances qu'il perçoit. L'EPFR lui consent des abandons de créances à hauteur des pertes qu'il est amené à constater. L'EPFR rembourse progressivement le prêt que lui a accordé le Crédit Lyonnais, lequel prêt doit être intégralement amorti pour 2014. Le remboursement s'opère pour partie grâce aux bénéfices réalisés par le CDR et remontés à l'EPFR et pour le solde grâce à des dotations de l'État.

De 1996 à 2001, le CDR a été organisé autour d'une société holding CDR d'une banque du groupe, CDR Finance et de quatre filiales opérationnelles.

En raison de la décroissance de l'activité, le CDR Finance et le CDR Immobilier ont été absorbés par le CDR, en janvier 2002 puis, le CDR participations a fait l'objet d'une TUP vers la CDR SA.

Subsiste encore actuellement la CDR SA, le CDR Créances et le CDR Entreprises.

Entre 1998 et 2006, neuf projets de réorganisation et plans de sauvegarde de l'emploi ont été mis en oeuvre. Les effectifs ont décru progressivement de 444 salariés pour l'ensemble du groupe en 1998 à 24 salariés en 2006.

Au cours de l'année 2006, les 24 postes restants ont été supprimées, et la gestion résiduelle des activités a été confiée à la Caisse des Dépôts et Consignations à compter du 1er janvier 2007.

C'est dans ce cadre que M. [O] a été engagé par CDR Finance le 12 novembre 1996 en qualité d'analyste de crédit, catégorie cadre, classe V de la Convention collective nationale du personnel des banques applicable. Il a été promu en classe V2 au 1er janvier 2002.

Consécutivement à un accord tripartite du 17 juin 2002, M. [O] a été engagé par la CDR SA à compter du 1 août 2002 avec reprise de l'ancienneté acquise depuis le 12 novembre 1996. Il assumait alors les fonctions de chargé de mission risque, catégorie cadre classe V.2 de la convention collective applicable.

M. [O] a bénéficié de plusieurs augmentations, de promotions. Dans le dernier état de ses fonctions, il était management/ responsable, classe VIII.1.

M. [O] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique par une lettre recommandée du 18 décembre 2006.

À l'occasion de son départ, il a perçu une indemnité conventionnelle de licenciement de 51.028,28 €, une indemnité supplémentaire de licenciement de 91.402,62 €, une indemnité de préavis de 5.102,86 €, une prime de performance de 7.000 € et une indemnité compensatrice de congés payés de 9.536,94 €.

Contestant le motif économique de son licenciement, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir constater :

- l'insuffisante motivation de la lettre de licenciement,

- l'absence de motif économique à ce licenciement,

- la méconnaissance des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail,

- la violation de l'obligation de reclassement.

Par un jugement du 7 juillet 2008, le conseil de prud'hommes de Paris a déclaré irrecevables les demandes formulées par M. [O] à l'encontre du CDR Créances et l'a débouté de ses demandes à l'encontre de la CDR SA.

M. [O] a interjeté appel du jugement.

Dans des conclusions déposées et soutenues à l'audience, M. [O] demande à la cour d'infirmer le jugement du 7 juillet 2008, de constater l'insuffisante motivation de la lettre de licenciement, l'absence de motif économique au licenciement au sens de la loi, la méconnaissance des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, la violation de l'obligation de reclassement. Il réclame en conséquence une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 74.980 € outre une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes d'écritures reprises oralement lors des débats, la CDR SA conclut à la confirmation du jugement entrepris et réclame une indemnité de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est expressément renvoyé au jugement, aux conclusions respectives des parties visées par le greffier lors de l'audience, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés.

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement du 18 décembre 2006, qui circonscrit le litige, est ainsi rédigée :

'À la suite de la procédure de consultation du comité d'entreprise sur le projet de réorganisation et de licenciement collectif pour motif économique qui s'est achevée le 12 octobre 2006, nous sommes au regret de vous notifier... votre licenciement pour motif économique...

Dans le cadre de la mission temporaire qui lui a été confiée, le CDR a été amené depuis 1998 à mettre en place des projets de réorganisation et de plan de sauvegarde de l'emploi, qui ont eu pour effet de réduire régulièrement et sensiblement le nombre de salariés afin d'adapter le périmètre de la structure à la diminution constante de l'activité du CDR en raison de l'avancement des dossiers.

Le contrat d'entreprise 2002-2005, adopté le 6 février 2002 par le conseil d'administration prévoyait que la quasi-totalité des actifs transférés au CDR par le Crédit Lyonnais aurait été cédée à la fin de l'année 2005.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de ce contrat d'entreprise, le CDR s'est rapproché des services de la Caisse des Dépôts et Consignations et des groupes de travail ont été constitués pour étudier l'assistance que la CDC pourrait apporter au CDR dans sa gestion liquidative.

C'est dans ces conditions qu'un contrat d'assistance CDR/CDC a été conclu en avril 2005 permettant au CDR d'aborder dans de bonnes conditions la dernière phase de sa mission.

La réalisation de la quasi-totalité des actifs à fin 2006 et le passage en dessous de la taille critique permettant d'éviter les risques de dysfonctionnements ont conduit les pouvoirs publics à demander que soit étudié le transfert de la gestion résiduelle des activités à la CDC à compter du 1er janvier 2007.

En effet, les résultats du CDR pour l'année 2006 démontrent l'abaissement de son activité sous un seuil ne nécessitant plus l'existence d'une structure dédiée.

À titre d'illustration, la valeur brute diminuera de 839 M€ à 410 M€ en 2006 soit une diminution de 51,13% par rapport à 2005 et de 68,5% par rapport à 2004 et sur les 2600 procédures contentieuses dans lesquelles le CDR est impliqué, il ne subsistera, au 31 décembre 2006, qu'une centaine de contentieux judiciaires, soit une baisse de 96,16% de l'activité par rapport à la création du CDR et de 66% au regard de l'activité contentieuse 2005.

C'est dans ce contexte d'achèvement de la mission confiée par l'État que la mise en oeuvre du dernier plan de sauvegarde pour l'emploi et la suppression des 24 derniers postes de travail, dont celui que vous occupez en qualité de responsable manager, n'ont pu être évitées en raison de la réorganisation de notre société.

Au surplus, nous sommes contraints de constater que cette ultime étape de la mission confiée au CDR entraîne la suppression de l'ensemble des postes au sein du groupe. Ainsi, il ne nous est malheureusement pas possible de vous proposer un poste de reclassement, fût-ce au prix d'une modification de votre contrat de travail...'.

M. [O] considère que le licenciement résulte d'une décision d'externaliser les activités insusceptible de caractériser une cause économique justifiant le licenciement au sens de l'article L.1233-3 du code du travail, le recours à l'externalisation des activités n'étant justifié ni par des difficultés économiques, ni par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.

Il fait valoir que le transfert d'activité devait impérativement s'effectuer dans le cadre des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, s'agissant d'un transfert d'une entité économique autonome, entendue comme 'un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique que celle-ci soit essentielle ou accessoire au sens de la directive communautaire du 12 mars 2001. Le licenciement a, pour lui, été prononcé en violation de ces dispositions et est dès lors sans effet.

Enfin, il soutient que la CDR SA n'a pas satisfait à l'obligation de reclassement lui incombant.

Il allègue que la CDR SA n'a absolument pas exploré avec bonne foi les pistes de reclassement pour ses salariés alors que concomitamment aux procédures de licenciement, la CDC procédait à des recrutements pour gérer les opérations contentieuses ayant fait l'objet de l'externalisation.

Il estime au surplus que la CDR SA n'est pas une structure sociétale isolée, sa structure capitalistique comme son mode de gouvernement le démontrant dans la mesure où elle fait partie d'un groupe de sociétés plus étendu, détenu par l'État actionnaire.

Le CDR est via l'EPFR placé sous la tutelle de l'agence des participations de l'État (APE) laquelle agence exerce un pouvoir de direction et de contrôle sur les entreprises détenues par l'État et dans le cadre de ses activités, a coordonné l'adossement du CDR à la CDC. Dès lors, pour M. [O], l'ensemble des entreprises relevant du périmètre de l'APE forme un groupe de sociétés au sens du droit du travail et en omettant de rechercher au sein des sociétés comprises dans le périmètre de cette agence, les emplois disponibles en vue du reclassement de ses salariés, la SA CDR a méconnu son obligation individuelle de reclassement.

La CDR SA fait valoir que :

- la lettre de licenciement comporte l'énoncé d'un motif économique au sens du code du travail à savoir, la réorganisation de la société préalable à sa cessation d'activité, la suppression corrélative de l'ensemble des postes de travail, l'absence de possibilités de reclassement interne,

- le motif économique du licenciement est sérieux, puisque dès l'origine, la société avait vocation à voir son activité diminuer de façon constante avec des réorganisations successives indispensables telle la signature d'une convention d'assistance pour assurer la gestion de son activité résiduelle et ce, jusqu'à son extinction même,

- le motif économique est réel, la suppression des postes étant avérée et non contestée,

- une démarche de reclassement sérieuse et loyale a toujours été engagée tant qu'elle était une filiale du Crédit Lyonnais, qu'à compter de son indépendance, le reclassement au sein du Crédit Lyonnais n'étant plus possible, elle a accordé une attention particulière à un reclassement externe prévu dans le plan social et a veillé à mettre en place les conditions d'indemnisation sérieuses, qu'en ce qui concerne M. [O], celui-ci a bénéficié en amont du plan de sauvegarde de l'emploi, d'un accompagnement individuel de l'antenne d'orientation reclassement (AOR) et a adhéré à la convention de reclassement personnalisé,

- aucune permutabilité du personnel entre les entreprises relevant du périmètre de l'APE n'était possible au motif que ni leurs activités, ni leurs organisations ne le permettent.

- en tout état de cause, la CDC ne relève pas du périmètre de l'APE, n'est pas une entreprise de droit privé s'agissant d'un établissement spécial, strictement indépendant du pouvoir réglementaire, devant respecter des règles de recrutement conformes à ses statuts et ne procéder à des embauches en contrat à durée indéterminée qu'après épuisement des ressources issues de mobilité interne du groupe CDC, distinct du groupe CDR,

- les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail étaient strictement inapplicables, les critères retenus pour imposer le transfert des contrats de travail n'étant pas réunis en l'espèce, puisque la convention d'assistance signée le 8 avril 2005, ultérieurement modifiée par voie d'avenant, consistait en une convention de prestations de services et sans aucun transfert d' élément actif corporel ou incorporel, que l'externalisation a été effectuée dans une optique liquidative, exclusive du maintien des mêmes possibilités d'emploi et de poursuite stable de l'activité.

Sur le motif économique :

Selon l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par l'employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

La SA CDR a été constituée au terme d'un protocole d'accord conclu le 5 avril 1995 entre l'État français et le Crédit Lyonnais avec pour objectif exclusif de valoriser et ou de liquider l'ensemble des actifs qui lui ont été transférés.

En 1995 lors de la création de la SA CDR, le portefeuille d'actifs à réaliser confié à la SA CDR s'élevait à 28, 3 milliards d'euros. Ce portefeuille consistait en plusieurs milliers de créances, en un patrimoine immobilier de 900'000 m² de foncier bâti constitué de caves, de parkings, de sièges sociaux, de 45 hôtels, de 29 golfs, de 849 ha de terrains à construire en France et à l'étranger, de 56 participations majoritaires, 600 participations minoritaires de sociétés côtées ou non. Ce transfert comportait également 2600 dossiers contentieux, étant observé que d'autres dossiers contentieux sont apparus plus tard.

La Cour des Comptes, dans un rapport annuel, rappelle que la SA CDR avait reçu pour objectif, dans un premier temps, une liquidation aussi rapide que possible des actifs qui lui avaient été confiés, soit une cession de 80% des actifs en valeur brute en cinq années. Il en avait été cédé 60% à la fin de l'année 1997. En décembre 1997, les pouvoirs publics ont demandé au CDR de veiller à une meilleure valorisation des actifs. Ses orientations stratégiques ont été mises en oeuvre entre 1998 et 2001, grâce à une conjoncture économique favorable. La dégradation de la conjoncture à partir de la mi-2001 s'ajoutant au basculement progressif de l'activité de la SA CDR vers une gestion de contentieux et de passifs a rendu inatteignable l'objectif d'achèvement de la mission du CDR en 2002-2003. Pour éviter une prolongation trop importante de la structure de gestion, les pouvoirs publics ont décidé de fixer des objectifs très détaillés de réduction d'activité et de moyens traduits dans le contrat d'entreprise avec la SA CDR pour la période 2002-2005.

Ce contrat d'entreprise pour la période 2002- 2005 a fixé comme objectif prioritaire la maîtrise accrue des frais généraux passant par une externalisation systématique des fonctions et à la diminution des effectifs qui sont passés de 465 en 1996, à 161 à la fin de 2001, puis à 24 en 2005.

Fin 2005, le portefeuille résiduel s'élevait à 840 millions d'euros ce qui correspond à 3% du portefeuille d'origine.

Il s'ensuit qu'en raison du caractère temporaire de sa mission et de la réalisation progressive des actifs, la SA CDR a été amenée à adapter régulièrement le périmètre de sa structure et à réduire progressivement ses effectifs.

Dans ce contexte, du fait de la réduction progressive du volume des activités, la réorganisation totale de la gestion des opérations résiduelles passant par la signature d'une convention d'assistance avec la CDC, en date du 5 avril 2005, avec l'assistance ainsi organisée de la gestion résiduelle des activités à compter du 1er janvier 2007 et la suppression des emplois encore existants après la mise en place de plusieurs plans de sauvegarde de l'emploi successifs caractérisent des difficultés économiques au sens de l'article précité.

Sur le transfert de la gestion résiduelle de l'activité et l'application des dispositions de l'article 1224-1 du code du travail :

Le 8 avril 2005 le CDR et la CDC ont signé une convention ainsi libellée :

'article 1 :

Les parties soussignées conviennent que, sur demande du CDR, la CDC apportera son assistance au CDR et à ses filiales dans leur gestion administrative...

Dans le cadre de sa mission, la CDC devra respecter les procédures du CDR...

Article 4 :

La CDC sera remboursée, sans marge, de tous frais directs ou indirects encourus dans l'accomplissement de la mission qui lui est confiée par le présent contrat...

La CDC ajustera le montant à facturer en fonction de l'étendue et de la nature de la mission que lui confiera le CDR...

Article 5 :

Le CDR et la CDC conviennent de se rapprocher au moins une fois chaque année, au moment où le CDR arrête son budget, pour procéder aux aménagements requis du contenu de l'annexe 1 en fonction de l'évolution des opérations du CDR, de la réduction de ses effectifs, et de l'évolution résultant de l'assistance de la CDC au CDR...

Article 7 :

....

Le CDR garantit la CDC et les membres de son personnel contre les conséquences financières de toutes natures découlant de toute action en justice engagée contre eux par des tiers à l'occasion de l'exécution pour le compte et sur instruction du CDR des prestations prévues au présent contrat...'.

Deux annexes étaient rédigées.

L'une fixait 'les modalités d'assistance prévoyant notamment l'intégration à la CDC de missions spécifiques à raison de la baisse d'activité et des effectifs du CDR et l'intégration à la CDC de missions sous-traitées par le CDR à des prestataires externes...'.

L'autre précisait 'les principes de facturation des modalités d'assistance correspondant à l'apport ponctuel d'expertise, à l'internalisation de missions dans leur intégralité, à la reprise de sous-traitance par la CDC'.

Un avenant à ce contrat signé le 18 décembre 2006 a prévu d'étendre la coopération à la gestion opérationnelle du CDR.

M. [O] admet que ces conventions n'ont pas mis un terme à l'activité du CDR qui continue d'assumer la responsabilité de la mission qui lui a été confiée dans le cadre du protocole de 1995, à l'égard de l'EPRF, même s'il soutient que l'externalisation d'une activité entraîne de plein droit le transfert des contrats de travail si l'activité constitue une entité économique autonome.

L'article L.1224-1 du code du travail, interprété au regard des directives du 14 février 1977 et du 29 juin 1998, remplacées par la directive du 12 Mars 2001 ne reçoit application qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur et s'il y a transfert d'une entité économique maintenant son identité, laquelle identité correspond à un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique.

La seule circonstance que la prestation reprise soit similaire ne suffit pas à conclure au transfert d'une entité économique.

Toutefois, il ressort des documents précédemment relatés que la SA CDR a effectivement cherché à réduire ses frais de fonctionnement en limitant de plus en plus les frais de personnels notamment. Pour ce faire, elle a confié à la CDC la mission consistant à assumer la gestion des dossiers encore en suspens.

Même si la convention d'assistance signée entre les parties prévoit que la CDC agira dans les dossiers résiduels pour le compte et sur instruction du CDR, les actifs du Crédit Lyonnais n'étant pas transférés à la CDC, il apparaît qu'en réalité, en transférant la gestion de son activité de défaisance, la SA CDR a transféré l'activité relevant de sa fonction économique même, laquelle activité avait une finalité propre, soit mener à leur terme les opérations de réalisation des actifs du Crédit Lyonnais et assurer le suivi des dossiers contentieux encore en cours.

Dans ces conditions, le transfert de la gestion de l'activité relevant de la fonction économique principale du donneur d'ordres qu'est la SA CDR correspond au transfert de l'activité elle-même, transfert pour lequel les dispositions de l'article 1224-1 du code du travail avaient donc vocation à recevoir application.

Dès lors que le licenciement de M. [O] est intervenu à l'occasion et en lien avec ce transfert d'activité relevant de la fonction économique propre et autonome de la SA CDR, cette activité étant poursuivie par la CDC, il est privé d'effet et le salarié a la possibilité de réclamer à l'auteur du licenciement illicite et en conséquence sans cause réelle et sérieuse la réparation du préjudice en résultant.

Sur la demande de dommages-intérêts :

M. [O] avait une ancienneté de 10 années au sein de la SA CDR, où il avait exercé une activité spécifique lui donnant une expérience particulière difficile à valoriser sur le marché de l'emploi.

M. [O] établit être resté au chômage pendant une durée de deux années consécutivement au licenciement prononcé.

Dans ces conditions, il convient de lui allouer la somme de 60 000 € à titre d'indemnité pour le licenciement abusif.

Sur la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité impose d'allouer à M. [O] une indemnité de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par lui en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement prononcé à l'occasion du transfert de l'activité de la SA CDR à la CDC est illicite et en conséquence sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SA CDR à verser à M. [O] une somme de 60.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi de ce fait pour ce licenciement outre une somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SA CDR aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/02846
Date de la décision : 14/10/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°10/02846 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-10-14;10.02846 ?
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