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07/09/2010 | FRANCE | N°06/04891

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 07 septembre 2010, 06/04891


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2010

Sur renvoi de Cassation



(n° , 6 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 06/04891



Décision déférée à la Cour : Arrêt du 12 Mai 2005 -Cour de Cassation de PARIS









APPELANTE





Madame [Y] [N] [D] veuve [U]

[Adresse 2]r>
[Localité 3]



Représenté par Me HUYGHE, avoué

Assisté de Me Jean-Marc AUCUY, avocat et Me Ariel FERTOUKH, avocat





INTIMEE





S.A. GENERALI FRANCE ASSURANCES VIE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse ...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2010

Sur renvoi de Cassation

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/04891

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 12 Mai 2005 -Cour de Cassation de PARIS

APPELANTE

Madame [Y] [N] [D] veuve [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me HUYGHE, avoué

Assisté de Me Jean-Marc AUCUY, avocat et Me Ariel FERTOUKH, avocat

INTIMEE

S.A. GENERALI FRANCE ASSURANCES VIE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU JUMEL, avoué

Assisté de Me David ROUSSEAU, avocat plaidant pour le cabinet JOSSERAND

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRESIDENT : Madame Sabine GARBAN

CONSEILLERS : Mme Janick TOUZERY-CHAMPION et Mme Sylvie NEROT

GREFFIER

Dominique BONHOMME-AUCLERE

DEBATS

A l'audience publique du 07.06.2010

Rapport fait par Mme [R] [F] en application de l'article 785 du CPC

ARRET

Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Mme S. GARBAN, président, et par D. BONHOMME-AUCLERE, greffier

***********************

Le 27 décembre 1980, M.[U], exerçant la profession de psychiatre, a rempli un bulletin d'adhésion à la convention d'assurance groupe souscrite par l'association de prévoyance des médecins des hôpitaux (APPA) auprès de la société SORAVIE (aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société GENERALI) prévoyant l'octroi d'un capital décès, dont le montant est doublé en cas d'accident et a désigné son épouse comme bénéficiaire.

Le 8 juillet 1995, M.[U], alors âgé de 61 ans, est décédé au cours d'une baignade à proximité d'une plage publique 'Le Forum' dans la ville de [Localité 5].

La société GENERALI ayant contesté le caractère accidentel du décès, a signé avec Mme [D] veuve [U] un protocole d'accord aux termes duquel l'assureur s'est engagé à régler à cette dernière une somme forfaitaire de 173.502 € (correspondant à la moitié du capital dû en cas de décès) payée le 24 avril 1996.

Le 23 avril 2001, Mme [D] veuve [U] a saisi le Tribunal de grande instance de Paris pour voir constater la rescision pour dol dudit protocole, lequel par jugement du 10 juillet 2002 l'a déboutée de toutes ses demandes, en estimant que le protocole était valable et avait autorité de chose jugée.

Selon un arrêt du 6 janvier 2004, la Cour d'Appel de Paris a :

- rejeté des débats les pièces n° 29 à 38 communiquées par Mme [U] le 5 novembre 2003,

- confirmé le jugement en toutes ses dispositions,

- condamné Mme [D] veuve [U] à verser à la société GENERALI FRANCE ASSURANCES VIE la somme de 1.524 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté Mme [D] de sa demande de ce chef.

Suivant un arrêt du 12 mai 2005 , la Cour de cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 6 janvier 2004 entre les parties, en estimant que la Cour d'appel ne pouvait écarter des débats les conclusions et pièces déposées avant l'ordonnance de clôture, sans préciser les circonstances particulières qui ont empêché de respecter le principe de la contradiction, n'ayant pas ainsi caractérisé l'atteinte portée aux droits de la défense.

Par conclusions récapitulatives du 22 mai 2009, Mme [D] veuve [U] , requiert l'infirmation de la décision entreprise. Elle estime que le décès par noyade est exclusif de tout caractère intentionnel de quiconque, ce qui doit suffire à caractériser son caractère accidentel exclusif de toute contestation. Elle sollicite la nullité de la transaction non datée signée par elle et la société GENERALI au visa des articles 1109 et 2053 du Code civil, au motif que son consentement était vicié. Elle réclame en conséquence la condamnation de la société GENERALI FRANCE ASSURANCES VIE à lui payer :

- la moitié manquante du capital décès, soit une somme de 173.502,07 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 1995, date de la déclaration du décès, avec capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle selon l'article 1154 du Code civil,

- 500.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral,

- 20.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 19 avril 2010, la compagnie GENERALI VIE (aux droits de la compagnie GENERALI ASSURANCES VIE, anciennement GENERALI FRANCE ASSURANCES-VIE) poursuit la confirmation du jugement querellé. Elle observe que Mme [D] ne produit aucun élément nouveau à la suite du pourvoi qu'elle a formé et de l'arrêt rendu par la Cour de cassation. Elle argue de la validité du protocole d'accord intervenu entre les parties et du paiement par elle à Mme [D] de la somme de 173.502,07 €. Elle demande en conséquence le rejet de toutes les prétentions de cette dernière. A titre subsidiaire, elle estime qu'il n'existe pas de preuve du caractère accidentel du décès de M.[U] et sollicite le débouté des demandes de Mme [D]. En tout état de cause elle réclame l'allocation d'une indemnité de 2.000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR:

Sur la nullité du protocole :

Considérant qu'il convient de statuer, en premier lieu, sur la demande de Mme [D] tendant à voir prononcer la nullité de la transaction signée entre elle et la compagnie GENERALI à une date non précisée ;

Considérant que Mme [D] sollicite la nullité de cette transaction pour vice de consentement sur le fondement des articles 1109 et 2053 du Code civil, ce dernier article disposant que les transactions ne peuvent être rescindées que lorsqu'il y a erreur dans la personne ou sur l'objet de la contestation, mais qu'elles peuvent l'être dans tous les cas où il y a dol ou violence ;

Qu'à cet effet, l'appelante soutient qu'elle n'a pas renoncé à ses droits en toute connaissance de cause, argue de l'absence de réciprocité des concessions et se prévaut de manoeuvres dolosives accomplies par l'assureur pour l'amener à signer le protocole litigieux; qu'elle prétend, alors que son état psychique se trouvait gravement amoindri, n'avoir pas eu le temps d'étudier ce protocole de sorte que l'assureur lui a fait renoncer à son droit à dénonciation qui est d'ordre public ; que l'affirmation selon laquelle le caractère accidentel du décès n'est pas établi, qui y est portée, dénature l'objet même du litige ;

Que le protocole litigieux énonce :

'Le caractère accidentel du décès n'ayant pas été établi Generali Vie ne doit contractuellement aucun capital au titre de la garantie Décès accidentel prévue dans la convention d'assurance n° 28303.

Néanmoins à la demande expresse de Mme [Y] [U] Générali Vie accepte à titre exceptionnel et transactionnel de régler à cette dernière une somme forfaitaire de 1.138.099 francs en complément du précédent règlement.

Le présent protocole a un caractère forfaitaire et définitif et il est conclu et arrêté par les parties pour solde de tout compte. Il a valeur de transaction au sens de l'article 2044 du Code civil';

Que Mme [U] n'est donc pas fondée à prétendre que l'assureur lui a fait renoncer à son droit d'ordre public de dénonciation alors même qu'elle remet en cause la transaction dans le présent litige ;

Que si elle justifie avoir entrepris une psychothérapie depuis mars 1997, il n'en reste pas moins qu' elle était déjà suivie avant le décès de son époux par le Dr [H] neuropsychiatre; que par ailleurs, contrairement à ce qu'elle soutient, l'assureur lui a explicité sa position par deux correspondances des 30 novembre 1995 et 12 avril 1996, après avoir fait examiner son dossier de manière très approfondie 'par un collège de décideurs parmi lesquels figurent un médecin expert et un avocat'; que dans un premier temps elle a contesté l'avis de l'assureur en l' étayant par l'envoi à ce dernier du rapport du Dr [P], qu'elle avait elle-même mandaté, lequel certifiait que son époux était en bonne santé, n'avait pas d'antécédent pathologique notable et que son décès était du à une noyade, sans qu'il puisse être ' tranché entre deux mécanismes possibles : hydrocution ou submersion' ; qu'elle explique dans ses écritures, en page 12, qu'elle a refusé de signer la quittance présentée par le courtier car elle ne tenait pas compte du doublement du capital en cas de décès accidentel ; qu'en dépit d'un état psychologique fragile, Mme [U] ne méconnaissait donc pas ses droits et était à même, en sa qualité de psychologue retraitée, de mesurer la portée et les conséquences de la transaction, dès lors qu'elle avait pu défendre ses intérêts en critiquant la position de l'assureur, en refusant de signer une quittance, en désignant son propre expert et en adressant le rapport de celui-ci à sa compagnie d'assurance; qu'elle n'apporte donc pas la preuve que son consentement a pu être surpris ;

Considérant que Mme [U] invoque également, à tort, une erreur sur l'objet de la contestation en contestant l'affirmation selon laquelle le caractère accidentel du décès n'est pas établi; qu'en effet, il ressort du rapport établi le 10 juillet 1995 par le Dr [M], médecin légiste requis par le Procureur de la république du Tribunal de grande instance de Nice qui a procédé à l'examen du corps de M.[U] pour établir les causes de la mort, sans procéder à une autopsie, que celui-ci a été repêché à 40 mètres de la plage en arrêt cardiorespiratoire, qu'il présentait une discrète cyanose des lèvres et des oreilles, aucune lésion traumatique et une absence de 'champignon de mousse' au niveau des lèvres ou de la bouche ; que ce médecin a conclu, que l'ensemble de ces éléments sont en faveur d'un malaise brutal ayant entraîné le décès, sans signe patent de noyade et a pu délivrer le permis d'inhumer;

Que le Dr [B], expert mandaté par la société CIGNA explique dans son rapport du 5 février 1996 que seule une autopsie aurait permis de déterminer la véritable cause du décès de M.[U], de sorte qu'il est impossible de savoir si ce dernier, même s'il ne présentait aucune pathologie cardio-vasculaire, a été victime d'un accident vasculaire, coronarien ou d'un accident circulatoire cérébral ou toutes autres affections pathologiques susceptibles d'entraîner un malaise et un décès brutal ;

Que de même le Dr [C] explique dans son rapport du 19 juin 2001 la différence entre une noyade par submersion (mort consécutive à l'irruption d'eau dans le conduit aérien) et une hydrocution (mort d'origine réflexe au contact de l'eau mais sans inhalation) ; qu'il retient en l'absence de cyanose de la peau et de 'champignon de mousse' que les éléments constatés ne sont pas en faveur d'une noyade par submersion mais plutôt d'une noyade secondaire à un malaise brutal ou à une hydrocution, que seule une autopsie du corps aurait permis d'établir un diagnostic ;

Que l'hypothèse du Dr [M] d'une mort par hydrocution, telle que figurant dans sa correspondance du 21 août 1995 adressée à Mme [U], si elle est tout à fait plausible, ne reste donc qu'une hypothèse parmi d'autres telles qu'une lésion vasculaire cérébrale, une rupture d'anévrysme ou une migration embolique ;

Que l'avis du Dr [S] [V], (figurant dans le rapport du Dr [B]), pour laquelle tout malaise inopiné constitue une mort accidentelle ne correspond pas à la définition du décès au sens de la convention d'assurance n° 28.303 , selon laquelle le décès est considéré comme consécutif à un accident lorsqu'il est 'provoqué par une atteinte corporelle, non intentionnelle de l'assuré, provenant de l'action soudaine et exclusive d'une cause extérieure' ; qu'il ne peut donc lui être accordé un crédit quelconque ;

Considérant que M.[U] avait adhéré le 27 décembre 1980 à une convention d'assurance groupe n° 699 000 souscrite par l' APPA auprès de la SORAVIE, aux droits de laquelle se trouve la société GENERALI, qui a repris cette convention sous le numéro 64 501 et l'a remplacée le 20 janvier 1995 par une convention n° 28.303 à effet du 1er janvier 1994, seule applicable au présent litige ;

Que Mme [U] ne saurait reprocher à l'assureur de ne pas avoir remis à l'adhérent une notice d'information, cette obligation pesant sur la souscriptrice du contrat groupe l'APPA; qu'il convient de rappeler à cet égard que la 3ème chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris a, par arrêt du 6 juin 2003, confirmé l'ordonnance de non lieu du 4 décembre 2002 suite à la plainte qui avait été déposée par Mme [U] à l'encontre de l'APPA pour des faits allégués d'abus de faiblesse et d'escroquerie, déclarés prescrits et non susceptibles de constituer un détournement de fonds ou un abus de biens sociaux ;

Qu'il s'ensuit qu'en l'absence d'autopsie, la cause précise du décès de M.[U] ne peut plus être établie, de sorte que Mme [U] ne peut se prévaloir d'une erreur sur l'objet de la contestation ;

Considérant qu'à juste titre et par des motifs que la Cour adopte les premiers juges ont retenu que Mme [U] ne rapportait pas la preuve, qui lui incombe, de mensonges ou de manoeuvres dolosives exercées par l'assureur destinés à la tromper sur l'étendue de ses droits ;

Considérant que Mme [U] ne peut sérieusement encore opposer une absence de concessions réciproques dans la transaction signée par les parties, en affirmant que la compagnie GENERALI s'est vue rembourser les fonds qu'elle lui a versés par la compagnie d'assurance CIGNA ;

Qu'outre que cette simple allégation n'est étayée par aucun élément, elle ne revêt aucune incidence dans le litige, les concessions devant avoir lieu entre les parties à la transaction; qu'eu égard à l'incertitude sur l'origine exacte de la mort de M.[U], la compagnie d'assurance a accepté de verser une somme de 173.502,07 € correspondant à la moitié du capital supplémentaire à sa veuve, qui l'a acceptée; que ce moyen est donc inopérant ;

Qu'il s'ensuit que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions ;

Que Mme [U] sera déboutée de l'intégralité de ses demandes;

Considérant que l'équité commande d'allouer à la compagnie GENERALI VIE une indemnité supplémentaire de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS:

Vu l'arrêt rendu le 12 mai 2005 par la Cour de cassation,

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Ajoutant,

Condamne Mme [U] à verser à la compagnie GENERALI VIE une somme de 1.500 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne Mme [U] aux dépens d'appel , qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 06/04891
Date de la décision : 07/09/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°06/04891 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-07;06.04891 ?
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