RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 01 Juillet 2010
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11262 - MAC
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Septembre 2008 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL section commerce RG n° 06/02047
APPELANTE
1° - Madame [H] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Daniel REIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B 408
INTIMEE
2° - SA LE DELAS
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Antonio ALONSO, avocat au barreau de PARIS, toque : P 074 , représentée par Me Cédric ALEPEE, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Irène LEBE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente
Mme Irène LEBE, Conseillère
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Irène LEBE, Conseillère, par suite d'un empêchement de la présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [F] a été engagée par la SA Le Delas suivant un contrat à durée indéterminée en date du 2 octobre 2000, en qualité de standardiste.
Par une lettre du 8 septembre 2006, Mme [F] a fait part de sa démission à son employeur.
Le 18 septembre 2006, Mme [F] a écrit à son employeur pour l'informer de son intention de réintégrer son poste.
Par une lettre du 22 septembre 2006, la SA Le Delas a pris acte de cette rétractation mais a informé Mme [F] de l'impossibilité de la réintégrer au motif qu'elle avait procédé à l'embauche d'une salariée pour pouvoir le poste.
Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir dire que la rupture du contrat, imputable à l'employeur, s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et par voie de conséquence de voir condamner l'employeur à lui verser diverses indemnités.
Par un jugement du 25 septembre 2008, le conseil de prud'hommes de Créteil, section commerce, a débouté Mme [F] de l'ensemble de ses prétentions.
Mme [F] a interjeté appel de ce jugement.
Dans des conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, Mme [F] demande à la cour d'infirmer le jugement repris, de dire que la rupture est imputable à l'employeur et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle sollicite la condamnation de la SA Le Delas à lui verser les sommes suivantes :
- 25'383,91 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 057,66 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 4 230,65 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 423€ pour les congés payés afférents,
- 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes d'écritures reprises oralement lors des débats, la SA Le Delas conclut à la confirmation du jugement entrepris et réclame une indemnité de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. En tout état de cause, la SA Le Delas s'oppose aux réclamations et prétentions de Mme [F].
Il convient de se référer au jugement, aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés.
MOTIFS
sur la rupture du contrat de travail :
Une démission ne peut résulter que d'une manifestation non équivoque de volonté de la part d'un salarié.
Dans la présente espèce, Mme [F] a, le 8 septembre 2006, informé son employeur de sa volonté de démissionner en lui remettant, en présence de deux délégués du personnel, une lettre ainsi rédigée :
'Je viens par la présente vous notifier ma démission à compter de ce jour. Je n'effectuerai donc pas mon préavis. Vous voudrez bien vouloir faire le nécessaire afin de faire établir mon solde de tout compte'.
Toutefois il résulte des éléments produits aux débats que :
- le conjoint de Mme [F], salarié de la même entreprise, était en arrêt maladie depuis mai 2006 pour une dépression sévère dûment diagnostiquée,
- l'employeur, qui avait invité les deux délégués du personnel à être présents lors de l'entrevue avec Mme [F] avait été informé de l'état dépressif de la salariée, les deux délégués lui ayant, au surplus, expressément demandé, compte tenu du contexte, de ne pas prendre en compte immédiatement la démission présentée.
- dès le lendemain, l'employeur était le destinataire d'un arrêt-maladie de Mme [F] connaissant à son tour des troubles psychologiques ainsi que des troubles du sommeil.
Par ailleurs, Mme [F] soutient avoir été blessée par une remarque faite par sa supérieure hiérarchique, ce qu'elle n'établit pas, même s'il ressort de l'attestation de M. [N] que certains personnels encadrant ne sont pas très respectueux et polis envers leurs collègues.
En tout état de cause, l'employeur ne pouvait pas ignorer les difficultés que connaissait Mme [F], ni le retentissement de celles-ci sur son propre état de santé, étant observé que Mme [F] n'avait pas eu de congés au cours de l'été, qu'elle devait prendre quelques jours une semaine plus tard, ce qui corrobore la réalité d'un état de fatigue perceptible.
Aux termes de la lettre du 18 septembre 2006, Mme [F] précise qu'à la suite de ses problèmes familiaux et dans un état de fatigue générale, elle a donné sa démission sur un coup de tête, qu'elle a réalisé après une semaine de repos avoir fait une grosse bêtise.
La recherche immédiate d'une autre salariée pour pourvoir le poste a été quelque peu hâtive, puisqu'une promesse d'embauche d'une autre salariée a été signée dès le 14 septembre, alors même qu'une période de congés était initialement prévue pour Mme [F] au cours de ce même mois de septembre.
Ne peut dans ces conditions être considérée comme non équivoque, la démission présentée par Mme [F], sans préavis et sans raison apparente, dans un contexte de difficultés familiales connues de l'employeur, contribuant à un état de fatigue perceptible par tous et notamment par des collègues ayant pris le soin d'en informer l'employeur.
C'est donc par une appréciation erronée de cette situation particulière que le conseil de prud'hommes a rejeté les demandes de Mme [F].
Le jugement sera infirmé.
La légereté blâmable avec laquelle l'employeur a accepté une telle décision équivoque, sans faire droit à la demande de rétraction rapide de la salariée lui rend la rupture imputable.
La rupture du contrat s'analysera en conséquence comme un licenciement nécessairement sans cause réelle et sérieuse, car sans lettre de licenciement et donc sans motif.
Sur les conséquences de la rupture du contrat :
Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle :
Mme [F] avait une ancienneté de six années, était âgée de 51 ans lors de la rupture du contrat de travail et a retrouvé un emploi dès le 12 décembre 2006. Elle a connu une diminution de revenus de près de 600 € par mois.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixée à la somme de 20 000 €.
Sur les demandes d'indemnités de licenciement et compensatrice de préavis :
En l'absence de toute remarque et objection sur les montants des sommes réclamées au titre des indemnités de rupture dues s'agissant d'une rupture de contrat s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il sera fait droit aux demandes formulées à ces titres.
La SA Le Delas sera par voie de conséquence condamnée à payer à Mme [F] une indemnité conventionnelle de 1 480,72 € ainsi qu'une indemnité de 4 230,65 € outre 423 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral :
Le préjudice moral dont fait état Mme [F] résultant des circonstances de la rupture des relations de travail est pris en compte dans l'analyse des conséquences de la rupture du contrat déjà indemnisées par la somme précédemment allouée.
Mme [F] sera déboutée du chef de cette demande.
Sur la demande d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité impose d'allouer à Mme [F] une indemnité de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant contradictoirement et publiquement,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit que la rupture du contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SA Le Delas à verser à Mme [F] les sommes suivantes :
- 20'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 480,72 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 4 230,65 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 423 € au titre des congés payés afférents,
- 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SA Le Delas aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,