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29/06/2010 | FRANCE | N°10/09883

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 29 juin 2010, 10/09883


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 29 JUIN 2010



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/09883



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Avril 2010 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2010P00619





APPELANT



Monsieur LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBIGNY

[Adresse

3]

[Localité 7]



représenté par Madame Eliane HOULETTE, Avocat Général





INTIMES



SAS LA CITY

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 2]

[Localit...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 29 JUIN 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/09883

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Avril 2010 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2010P00619

APPELANT

Monsieur LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBIGNY

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par Madame Eliane HOULETTE, Avocat Général

INTIMES

SAS LA CITY

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 9]

représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour

assistée de Me Guilhem BREMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C1097

Maître [I] [F], ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS LA CITY

demeurant [Adresse 4]

[Localité 6]

représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assisté de Me Gabriel SONIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 173 - A548

SCP [D] [B] en la personne de Maître [E] [D], ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SAS LA CITY

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 8]

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

Monsieur [G] [U], en qualité de représentant des salariés de la SAS LA CITY

demeurant [Adresse 5]

[Localité 10]

représenté par la SCP FANET - SERRA, avoués à la Cour

assisté de Me Blandine SIBENALER, avocat au barreau de PARIS, toque : R.286

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Juin 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Evelyne DELBES, Conseiller

Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller désigné par ordonnance du Premier président du 4 Mai 2010 pour compléter la chambre

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Madame HOULETTE, Avocat Général,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame MORACCHINI, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame HOUDIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement rendu le 27/4/2010 par le tribunal de commerce de Bobigny qui a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société La City, désigné la SCP [D] [B], en la personne de Maître [E] [D], comme mandataire judiciaire et Maître [I] [F] comme administrateur judiciaire ;

Vu l'appel interjeté par le procureur de la République de Bobigny à l'encontre de la disposition du jugement portant sur la nomination de Maître [F] en qualité d'administrateur judiciaire, la requête afin d'assigner à jour fixe, les conclusions du ministère public en date du 12/5/2010 et du 7/6/2010 ;

Vu les conclusions signifiées le 7/6/2010 par la société La City qui demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice ;

Vu les écritures signifiées le 7/6/2010 par Maître [I] [F], pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société La City, qui conclut à la confirmation du jugement déféré ;

Vu les conclusions signifiées le 25/5/2010 par la SCP [D] [B], en la personne de Maître [E] [D], ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société La City, qui demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel interjeté ;

Vu les conclusions signifiées le 7/6/2010 par Monsieur [G] [U], représentant des salariés, qui demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en sa disposition relative à la désignation de Maître [F], en qualité d'administrateur de la société La City ;

SUR CE

Considérant que le groupe La City, qui a  pour activité la confection et la commercialisation de produits textiles, est composé d'une société holding, la société Financière Italyc, et de deux filiales opérationnelles, les sociétés La City et Def ; que la société Financière Italyc est in bonis, la négociation d'un accord se poursuivant avec ses créanciers sous l'égide de Maître [F], nommé conciliateur ; que par deux jugements distincts du 27/4/2010, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard des sociétés La City et Def, désigné Maître [F] en qualité d'administrateur judiciaire et la SCP [D] [B], prise en la personne de Maître [E] [D], en qualité de mandataire judiciaire ; que lors de l'audience en chambre du conseil, le ministère public a requis l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire avec une période d'observation de 6 mois jusqu'au 27/10/2010, a laissé le choix au tribunal du mandataire judiciaire, mais a demandé la nomination de Maître [K] en qualité d'administrateur judiciaire, en s'opposant à la désignation de Maître [F] en qualité d'administrateur judiciaire, au visa des articles L 621-4 et L 631-9 du code de commerce, au motif que ce dernier, qu'il a félicité du travail accompli, avait été désigné auparavant comme conciliateur ;

Considérant qu'il résulte des énonciations du jugement que le ministère public a érigé en principe l'opposition à la désignation, en qualités d'administrateur judiciaire dans la procédure collective de redressement judiciaire, du mandataire précédemment désigné dans un mandat ad hoc ou une conciliation ; que les premiers juges ont répliqué que 'la position de principe du ministère public n'est conforme ni au texte ni à l'esprit des procédures collectives, que le texte stipule que le ministère public peut s'opposer et non pas doit s'opposer, ce qui manifestement traduit que l'opposition est une exception et ouvre la possibilité de moduler la décision en fonction de circonstances particulières, autrement dit au cas d'espèce, que l'esprit de la procédure collective de redressement judiciaire est, selon l'article L 631-1, de permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif, qu'en l'espèce l'urgence, tant pour la pérennité de la société La City que pour les 500 salariés de l'entreprise que pour la préservation des droits des créanciers, justifie que le conciliateur, qui a connu des difficultés de l'entreprise La City, et qui, dans le cadre d'une conciliation d'un mois a recherché des solutions pour la continuation de l'activité avec des chances importantes de réussite, poursuive, dans le cadre du redressement judiciaire, la recherche d'un plan de continuation ; que Maître [F], ès qualités de conciliateur, a déjà pu réunir de nombreuses fois les actionnaires, le management, les prêteurs dans une dynamique positive propre à trouver une solution de sortie par un plan de continuation préservant les emplois et permettant un apurement du passif ; que Maître [F], ès qualités de conciliateur, va poursuivre la conciliation de la holding actionnaire ; que cette situation constitue un élément supplémentaire pour que les dossiers de conciliation et de redressement judiciaire soient gérés par le même administrateur ; qu'il n'apparaît pas que la désignation de Maître [F] ès qualités d'administrateur judiciaire dans la procédure collective de redressement judiciaire de la société la City constitue un trouble caractérisé à l'ordre public économique' ;

Considérant que devant la cour, le ministère public expose que le procureur de la République de Bobigny s'est fondé sur les dispositions de l'article L 621- 4 alinéa 5 pour s'opposer à la nomination de Maître [F], conciliateur depuis le 12/3/2010 des sociétés City, Def et Italyc et proposer le nom d'un administrateur exerçant à [Localité 11] ; qu'il précise que ce texte envisage deux situations distinctes ; que la première concerne l'hypothèse la plus habituelle et prévoit pour le ministère public la possibilité de proposer le nom d'un administrateur ou d'un mandataire, et l'obligation pour le tribunal de motiver le rejet de cette proposition ; que la seconde, qui s'applique à l'espèce, donne expressément au parquet le droit de s'opposer à la nomination comme administrateur du professionnel qui a exercé, au sein de la même entreprise, les fonctions de conciliateur, sans que le tribunal puisse passer outre ; qu'il ajoute que les missions de conciliateur ou de mandataire ad hoc et celles d'administrateur ad hoc ne sont pas nécessairement compatibles et que l'argumentation des premiers juges est contestable ; que les objectifs du redressement judiciaire sont ceux que la loi a assignés et ne dépendent pas de la personne désignée ; que la conciliation, si elle avait réussi, aurait dû éviter le redressement judiciaire ; que les intérêts d'une société holding ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux d'une société opérationnelle ;

Considérant que le représentant des salariés souligne qu'en sa qualité de conciliateur, Maître [F] a pour mission de défendre les intérêts de la holding dans ses discussions avec ses créanciers et les partenaires industriels potentiels, alors qu'en sa qualité d'administrateur judiciaire, il a pour mission d'assister la société la City dans le but d'assurer l'emploi et la pérennité de l'entreprise ; que les intérêts de la holding ne sont donc pas les mêmes que ceux de la société la City ; qu'il affirme que la désignation d'un nouvel administrateur est nécessaire pour que la procédure de redressement judiciaire puisse être menée en toute neutralité, sans risque de conflit d'intérêt qui serait préjudiciable aux intérêts de la société, des salariés et de l'emploi ; qu'elle permettrait de restaurer la confiance des salariés et de leurs représentants dans leurs dirigeants et l'entreprise ;

Considérant que la société La City, tout en s'en rapportant à justice, précise que 'le maintien de la société Financière Italyc, dont le passif est essentiellement constitué de créances non exigibles à ce jour vis à vis des actionnaires, de BNP Paribas Fortis et d'Euromezzanine, en procédure de conciliation sous l'égide de Maître [F], n'apparaît pas incompatible, à ce stade, avec la recherche dans les meilleures conditions possibles, d'une solution de plan de continuation pour la société La City ... (qu'au) contraire cette situation offre plus de souplesse quant aux modalités possibles pour l'investissement nécessaire à l'établissement d'un plan de continuation au profit ( de la société) La City';

Considérant que Maître [F] ès qualités soutient, en invoquant la jurisprudence et la doctrine, que la faculté d'opposition du ministère public fondée sur l'article L 621-4 alinéa 5 du code de commerce ne saurait s'analyser en une faculté de récusation ou un droit de véto ; qu'il rappelle que cette disposition a été introduite par la loi du 26/7/2005 et retouchée de façon purement formelle par l'ordonnance du 18/12/2008 ; qu'il ressort, selon lui, de l'ensemble des débats parlementaires que le tribunal n'est nullement lié par l'opposition du ministère public et peut passer outre ; que la commission mixte paritaire s'est opposée à l'amendement qui prévoyait que le ministère public puisse 'récuser' la personne antérieurement désignée comme conciliateur et a décidé qu'il pourrait simplement 's'opposer' à sa désignation comme administrateur ; que la circulaire du 18/4/2006 dit que le parquet doit prendre des réquisitions particulières s'il n'apparaît pas opportun que le conciliateur soit désigné comme administrateur ;

Considérant que par ordonnance du 12/3/2010, le président du tribunal de commerce a désigné Maître [F] en qualité de conciliateur de la société Financière Italyc et de sa filiale la société La City ; que le 27/4/2010, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société La City ; que, malgré l'opposition manifestée par le ministère public, le tribunal a désigné Maître [F] en qualité d'administrateur judiciaire ;

Considérant que, selon l'article L 621-4 alinéa 5 du code de commerce, ' le débiteur peut proposer un administrateur à la désignation du tribunal. Il en est de même pour le ministère public qui peut également soumettre le nom d'un mandataire judiciaire . Le rejet de la proposition du ministère public doit être spécialement motivé . Lorsque la procédure est ouverte à l'égard d'un débiteur qui bénéficie ou a bénéficié d'un mandat ad hoc ou d'une procédure de conciliation dans les 18 mois qui précèdent, le ministère public peut en outre s'opposer à ce que le mandataire ad hoc ou le conciliateur soit désigné en qualité d'administrateur ou de mandataire judiciaire';

Considérant que le texte précité, qui est rédigé en des termes clairs et précis qui ne sont susceptibles d'aucune interprétation, ne pose aucune interdiction de principe à la désignation en qualité d'administrateur du professionnel qui a antérieurement exécuté pour la même entreprise une mission de mandat ad hoc ou de conciliation ; qu'il donne au ministère public la possibilité de s'opposer à une telle nomination ; que cette opposition constitue pour le tribunal, qui ne dispose pas de la faculté de passer outre par une décision spécialement motivée, alors que celle-ci est expressément prévue en cas de proposition, une interdiction de désignation ;

Considérant que la cour doit infirmer la disposition du jugement par laquelle Maître [F] a été désigné comme administrateur, malgré l'opposition manifestée par le ministère public, qui s'impose au tribunal, sans avoir à examiner le bien fondé des motifs avancés par les parties ; qu'elle désignera Maître [K] comme administrateur, aux lieu et place de Maître [F] ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en sa disposition portant sur la nomination de Maître [F] en qualité d'administrateur judiciaire de la société La City,

Statuant du chef infirmé,

Désigne Maître [K] en qualité d'administrateur judiciaire de la société La City,

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M.C HOUDIN M.P MORACCHINI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/09883
Date de la décision : 29/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°10/09883 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-29;10.09883 ?
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