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29/06/2010 | FRANCE | N°09/06716

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 29 juin 2010, 09/06716


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 29 JUIN 2010



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/06716



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2008057430





APPELANTES



Madame [N] [P]

née le [Date naissance 3] 1940 à [Localité 13]

de nationalité franÃ

§aise

demeurant [Adresse 4]

[Localité 14]



représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Isabelle WEKSTEIN, avocat au barreau de PARIS, Toque R058





Madame ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 29 JUIN 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/06716

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2008057430

APPELANTES

Madame [N] [P]

née le [Date naissance 3] 1940 à [Localité 13]

de nationalité française

demeurant [Adresse 4]

[Localité 14]

représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Isabelle WEKSTEIN, avocat au barreau de PARIS, Toque R058

Madame [D] [Y]

née le [Date naissance 8] 1946 à [Localité 11]

de nationalité française

demeurant C/O [B]

[Adresse 6]

[Localité 10]

représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Isabelle WEKSTEIN, avocat au barreau de PARIS, Toque R058

INTIMEES

Madame [T] [F]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 14]

représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Camille HENIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D 563

Mademoiselle [A] [F]

demeurant [Adresse 12]

[Localité 5]

représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Camille HENIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D 563

SARL ARCHANGE INTERNATIONAL

prise en la personne de son gérant

ayant son siège [Adresse 7]

[Localité 9]

représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Camille HENIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D 563

Madame [R] [L] veuve [F] dite [Z] [M]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1] (SUISSE)

représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Camille HENIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D 563

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame MORACCHINI, Conseillère, faisant fonction de Présidente, et Madame DELBES, Conseillère, chargées d'instruire l'affaire,

Un rapport a été présenté à l'audience conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Evelyne DELBES, Conseillère

Monsieur Edouard LOOS, Conseiller désigné par ordonnance du Premier président du 4 Mai 2010 pour compléter la chambre

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude HOUDIN

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame MORACCHINI, Conseillère, faisant fonction de Présidente, et par Madame HOUDIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [R] [L] [F] a écrit, sous le nom d'[Z] [M], avec son époux, M. [I] [M], les ouvrages consacrés aux aventures d'Angélique, Marquise des Anges. Elle a créé, avec ses filles et des amis, la Sarl Archange International, dont l'objet est la commercialisation de tous droits directs, indirects et dérivés des romans, la défense du droit moral de leurs auteurs, la revalorisation de l'oeuvre et la récupération de toutes sommes dues aux auteurs. Mme [T] [F] est la gérante de cette société.

En 1997, le capital de celle-ci était réparti de la façon suivante :

- [R] [L]-[F], dite [Z] [M] : 51 parts,

- [T] [F] : 32 parts,

- [A] [F] : 6 parts,

- [N] [P] : 5 parts,

- [D] [Y] : 6 parts.

Mme [L] [F], confrontée à des actions en justice relatives à ses droits d'auteur l'opposant aux sociétés Hachette et Canal Plus, a cédé 50 de ses parts à M. [G] [U] pour 30 000 francs.

Le procès-verbal d'une assemblée générale extraordinaire du 11 juin 1997, mentionne que les associés de la société Archange International ont accepté que Mmes [T] et [A] [F] vendent quelques unes de leurs parts à Mmes [P] et [Y]. La deuxième résolution de la même assemblée a approuvé la cession par Mme [L]-[F] de 50 de ses parts à M. [G] [U].

Une transaction, aux termes de laquelle Mme [Z] [M] s'est vue restituer ses droits, a mis fin, en 2004, aux litiges avec Hachette et Canal Plus.

Le 3 juin 2008, une assemblée générale a réuni M. [U] et Mmes [P] et [Y]. Elle a décidé de nommer Mme [P] co-gérante de la société et prévu que tous les actes de la société devraient être signés par les deux co-gérantes.

Le 8 juillet 2008, M. [U] a signé un acte de cession de ses 50 parts sociales au profit de Mme [L]-[F] moyennant le prix de 3 811,50 euros.

Par actes des 8 et 29 août 2008, Mme [L] [F], ses filles, [T] et [A] [F], et la société Archange International, ont fait assigner Mme [P] et Mme [Y] devant le tribunal de commerce de Paris pour voir dire inexistantes les cessions de parts intervenues entre les intéressées et Mmes [T] et [A] [F] évoquées dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 11 juin 1997 et de voir dire nulle l'assemblée générale du 3 juin 2008.

Par jugement du 11 février 2009, le tribunal de commerce de Paris a dit inexistantes les cessions de parts entre Mmes [T] et [A] [F] et Mmes [P] et [Y] évoquées dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 11 juin 1997, a dit nuls tous les actes subséquents intervenus sur la base de ces cessions au registre du commerce, a dit nulle l'assemblée générale du 3 juin 2008, a débouté Mmes [P] et [Y] de leur demande de nomination d'un administrateur chargé de gérer la société, a condamné Mme [T] [F] à payer à Mmes [P] et [Y] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles de consultation des associés de la société Archange International et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 13 mars 2009, Mmes [P] et [Y] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières écritures signifiées le 13 avril 2010, elles demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la cession de parts sociales n'était pas un acte solennel, qu'aucun agissement fautif ne pouvait leur être reproché, que Mme [T] [F] n'avait pas respecté les règles de consultation des associés et en ce qu'il a, par suite, débouté les intimées de leur demande de dommages et intérêts et a condamné Mme [T] [F] à leur payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de constater l'existence de la cession de parts contestée comme résultant du procès-verbal d'assemblée du 20 octobre 1997 et des statuts modifiés du 12 octobre 1997, de dire que la répartition du capital de la société est celle qui résulte de ce procès-verbal et de ces statuts, de dire les cessions opposables à la société Archange International, de condamner Mme [T] [F] à supporter, sur son patrimoine personnel, les conséquences du jugement prud'homal condamnant la société Archange International pour licenciement abusif de Mme [Y], de condamner la même à payer à Mmes [P] et [Y] la somme de 30 000 euros, chacune, pour non-respect des règles de consultation des associés, de condamner l'intéressée à supporter sur son patrimoine personnel les conséquences de l'emploi fictif qu'elle s'est octroyée en imitant la signature de M. [U], à rembourser à la société la somme de 35 000 euros qu'elle a détournée, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2005, à payer à la société la somme de 15 651 euros en remboursement du redressement opéré par l'Urssaf le 13 mai 2008, à payer à Mmes [P] et [Y] et à la société Archange International la somme de 50 000 euros, chacune, en réparation du préjudice consécutif à l'atteinte à l'objet social de la société et à la disparition de ses actifs qui lui sont imputables, de condamner solidairement Mme [L] [F], Mmes [T] et [A] [F] et la société Archange International à leur payer la somme de 50 000 euros pour procédure abusive et celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 6 avril 2010, Mmes [L] [F] et [T] et [A] [F] demandent à la cour de constater la délivrance des assignations à l'adresse réelle de Mmes [P] et [Y] au Portugal, de constater que les intéressées ne produisent aucun avis d'imposition de leurs revenus en France, de déclarer, par suite, nuls l'acte d'appel et les conclusions de Mmes [P] et [Y] pour violation des articles 56 et 846 du code de procédure civile et 102 du code civil, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit inexistantes, et en tant que de besoin, d'annuler, les cessions de parts évoquées dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 11 juin 1997 et les actes subséquents au registre du commerce, de déclarer nul et de nul effet l'acte abusivement qualifié d'assemblée générale en date du 3 juin 2008 désignant Mme [P] comme co-gérante et tous les actes et formalités subséquents, d'infirmer le jugement dont appel pour le surplus et, statuant à nouveau, de dire que Mmes [P] et [Y] seront débitrices de tous les frais relatifs aux formalités effectuées pour la publication de cet acte, et Mme [P] seule débitrice de toutes les dépenses qu'elle a pu engager au nom de la société dont elle s'est abusivement prétendue gérante entre le 3 juin 2008 et la fin de son mandant apparent, de dire que les appelantes ont engagé leur responsabilité personnelle en utilisant sciemment la fausse qualité d'actionnaires majoritaires avec M. [U] et de co-gérante pour Mme [P], pour tenter d'accaparer les fruits de l'exploitation des droits d'auteur d'[Z] [M] au risque d'empêcher la formalisation des derniers accords permettant les cessions convenues avec les sociétés Ajoz Films et Sony BMG pour la création d'une ou plusieurs oeuvres cinématographiques et d'une comédie musicale, de condamner solidairement Mmes [P] et [Y] à payer à la société Archange International la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire ou à diminuer, à payer à [Z], [T] et [A] [F], chacune, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices économiques et moraux, de dire que les appelantes ne rapportent pas la preuve d'une paralysie des organes de la société et d'un péril imminent menaçant son existence et pouvant justifier la désignation d'un administrateur judiciaire, de les condamner solidairement à payer, à chacune d'elles, la somme de 5 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

- Sur la procédure

Considérant que Mesdames [F] arguent de la nullité de l'acte d'appel et des conclusions des appelantes qui y déclarent résider à [Localité 14], [Adresse 4], alors que leur domicile réel, au sens de l'article 102 du code civil, se situe au Portugal, où les assignations leur ont été délivrées et où elles ont retiré les lettres recommandées dont les accusés de réception sont signés ; ;

Considérant qu'il est constant que l'adresse du [Adresse 4] est le siège social de la société Archange International qui est la titulaire du bail des locaux y situés ;

Considérant que les appelantes font valoir qu'elles résident bien dans cet appartement dont Mme [P] paye la taxe d'habitation ; que cette adresse figure sur les nombreuses correspondances versées aux débats par leurs adversaires comme par elles-mêmes ; qu'elles ajoutent qu'il n'y a pas de nullité sans texte et que les intimées n'ont souffert d'aucun grief ;

Considérant qu'aux termes de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée, qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ;

Considérant que Mesdames [F] ne démontrent pas le grief que leur causerait les circonstances qu'elles dénoncent, alors qu'elles savent manifestement parfaitement où toucher leurs adversaires ;

Considérant dès lors que leur exception de nullité, tant de l'acte d'appel que des écritures des appelantes, doit être rejetée ;

- Sur les cessions de parts entre Mesdames [T] et [A] [F] et Mesdames [P] et [Y]

Considérant que le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire des associés de la société Archange International en date du 11 juin 1997 mentionne, dans sa troisième résolution : 'Après les difficultés évoquées lors du débat libre concernant principalement les agissements et menaces téléphoniques de Me A.J. [E], liées aux difficultés financières de Mlles [T] et [A] [F], il a été accepté par l'Assemblée Générale que celles-ci vendent des parts à Mme [N] [P] et à Mme [D] [Y]. Mme Yvette [Y] acquiert 15 parts sur 32 de Mlle [T] [F] et 3 parts sur 6 de Mlle [A] [F]. Mlle [D] [Y] acquiert 15 parts sur 32 de Mlle [T] [F] et 2 parts sur 6 de Mlle [A] [F]' ;

Considérant que les intimées arguent de l'inexistence des cessions évoquées dans ce procès-verbal, faute d'acte de cession écrit, notifié à la société et publié au registre du commerce, et se prévalent, subsidiairement, de leur nullité pour cause illicite, s'étant agi pour les cédantes d'échapper aux poursuites d'un de leurs créanciers;

Considérant que les appelantes font valoir qu'entre les parties, la cession de parts sociales n'est soumise à aucune solennité et qu'elle est parfaite dès l'accord des volontés sur la chose et sur le prix ; que tel est le cas, selon elles, en l'espèce, où les cessions litigieuses sont mentionnées, non seulement dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 11 juin 1997, mais aussi dans la 'Déclaration de conformité consécutive à la cession de parts d'associés majoritaires' déposée au greffe du tribunal de commerce de Paris le 17 juillet 1997, dans le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 20 octobre 1998 et dans les statuts modificatifs rédigés le 12 octobre 1998 ;

Considérant qu'entre les parties, la cession de parts sociales est effectivement parfaite dès l'accord des volontés, même si aucun acte de cession n'a été établi ;

Considérant que la déclaration de conformité du 13 juin 1997, déposée au greffe du tribunal de commerce de Paris le 17 juillet et enregistrée le même jour à la recette des impôts, est ainsi rédigée : 'Des ventes de parts sociales d'Archange International, sous seings privés, sont bien intervenues entre les associés le 10 juin 1997", 'Mlle [T] [F], pour des raisons personnelles a cédé sous seings privés 30 sur 32 de ses parts sociales au prix unitaire de 500 francs la part sociale. a) Mme [N] [P] a (acquis) 15 de ces parts, b) Madame [D] [Y] a (acquis) 15 de ces parts. Mlle [A] [F] (...) a cédé sous seings privés 5 sur 6 de ses parts sociales au prix unitaire de 500 francs la part sociale. a) Mme [N] [P] a (acquis) 3 de ces parts, b) Mlle [D] [Y] a (acquis) 2 de ces parts.' ; qu'il est précisé dans ce document, signé par Mme [Y] et par Mme [T] [F], que le capital de la société est, par suite, redistribué de la façon suivante, une part pour Mme [L]-[F], 2 parts pour Mme [T] [F], 33 parts pour Mme [D] [Y], une part pour Mme [A] [F], 33 parts pour Mme [P] et 50 parts pour M. [U] ; que le procès-verbal de l'assemblée générale du 20 octobre 1998, mentionne la répartition suivante des parts entre les associés présents : une part pour Mme [L], 2 parts pour Mme [T] [F], 33 parts pour Mme [Y], une part pour Mme [A] [F], 13 parts pour Mme [P], et 50 parts pour M. [U] ; que les statuts modificatifs signés le 12 octobre 1998 reprennent cette répartition du capital ;

Considérant que force est de constater que ces différents documents ne sont pas cohérents entre eux en ce qui concerne le nombre de parts attribuées à chaque associé ; que si Mme [P] a procédé à l'acquisition de 15 des parts de Mme [T] [F] et de 3 des parts de Mme [A] [F], comme mentionné dans le procès-verbal du 11 juin 1997 et dans la déclaration de conformité du 13 juin 1997, elle ne peut pas détenir seulement 13 parts, comme il est indiqué dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 20 octobre 1998 et dans les statuts modifiés du 12 octobre 1998, et ce, alors qu'il n'est excipé d'aucune autre opération ayant pu modifier, entre toutes ces dates, une nouvelle fois la répartition du capital ; que la cour observe, en outre, que le dernier état du capital à la veille des cessions contestées, tel qu'il résulte des pièces du dossier, attribue à :

- Mme [P], 5 parts, de sorte que si l'on ajoute à ce chiffre les 15 et 3 parts mentionnées par le procès-verbal et la déclaration de conformité des 11 et 13 juin 1997, l'on obtient un total de 23 parts, et non pas de 33 ou de 13 parts, comme indiqué dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 20 octobre 1998 et les statuts modificatifs du 12 octobre 1998,

- Mme [Y], 6 parts, de sorte qu'après les cessions en cause, l'on obtient pour elle, un total de 23 parts également, et non pas de 33 parts ;

Considérant en conséquence, que les documents produits ne permettent pas d'établir un accord de volonté non équivoque des parties sur le nombre de parts qui auraient pu faire l'objet des cessions litigieuses ; que les éléments invoqués par les appelantes, quant au paiement du prix de ces cessions, ne sont pas de nature à éclairer ce point, puisque Mme [Y] prétend que la cession lui a été consentie à titre gratuit et que Mme [P] soutient que les parts par elle acquises ont été payées par M. [U], son ex-époux, lequel indique, dans une attestation, avoir réglé pour elle le prix de 12 parts, soit un nombre de parts non compatible avec les pièces analysées ci-dessus ;

Considérant que la preuve de l'existence des cessions invoquées par Mesdames  [P] et [Y] n'est donc pas établie ; que le jugement déféré sera, par suite, confirmé en ce qu'il a dit ces opérations inexistantes et dit nuls tous les actes subséquents intervenus sur leurs base au registre du commerce ;

- Sur l'assemblée générale du 3 juin 2008

Considérant que Mesdames [F] demandent l'annulation de l'assemblée générale du 3 juin 2008 irrégulièrement convoquée ;

Considérant que l'article 12 des statuts de la société Archange International prévoit que : 'en cas de réunion d'une assemblée générale, les associés y sont convoqués par la gérance quinze jours à l'avance par lettre recommandée indiquant l'ordre du jour' ; que l'article L 223-27 du code de commerce dispose que toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée ;

Considérant que Mesdames [P] et [Y] ne prouvent, ni n'allèguent que l'assemblée générale qui s'est tenue le 3 juin 2008 entre elles et M. [U], ait été précédé de la convocation préalable des associés et de la communication aux intéressés de l'ordre du jour, ni que la procédure de consultation écrite des associés, également permise par l'article 12 des statuts pour la prise des décisions collectives, ait été mise en oeuvre ;

Considérant dès lors, que le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a dit nulle l'assemblée générale du 3 juin 2008 et les décisions qui y ont été prises ;

Considérant qu'il convient d'y ajouter pour dire nulles et de nul effet les formalités accomplies au registre du commerce relativement à cette assemblée ;

Considérant que les intimées qui n'établissent pas l'existence et le montant des 'frais relatifs aux formalités effectuées pour la publication de cet acte' (le procès-verbal de l'assemblée générale du 3 juin 2008) dont elles demandent à la cour de dire Mesdames [P] et [Y] débitrices, doivent être déboutées de cette prétention ;

Considérant que Mesdames [F] demandent encore que Mme [P] soit dite débitrice de toutes les dépenses qu'elle a pu engager au nom de la société dont elle s'est abusivement prétendue la gérante entre le 3 juin 2008 et la fin de son mandat apparent et soutiennent que les intimées ont engagé leur responsabilité en utilisant sciemment la fausse qualité d'actionnaires majoritaires avec M. [U] et de co-gérante, pour Mme [P], pour tenter d'accaparer les fruits de l'exploitation des droits d'auteurs d'[Z] [M], au risque d'empêcher la formalisation des derniers accords permettant les cessions convenues avec les sociétés Ajoz Films et Sony BMG pour la création d'une ou plusieurs oeuvres cinématographiques et d'une comédie musicale et sollicitent de ce chef, la condamnation solidaire des intéressées à payer à la société Archange International la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts et la même somme à chacune d'elles, en réparation de leurs préjudices économiques, financiers et moraux ;

Considérant qu'il est constant qu'il a été mis fin aux fonctions de co-gérante attribuées à Mme [P] par l'assemblée générale du 3 juin 2008 dès le 1er août suivant; que les intimées n'établissent pas qu'entre ces deux dates, Mme [P] ait pu, en qualité de co-gérante, effectuer le moindre acte ou commettre la moindre omission économiquement, financièrement ou moralement préjudiciable à la société et à elles-mêmes, alors qu'elles indiquent que les contrats dont elles arguent ont bien été conclus après qu'un accord ait été trouvé ; qu'elles ne démontrent pas que la convocation de l'assemblée générale du 3 juin 2008 et les décisions prises au cours de celle-ci puissent caractériser, dans le contexte des documents établis sous la signature de toutes les parties au présent litige (les procès-verbaux des assemblées générales des 11 juin 1997 et 22 octobre 1998, projets de statuts modificatifs du 12 octobre 1998), une volonté de nuire ; que leurs demandes de dommages et intérêts formées de ces chefs ne peuvent prospérer ;

- Sur les demandes des appelantes

Considérant qu'aux termes de l'article L 223-22 du code de commerce, les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux SARL, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion ;

Considérant que les appelantes font grief à Mme [T] [F], gérante de la société Archange International, d'agissements contraires à ces dispositions et aux intérêts de la société et d'elles-mêmes et sollicitent sa condamnation, en réparation des conséquences de ses fautes, au paiement de dommages et intérêts à leur bénéfice et à celui de la société Archange International, exerçant à ce dernier titre une action ut singuli ;

Considérant que leurs griefs tenant à l'éviction des associés étrangers à la famille [F] pour récupérer la majorité du capital social, aux obstacles apportés à l'exercice par Mme [P] de ses fonctions de co-gérante et à sa révocation des dites fonctions le 1er août 2008, ne peuvent être retenus compte tenu de ce qui a été jugé ci-dessus relativement à l'existence des cessions invoquées et à la régularité de l'assemblée générale du 3 juin 2008 ;

Considérant que les appelantes ne démontrent pas en quoi, alors qu'elles ne les ont pas subies personnellement, les violences dont elles prétendent que la famille [F] aurait usé à l'égard de M. [U], non partie à la présente instance et qui a engagé une procédure distincte à l'encontre des consorts [F], auraient pu leur causer grief ;

Considérant que le grief tenant au licenciement pour faute grave de Mme [Y] ne peut pas prospérer, seul le conseil de prud'hommes, devant lequel l'instance engagée par cette dernière est toujours pendante, étant compétent pour statuer sur la régularité et le bien fondé de cette décision dont la cour ne saurait préjuger pour apprécier si elle serait susceptible de traduire une faute de la gérante;

Considérant que Mesdames [P] et [Y] soutiennent encore que Mme [T] [F] a rédigé des faux en imitant la signature de M. [U] pour conclure à son profit un contrat de travail en date du 7 août 2003, mais aussi dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 28 juillet 2007 et dans un rapport de gestion du 20 juillet 2004 ;

Considérant que la comparaison des signatures apposées sur ces trois pièces avec celles figurant que des documents effectivement signés par M. [U] révèle des différences telles qu'il est manifeste qu'elles ne peuvent émaner de ce dernier ; que les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permettent cependant pas d'affirmer que les paraphes litigieux sont l'oeuvre de Mme [T] [F] ; qu'à cet égard, le fait que le contrat du 7 août 2003 ait profité à l'intéressée est inopérant;

Considérant que les appelantes prétendent que Mme [T] [F] a détourné, en septembre 2005, une somme de 35 000 euros virée du compte de la société Archange International sur son compte personnel en suisse ;

Considérant que les appelantes affirment que cette somme a été versée à la société Editions du Refuge, éditrice de l'intégrale d'Angélique, pour financer l'impression des ouvrages ;

Considérant que les appelantes ne démontrent pas que la lettre à en-tête de la société Archange International, datée du 30 septembre 2005, rédigée à l'adresse des Editions du Refuge informant celle-ci de l'émission d'un chèque de 35 000 euros 'en attente au Crédit Suisse, afin que cette somme soit versées au compte de votre Société' 'Concrétisant notre participation à l'impression des premiers tomes de Angélique l'Intégrale' et la lettre à en-tête de la société Editions du Refuge, datée du 7 octobre 2005, accusant réception de cette somme, auraient été forgées et ne traduiraient pas la réalité de l'opération qu'elles décrivent, conforme à l'argumentation des intimées; que le fait que la lettre du 30 septembre 2005, qui n'est qu'une copie conservée par l'expéditeur, ne soit pas signée, n'est pas opérante à cet égard ;

Considérant que ce grief n'étant pas établi, il convient de débouter Mesdames [P] et [Y] de leur demande tendant à voir condamner Mme [T] [F] à rembourser la somme de 35 000 euros à la société Archange International ;

Considérant que le fait que le compte de la société Archange International dans les livres du Crédit Agricole n'ait pas été suffisamment provisionné, le 6 août 2008, pour régler un chèque présenté au paiement, dont le montant n'est pas précisé, ne saurait établir la preuve d'une faute de gestion de Mme [T] [F] ; que le cour observe que le chèque en cause paraît avoir été émis par Mme [P] elle-même pendant la période durant laquelle elle était co-gérante de la société et qu'aucun autre incident de la sorte n'est établi ;

Considérant que des pièces produites par les appelantes, il ressort que l'Urssaf a notifié, le 13 mai 2008, à la société Archange International un redressement de 12 651 euros ; qu'en réglant cette somme, celle-ci n'a cependant payé que ce qu'elle devait ; qu'il n'est pas établi que les déclarations erronées et incomplètes de la gérante redressées par l'Urssaf aient conduit au prononcé de pénalités ou d'intérêts de retard; que dès lors, il n'est pas établi que la société ait subi le moindre préjudice à l'occasion de ce redressement ; qu'il convient de débouter Mesdames [P] et [Y] de leur demande tendant à voir condamner Mme [T] [F] à payer la somme de 15 651 euros à la société Archange International du chef de ce redressement ;

Considérant que les appelantes font aussi grief à Mme [T] [F] d'avoir cédé à des tiers les droits essentiels à la réalisation de l'objet social de la société Archange International et ce, dans des conditions assimilables à la modification de l'objet social de celle-ci et en violation des règles applicables aux conventions réglementées ;

Considérant qu'elles précisent avoir appris, sur un site internet relatifs aux informations concernant les sociétés suisses, que la société Editions du Refuge avait 'programmé' la reprise des droits éditoriaux et de marque de la société Archange International pour 30 000 francs suisses et découvert, par un biais qu'elles n'indiquent pas, un 'projet de contrat' dans lequel il était prévu que la société Archange International cède à la société Editions du Refuge le bénéfice d'un contrat d'édition et d'un contrat de droits audiovisuels portant sur la totalité des droits littéraires d'[Z] [M] signés en mai 1996 et une marque déposée en 1997 ;

Considérant que de simples projets de contrats sont impropres à caractériser l'atteinte alléguée à l'objet social de la société Archange International et ne nécessitaient pas la consultation des associés ;

Considérant que Mesdames [P] et [Y] n'établissent pas que la cession des droits d'adaptation et d'exploitation d'une oeuvre cinématographique, intervenue en 2007, pour un prix qu'elle ne précisent pas, au profit de la société Ajoz Films ait pu réaliser l'anéantissement de l'objet social de la société Archange International et être conclu au détriment des intérêts financiers de l'intéressée ;

Considérant que les appelantes ne versent aux débats aucune pièce de nature à établir l'existence et le montant du préjudice que la cession par la société Archange International, gérée par Mme [T] [F], de droits identiques à deux autres sociétés (Canal Plus et Sony BMG), en violation des accords déjà passés avec la société Ajoz Films, aurait pu entraîner ;

Considérant qu'il convient donc de débouter Mesdames [P] et [Y] de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts d'un montant de 50 000 euros formée de ces divers chefs au profit de la société Archange International et de chacune d'elles ;

Considérant que les appelantes reprochent en revanche justement à Mme [T] [F] le non-respect des règles de consultations des associés ; que l'intéressée ne conteste pas avoir omis de convoquer l'assemblée générale et de publier les comptes annuels à compter de l'année 2003 ; qu'elle a ainsi mis les associés dans l'impossibilité de contrôler sa gestion et d'apprécier la situation de la société et l'intérêt des conventions signées par celle-ci, telles celles conclues avec les sociétés Editions du Refuge et Ajoz Films ; que la violation des dispositions légales et statutaires (article 12) que réalisent ces faits engagent la responsabilité de la gérante à l'égard des associées que sont Mesdames [P] et [Y] ; que le préjudice en ayant résulté pour chacune des intéressées, privées de tout droit de regard et de contestation éventuelle, a été justement évalué à 1 000 euros par les premiers juges ;

Considérant que la désignation d'un administrateur provisoire a été demandée au président du tribunal de commerce qui y a procédé aux termes d'une ordonnance du 8 décembre 2009 et n'est pas demandée à la cour aux termes des dernières écritures des appelantes ;

Considérant en conséquence, que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que les appelantes qui succombent en leur appel et supporteront les dépens, ne sont pas fondées en leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ni en leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant qu'aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions du dit texte au bénéfice des intimées ;

PAR CES MOTIFS

Rejette l'exception de nullité de l'acte d'appel et des écritures des appelantes formées par les intimées ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit nulles et de nul effet les formalités accomplies au registre du commerce et des sociétés de Paris relativement à l'assemblée générale du 3 juin 2008 ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne Mme [P] et Mme [Y] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M.C HOUDIN M.P MORACCHINI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 09/06716
Date de la décision : 29/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°09/06716 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-29;09.06716 ?
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