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22/06/2010 | FRANCE | N°08/13250

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 22 juin 2010, 08/13250


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 22 JUIN 2010



(n° , 6 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 08/13250



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Septembre 2006 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 05/03148









APPELANTES AJ 100 % - n°2006/48561 du 26.01.2007





Madame [E] [N] di

vorcée [L]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Mademoiselle [D] [W] [L]

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représenté par la SCP KIEFFER-JOLY-BELLICHACH, avoué

Assisté de Me Stella OHAYON avocat à Créteil ([Adresse 3])





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Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRET DU 22 JUIN 2010

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/13250

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Septembre 2006 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 05/03148

APPELANTES AJ 100 % - n°2006/48561 du 26.01.2007

Madame [E] [N] divorcée [L]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Mademoiselle [D] [W] [L]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par la SCP KIEFFER-JOLY-BELLICHACH, avoué

Assisté de Me Stella OHAYON avocat à Créteil ([Adresse 3])

INTIMEE

Société MUTUELLES DU MANS ASSURANCES VIE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoué

Assisté de Me Martine GUILBERT, avocat (Créteil)

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

Mme Janick TOUZERY-CHAMPION , conseiller, siégeant en application de l'article 786 du code de procédure civile à laquelle les avocats ne se sont pas opposés.

Lors du délibéré :

Mme S. GARBAN, président

Mme Janick TOUZERY-CHAMPION et Mme Sylvie NÉROT, conseillers

GREFFIER

Lors des débats :

Dominique BONHOMME-AUCLERE

DEBATS

A l'audience publique du 19MAI 2010

Rapport fait par Mme Janick TOUZERY-CHAMPION en application de l'article 785 du CPC

ARRET

Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Mme S. GARBAN, président, et par D. BONHOMME-AUCLERE, greffier

*************************

Le 16 juillet 1998, Mme [E] [N] divorcée [L] a souscrit un contrat 'MDM Réussite' auprès de la société MUTUELLE DU MANS ASSURANCES (MMA) dont l'objet est de permettre au souscripteur de constituer une épargne par versement mensuel de 350 francs pendant 10 ans.

Par télécopie du 1er septembre 2004, Mme [N] a formé une demande de rachat de ce contrat, qu'elle n'a obtenu que le 1er février 2005 après une relance par courrier recommandé du 1er décembre 2004.

Estimant que ce retard leur a occasionné un grave préjudice Mme [E] [N] divorcée [L] et sa fille [D] [L] ont fait assigner le 17 mars 2005 la société MMA devant le Tribunal de grande instance de Créteil, qui par jugement du 12 septembre 2006 a :

- dit l'action d' [D] [L] recevable,

- rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société MMA VIE,

- débouté [D] [L] de sa demande en dommages et intérêts,

- condamne la société MMA VIE à payer à Mme [E] [N] divorcée [L] la somme de 235,02 €,

- débouté Mme [N] divorcée [L] du surplus de ses demandes,

- débouté la société MMA de ses demandes reconventionnelles,

- débouté les consorts [L] de leurs demandes en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par conclusions récapitulatives du 3 juillet 2008, les consorts [L], appelantes, requièrent l'infirmation de la décision entreprise. Excipant de la mauvaise foi de la société MMA VIE , elles soutiennent que celle-ci n'a pas respecté ses engagements, n 'a commencé à traiter le dossier de rachat que le 1er décembre 2004 alors que la demande datait du 1er septembre 2004. Elles estiment que le lien de causalité certain et direct entre le retard de trois mois dans le versement du rachat et les préjudices invoqués est prouvé, qu'elles justifient de leurs préjudices, que la résistance abusive de la société MMA VIE à payer le rachat du contrat a empêché l'inscription de Melle [L] au CNED pour l'année scolaire 2004/2005. Elles réclament la condamnation de cette société à payer les sommes suivantes :

- 150 € au titre des frais exposés pour obtenir le paiement du rachat,

- 10.337,84 € et 20.000 € représentant le préjudice financier et moral de Mme [N],

- 30.000 € pour les préjudices de [D] [L],

- 5.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elles souhaitent le rejet des prétentions de la société MMA VIE.

Par conclusions récapitulatives du 12 avril 2010, la société MMA, intimée formant appel incident, poursuit la confirmation du jugement querellé. Elle fait valoir que les consorts [L] ne démontrent pas le lien de causalité entre le retard de paiement de l'indemnité d'assurance et les dommages invoqués. Elles demandent la confirmation de la décision en ce qu'elle l'a condamnée à régler la somme de 235,02 € à Mme [N] au titre du retard et a débouté Mme et Melle [L] de toutes autres demandes. Elle souhaite l'allocation d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR:

Considérant que la société MMA admet qu'en application de l'article L 132-21 du Code des assurances elle avait l'obligation de verser la valeur de rachat du contrat 'MDM Réussite' dans le délai de deux mois qui suit la date de réception de la demande formelle de rachat ;

Qu'il est également expressément prévu à l'article 311 dudit contrat que 'A tout moment, sur simple demande, le souscripteur peut percevoir tout (RACHAT TOTAL) ou partie(RACHAT PARTIEL) de la valeur de rachat' ;

Qu'il n'est pas contesté que la demande de rachat formée le 1er septembre 2004 par Mme [L] n'a été satisfaite par l'assureur que le 31 janvier 2005 soit avec un retard de trois mois ;

Qu'à juste titre les premiers juges ont fait application de la sanction prévue, dans cette hypothèse, à l'article L 132-21 du Code des assurances relative à l'application d'intérêts sur les sommes non versées au taux légal majoré de moitié durant deux mois et à l'expiration du délai de deux mois au double du taux légal, soit une somme de 235,02 € ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant que [D] [L] prétend que le retard dans le versement du rachat l'a empêchée de s'inscrire au CNED, qu'elle a perdu une année scolaire, qu'elle s'est retrouvée sans ressources, ne pouvant prétendre ni au RMI ni aux allocations chômage, de sorte que la suite de sa carrière s'en trouve compromise ;

Qu'il résulte des pièces versées aux débats que Mme [L] a été victime en février 2004 d'une embolie pulmonaire, qu'en juin elle était toujours hospitalisée, que l'aide d'une tierce personne pour le retour à domicile lui a été refusée au motif qu'elle vivait avec sa fille [D] alors âgée de 19 ans, de sorte que cette dernière a pris la décision pour pouvoir soigner sa mère lors de son retour à domicile de poursuivre ses études par correspondance; que par conséquent Mme [L] n'a pu commencer les démarches d'inscription pour sa fille qu'à son retour à son domicile; que dans sa première réclamation à l'assureur datée du 1er septembre 2004 elle informe ce dernier de l'urgence pour elle de disposer des fonds pour 'pouvoir financer les études de ma fille qui souhaite s'inscrire au CNED pour passer un bac professionnel';qu'eu égard à la gravité de son état de santé, il ne peut sérieusement lui être fait grief de n'avoir pas voulu recevoir à son domicile le préposé de la société MMA, lequel n'apporte pas la preuve qu'il lui a adressé des formulaires à remplir ;

Que par ailleurs Mme [L] démontre, contrairement aux simples allégations de l'assureur, que compte tenu de l'extrême modicité de ses ressources, (perception d'une allocation d'adulte handicapée de 305,11 € par mois) elle ne pouvait pas faire face aux frais de scolarité de sa fille qui comprenaient non seulement les frais d'inscription (229€) mais également le coût des ateliers d'apprentissage, des livres et du matériel pour une somme d'environ 700 €; que c'est la raison pour laquelle elle avait sollicité le rachat de son contrat; que de même le travail d'été effectué par [D] (42 heures de travail pour une rémunération de 296 €) n'aurait pas suffit à régler lesdits frais;

Que Mme [L] a également tenté à plusieurs reprises d'inscrire sa fille, contrairement à ce que soutient l'assureur, mais que par lettre du 30 novembre 2004 le CNED lui a répondu qu'à défaut du règlement des frais d'inscription, il ne pouvait plus accéder à sa demande, qu'il l'invitait à re déposer un nouveau dossier d'inscription à la rentrée de septembre 2005, qu'il l'informait que la jeune fille ne pourra plus prétendre aux tarifs préférentiels A2 et continuer à bénéficier des bourses d'état et d'apprentissage, en ayant interrompu sa scolarité depuis plus d'un an ;

Qu'il est encore établi par cette correspondance , contrairement à ce qu'affirme la société MMA, que si Mme [L] avait reçu les fonds de son contrat 'MDM Réussite 'au plus tard le 1er novembre 2004, elle aurait encore pu inscrire sa fille au CNED pour l'année scolaire 2004/ 2005 , puisque le directeur général du CNED ne fait pas du début des cours au 1er novembre 2004 un obstacle à l'inscription pour cette année scolaire mais en revanche exige le règlement des frais d'inscription, [D] ayant pu en effet rattraper un retard de cours d'un mois; que par conséquent l'assureur ne peut se prévaloir d'un retard fautif de Mme [L] à solliciter le rachat de son contrat ;

Qu'enfin l'assureur prétend que rien n'empêchait Melle [L] à la fin du mois de juin 2004 de s'inscrire à l'école publique pour l'année suivante afin de préserver ses droits ;

Mais considérant que la directrice du Lycée de [Localité 6] certifie qu'en juin 2004 l'inscription d'[D] (qui avait obtenu en 2002/2003 son BEP de comptabilité) pour la première année du bac professionnel de comptabilité, n'a pas été renouvelée du fait que sa mère était gravement souffrante et que la jeune fille avait opté pour des cours par correspondance afin de rester auprès de celle-ci; que par conséquent, il ne peut lui être imputé à faute de n'avoir pas pris en juin les dispositions nécessaires, rien ne laissant prévoir qu'elle ne pourrait pas s'inscrire au CNED en octobre ou novembre 2004 ;

Qu'il s'ensuit que les consorts [L] justifient du lien ce causalité entre la faute commise par l'assureur constituée par le retard à verser les fonds et l'impossibilité pour [D] [L] de s'inscrire au CNED ;

Que sur le préjudice résultant de cette faute, c'est à bon droit que l'assureur objecte d'une part, que l'absence de perception d'allocation chômage ou de RMI n'est pas liée au défaut de scolarisation pendant deux années mais à la circonstance que Melle [L], qui n'avait pas encore 25 ans, n'avait jamais occupé d'emploi, d'autre part, qu'il ne peut s'agir que d'une perte de chance, Melle [L] ne pouvant faire la démonstration qu'elle aurait obtenu ses examens puis immédiatement un emploi dans la vie active ;

Qu'en revanche, Melle [L] apporte la preuve que n'ayant pu s'inscrire pour l'année scolaire 2003/2004, elle a perdu définitivement le bénéfice de la bourse d'état ou d'apprentissage , selon la correspondance émanant de l'inspection académique en date du 20 décembre 2004, sans toutefois qu'il soit précisé si elle pouvait obtenir le bénéfice des deux ;

Que son préjudice sera estimé par la Cour à la somme de 7 000 € ;

Considérant que la demande de Mme [L] relative à l'absence de bourses fait double emploi avec elle réclamée par sa fille au même titre; qu'elle n'est pas davantage fondée à solliciter le remboursement de frais qu'elle n'a pas été amenée en définitive à avancer pour la scolarité de sa fille;

Qu'en revanche, Mme [L] a perdu pour un an l'allocation de soutien familial d'un montant de 79,17 €, à défaut de production d'un certificat de scolarité en 2003/2004; qu'elle a engagé des frais de lettres recommandées pour obtenir le paiement du rachat de son contrat et que le préjudice résultant de l'inquiétude pour le retard de l'avenir professionnel de sa fille sera évalué par la Cour à la somme globale de 2.000 € ;que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Considérant que l'équité commande d'allouer aux consorts [L] une indemnité de 4.000 € pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS:

Infirme le jugement dont appel sauf en ce qu'il a dit recevable l'action de Melle [L], en ce qu'il a condamné la société MMA à verser à Mme [L] la somme de 235,02 € et débouté la société MMA de sa demande reconventionnelle , condamné cette dernière aux dépens

Statuant à nouveau,

Dit que la société MMA a commis une faute en lien de causalité avec le préjudice des consorts [L],

Condamne la société MMA à payer à Mme [L] la somme de 2.000 € et à Melle [L] la somme de 7.000 € à titre de dommages et intérêts,

Condamne la société MMA à verser aux consorts [L] la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société MMA aux dépens d'appel , qui seront recouvrés en application de la loi sur l'aide juridictionnelle.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 08/13250
Date de la décision : 22/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°08/13250 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-22;08.13250 ?
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