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15/06/2010 | FRANCE | N°08/10263

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 15 juin 2010, 08/10263


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 15 JUIN 2010



(n° , 6 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 08/10263



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/02185









APPELANTE





S.A. CARDIF ASSURANCE VIE agissant poursuites et dilige

nces en la personne de son Directeur Général et tous Représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représenté par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoué

Assisté de Me Bruno QUINT, avocat de la SCP GRANRUT



...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRET DU 15 JUIN 2010

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/10263

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/02185

APPELANTE

S.A. CARDIF ASSURANCE VIE agissant poursuites et diligences en la personne de son Directeur Général et tous Représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoué

Assisté de Me Bruno QUINT, avocat de la SCP GRANRUT

INTIMES

Monsieur [D] [G]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Madame [U] [W]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoué

Assisté de Me Maylis VIZIOZ GIROUX, avocat

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRESIDENT : Madame Sabine GARBAN

CONSEILLERS : Mme Janick TOUZERY-CHAMPION et Mme Sylvie NEROT

GREFFIER

Dominique BONHOMME-AUCLERE

DEBATS

A l'audience publique du 10.05.2010

Rapport fait par Mme [H] [R] en application de l'article 785 du CPC

ARRET

Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Mme S. GARBAN, président, et par D. BONHOMME-AUCLERE, greffier

***********************

Le 21 décembre 1999, M.[G] a souscrit, par l'intermédiaire de la société UBS France, un contrat individuel d'assurance vie, dénommé 'UBS Selection Vie', à versements libres libellé en unités de compte d'une durée de 30 ans auprès de la société CARDIF Assurance Vie, en investissant une somme de 1.143.367,63 € , complétée le 6 juillet 2000 par un autre versement de 48.393 €, sommes réparties sur plusieurs fonds monétaires, obligataires et en actions.

Le 22 décembre 1999, Mme [W] a souscrit le même contrat moyennant un versement de 990.918, 61 € réparti sur les mêmes supports, ainsi qu'un contrat de capitalisation à versements libres libellé en unités de compte, dénommé 'UBS Selection CAPI' en y déposant une somme de 990.918,61 €.

Le 17 janvier 2000, M. [G] et Mme [W] ont chacun conclu avec la société UBS un contrat dit de'procuration d'arbitrage' par lequel celle-ci se faisait consentir un mandat d'effectuer en leur nom et pour leur compte 'selon l'orientation de gestion choisie parmi les options figurant en annexe 1 la répartition des actifs gérés entre les différents supports éligibles au contrat 'pour chacun des contrats souscrits auprès de la société CARDIF;le profil de gestion choisi par les mandants était un profil équilibré, placé à hauteur de 10 % sur le marché monétaire, 45 % en obligations et 45 % en actions.

Le 4 décembre 2000, la valeur des trois contrats souscrits 'UBS SelectionVie' et 'UBS Sélection Capi' a été transférée par la société UBS sur un Fonds Commun de Placement crée par la banque sous la dénomination 'Michel Ange'.

Devant le mécontentement de M.[G] et de Mme [W] qui s'inquiétaient de la baisse de leurs valeurs, la société UBS et ces derniers sont convenus en juin 2003 de confier à un expert amiable en la personne de M.[E] un audit des comptes gérés par cette société, lequel déposera son rapport le 11 avril 2005.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 7 avril 2005 M.[G] et Mme [W] ont chacun exercé leur faculté de renonciation pour les trois contrats qu'ils avaient souscrit, conformément aux dispositions de l'article L 132-5-1 du Code des assurances et ont demandé le remboursement de l'intégralité des sommes investies.

Par suite du refus en date du 6 juin 2005 de la société CARDIF Assurance Vie de donner suite à l'exercice de cette faculté qui estimait que M.[G] et Mme [W] avaient reçu toute l'information nécessaire lors de la souscription des contrats, ces derniers l'ont fait assigner le 13 décembre 2005 ainsi que la société UBS pour voir valider leur renonciation et obtenir réparation de leur préjudice financier du fait des manquements constatés par l'expert devant le Tribunal de grande instance de Paris, lequel par jugement du 25 mars 2008 a:

- condamné la société CARDIF Assurance Vie à verser à :

.M.[G] une somme de 1.191.760,63 € avec intérêts au taux légal majoré de moitié à compter du 8 mai 2005 jusqu'au 8 juillet 2005, puis à compter de cette date au double du taux légal,

. Mme [W] une somme de 1.981.827,22 € assortie des mêmes intérêts,

- débouté la société CARDIF Assurance Vie de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société UBS FRANCE à payer à M.[G] et Mme [W] une somme de 68.609 € à titre de dommages et intérêts,

- débouté ces derniers du surplus de leurs demandes à l'encontre de cette société,

- débouté la société UBS de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

- condamné chacune des sociétés CARDIF Assurance Vie et UBS FRANCE à payer à M.[G] et à Mme [W] chacun la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 12 avril 2010, la société CARDIF Assurance Vie, appelante, requiert l'infirmation de la décision entreprise. A titre principal, elle sollicite le rejet de toutes les prétentions de M.[G] et Mme [W]. A titre subsidiaire, excipant de la mauvaise foi de ces derniers, elle réclame leur condamnation à lui payer à titre de dommages et intérêts la différence entre les sommes à verser au titre de l'application de l'article L 132-5-1 du Code des assurances et la valeur de rachat des contrats au jour du versement.

En toute hypothèse elle souhaite l'allocation d'une indemnité de 20.000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 22 avril 2010, M.[G] et Mme [W], intimés formant appel incident, poursuivent la confirmation du jugement querellé. Ils demandent le rejet des prétentions de la société CARDIF ASSURANCE VIE et l'octroi d'une somme de 15.000 € au visa de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR:

Considérant que pour s'opposer à la faculté de renonciation exercée par M.[G] et Mme [W] , la société CARDIF ASSURANCE VIE soutient, en premier lieu, qu'elle a satisfait à son obligation précontractuelle d'information telle que visée aux articles L 132-5-1 et A 132-4 du Code des assurances, lesquels doivent être interprétés à la lumière de l'article 36 de la Directive communautaire n° 92/96 du Parlement et du Conseil du 5 novembre 2005, en remettant à ses clients un seul document intitulé 'Conditions générales valant note d'information'; qu'elle estime qu'elle n'a fait en cela que suivre l'accord des associations de consommateurs et de l'autorité de tutelle des compagnies d'assurance ;

Que cette obligation d'information est énoncée à l'article L 132-5-1 du Code des assurances, en sa rédaction antérieure à la loi du 15 décembre 2005, en ces termes:

'Toute personne physique qui a signé une proposition d'assurance ou un 'contrat' d'assurance ' a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pendant le délai de trente jours à compter du premier versement.

La proposition d'assurance ou de contrat doit comprendre un projet de lettre destiné à faciliter l'exercice de cette faculté de renonciation. Elle doit indiquer notamment pour les contrats qui en comportent les valeurs de rachat au terme de chacune des huit premières années au moins .L'entreprise d'assurance ou de capitalisation doit, en outre, remettre

contre récépissé une note d'information sur les dispositions essentielles du contrat, incluant lorsque le contrat comporte des garanties exprimées en unités de compte, les caractéristiques principales de ces unités de compte, sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation, ainsi que sur le sort de la garantie décès en cas d'exercice de cette faculté de renonciation. Le défaut de remise des documents et informations énumérés au présent alinéa entraîne de plein droit la prorogation du délai prévu au premier alinéa jusqu'au trentième jour suivant la date de remise effective de ces documents.(..)

La renonciation entraîne la restitution par l'entreprise d'assurance ou de capitalisation de l'intégralité des sommes versées par le contractant ;

Que l'emploi de la locution adverbiale 'en outre' dans l'article susmentionné signifie clairement que la notice d'information est un document qui s'ajoute à la proposition d'assurance ou au contrat; que cette dualité matérielle de documents s'inscrit dans la logique de protection de l'adhérent assimilé à un consommateur; que le contenu de ces dispositions essentielles du contrat est précisément défini par l'article A 132-4 du Code des assurances; que ce formalisme a pour but essentiel de porter à la connaissance de l'adhérent les caractéristiques essentielles du contrat, de manière à ce qu'elles apparaissent nettement aux yeux de ce dernier sans être noyées parmi des stipulations de moindre importance; qu'à raison de la technicité des contrats et de leur enjeu financier l'adhérent doit être ainsi en mesure d'apprécier l'intérêt de la proposition par rapport à ses besoins et aux produits concurrents ;

Qu'il s'ensuit que la note d'information est nécessairement distincte des conditions générales qui constituent le contrat lui-même; que confondre note d'information et conditions générales priverait le candidat à la souscription de l'information précontractuelle légalement prévue; qu'ainsi la seule remise par la société CARDIF ASSURANCE VIE de 'Conditions générales valant note d'information' ne répond pas aux exigences de l'article L 132-5-1 du Code des assurances ; que l'omission de la remise d'une notice d'information entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu au premier alinéa dudit article ;

Que cette prorogation du délai de renonciation et la restitution en cas de renonciation de l'intégralité des sommes versées par les souscripteurs sont conformes, contrairement à ce que soutient l'appelante, à la finalité de la directive communautaire qui est de veiller à garantir au preneur d'assurance le plus large accès aux produits d'assurance en lui assurant les informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins;

Que la violation de la société CARDIF ASSURANCE VIE tirée de l'absence de la remise de la notice d'information conduit appliquer la sanction prévue, sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens invoqués relatifs au contenu même de l'information; que M. [G] et Mme [W] sont donc fondés à exercer leur faculté de renonciation, que le jugement sera confirmé de ce chef;

Considérant que la société CARDIF ASSURANCE VIE soulève , en second lieu, une impossibilité juridique pour les consorts [Z] de renoncer aux contrats du fait de leur modification résultant des nombreux arbitrages effectués au cours de leur exécution ;

Mais considérant que l'exercice par ces derniers de leur faculté d'arbitrage au cours de la vie de leurs contrats ne saurait s'analyser ni en une impossibilité juridique ou ni en une renonciation à se prévaloir de leur faculté de renonciation; qu'en effet, la renonciation à un droit ne se présume pas et ne pourrait résulter que d'actes non équivoques manifestant la volonté de renoncer; qu'au cas particulier la renonciation au bénéfice du formalisme protecteur et d'ordre public énoncé à l'article L 132-5-1 du Code des assurances n'était pas possible puisque ce droit n'avait pas pris naissance au moment où est intervenue la renonciation ;

Que cette faculté de renonciation ouverte de plein droit au souscripteur par l'article précité pour sanctionner le défaut de remise par l'assureur des documents visés par ce texte est totalement indépendante de l'exécution du contrat; qu'ainsi la faculté d'arbitrage, qui est un acte de gestion en l'espèce exercée par la société UBS, ne met pas fin au contrat et les arbitrages n'ont été exercés qu'antérieurement à la faculté de renoncer; que la société CARDIF ASSURANCE VIE, qui ne vise aucun texte, n'explique pas au demeurant pourquoi les actes d'arbitrages constitueraient une impossibilité juridique d'invoquer la faculté de renonciation ;

Que cette argumentation ne saurait donc être retenue;

Considérant que la société CARDIF ASSURANCE VIE se prévaut, en troisième lieu, du défaut de loyauté contractuelle de M.[G] et Mme [W] qui doit être sanctionné par l'allocation à son profit de dommages et intérêts; qu'elle fait valoir que ceux-ci tentent de lui faire supporter les conséquences de leurs décisions de gestion en détournant de sa finalité le droit de renonciation; qu'elle estime que ce droit de renonciation exercé après le délai légal de 30 jours n'est pas un droit absolu et que le juge peut en sanctionner l'exercice abusif sur le fondement de l'article 1134 du Code civil ;

Mais considérant que la société CARDIF ASSURANCE VIE ne fait que réitérer devant la Cour, sous une forme nouvelle mais sans justifications utiles, les moyens développés devant les premiers juges, qui y ont répondu après avoir exactement apprécié les éléments qui leur étaient soumis par des motifs pertinents, que la Cour adopte;

Qu'il convient seulement d'ajouter que l'exercice du droit de renonciation visé à l'article L 132-5-1 du Code des assurances, qui est un droit discrétionnaire et d'ordre public, ne saurait être sanctionné, comme le prétend l'assureur, sur le terrain de la mauvaise foi; que la loi ne fait pas de distinction entre des droits discrétionnaires, qui seraient susceptibles d'engager la responsabilité de celui qui l'invoque et des droits absolus, pour lesquels la responsabilité du titulaire ne pourrait jamais être mise en cause ;

Que le caractère discrétionnaire du droit de renonciation visant à assurer l'efficacité du mécanisme protecteur instauré par le législateur aux termes de l'article L 132-5 -1 du Code des assurances, il ne saurait être fait application de la théorie de l'abus de droit, sauf à vider ce droit de toute utilité ;

Qu'enfin, il convient de souligner que M.[G] et Mme [W] n'ont pu user de leur faculté de renonciation qu'à raison du manquement de l'assureur à son obligation précontractuelle d'information ;

Que ce moyen est par conséquent inopérant ;

Que le jugement sera confirmé en toute ses dispositions ;

Considérant qu'il sera alloué aux intimés une indemnité globale de 1.500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS:

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Ajoutant,

Condamne la société CARDIF ASSURANCE VIE à verser à M.[G] et à Mme [W] une somme globale de 1.500 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne la société CARDIF ASSURANCE VIE aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 08/10263
Date de la décision : 15/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°08/10263 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-15;08.10263 ?
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