Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 02 JUIN 2010
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/12448
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/04463
APPELANTS
1°) Monsieur [J] [M]
[Adresse 4]
[Localité 8]
2°) Monsieur [G] [M]
[Adresse 4]
[Localité 8]
3°) Madame [Y] [M] épouse [E]
[Adresse 3]
[Localité 9]
représentés par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistés de Me Béatrice WEISS-GOUT, avocat au barreau de PARIS, toque : E 989
INTIMÉS
1°) Monsieur [I] [V] [O]
[Adresse 7]
[Localité 9]
représenté par la SCP GARNIER, avoués à la Cour
Monsieur [I] [V] [O], assisté de son avoué, a présenté des observations orales à l'audience de plaidoiries conformément à l'article 441 du Code de procédure civile
2°) Madame [F] [B] [V] [O] épouse [L]
L'Etang Neuf
[Localité 5]
représenté par Me Nadine CORDEAU, avoué à la Cour
assisté de Me Gilberte PIETRI, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1763
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 12 avril 2010, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Pascal CHAUVIN, président,
Madame Isabelle LACABARATS, conseiller
Madame Dominique REYGNER, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
[C] [V] [O] et [B] [W] sont décédés respectivement les [Date décès 2] 1994 et [Date décès 6] 1999, en laissant pour leur succéder leurs trois enfants, [I], [B], épouse [M], et [F], épouse [L].
Par 'protocole d'accord transactionnel' sous seing privé conclu le 9 novembre 2001, les héritiers sont convenus de partager les biens immobiliers, représentés sous forme de trois Sci, et les biens mobiliers dépendant des successions.
M. [V] [O] et Mme [M] détenant chacun la moitié des parts de la Sci du [Adresse 4], propriétaire à Paris de divers biens immobiliers situés dans la rue du même nom, il a été ainsi prévu le retrait de M. [V] [O] de la société et le partage des biens immobiliers moyennant le versement d'une soulte par Mme [M] à M. [V] [O].
Selon le protocole, 'le partage convenu sera réitéré par acte notarié qui interviendra au plus tard le 31 décembre 2001' et 'il en ira de même du retrait de M. [V] [O] de la Sci du [Adresse 4]'.
Le 23 mai 2002, M. [V] [O] a toutefois refusé de signer le projet d'acte notarié réitératif au motif que la clause insérée dans ce projet et prévoyant la cession partielle de ses parts dans la Sci aux enfants de Mme [M], qui avait souhaité les gratifier de cette manière, constituait, selon lui, une violation du protocole du 9 novembre 2001.
Par jugement du 5 janvier 2004 ayant acquis force de chose jugée, le tribunal de grande instance de Paris, saisi du différend, a notamment :
- donné acte à Mme [M] de son accord pour que l'acte notarié à intervenir prévoie la cession pure et simple à son seul profit des parts de M. [V] [O] dans la Sci, conformément au protocole,
- fait obligation à M. [V] [O] de signer les actes de partage successoral strictement conformes au protocole.
Cependant, [B] [M] est décédée le [Date décès 1] 2004, en laissant pour lui succéder M. [J] [M], son époux, M. [G] [M] et Mme [Y] [M] épouse [E], ses deux enfants, sans avoir signé l'acte notarié.
Le 2 juillet 2004, M. [V] [O] a de nouveau refusé de signer le projet d'acte notarié réitératif, notamment parce que, selon lui, la clause insérée dans ce projet et prévoyant la cession de ses parts dans la Sci aux ayants droit de Mme [M] constituait une violation du protocole du 9 novembre 2001 conclu intuitu personae.
Par arrêt du 17 octobre 2006, cette cour a confirmé en toutes ses dispositions un jugement rendu le 30 mai 2005 par le tribunal de grande instance de Paris et ayant, pour l'essentiel :
- dit que l'assemblée générale extraordinaire tenue le 15 novembre 2004 par la Sci du [Adresse 4] est nulle au motif que M. [V] [O], qui conservait la qualité d'associé jusqu'à la date de signature de l'acte notarié, n'avait pas été convoqué,
- désigné un administrateur provisoire de la Sci.
Par jugement du 16 avril 2008, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par M. [J] [M], M. [G] [M] et Mme [Y] [E] (les consorts [M]) d'une demande d'homologation du protocole, a :
- débouté les consorts [M] de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné solidairement ceux-ci à payer à M. [V] [O] et à Mme [L] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné solidairement les consorts [M] aux dépens, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 23 juin 2008, les consorts [M] ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 29 mars 2010, ils demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le dépassement du terme convenu pour la réitération de l'acte authentique n'a pas entraîné la caducité du contrat, les parties ayant d'un commun accord décidé de reporter la date de la signature,
- infirmer le jugement déféré pour le surplus,
- statuant à nouveau,
- juger que le protocole du 9 novembre 2001 ne revêt pas de caractère intuitu personae,
- juger que ce protocole est transmissible aux héritiers de [B] [M],
- constater que le protocole s'est exécuté entre les parties,
- dire qu'il doit être réitéré par acte authentique afin d'être opposable aux tiers,
- à cet effet,
- désigner Me [D], notaire à [Localité 10], ou à défaut tout autre notaire avec mission de rédiger les actes réitératifs en vue de l'exécution des formalités de publicité du protocole du 9 novembre 2001,
- débouter M. [V] [O] et Mme [L] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum M. [V] [O] et Mme [L] à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 1er mars 2010, M. [V] [O] demande à la cour de :
- à titre principal, déclarer irrecevables les demandes formées par les consorts [M], comme étant nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile,
- à titre subsidiaire, déclarer non fondées ces demandes, comme étant contraires au principe de l'autorité de la chose jugée,
- en tout état de cause, confirmer le jugement déféré et le caractère intuitu personae du protocole du 9 novembre 2001,
- débouter les consorts [M] de l'ensemble de leurs demandes,
- les condamner in solidum à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 1er mars 2010, Mme [L] demande à la cour de :
- débouter les consorts [M] de leur appel comme étant mal fondé,
- confirmer le jugement déféré,
- à titre subsidiaire, déclarer irrecevable la demande formée par les consorts [M] et tendant à voir 'dire que le protocole devra être réitéré par acte authentique afin d'être opposable aux tiers', conformément à l'article 564 du code de procédure civile,
- en toute hypothèse, condamner solidairement les consorts [M] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les consorts [M] aux dépens, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
- sur la recevabilité :
Considérant que la demande d'homologation du protocole formée en première instance et la demande de réitération du protocole par acte authentique formulée en appel tendent aux mêmes fins, dès lors qu'elles visent l'une et l'autre à voir assurer l'exécution du protocole qui a été accepté par l'ensemble des héritiers et dont la réitération par acte notarié ne constitue pas une condition de sa validité ; que les demandes formées par les consorts [M] sont par conséquent recevables en application de l'article 565 du code de procédure civile ;
- sur le fond :
Considérant que, pour s'opposer à la signature de l'acte notarié réitératif, M. [V] [O] prétend que le protocole du 9 novembre 2001 a revêtu un caractère intuitu personae qui fait obstacle à sa transmission aux ayants droit de [B] [M] ;
Considérant cependant que l'examen du protocole ne fait apparaître, ni d'une manière générale, ni au titre de ses conditions particulières, ni au titre de la clause relative au retrait de M. [V] [O] de la Sci du [Adresse 4], que celui-ci ait entendu faire de la cession de ses parts à [B] [M] seule et non aux ayants droit de celle-ci une condition même de son engagement ;
Considérant que M. [V] [O] ne peut valablement exciper de l'autorité de la chose jugée le 5 janvier 2004, dès lors que le tribunal, qui n'a aucunement retenu le caractère intuitu personae du protocole, s'est borné à donner acte à [B] [M] de son accord pour que l'acte notarié à intervenir prévoie la cession pure et simple à son seul profit des parts de M. [V] [O] dans la Sci, conformément au protocole, celle-ci ayant manifestement agi dans le souci de mettre fin au différend qui l'opposait à son frère ;
Que M. [V] [O] ne peut davantage utilement se prévaloir de l'autorité de la chose jugée les 30 mai 2005 et 17 octobre 2006, dès lors qu'à aucun moment les juridictions saisies n'ont décidé que le protocole avait été conclu intuitu personae ; qu'étant rappelé que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans le dispositif de la décision, il y a lieu de relever que cette cour a seulement énoncé, dans les motifs de son arrêt, que, dans son jugement du 5 janvier 2004, le tribunal avait 'donné acte de l'accord de [B] [M] sur le caractère personnel de la cession' ;
Considérant que, dans ces conditions, indépendamment même de la question de savoir si l'acte du 9 novembre 2001 a déjà été exécuté partiellement, il y a lieu de décider qu'en l'absence d'intuitus personae, les obligations nées du protocole étaient transmissibles aux ayants droit de [B] [M], de sorte que les consorts [M] sont fondés à poursuivre la réitération du protocole par acte notarié dans les termes mêmes de l'accord transactionnel ;
Qu'en conséquence, infirmant le jugement déféré, il y a lieu d'ordonner la réitération, par acte notarié auxquels seront parties M. [I] [V] [O], Mme [F] [L], M. [J] [M], M. [G] [M] et Mme [Y] [E], du protocole d'accord transactionnel sous seing privé conclu le 9 novembre 2001, suivant les modalités prévues au dispositif ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare recevables les demandes formées par les consorts [M],
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Ordonne la réitération, par acte notarié auxquels seront parties M. [I] [V] [O], Mme [F] [L], M. [J] [M], M. [G] [M] et Mme [Y] [M] épouse [E], du protocole d'accord transactionnel sous seing privé conclu le 9 novembre 2001, dans les termes mêmes de ce protocole,
Dit que l'acte devra intervenir dans les trois mois de la signification du présent arrêt,
Désigne à cet effet Me [D], notaire à [Localité 10],
En cas de refus de M. [V] [O] de signer l'acte notarié conforme au protocole, prononce à son encontre une astreinte provisoire de 500 euros par jour à compter du jour de ce refus, pendant un délai de trois mois, et dit que, passé ce délai, il pourra être prononcé une nouvelle astreinte à la requête de la partie la plus diligente,
Se réserve expressément le pouvoir de liquider l'astreinte,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [V] [O] à payer aux consorts [M] la somme de 8 000 euros et rejette toutes les autres demandes,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne in solidum M. [V] [O] et Mme [L] aux dépens,
Accorde à la Scp Fisselier Chiloux Boulay, avoué, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,