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02/06/2010 | FRANCE | N°08/11459

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 02 juin 2010, 08/11459


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 02 JUIN 2010



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/11459



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/12774





APPELANT





Monsieur [Z] [B]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 7])


>représenté par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour

assisté de Me Stéphanie ROGER de la SCP GLBS avocats associés, avocat au barreau de TOURS





INTIMÉES





1°) Madame [N] [F]

[Adresse 3]

[Localité 4]



2...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 02 JUIN 2010

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/11459

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/12774

APPELANT

Monsieur [Z] [B]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 7])

représenté par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour

assisté de Me Stéphanie ROGER de la SCP GLBS avocats associés, avocat au barreau de TOURS

INTIMÉES

1°) Madame [N] [F]

[Adresse 3]

[Localité 4]

2°) SNC [N] [F]

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 6]

[Localité 5]

représentées par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour

assistées Me ROUCH de la SCPA ROUCH & associés, avocats au barreau de PARIS

toque : P335

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 12 avril 2010, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Pascal CHAUVIN, président,

Madame Isabelle LACABARATS, conseiller

Madame Dominique REYGNER, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

[L] [B], né le [Date naissance 1] 1925, est décédé le [Date décès 2] 2006, en laissant pour lui succéder son fils unique, [Z] [B].

Madame [N] [F], qui entretenait une liaison avec [L] [B] depuis 1988, exploite une officine de pharmacie au travers d'une société, la SNC [N] [F], dont elle est associé-gérant, et dans laquelle [L] [B] était titulaire d'un compte courant.

[L] [B] avait versé, en avril 2003, une somme de 200 000 euros sur un contrat d'assurance-vie souscrit auprès du GIE Afer, dont Madame [F] était la première bénéficiaire.

Par acte d'huissier du 18 juillet 2006, Monsieur [Z] [B] a assigné Madame [N] [F] et la SNC [N] [F] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir la condamnation de la SNC à lui payer le montant du compte courant créditeur de [L] [B], la nullité du versement par ce dernier de la prime de 200 000 euros sur son contrat d'assurance-vie, le remboursement de cette somme par Madame [F], bénéficiaire du contrat, et à titre subsidiaire, la réduction, en application de l'article 922 du code civil, des sommes devant revenir à celle-ci et sa condamnation à lui restituer 185 000 euros.

Par jugement rendu le 20 mars 2008, le tribunal a :

- révoqué l'ordonnance de clôture du 8 novembre 2007,

- déclaré recevables les écritures postérieures,

- déclaré mal fondée la demande formée à l'encontre de la SNC [N] [F],

- rejeté la demande de nullité du versement de 200 000 euros effectué sur le contrat d'assurance-vie Afer de [L] [B],

- dit que cette prime est manifestement exagérée à hauteur de 50 000 euros,

- condamné Madame [F] à payer cette somme au demandeur avec intérêts au taux légal à compter de la demande ainsi qu'aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté toutes autres demandes.

Monsieur [B] a relevé appel de ce jugement le 11 juin 2008.

Dans ses dernières conclusions, du 19 mars 2010, il demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

- condamner la SNC [N] [F] à lui payer la somme principale de 209 769,85 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamner Madame [F] à lui payer la somme principale de 241 336,74 euros avec intérêts de droit à compter de l'assignation, à titre principal, au regard de l'insanité d'esprit de [L] [B] et par suite de l'erreur commise par ce dernier lors du versement de cette somme auprès de la Compagnie Afer, et à titre subsidiaire, par application de l'article L. 132-13, alinéa 2, du code des assurances,

- condamner la SNC [N] [F] et Madame [F] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de leurs uniques conclusions, du 23 janvier 2009, la SNC [N] [F] et Madame [F] prient en substance la cour de :

- sur les demandes formées contre la SNC [N] [F], confimer le jugement entrepris,

- sur les demandes formées contre Madame [F], confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du versement de 200 000 euros effectué sur le contrat d'assurance-vie Afer de [L] [B] mais le réformer en ce qu'il a dit que cette prime était manifestement exagérée à hauteur de 50 000 euros et condamné Madame [F] à payer cette somme à Monsieur [B],

- débouter Monsieur [B] de toute demande à ce titre,

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté toutes autres demandes et condamner Monsieur [B] à payer à Madame [F] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- le condamner à payer à Madame [F] et à la SNC [N] [F] la somme de 7 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande à l'encontre de la SNC [N] [F]

Considérant qu'il est établi par les pièces produites, et au demeurant non contesté, que [L] [B] avait fait des apports personnels à la SNC [N] [F] et était à ce titre titulaire d'un compte courant dans les livres de la société, qui présentait au 26 mai 1997 un solde créditeur de 1 373 000 francs, soit 209 312,50 euros, et figurait toujours au bilan de la SNC arrêté au 31 août 2000 ;

Considérant que Monsieur [B] expose que cette créance n'a jamais été remboursée ;

Que Madame [F] et la SNC [N] [F] prétendent que la créance de [L] [B] a été régulièrement soldée le 31 août 2001, sur ordre de l'intéressé à Monsieur [G] [U], directeur comptable du Cabinet Fiduciaire RICHARD qui a établi le bilan clos à cette date ;

Mais considérant que les intimées, auxquelles il incombe de prouver l'extinction de la créance de [L] [B], ne produisent au soutien de leurs allégations que l'attestation de Monsieur [U], lequel déclare qu'ayant participé à l'arrêté du bilan de la SNC [N] [F] clos au 31 août 2001, il a eu un entretien téléphonique avec [L] [B], à une date qui n'est pas précisée, au cours duquel celui-ci lui a indiqué que le compte 'créditeurs divers', d'un montant de 1 373 000 francs, n'avait pas lieu d'exister et qu'il fallait le solder par le compte courant de Madame [F], s'agissant d'une mauvaise affectation du précédent cabinet comptable ;

Que contrairement à ce qu'elles soutiennent, cette attestation, contenant déclarations d'un tiers, ne vaut pas preuve jusqu'à inscription de faux, la cour devant apprécier souverainement la valeur probante et la portée des faits qui y sont relatés ;

Or considérant que Monsieur [U] ne pouvait se contenter d'un simple appel téléphonique de [L] [B], âgé et souffrant d'une maladie de Parkinson évoluée, dont il a pu mal comprendre ou interpréter la volonté, pour supprimer sans vérification complémentaire ni instruction écrite une créance d'un montant aussi élevé du bilan de la SNC [N] [F] ;

Que son attestation ne peut donc à elle seule valoir preuve de l'extinction de la dette, extinction dont la cause est ignorée et en tout état de cause non établie ;

Considérant en effet qu'il ressort des pièces versées aux débats que [L] [B], qui dans un premier testament du 16 juin 1997 avait légué à titre particulier à Madame [F] le montant de sa créance sur la SNC [N] [F] pour un montant de 1 373 000 francs, a révoqué ces dispositions dans un second testament du 9 janvier 1998 ;

Que par ailleurs, à l'époque de l'établissement du bilan arrêté au 31 août 2001, il avait demandé à Maître [R], notaire, de préparer un projet d'acte contenant reconnaissance de dette à son profit pour la somme de 1 373 000 francs, ainsi qu'il résulte d'une lettre de ce notaire du 31 août 2001 ;

Qu'enfin, dans une lettre datée du 15 avril 2002 en réponse à une lettre de Madame [F] du 8 avril 2002 (et non 8 août 2002 comme le prétendent les intimées), postérieure à l'établissement du bilan dont s'agit, [L] [B] vise expressément les conditions de remboursement de l'avance d'argent consentie à la SNC [N] [F] et précise qu'il n'a jamais eu connaissance de ce que Madame [F] aurait cherché à mettre au point un 'échéancier raisonnable' de remboursement, celle-ci ayant au contraire refusé d'établir par écrit cette reconnaissance, ce dont il se déduit qu'à cette date, il se considérait toujours créancier de la SNC [N] [F] ;

Considérant que ces éléments concordants excluent toute renonciation tacite de [L] [B] à sa créance, eu égard aux conditions particulièrement équivoques des instructions prétendument données à Monsieur [U], comme une affectation erronée de la créance de [L] [B] dans les comptes de la SNC [N] [F] dont fait état Monsieur [U], de même que l'existence d'un apurement de comptes entre les parties évoqué par les intimées, qui prétendent, sans en justifier, que le couple [B]/[F] aurait vécu sur les fonds de la pharmacie, dont [L] [B] aurait pris en charge la direction administrative et financière ;

Considérant que Monsieur [B] est dès lors fondé à en demander le paiement à la SNC [N] [F] ;

Que le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef ;

Sur la demande à l'encontre de Madame [F]

Considérant qu'il résulte des pièces produites que, courant 2001, [L] [B] a vendu l'appartement dont il était propriétaire moyennant le prix de 230 00 euros ; que le 28 février 2003, il a versé la somme de 235 000 euros sur un contrat d'assurance-vie de la SOGECAP dont son fils était bénéficiaire, puis, le 17 avril 2003, a transféré la somme de 200 000 euros sur un contrat d'assurance-vie souscrit auprès de l'Afer en 1994 et dont Madame [F] était bénéficiaire ;

Considérant que Monsieur [B] soutient que, lorsqu'il a effectué ce versement, le consentement de son père était vicié pour insanité d'esprit et, subsidiairement, en raison de l'erreur qu'il a commise sur l'identité du bénéficiaire de son contrat d'assurance-vie, alors qu'il n'avait pas l'intention de consentir une libéralité à Madame [F], toutes allégations que l'intimée conteste ;

Mais considérant que Monsieur [B] ne fait que réitérer au soutien de son appel, sans justification complémentaire utile, les moyens développés devant les premiers juges, qui y répondu par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau de la simple argumentation ;

Considérant qu'il suffit de relever que la mise sous curatelle renforcée, le 7 juin 2005, de [L] [B], qui souffrait d'une maladie de Parkinson évoluant depuis 1984, n'établit pas en elle-même l'insanité d'esprit de l'intéressé en avril 2003, que les documents médicaux versés aux débats, dont aucun n'est concomitant au versement querellé, font certes état d'hallucinations en rapport avec le traitement administré à ce patient mais passagères et médicalement prises en charge, et que les attestations respectivement produites par les parties, émanant de membres de la famille, amis et connaissances, se contredisent mutuellement et n'apportent pas d'élément véritablement probant sur l'état psychique réel de [L] [B] à la date à laquelle il a versé 200 000 euros sur son contrat d'assurance-vie Afer, celui-ci alternant manifestement moments de parfaite lucidité et épisodes hallucinatoires ;

Que, surtout, [L] [B] n'a pas procédé à cette opération de son propre chef ou à l'instigation de Madame [F], mais sur les conseils d'un professionnel en gestion de patrimoine, Monsieur [S] [C], rencontré par l'intermédiaire de l'Office National de Prévoyance qu'il avait lui-même contacté ; que Monsieur [C], dans un courrier électronique du 26 mars 2003 adressé à Monsieur [Z] [B], lui parlant de son père, écrivait 's'il est diminué physiquement, il a toute sa tête.....et m'a même surpris par sa rapidité d'esprit' ;

Que force est dès lors de constater que l'appelant ne démontre pas que son père n'était plus sain d'esprit lorsqu'il a versé la somme de 200 000 euros sur son contrat d'assurance-vie Afer ni de ce qu'il a commis une erreur viciant son consentement sur l'identité du premier bénéficiaire de ce contrat ;

Considérant, sur les dispositions de l'article L. 132-13 du code des assurances dont Monsieur [B] demande subsidiairement l'application, déniée par Madame [F], qu'il convient de rappeler qu'aux termes de cet article 'le capital ou la rente payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumises ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant' ; que 'ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés' ;

Que le caractère manifestement exagéré des primes s'apprécie au moment de leur versement, au regard de l'âge, ainsi que de la situation patrimoniale et familiale du souscripteur ;

Qu'en l'espèce, il ressort des éléments versés aux débats, et notamment des renseignement fournis par la lettre de Monsieur [C] du 26 mars 2003, concomitant au versement de la prime en litige, et de la déclaration de succession, que [L] [B], âgé à l'époque de près de 78 ans et atteint d'une maladie grave et évolutive depuis de nombreuses années, avait dû être placé en maison de retraite médicalisée en 2002 ;

Qu'il n'avait qu'un enfant, Monsieur [Z] [B], avec lequel il entretenait des relations assez distendues, celui-ci vivant aux Etats-Unis ;

Que ses ressources mensuelles s'élevaient à environ 4 800 euros par mois, absorbées en quasi-totalité par son 'loyer', ses impôts et la pension versée à la mère de son fils ;

Qu'il n'avait pas d'autre patrimoine que l'appartement vendu en 2001, dont le prix avait été placé sur des contrats d'assurance-vie, outre sa créance sur la SNC [N] [F] reconnue par la cour mais dont il ne pouvait à l'époque disposer ; qu'à son décès, les différents comptes dont il était titulaire présentaient toutefois un solde créditeur de plus de 45 000 euros ;

Considérant qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que le tribunal a estimé que la prime de 200 000 euros versée sur le contrat d'assurance-vie Afer était manifestement exagérée au regard des facultés du souscripteur à hauteur de 50 000 euros, et, en conséquence, a condamné Madame [F] à verser cette somme à Monsieur [B], avec intérêts au taux légal à compter de la demande ;

Considérant qu'il convient ainsi de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions concernant l'assurance-vie ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Considérant que Monsieur [B] étant partiellement fondé en son appel, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par Madame [F] ne peut prospérer.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré mal fondée la demande de Monsieur [Z] [B] à l'encontre de la SNC [N] [F],

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la SNC [N] [F] à payer à Monsieur [B] la somme de 209 312,50 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 18 juillet 2006,

Confirme le jugement pour le surplus,

Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [F] et la SNC [N] [F] aux dépens d'appel,

Accorde à la SCP d'avoué LAGOURGUE-OLIVIER le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 08/11459
Date de la décision : 02/06/2010

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°08/11459 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-02;08.11459 ?
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