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27/05/2010 | FRANCE | N°09/05494

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 27 mai 2010, 09/05494


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 27 mai 2010

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05494 - MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de SENS section industrie RG n° 07/00287



APPELANT



1° - Monsieur [P] [L] [F] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Marie-Pierre GUIGNY, avocat au barreau d'AUX

ERRE



INTIMEE



2° - SAS ATELIERS DE [Localité 2]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Espanita ORTEGA, avocat au barreau de SENS



COMPOSITION DE LA COUR :



En app...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 27 mai 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05494 - MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de SENS section industrie RG n° 07/00287

APPELANT

1° - Monsieur [P] [L] [F] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Marie-Pierre GUIGNY, avocat au barreau d'AUXERRE

INTIMEE

2° - SAS ATELIERS DE [Localité 2]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Espanita ORTEGA, avocat au barreau de SENS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Février 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente

Mme Irène LEBE, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Irène LEBE, Conseillère, par suite d'un empêchement de la présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LES FAITS :

M. [P] [U] a été engagé le 20 mars 1980 en qualité d'opérateur essieux niveau II, suivant contrat à durée indéterminée, par la SAS Les Ateliers de [Localité 2].

Le 26 avril 2006, il s'est trouvé placé en arrêt maladie à la suite d'un lumbago.

Au mois de juillet 2007 le médecin de la CPAM a sollicité un examen de pré- reprise.

Le 6 septembre 2007 à l'issue d'une première visite M. [P] [U] a été déclaré inapte à son poste de travail, le médecin du travail précisant «à revoir dans 15 jours».

À l'issue d'une seconde visite, le 21 septembre 2007, alors que le salarié était toujours en arrêt maladie, il a été déclaré inapte à son poste ainsi qu'à un travail nécessitant toute manutention, flexion ou rotation. Le médecin du travail l'a en revanche déclaré apte à un poste à mi-temps de gardiennage, organisationnel, standard ou administratif.

Le 10 octobre 2007 M. [P] [U] a été convoqué à un entretien préalable à la suite duquel un licenciement pour inaptitude physique lui a été notifié le 24 octobre 2007 l'employeur disant ne pouvoir le reclasser au sein de l'entreprise.

Invoquant la nullité de son licenciement et subsidiairement son caractère sans cause réelle et sérieuse, M. [P] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Sens pour obtenir une indemnité de 50.000 €, ainsi qu'une indemnité de préavis et des rappels de salaire. Par jugement du 5 mars 2009, le conseil de prud'hommes de Sens, section industrie, jugeant que la période de suspension du contrat de travail avait pris fin, peu important que le salarié ait continué à bénéficier d'arrêt de travail de son médecin traitant, lors de la visite du 6 septembre 2007, qualifiée de «visite de reprise» par le médecin du travail, et rappelant qu'après la seconde visite de reprise une réunion extraordinaire du CHSCT avait conclu, le 15 octobre 2007, à l'impossibilité de reclasser l'intéressé, a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes.

M. [P] [U] a régulièrement formé le présent appel contre cette décision. Il soutient tout d'abord que son licenciement est nul les visites médicales des 6 et 21 septembre 2007 ayant eu lieu alors qu'il était encore en arrêt de travail, ceci en infraction aux dispositions de l'article R.4624-23 et R4624-31 du code du travail.

M. [P] [U] soutient subsidiairement que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'employeur ayant agi précipitamment et n'ayant pas satisfait correctement à son obligation de recherche de reclassement, le seul avis conforme du CHSCT étant insuffisant pour justifier de l'absence de possibilité de reclassement, alors surtout que le médecin du travail mentionnait des possibilités de reconversion sur un autre type de poste.

En conséquence, M. [P] [U] demande à la cour d'infirmer la décision des premiers juges, de dire son licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la SAS Les Ateliers de [Localité 2] à lui payer les sommes suivantes :

- 50.000 € de dommages et intérêts,

- 3.340,68 € d'indemnité de préavis,

- 279,05 € d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

' 1.010,06 € à titre de rappel de salaire.

Il demande que l'employeur soit condamné à lui remettre sous astreinte de 50 € par jour de retard des bulletins de paie rectifiée le mois de mai à décembre 2006, un certificat de travail et une attestation ASSEDIC conformes à la décision à intervenir.

Il sollicite 3.000 € pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Les Ateliers de [Localité 2] résiste à cet appel en soutenant que le salarié ne rapporte pas la preuve de ce que les deux visites de septembre 2007 se seraient déroulées pendant le temps de la suspension du contrat de travail et en plaidant par ailleurs que ces deux visites, espacées de deux semaines, avaient été réalisées dans la perspective d'une reprise du travail et qu'il importait peu dès lors que le salarié ait bénéficié à ce moment de prolongation des arrêts maladie de son médecin traitant.

Subsidiairement l'employeur soutient avoir satisfait à son obligation de recherche de reclassement, indiquant que les tâches de gardiennage étaient assurées par deux sociétés sous-traitantes et que le poste de secrétaire était assuré depuis plus de 19 ans par la même personne.

L'employeur qui conteste devoir des rappels de prime d'ancienneté ainsi que des rappels de salaires conclut au débouté de M. [P] [U] pour l'ensemble de ses demandes.

L'entreprise compte plus de 11 salariés.

Le salaire brut moyen mensuel de M. [P] [U] est de 1.684,57 €.

LES MOTIFS DE LA COUR

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la nullité de la rupture du contrat de travail de M. [P] [U] :

La durée des arrêts de travail de M. [P] [U] rendait obligatoire la tenue de deux visites médicales de reprise espacées de 15 jours, après la fin de l'arrêt de travail.

Il est établi par le bulletin de salaire du mois de septembre 2007 que M. [P] [U] se trouvait encore en arrêt maladie pendant toute la durée de ce mois, ce qui n'est pas contesté par l'employeur.

M. [P] [U] soutient que les visites médicales organisées en septembre, à tout le moins celle du 6 septembre 2007, étaient des visites de pré-reprise, sollicitées par le médecin conseil de la sécurité sociale, alors que l'employeur soutient qu'il s'agissait des visites de reprise, peu important le fait que le salarié ait continué à bénéficier au-delà de ces visites d'un arrêt de travail délivré par son médecin traitant.

Or il ressort des pièces produites par les parties que le 19 juillet 2007 le médecin conseil, mentionnant le fait que le salarié allait être classé travailleur handicapé à partir du 1er septembre suivant, a adressé au médecin du travail une «demande de visite de pré- reprise», visite qui s'est précisément tenue le 6 septembre 2007 et a été suivie d'une seconde visite du 21 septembre 2007.

Il est d'autre part relevé que les deux fiches remplies par le médecin du travail intitulées «fiche d'aptitude et de visite » ne précisent pas la nature de ces visites, la case 'VR'(pour visite de reprise) n'étant pas cochée.

Il résulte de ces circonstances que ces deux visites de septembre, tenues alors que le salarié se trouvait toujours en arrêt de travail, ne sauraient s'analyser, à tout le moins en ce qui concerne la première visite du 6 septembre, qui répondait à la demande du médecin de la sécurité sociale du 19 juillet, comme des visites de reprise. Il importe peu à cet égard, que dans un courrier à l'employeur du 6 septembre 2007 le service de santé parle de«visite de reprise de ce jour » et que ces deux visites aient été espacées de 15 jours et portent chacune, une « conclusion» d'inaptitude au poste de l'intéressé, la seconde fiche décrivant en revanche les postes qu'il serait apte à assurer.

La visite de pré-reprise du 6 septembre 2007, devait, conformément aux dispositions de l'article R.4624-23 du code du travail, être suivie d'une nouvelle sollicitation de l'avis du médecin du travail 'lors de la reprise effective du travail' et être suivie de deux visites de reprise. Tel n'a pas été le cas.

En conséquence, le licenciement pour inaptitude de M. [P] [U] est intervenu alors que les deux visites de reprise exigées par les dispositions du code du travail, article R.4624-31 du code du travail, n'avaient pas eu lieu.

Ce licenciement était donc nul, et la réintégration de l'intéressé, compliquée par l'avis d'inaptitude, n'étant ni sollicitée, ni suggérée par les parties, il ouvre droit à l'allocation de dommages et intérêts dont le montant sera fixé par référence aux dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail.

La cour relève par ailleurs que l'employeur, s'il a mentionné dans la lettre de licenciement les recherches relatives au reclassement de l'intéressé qu'il dit avoir effectuées, n'en justifie que par des attestations de la responsable des ressources humaines et du directeur de production datées, seulement, du 4 février 2010, qui ne font par ailleurs état d'aucune recherche d'aménagement de poste, alors que l'entreprise compte un personnel d'environ 200 personnes, ce qui n'a pas été contesté. De même, c'est à juste titre, M. [P] [U] relève que, étant apte à un poste de gardiennage, l'employeur aurait dû rechercher la possibilité de modifier la convention en cours avec les entreprises sous-traitantes assurant cette fonction, de manière à tenter de dégager un tel poste à son profit. Aussi, même valide, ce licenciement aurait été dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté de 27 ans dans son emploi du salarié, de son âge de 55 ans et lors du licenciement et du préjudice qu'il établit avoir subi à la suite de celui-ci, n'ayant pas retrouvé d'emploi, ce qui aura nécessairement une incidence sur le montant de sa retraite, la cour fera droit à la demande de dommages et intérêts pour le montant sollicité de 50.000 €.

Sur les autres demandes du salarié :

Ce licenciement ouvre droit pour M. [P] [U] à une indemnité compensatrice de préavis équivalant à deux mois de salaire, congés payés en sus. La cour lui accordera en conséquence les sommes sollicitées, justifiées et non contestées dans leur quantum.

De mai à août 2006, M. [P] [U], absent, n'a pas reçu de prime d'ancienneté qui pourtant aux termes des dispositions conventionnelles applicables s'ajoute au salaire réel de l'intéressé.

L'employeur, qui le reconnaît, invoque à tort les dispositions de l'article 51 de la convention collective de la métallurgie de l'Yonne.

En effet, si ces dispositions prévoient que la prime d'ancienneté varie avec l'horaire de travail et supporte le cas échéant les majorations pour heures supplémentaires, elles ne prévoient pas la réduction ou la disparition de cette prime en cas d'absence.

Il sera donc fait droit à la demande du salarié pour le montant sollicité de 380,06 € brut.

En ce qui concerne le rappel de salaire d'octobre 2006 sollicité pour un montant de 262,69 €, il résulte d'un courrier de l'employeur adressé au salarié le 13 décembre 2006 que du 26 août 2006 et jusqu'au 13 novembre 2006 il maintiendrait son salaire à 75%.

Aussi, le salaire net d'octobre n'était-il que de 887,31 €, étant amputé de 35 heures correspondant aux 25% qui n'étaient plus dûs par l'employeur.

Le salarié sera donc débouté de ce chef.

Quant au rappel sollicité pour un montant de 367,31 € nets concernant le 13e mois dû au titre de l'année 2006, l'employeur n'apporte aucune explication à ce sujet. La cour fera droit à cette demande qui apparaît justifiée pour le montant sollicité de 367,31 €, étant précisé qu'il s'agit d'une somme en net.

L'employeur devra remettre des bulletins de salaire et des documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision sans qu'il y ait lieu toutefois assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par M. [P] [U] et la totalité des frais de procédure qu'il a été contraint d'exposer. Il sera donc alloué une somme de 3.000 €, à ce titre pour l'ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS,

En conséquence, la Cour,

Infirme la décision du Conseil de prud'hommes sauf en ce qui concerne, le rappel de salaire du mois d'octobre 2006,

et statuant à nouveau,

Déclare nul le licenciement pour inaptitude de M. [P] [U],

Condamne la SAS Les Ateliers de [Localité 2] à lui payer :

- 50.000€, à titre d'indemnité pour licenciement nul, somme avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

- 3.348,68 € à titre d'indemnité de préavis et, dans les limites de sa demande, 279,05 € d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- 380,06 € à titre de rappel de prime d'ancienneté,

- 367,31 €, somme calculée en net, au titre de rappel de 13e mois pour l'année 2006,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes,

Ordonne à la SAS Les Ateliers de [Localité 2] de remettre à M. [P] [U] des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation ASSEDIC rectifiés, conformes à la présente décision sans qu'il y ait lieu à astreinte,

Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

Condamne la SAS Les Ateliers de [Localité 2] à régler à M. [P] [U] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure,

La condamne aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 09/05494
Date de la décision : 27/05/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°09/05494 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-27;09.05494 ?
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