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27/05/2010 | FRANCE | N°07/07756

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 27 mai 2010, 07/07756


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 27 Mai 2010

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/07756 - MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Septembre 2007 par le conseil de prud'hommes de MEAUX section commerce RG n° 05/00842



APPELANTE



1° - SAS ALTEAD FRANCE LEVAGE

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Bernard PARADIS, avocat au barreau d

e HAUTS DE SEINE, toque : PN 373



INTIME



2° - Monsieur [R] [X] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Jack NUZUM, avocat au barreau de VERSAILLES



COMPOSITION DE ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 27 Mai 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/07756 - MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Septembre 2007 par le conseil de prud'hommes de MEAUX section commerce RG n° 05/00842

APPELANTE

1° - SAS ALTEAD FRANCE LEVAGE

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Bernard PARADIS, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE, toque : PN 373

INTIME

2° - Monsieur [R] [X] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Jack NUZUM, avocat au barreau de VERSAILLES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente

Mme Irène LEBE, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Irène LEBE, Conseillère, par suite d'un empêchement de la présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LES FAITS :

M [R] [X] [P] a été engagé le 14 octobre 1997 en qualité de chauffeur grutier suivant contrat à durée indéterminée, par la Sas ALTEAD France Levage, société spécialisée dans la location de matériel de travaux publics et de bâtiments.

Le 12 mai 2005, M [R] [X] [P] est mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable fixé le 20 mai ; il est licencié pour faute grave le 27 mai 2005 l'employeur lui reprochant le sinistre survenu le 9 mai sur le chantier d'un des clients, en l'espèce la détérioration d'une grue.

Contestant ce licenciement, M [R] [X] [P] saisissait le conseil de prud'hommes, le 7 juin 2005, pour demander notamment le paiement des jours de mise à pied, un rappel pour heures supplémentaires, diverses indemnités consécutives à son licenciement contesté ainsi que la remise des documents sociaux conformes.

Par décision du 4 septembre 2007, ce conseil de prud'hommes section commerce, relevant que l'employeur ne démontrait pas avoir mis à disposition du salarié un engin de levage permettant de faire le travail commandé sans procéder à l'opération de shuntage ensuite reprochée à l'appui du licenciement, disait ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnait la Sas ALTEAD France Levage à lui payer les sommes suivantes :

- 1545 61 € au titre de la mise à pied conservatoire, congés payés le 10% en sus,

- 5'070,84 € à titre d'indemnité de préavis, congés payés de 10% sus,

- 2095,26 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 179,06 € à titre d'heures supplémentaires non rémunérées, congés payées en sus,

ces sommes assorties d'un intérêt au taux légal à compter du 9 juin 2005.

Il condamnait en outre l'employeur à verser une indemnité pour rupture abusive de 15'215,52€ et 700€ pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il ordonnait en outre le remboursement par l'employeur d'une somme de 2 535,42 € à l'ASSEDIC, sous réserve que le salarié ait été pris en charge à ce titre, et la délivrance d'une attestation ASSEDIC, d'un bulletin de salaire et certificat de travail conformes.

La Sas ALTEAD France Levage a régulièrement formé le présent appel contre cette décision. Elle soutient que le salarié a commis un manquement particulièrement grave aux règles de sécurité le 9 mai 2005, qui l'a contraint de procéder à son licenciement pour faute grave

La Sas ALTEAD France Levage soutient que la formation poussée des grutiers en fait des professionnels auxquels il ne peut être pardonné d'avoir commis une bévue de la gravité de celle reprochée à M [R] [X] [P] qui, selon elle, a tenté en première instance, de manière infondée, de faire porter la responsabilité de l'incident à M. [W], responsable commercial de l'agence dont il dépendait.

Elle rappelle en outre la volonté permanente de la société de faire respecter les consignes strictes de sécurité et les nombreux documents élaborés à cet effet dans lesquels elle développe une 'tolérance zéro', mentionnant notamment la note de service toute récente au moment des faits, jointe au bulletin de paie du mois d'avril 2005.

Contestant que le salarié ait appelé M A pour savoir ce qu'il convenait de faire après s'être aperçu que la pièce à soulever était de 24 t alors que sa grue ne pouvait supporter qu'un maximum de 22 t, contestant également qu'il se serait vu enjoindre de se débrouiller, et de 'faire le travail même si l'équipe devait travailler toute la nuit', et contestant de ce fait que M [R] [X] [P] ait donc shunté sur les ordres de son responsable commercial, mais rappelant les obligations légales mises à la charge des salariés qui ont obligation de dénoncer un risque de nature à mettre en danger leur vie ou leur santé et de prendre soin de celle-ci ainsi que de celle des autres personnes concernées du fait de leurs actes, l'employeur qui indique que l'autre accident du même type, invoqué pour sa défense par le salarié, était imputable à un jeune stagiaire dans une situation nullement comparable à celle de M [R] [X] [P], plaide que celui-ci savait parfaitement les risques qu'il courait en agissant comme il l'avait fait, et aurait dû en tout état de cause résister à un tel ordre si celui-ci lui avait donné.

La Sas ALTEAD France Levage demande en conséquence à la cour d'infirmer la décision des premiers juges pour dire le licenciement pour faute grave fondé et inévitable, de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes et d'ordonner en tant que de besoin le remboursement avec intérêt légal de toute somme que celui-ci aurait pu recevoir dans le cadre de l'exécution provisoire de droit.

La Sas ALTEAD France Levage sollicite 2 000 € pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M [R] [X] [P] résiste à cet appel et demande à la cour de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et d'y ajouter la condamnation de la Sas ALTEAD France Levage à lui payer 2 000 € pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il rappelle qu'il avait près de 20 ans d'expérience dont sept ans au service de la Sas ALTEAD France Levage, sans problèmes. Il dit avoir été envoyé le 9 mai 2005 sur ce chantier en région parisienne par M. A pour relever une lourde charge et sur place s'être rendu compte que cette charge d'une masse de 24 t excédait la limite de 22 t affichée sur le dispositif d'assistance à la manoeuvre de son engin. Il soutient donc avoir dès lors téléphoné à M. [W] qui lui avait intimé l'ordre de poursuivre la manoeuvre en déconnectant le dispositif de sécurité, ce qui aurait endommagé l'engin de levage entraînant sa mise à pied puis son licenciement pour faute grave alors que l'employeur ne pouvait ignorer la nature exacte du travail qu'on l'avait envoyé accomplir ni le matériel dont il disposait.

Il conteste par ailleurs le motif même de licenciement qu'il considère inexact.

L'entreprise compte plus de 11 salariés.

La convention collective applicable est celle des entreprises de commerce de location et réparation de matériel de travaux publics, du bâtiment et de manutention.

LES MOTIFS DE LA COUR,

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la rupture du contrat de travail de M [R] [X] [P] :

La lettre de licenciement adressée à M [R] et [X] [P] est rédigée comme suit :

'nous avons eu à déplorer de votre fait un sinistre survenu le 9 mai 2005 sur le chantier de notre client Grimaldi... Malgré toutes les recommandations écrites et orales ainsi que la sensibilisation permanente concernant les règles de sécurité et interdiction de shunter, vous avez dérogé à cette interdiction afin de lever une charge supérieure de 33 % à ce que la grue autorisait. Il en est résulté le pliage de la flèche dû à une rupture mécanique au niveau du troisième caisson de telesco occasionnant la mise hors service de celle-ci pour un temps indéterminé. Cette infraction d'une extrême gravité aurait pu avoir des conséquences dramatiques sur la vie des personnes présentes sur le chantier la violation de ces règles élémentaires de sécurité, compte tenu des risques majeurs encourus dans le cadre de nos activités, ne nous permet plus de poursuivre notre collaboration'.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits constituant une violation des obligations du contrat de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien dans l'entreprise. La preuve doit en être rapportée par l'employeur ; la lettre de licenciement circonscrit les limites du litige.

La cour considère que c'est après une analyse exacte des faits et en fonction de motifs justes et pertinents qu'elle reprend à son compte, que le conseil de prud'hommes a considéré que la preuve de la faute grave n'était pas rapportée.

La cour y ajoutera en outre que la lettre de licenciement reproche au salarié d'avoir cherché à lever «une charge supérieure de 33 % à ce que la grue autorisait», alors qu'il ressort du dossier et des débats, notamment des indications de M A lui-même dans son mail du 12 février 2007 que la pièce à lever pesait 24 t alors que la grue ne pouvait en soulever que 22, ce qui ne démontre pas un dépassement de charge supérieur à 33% comme le dit la lettre de licenciement, mais seulement un dépassement de 9%.

Par ailleurs, dans ce même mail, le supérieur hiérarchique de M [R] [X] [P] indique «cela ne peut être la cause de la rupture mécanique du caisson de télescope, mais plutôt contre toute logique professionnelle et sécuritaire comme il l'a déclaré au mécanicien arrivé sur le site avoir fait une grosse connerie et avoir tiré à 160% de la charge autorisée», affirmation qui n'est ni commentée, ni explicitée.

Les circonstances de l'accident sont donc mal établies étant par ailleurs relevé que les seuls dégâts ont été d'ordre matériel.

La cause de l'accident apparaît incertaine et le motif invoqué à l'appui du licenciement est en tout état de cause erroné, et n'apparaît donc, de ce fait, ni réel ni véritablement sérieux, la première responsabilité incombant effectivement à la personne qui a envoyé M [R] [X] [P] sur ce chantier, avec un matériel insuffisamment puissant pour procéder à la mission qu'il devait y accomplir.

La cour, relève que l'ensemble des éléments de preuve produits à l'appui des dires de l'employeur est d'une valeur probante limitée comme ne consistant qu'en des déclarations de salariés soumis à un lien hiérarchique, ou les dires formulés deux années plus tard, par voie de mail, par M.A dont les intérêts étaient clairement contradictoires de ceux de M [R] [X] [P].

Aussi, le doute devant profiter au salarié, et la charge de la preuve en matière de faute grave incombant à l'employeur, la cour dira, à son tour, ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, confirmant les sommes allouées par les premiers

juges, fondées dans leur principe et non sérieusement contestées dans leur montant par l'employeur.

La condamnation à rembourser les ASSEDIC sera également confirmée dans les mêmes limites.

L'employeur sera débouté de ses demandes reconventionnelles.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par M [R] [X] [P] la totalité des frais de procédure qu'il a été contraint d'exposer. Il sera donc alloué une somme de 2 000 €, à ce titre pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

En conséquence, la Cour,

Confirme la décision du Conseil de prud'hommes dans toutes ses dispositions,

Déboute la Sas ALTEAD France Levage de sa demande reconventionnelle,

Condamne la Sas ALTEAD France Levage à régler à M [R] [X] [P] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel,

La condamne aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 07/07756
Date de la décision : 27/05/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°07/07756 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-27;07.07756 ?
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