Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 12 MAI 2010
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/13144
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/08574
APPELANTE
Madame [B] [R] [E] [Y]-[A] épouse [L]
née le [Date naissance 1] 1937 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour
assistée de Me Dominique SUMMA de la SCP SAPONE-BLAESI, avocat au barreau de PARIS, toque : C.404
INTIMÉS
1°) Monsieur [O] [Y]-[A]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour
assisté de Me Fanny GOURDON, avocat au barreau de PARIS, toque : D 719 et substituant Me Rodolphe BOSSELUT, avocat au barreau de PARIS
2°) Monsieur [I] [Y]-[A]
[Adresse 8]
[Localité 7]
non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 24 mars 2010, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Pascal CHAUVIN, président,
Madame Isabelle LACABARATS, conseiller
Madame Dominique REYGNER, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN
ARRÊT :
- par défaut
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Par acte notarié reçu le 18 février 1983, [V] et [S] [Y] [A] ont consenti à leurs trois enfants, [B], épouse [L], [O] et [I], une donation-partage portant sur des immeubles, avec réserve d'usufruit jusqu'au décès du dernier donateur.
Il a été stipulé que, lors du règlement de la succession du dernier donateur, Mme [B] [L] verserait à chacun de ses frères une soulte d'un montant de 120 000 francs (18 293,88 euros), laquelle subirait une variation égale à celle de l'indice du coût de la construction (variation entre l'indice fixé au troisième trimestre 1982 et le dernier indice publié et connu au moment du décès du survivant des donateurs) et serait diminuée de 3 % par an afin de tenir compte de l'incidence entraînée par la vétusté des biens immobiliers donnés.
Il a été également stipulé que le donataire qui attaquerait le partage se verrait priver de toute part dans la quotité disponible des successions des donateurs sur les biens compris dans le partage, le défendeur à l'action bénéficiant alors de la donation de cet excédent par préciput et hors part.
[V] et [S] [Y] [A] sont décédés respectivement les [Date décès 3] 1998 et 13 août 2003.
L'immeuble constituant leur domicile conjugal a été vendu le 13 janvier 2005 au prix de 975 000 euros.
Par arrêt du 6 janvier 2006, cette cour, statuant en référé, a autorisé Me [U], notaire, à remettre, à titre de provision, à M. [O] [Y] [A] la somme de 309 865 euros et à Mme [B] [L] la somme de 277 710,36 euros, représentant le tiers du prix de vente de l'immeuble (325 000 euros) dont ont été déduites l'imposition sur les plus-values (15 135 euros) et les soultes dues à ses frères et calculées selon les modalités prévues à l'acte de donation-partage (16 077,32 euros x 2).
Par jugement du 14 mai 2009, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit que les clauses 'paiement de la soulte' et 'condition de ne pas attaquer le partage' de l'acte du 18 février 1983 doivent être réputées non écrites,
- ordonné une mesure d'expertise et désigné Mme [C] [Z] en qualité d'expert avec mission d'évaluer l'immeuble donné à Mme [B] [L] et situé [Adresse 8], tant à la date du décès du dernier des donateurs qu'à celle de l'expertise, et de déterminer le taux de revalorisation par rapport à la valeur arrêtée dans l'acte du 18 février 1983, conformément aux dispositions de l'article 833-1 ancien du code civil, et de calculer le montant de la soulte,
- débouté les parties de leurs autres prétentions,
- condamné Mme [B] [L] à payer à M. [O] [Y] [A] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [B] [L] aux dépens.
Par déclaration du 15 juin 2009, Mme [B] [L] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées le 8 mars 2010, elle demande à la cour de :
- juger que l'action engagée par M. [O] [Y] [A] n'est pas soumise à la prescription trentenaire mais à la prescription quinquennale à compter de l'acte de donation-partage,
- en conséquence, juger prescrite la demande en nullité des clauses 'condition de ne pas attaquer le partage' et 'paiement de la soulte' de l'acte de donation-partage engagée par assignation des 4 et 19 juin 2007,
- à titre subsidiaire, juger que ces clauses ne dérogent pas aux dispositions des articles 1075-4 et 828 du code civil et ne sont pas contraires à l'ordre public,
- à titre très subsidiaire, juger que les clauses ne sont pas contraires à l'ordre public au visa des articles 833-1 et '1975-2' du code civil,
- en conséquence, juger irrecevable l'action en annulation de l'acte de donation-partage engagée par M. [O] [Y] [A], avec toutes conséquences de droit,
- juger que la clause d'indexation stipulée dans l'acte de donation-partage est conforme aux dispositions de l'article L. 1122 du code monétaire et financier et est parfaitement valable,
- juger que la clause pénale stipulée dans l'acte de donation-partage et en garantissant l'exécution est licite et doit recevoir application avec toutes conséquences de droit,
- juger que la clause d'indexation n'est pas contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs, avec toutes conséquences de droit,
- juger qu'une expertise, de surcroît ne portant que sur un seul des lots de l'acte de donation-partage, ne pouvait être ordonnée sans aucun élément de preuve suppléant ainsi la carence dans l'administration de la preuve,
- sur son appel incident,
- juger que la sanction de la clause 'condition de ne pas attaquer le partage' s'appliquera avec toutes conséquences de droit à l'encontre de M. [O] [Y] [A],
- condamner M. [O] [Y] [A] 'à 20 000 euros' à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée et 'à 5 000 euros' au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 3 mars 2010, M. [O] [Y] [A] demande à la cour de :
- débouter Mme [B] [L] de l'intégralité de ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- renvoyer en conséquence l'affaire devant le tribunal de grande instance de Paris pour contrôler la mesure d'expertise confiée à Mme [Z],
- condamner Mme [B] [L] à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
M. [I] [Y] [A], qui a été assigné le et auquel les conclusions de Mme [L] ont été dénoncées le 11 mars 2010, n'a pas constitué avoué.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que l'acte de donation-partage du 18 février 1983 contient une clause de variation de la soulte et une clause pénale ;
Considérant, au préalable, que M. [Y] [A] justifie d'un intérêt légitime, au sens de l'article 31 du code de procédure civile, à faire juger que l'acte de donation-partage contient une clause de variation de la soulte contraire aux dispositions d'ordre public des articles 833-1 et 1075-2 du code civil en vigueur avant l'intervention de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;
Considérant, en premier lieu, que, les parties s'opposant sur ce point, il y a lieu de rechercher quelles sont les dispositions applicables en l'espèce ;
Considérant que l'article 4 de la loi du 23 juin 2006 a abrogé implicitement l'article 833-1 du code civil et lui a substitué un nouvel article 828 du code civil ;
Qu'il résulte de l'article 47 II, alinéas 1 et 2, de la loi que les dispositions de l'article 4 sont applicables dès le 1er janvier 2007 aux successions ouvertes et non encore partagées à cette date, sauf si l'instance a été introduite avant le 1er janvier 2007 ; que, dès lors que les successions de [V] et [S] [Y] [A], ouvertes respectivement les [Date décès 3] 1998 et 13 août 2003, ne sont pas encore partagées et que l'instance initiée par M. [Y] [A] a été introduite le 4 juin 2007, le nouvel article 828 du code civil a vocation à s'appliquer ;
Considérant que l'article 22 de la loi du 23 juin 2006 a stipulé que l'article 1075-2 du code civil devenait l'article 1075-4 du même code ;
Qu'il résulte de l'article 47 II, alinéa 3, que les autres dispositions de la loi, tel l'article 22, ne sont applicables qu'aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007 ; que, les successions de [V] et [S] [Y] [A] s'étant ouvertes respectivement les [Date décès 3] 1998 et 13 août 2003, l'article 1075-2 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, est appelé à s'appliquer ;
Considérant qu'ainsi seraient applicables les dispositions de l'article 828 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, et celles de l'article 1075-2 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 ;
Mais considérant que, s'agissant en l'espèce d'une donation-partage, il y a lieu d'appliquer d'abord les dispositions de l'article 1075-2 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 ;
Que ce texte énonce que 'les dispositions de l'article 833-1, premier alinéa, sont applicables aux soultes mises à la charge des donataires, nonobstant toute convention contraire', tandis que l'article 833-1 dispose que, 'lorsque le débiteur d'une soulte a obtenu des délais de paiement, et que, par suite des circonstances économiques, la valeur des biens mis dans son lot a augmenté ou diminué de plus du quart depuis le partage, les sommes restant dues augmentent ou diminuent dans la même proportion' (alinéa 1er) et que 'les parties peuvent toutefois convenir que le montant de la soulte ne variera pas' (alinéa 2) ;
Que, dès lors que l'article 1075-2 fait expressément et directement référence à l'article 833-1, il y a lieu d'appliquer les dispositions combinées de ces deux textes ;
Qu'au demeurant, il convient d'observer que les nouveaux articles 1075-4 et 828 sont quasiment identiques aux anciens articles 1075-2 et 833-1 ;
Considérant, en deuxième lieu, que, si la variabilité de la soulte est supplétive dans un partage ordinaire, elle est d'ordre public dans une donation-partage, l'article 1075-2 interdisant qu'une clause d'un partage d'ascendant déroge aux dispositions de l'article 833-1 ;
Que, dès lors, l'action fondée sur une nullité d'ordre public étant soumise, non à la prescription quinquennale, mais à la prescription trentenaire, l'action diligentée par M. [Y] [A], qui, introduite avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, est régie par la loi ancienne (article 26 III de la loi), n'est pas atteinte par la prescription ;
Considérant, en troisième lieu, que la variation conventionnelle de la soulte, basée sur une variation de l'indice du coût de la construction et sur une réduction de 3 % l'an au titre de la vétusté de l'immeuble, conduit à une augmentation ou à une diminution de la soulte selon que l'indice est supérieur ou inférieur à 3 % l'an ; que la variabilité légale aboutit à une augmentation ou à une diminution de la soulte selon que la valeur du bien attribué a varié de plus du quart depuis le partage par suite des circonstances économiques ; que la variation conventionnelle peut ainsi conduire à une diminution de la soulte (telle que la cour l'a d'ailleurs constatée dans son arrêt du 6 janvier 2006), tandis que la variabilité légale peut aboutir à une augmentation de celle-ci ; qu'ainsi, en ce qu'elle exclut la variabilité légale d'ordre public, la clause conventionnelle de variation de la soulte doit être déclarée non écrite, peu important qu'elle puisse être conforme aux dispositions du code monétaire et financier ;
Que, dès lors qu'elle tend à assurer l'exécution d'une clause portant atteinte à l'ordre public, la clause pénale insérée dans l'acte de donation-partage doit être également déclarée non écrite en application de l'article 900 du code civil ;
Considérant, en quatrième lieu, que, au vu des pièces produites, M. [Y] [A] qui n'a pas accès au bien, est fondé à obtenir une mesure d'expertise à l'effet de déterminer si la valeur de l'immeuble attribué à Mme [L] par la donation-partage du 18 février 1983 a augmenté de plus du quart depuis cette date ;
Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Considérant enfin que Mme [L], qui succombe en son appel, ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Mme [L] de l'ensemble de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [L] aux dépens,
Accorde à la Scp Petit Lesénéchal le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,