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09/03/2010 | FRANCE | N°08/23637

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 09 mars 2010, 08/23637


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 9 MARS 2010



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/23637



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Octobre 2008 -Tribunal de Commerce d'AUXERRE -





APPELANT



Monsieur [C] [E]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 5]

de nationalité française

demeura

nt [Adresse 2]

[Localité 4]



représenté par la SCP Anne-Marie OUDINOT et Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour

assisté de Me Damien FOSSEPREZ, avocat au barreau d'AUXERRE







INTIMÉE



S.A VAL D'YONNE ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 9 MARS 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/23637

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Octobre 2008 -Tribunal de Commerce d'AUXERRE -

APPELANT

Monsieur [C] [E]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 5]

de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par la SCP Anne-Marie OUDINOT et Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour

assisté de Me Damien FOSSEPREZ, avocat au barreau d'AUXERRE

INTIMÉE

S.A VAL D'YONNE HABITAT anciennement dénommée S.A D'H.L.M AUXERROISE ET TONNERROISE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour

assistée de Me Pierre BAZIN, avocat au barreau d'AUXERRE

(SCP BAZIN SIGNORET)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Janvier 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine DEGRANDI, Présidente

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Conseillère

Madame Evelyne DELBES, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine DEGRANDI, présidente et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La SA d'Habitations à loyer modéré Auxerroise et Tonnerroise (SAAT), aujourd'hui dénommée Val d'Yonne Habitat, a pour objet, notamment, la location, la construction, l'acquisition, la réparation et la gestion d'habitations collectives ou individuelles et, en complément de son activité locative, l'acquisition ou l'amélioration de logements en vue de leur vente à des personnes physiques ayant des ressources modestes.

Depuis 2005, le président de son conseil d'administration est M. [J] [D]. M. [C] [E], nommé en qualité de directeur général en 1984, a été révoqué de ces fonctions par décision du conseil d'administration en date du 28 octobre 2005.

Estimant cette révocation abusive, M. [E] a, par acte du 9 janvier 2006, assigné la SA Val d'Yonne Habitat devant le tribunal de commerce d'Auxerre pour obtenir le paiement de dommages et intérêts.

Par jugement réputé contradictoire du 20 octobre 2008, le tribunal de commerce d'Auxerre a débouté M. [E] de toutes ses demandes, débouté la SA Val d'Yonne Habitat de sa demande reconventionnelle et condamné M. [E] au paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 16 décembre 2008, M. [E] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures signifiées le 5 octobre 2009, il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter la SA Val d'Yonne Habitat de ses demandes, de condamner celle-ci à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'il a subi à raison de la brutalité de sa révocation et du discrédit qu'elle a jeté sur lui, et la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 24 janvier 2010, la SA Val d'Yonne Habitat demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [E] de ses demandes, de l'infirmer pour le surplus et de condamner l'appelant à lui payer la somme de 24 972,96 euros au titre des détournements commis à son préjudice dont elle lui impute la responsabilité, et celle de 4 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Considérant qu'aux termes de l'article L 225-55 du code de commerce, le directeur général d'une société anonyme est révocable à tout moment par le conseil d'administration et, si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages et intérêts ;

Considérant que M. [E] soutient que sa révocation prononcée brutalement, sans respect du principe du contradictoire, dans des conditions portant atteinte à sa réputation et à son honorabilité et sans juste motif, est abusive ;

Considérant que l'appelant fonde sa demande, exclusivement, sur les dispositions de l'article précité ; que son argument tenant à l'atteinte portée à sa réputation et à son honorabilité se rattache aux conditions dans lesquelles la société Val d'Yonne Habitat a exercé son droit de révocation et ne saurait évoquer une infraction à la loi sur la presse du 25 juillet 1881, comme le prétend la société Val d'Yonne Habitat ;

Considérant que si la révocation est libre, elle ne doit pas être décidée sans juste motif ;

Considérant que la société Val d'Yonne Habitat invoque, à la charge de M. [E], une carence dans l'organisation de la société et, plus particulièrement dans la mise en place de contrôles internes, qui serait, selon elle, à l'origine de la non découverte, durant près de deux ans, des détournements, d'un montant de 24 972,96 euros, commis par un salarié ;

Considérant qu'un audit réalisé à la demande du président de la société Val d'Yonne Habitat par la Fédération des entreprises sociale pour l'habitat a révélé des anomalies dans la régularisation des charges locatives 2004, l'absence de 'réconciliation' entre le quittancement mensuel et les comptes locataires, des anomalies de la gestion automatique des dépôts de garanties, l'absence de procédure fiable de vérification des impayés et un retard de comptabilisation des factures et a conclu à des carences des contrôles internes ; que le commissaire aux comptes évoque, dans une lettre du 21 novembre 2005, le non-respect des principes comptables et un manque de supervision ; que la Mission interministérielle d'inspection du logement social a conclu aussi, dans un rapport établi au mois de mars 2006, à une déficience du management et du contrôle interne ;

Considérant que la déficience ainsi relevée par ces différentes instances dans l'organisation de la société, mission qui incombe statutairement, dans une société anonyme, au directeur général, constituait un juste motif de révocation de M. [E] ;

Considérant qu'il n'est en revanche pas établi que cette carence puisse avoir permis ou retardé la découverte des détournements commis en 2004 et 2005 par le salarié, qui falsifiait les mentions de bénéficiaire des chèques remis par les locataires à la société Val d'Yonne Habitat pour y indiquer son nom ou celui de membres de sa famille ; que des termes d'une lettre du commissaire aux comptes en date du 13 juin 2007, il ressort que la comparaison entre les encaissements saisis dans le logiciel de gestion locative et les encaissements bancaires dans le logiciel de comptabilité, opération à la portée de la comptable, a suffi à mettre les détournements en évidence ; que la cour observe que M. [E] n'a jamais été mis en cause dans la procédure pénale suivie contre l'auteur des détournements ; que la note confidentielle adressée le 16 août 2004 par Mme [L] à M. [E], à laquelle il est reproché à celui-ci de ne pas avoir réagi, n'émet pas le moindre soupçon de falsification à l'égard de M. [X], mais dénonce le non enregistrement par l'intéressé d'un courrier recommandé et la perte de quatre dossiers de demande de logement ;

Considérant qu'aucun lien de causalité ne peut, dans ces conditions, être considéré comme établi entre l'insuffisance d'organisation imputée à M. [E] et la réalisation et les conditions de découverte des détournements ; que la SA Val d'Yonne Habitat doit, par suite, être déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 24 972,96 euros ;

Considérant que si le directeur général est révocable à tout moment, il doit avoir été mis en mesure de présenter ses observations avant que le conseil d'administration ne se prononce sur sa révocation ;

Considérant que s'il est établi que M. [E] a été informé oralement, le 27 octobre 2005, par M. [D], président de la société Val d'Yonne Habitat, de la mesure de révocation envisagée à son endroit, il n'est pas démontré que l'intéressé ait été avisé des motifs pouvant justifier cette mesure ; que des termes du courrier adressé, le 28 octobre 2005 par M. [E] à M. [D], il ressort que celui-ci a exigé que l'appelant ne se présente pas à la séance du conseil d'administration appelée à statuer sur son sort le jour même ; que cette défense de comparaître, que ne justifiait aucune disposition légale et aucune circonstance de fait, n'a pas permis à M. [E] de se voir notifier les motifs de la mesure envisagée à son encontre ni de présenter ses observations au conseil d'administration ; que le fait qu'il se soit abstenu de faire parvenir au conseil contestation et observations écrites ne saurait pallier l'atteinte au principe de la contradiction et aux droits de la défense résultant de l'absence de notification des motifs de révocation et de l'interdiction à lui faite de comparaître devant l'organe chargé de statuer sur son sort ;

Considérant que des pièces versées aux débats, il ressort, en outre, que la SA Val d'Yonne Habitat a notifié à M. [E] la décision du conseil d'administration prononçant sa révocation, le 31 octobre 2005, soit le lendemain de la parution, dans la presse, d'un article annonçant cette révocation ; que le quotidien L'Yonne Républicaine a publié, dans son numéro daté des 29 et 30 octobre 2005, sous le titre : 'Le directeur est révoqué', un article annonçant la révocation de M. [E], dans lequel sont reproduits, entre des guillemets, les propos de M. [D], président de l'intimée, selon lesquels, M. [E] a été révoqué 'pour une durée indéterminée en attendant les résultats des enquêtes judiciaire et interne et afin de permettre que celles-ci se déroulent dans la sérénité' et 'les dysfonctionnements (observés dans la société) mettaient en cause la responsabilité du directeur et de la chef comptable' ;

Considérant que la révélation en ces termes, à la presse, de la révocation de M. [E], avant que l'intéressé ait été lui-même informé de cette mesure, traduit, de la part de la SA Val d'Yonne Habitat, un manque certain de loyauté et de considération pour la réputation d'un collaborateur en fonction, en son sein, depuis 20 ans ; que ces faits et le non-respect du principe de la contradiction et des droits de la défense ci-dessus évoqué caractérisent, de la part de l'intimée, un abus dans l'exercice de son droit de révocation ; que la cour dispose des éléments lui permettant de fixer à la somme de 30 000 euros le montant de l'indemnité réparatrice du préjudice moral subi par M. [E] ;

Considérant qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la SA Val d'Yonne Habitat de sa demande reconventionnelle et, statuant à nouveau sur le surplus, de condamner l'intéressée à payer à M. [E] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que la SA Val d'Yonne Habitat, qui succombe, doit être déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Considérant que l'équité commande, en revanche, d'allouer à l'appelant la somme de 2 000 euros sur le fondement de ce texte ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la SA Val d'Yonne Habitat de sa demande reconventionnelle ;

Statuant à nouveau sur le surplus,

Condamne la SA Val d'Yonne Habitat à payer à M. [E] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la SA Val d'Yonne Habitat aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

M.C HOUDIN M.C DEGRANDI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 08/23637
Date de la décision : 09/03/2010

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°08/23637 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-09;08.23637 ?
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