Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRÊT DU 29 JANVIER 2010
(n° , 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/20765
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Septembre 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006046811
APPELANTS
SOCIETE FRENCH WEST INC 'HALE'BOB', agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Gilbert THEVENIER, avoué à la Cour
assisté de Me François PONTHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque K 110,
substituant Me François KLEIN, avocat au barreau de PARIS, toque K 110,
Monsieur [K] [B]
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 7] (ETATS UNIS)
représenté par Me Gilbert THEVENIER, avoué à la Cour
assisté de Me François PONTHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque K 110,
substituant Me François KLEIN, avocat au barreau de PARIS, toque K 110,
INTIMÉE
SA REUVEN'S II
exerçant sous l'Enseigne 'SINEQUANONE',
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour
assistée de Me Stéphanie RENAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P 310,
plaidant pour la SELARL GOZLAN PEREL
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Alain GIRARDET, président
Madame Sophie DARBOIS, conseillère
Madame Dominique SAINT-SCHROEDER, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Christelle BLAQUIERES
ARRÊT :- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Alain GIRARDET, président et Madame CHOLLET, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
LA COUR,
La société de droit américain FRENCH WEST a pour activité la création et la confection de vêtements qu'elle vend sous la marque HALE'BOB.
Ayant constaté que la société anonyme REUVEN'S II, qui exerce son activité sous l'enseigne SINEQUANONE, commercialisait sous la référence H5T6220SJ457 TOP des modèles de type caraco qui constitueraient la contrefaçon de ses propres modèles portant les références LN 1896, DL 1824, CHE 1824 et GX 1896 qu'elle dit avoir créés en 2003 pour sa collection 2004, elle a fait procéder à une saisie-contrefaçon au siège de la société REUVEN'S II le 9 février 2006 puis a fait assigner celle-ci devant le tribunal de commerce de Paris en contrefaçon et concurrence déloyale sur le fondement des articles L.112-1 et suivants, L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle et 1382 du Code civil.
Monsieur [K] [B] est intervenu volontairement aux côtés de la société FRENCH WEST en revendiquant la qualité de créateur des modèles argués de contrefaçon.
Par jugement du 23 septembre 2008, le tribunal a débouté la société FRENCH WEST de l'ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale et l'a condamnée à verser à la société REUVEN'S II la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions du 6 novembre 2009, la société FRENCH WEST et Monsieur [B], appelants, prient la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire et juger que Monsieur [B] bénéficie du régime du droit d'auteur français en sa qualité de créateur de nationalité française, que les éléments graphiques, ornements et motifs des modèles de la marque HALE'BOB peuvent bénéficier du droit d'auteur américain en vertu du critère de séparabilité de l'article 101 du US Code, que ce droit d'auteur n'est soumis à aucune formalité préalable et que les dispositions du Code de la propriété intellectuelle leur sont en conséquence applicables par application de la Convention de [Localité 6]. Ils concluent à la condamnation de la société REUVEN'S II à leur verser la somme de 660 000 euros de dommages-intérêts au titre de la contrefaçon, subsidiairement sur le fondement de la concurrence déloyale, et sollicitent des mesures d'interdiction et de publication ainsi que la somme de 10 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles.
La société REUVEN'S II, intimée, demande à la cour, dans ses dernières conclusions du 16 novembre 2009, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner solidairement la société FRENCH WEST et Monsieur [B] à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il est renvoyé aux dernières conclusions précitées des parties en date des 6 et 16 novembre 2009 pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions et ce, conformément aux dispositions des articles 455 et 753 du Code de procédure civile.
SUR CE
Sur la qualité à agir
Considérant que la société REUVEN'S II conteste tant à Monsieur [B], qui affirme être le créateur des modèles référencés LN 1896, DL 1824, CHE 1824 et GX 1896, qu'à la société FRENCH WEST, à laquelle Monsieur [B] prétend avoir cédé ses droits patrimoniaux, leur qualité à agir en contrefaçon ;
qu'elle fait valoir que si la Convention de [Localité 6] pose comme principe que l'auteur étranger a les mêmes droits qu'un auteur national et bénéficie de la protection prévue par la loi du pays où ce droit est réclamé, toutefois cette convention ne définit pas la loi applicable à la détermination du titulaire des droits soit à titre originel, soit par suite de leur cession ; qu'il est donc nécessaire de revenir au droit commun et qu'en l'occurrence la règle française de conflit de lois désigne la loi du pays d'origine de l''uvre ;
que dès lors que les Etats-Unis sont, au regard de la Convention de [Localité 6], le pays d'origine de l''uvre, il incombe à Monsieur [B] d'établir qu'il est titulaire des droits de création au regard de la loi américaine afin de pouvoir agir en contrefaçon et à la société FRENCH WEST de justifier de sa qualité de cessionnaire des droits patrimoniaux au regard des exigences de cette loi ; qu'en application de l'article 202 de la loi sur le Copyright dont se réclame Monsieur [B], c'est à celui-ci de démontrer qu'il est bien l'auteur des « motifs » et « ornements » sans pouvoir bénéficier d'une quelconque présomption à cet effet.
Mais considérant qu'il n'incombe pas à Monsieur [B] d'établir qu'il est, au regard de la loi américaine, auteur de l''uvre pour être recevable à agir en contrefaçon devant la juridiction française.
Considérant, en effet, qu'il convient de faire application de la Convention de [Localité 6] dont la France et les États-Unis d'Amérique sont signataires;
que s'il est exact que la qualification d'auteur n'est pas apportée par cette Convention en dehors des dispositions limitées de son article 15.1, il demeure que de cette qualification dépend la compétence de la Convention;
que par référence à la loi du for, il y a lieu dès lors de faire application de l'article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle dont il sera par ailleurs relevé qu'il n'est pas contredit par l'article 201 du Code des États-Unis d'Amérique qui dispose que le droit d'auteur sur une 'uvre protégée appartient à titre originaire à l'auteur ou aux auteurs de ladite 'uvre.
Considérant que pour justifier de ce qu'il est le créateur des modèles en cause, Monsieur [B] produit une attestation qu'il a rédigée le 1er septembre 2007 en indiquant avoir lui-même créé les ornements et motifs des modèles LN 1896, DL 1824, CHE 1824 et GX 1896, sans d'ailleurs préciser à quelle date, et en déclarant avoir mis ces modèles à la disposition de la société French West pour une commercialisation exclusive dans le monde entier, cette attestation étant accompagnée de fiches techniques.
Mais considérant qu'outre la preuve de la création, doit être démontrée avec certitude la date de celle-ci ainsi que la correspondance entre le modèle divulgué et celui dont la paternité est revendiquée.
Considérant que s'agissant du droit d'auteur de Monsieur [B], l'attestation que celui-ci a lui-même établie n'est pas admissible dès lors que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même;
que les fiches techniques annexées à cette attestation constituent des documents internes à la société et en tant que tels sans valeur probante dès lors qu'elles peuvent être établies à tout moment et n'ont pas date certaine;
qu'en outre, les fiches relatives aux modèles référencés LN1896 et CHE1824 sont strictement identiques ce qui en souligne le caractère incertain, les motifs du modèle référencé LN1896 sur la fiche technique ne correspondant pas de surcroît aux motifs apparaissant sur la photographie en couleur de la même référence produite par les appelants ;
qu'il suit qu'en l'absence de documents objectifs, Monsieur [B] ne justifie pas de la titularité des droits d'auteur dont il entend se prévaloir sur les modèles précités.
Considérant que la société FRENCH WEST qui prétend tenir de Monsieur [B] ses droits patrimoniaux sur les modèles litigieux échoue à rapporter la preuve de l'existence de tels droits que Monsieur [B] n'a pu lui céder dès lors que lui-même ne démontre pas être le créateur des modèles dont s'agit.
Considérant que les appelants ne justifiant pas de leur qualité à agir en contrefaçon, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur la concurrence déloyale
Considérant que les appelants font valoir à titre subsidiaire que la commercialisation de copies serviles par la société REUVEN'S II, concurrente de la société FRENCH WEST, à un prix très inférieur à celui pratiqué par celle-ci, constitue un acte de concurrence déloyale.
Mais considérant qu'outre le fait que les conditions dans lesquelles la société FRENCH WEST commercialise les modèles qu'elle revendique ne sont pas suffisamment établies pour les motifs sus exposés, le simple fait de commercialiser des modèles de vêtements semblables à un prix inférieur à celui pratiqué par sa concurrente n'est pas susceptible de caractériser un acte de concurrence déloyale;
que la décision déférée sera donc également confirmée en ce qu'elle a rejeté l'action en concurrence déloyale.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société REUVEN'S II la somme de 6 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris.
Condamne in solidum Monsieur [K] [B] et la société FRENCH WEST à verser à la société REUVEN'S II la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les condamne in solidum aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoué.
Fait et jugé à PARIS, le VINGT NEUF JANVIER DEUX MIL DIX
LE GREFFIER LE PRESIDENT