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28/01/2010 | FRANCE | N°08/07207

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 28 janvier 2010, 08/07207


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 28 Janvier 2010

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/07207 - MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Mars 2008 par le conseil de prud'hommes d'ETAMPES section activités diverses RG n° 07/00037



APPELANTE



1° - Madame [Y] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Jacques DULONG, avocat au barr

eau de PARIS, toque : C 339



INTIMEE



2° - Madame [K] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nathalie BECQUET, avocat au barreau de l'ESSONNE



COMPOSITION DE LA CO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 28 Janvier 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/07207 - MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Mars 2008 par le conseil de prud'hommes d'ETAMPES section activités diverses RG n° 07/00037

APPELANTE

1° - Madame [Y] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Jacques DULONG, avocat au barreau de PARIS, toque : C 339

INTIMEE

2° - Madame [K] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nathalie BECQUET, avocat au barreau de l'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, président

Mme Irène LEBE, conseiller

Mme Marie-Antoinette COLAS, conseiller

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LES FAITS :

Mme [K] [N] a été engagée le 3 mai 2004 en qualité de gardienne -employée de maison, au château de Bandeville (91), suivant contrat à durée indéterminée, par Mme [Y] [T].

Son époux bénéficiait à compter du 5 mai 2005 également d'un contrat de travail sur la même propriété, signé avec M. [H] [P], propriétaire des lieux.

Les époux y occupaient un logement de fonction.

Mme [K] [N] bénéficiait d'un congé de maternité, en principe à partir du 28 août 2006 et jusqu'au 14 janvier 2007.

Compte tenu de ce congé de maternité, Mme [Y] [T] reprenait alors contact avec l'agence Martin, qui lui avait présenté les époux [N], indiquant qu'elle cherchait un remplacement.

Le 26 septembre 2006 Mme [E] et M [C], intéressés par le poste, séjournaient 48 heures au château, y rencontraient les époux [N] chargés de leur présenter les lieux et le travail.

Ayant accepté d'effectuer un essai, Mme [E] et M [C] se présentaient le 28 septembre dans la soirée pour prendre leur service.

Ils étaient alors témoins de la colère manifeste des époux [N], en présence du propriétaire des lieux M. [H] [P] et de Mme [Y] [T] ; les époux [N] quittaient ensuite la propriété à bord de leur véhicule, pour rejoindre l'hôpital de [Localité 4] où Mme [N] était admise pour quelques heures, hospitalisation «justifiée par l'importance du choc psychologique», selon un certificat médical initial.

Le 29 septembre 2006 à 15 heures Mme [N] se présentait à la gendarmerie de [Localité 6], compagnie d'[Localité 5] pour déposer plainte à l'encontre de son employeur Mme [Y] [T], l'accusant de harcèlement, soutenant que son employeur avait tenté de la convaincre d'avorter, mais également de brutalités contre sa personne exercées la veille au soir, indiquant que Mme [Y] [T] l'aurait fait tomber ce qui l'avait amenée à se présenter à l'hôpital où elle avait passé la nuit en observation, de peur d'un accouchement prématuré.

M. [N] confirmait les dires de son épouse indiquant par ailleurs qu'elle ne bénéficiait pas en réalité de ses congés maternité mais avait travaillé jusqu'à la veille au soir.

Le service des urgences médico-judiciaires, saisi sur réquisition du parquet, ne relevait pas de trace de traumatismes au plan physique mais retenait toutefois une ITT de sept jours du fait du 'choc émotionnel' constaté, recommandant un suivi psychologique.

Le 9 octobre 2006 Mme [Y] [T] était interrogée et placée en garde à vue pendant quelques heures. Elle contestait les dires de sa salariée, tout en confirmant que les époux [N] se seraient violemment mis en colère lors de l'arrivée le 28 septembre au soir du couple- Mme [E] et M [C]- engagé pour les remplacer.

Mme [Y] [T] déposait plainte contre les époux [N] pour dénonciation calomnieuse.

M. [H] [P] également entendu confirmait globalement les dires de Mme [Y] [T].

Mme [E] et M [C] pour leur part confirmaient que lors de leur arrivée au château, où ils venaient s'installer, le 28/9 au soir, Mme [N] et son mari étaient venus à leur rencontre en (leur) hurlant dessus, parlant tous les deux en même temps, alors qu'eux - mêmes ne comprenaient rien à leurs propos, M. [C] indiquant «je ne sais pas du tout de quoi ils parlaient. J'ai juste entendu [K] dire à M [D] que ça allait lui coûter des millions» avant d'indiquer : «je ne sais pas du tout ce qui s'est passé, avant nous étions à l'entrée du château donc je ne pourrai pas vous dire si [K] et son mari étaient en présence d'autres personnes avant de sortir du château... Monsieur [D] et Mme [T] n'avaient pas du tout l'air énervés. Au contraire ils essayaient de calmer la situation, surtout M. [D], Mme [T], elle, était livide».

Mme [E] et M [C] indiquaient que pendant les 48 heures passées au chateau «les premiers contacts se sont très bien passés» les époux [N] leur expliquant «la vie au château, leur vie personnelle, un peu de tout»... Leur comportement étant «normal» et eux-mêmes «corrects».

Le même 9 octobre Mme [K] [N] était hospitalisée puis accouchait le lendemain.

Le 9 octobre 2006 le Procureur de la République ordonnait un classement pour infraction non caractérisé de la part de Mme [Y] [T], ordonnant de poursuivre l'enquête sur la plainte de dénonciation calomnieuse contre les [N].

Le 13 octobre 2006, Mme [Y] [T] convoquait la salariée à un entretien préalable tout d'abord fixé au 23 octobre 2006 puis reporté à la demande de l'intéressée au 15 Novembre 2006.

Le 20 octobre Mme [K] [N] à nouveau entendue indiquait que le 28 septembre à 19 heures M. [H] [P] avait fait appeler son mari [M] dans son bureau ayant un entretien en privé avec lui et aurait demandé à M. [N] de 'signer un document de licenciement pour quitter plus facilement le boulot, à cause de la grossesse et du futur accouchement».

Mme [K] [N] indiquait avoir ensuite été victime de violence de la part de Mme [T], après qu'elle ait confirmé son refus de signer ce document ; elle précisait «il n'y avait pas de témoins lors de l'agression».

Mme [K] [N] niait avoir pris contact avec l'agence Martin pour indiquer qu'elle souhaitait quitter son emploi, soutenant au contraire que la responsable de l'agence lui avait proposé la somme de 5.000 € chacun, à elle et son époux, pour quitter leur place.

Elle niait également avoir agressé verbalement Mme [E] et M [C] le 28 septembre.

Le 20 octobre 2006 la gendarmerie indiquait au Procureur de la République «des distorsions importantes demeurent entre les parties et un complément d'enquête serait souhaitable».

Le magistrat indiquait cependant ne pas vouloir revenir sur le classement opéré par son collègue en ce qui concerne les violences alléguées contre Mme [Y] [T], mais prescrivait de notifier à Mme [K] [N] une convocation devant le délégué du procureur de la République pour un rappel à la loi ou un avertissement pour dénonciation calomnieuse.

Dans les semaines qui suivaient, les époux [N] continuaient d'occuper, au moins par intermittence, le logement de fonction au château, mais se plaignaient à plusieurs reprises de coupures d'eau intempestives.

Le congé de maternité ayant pris fin le 15 janvier 2007, Mme [Y] [T] adressait le 22 janvier suivant une lettre de licenciement pour fautes graves à [N].

Contestant ce licenciement, Mme [N] saisissait le conseil de prud'hommes d'Étampes le 12 mars 2007.

Par décision du 11 mars 2008, ce conseil de prud'hommes, section activités diverses, relevant que l'entretien préalable était fixé le 15 novembre 2006 mais que le licenciement n'était intervenu que le 22 janvier 2007, le délai maximum d'un mois prévu par l'article L.122-41 du code du travail entre l'entretien préalable et la notification du licenciement étant dépassé, a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur Mme [Y] [T] à lui payer les sommes suivantes :

- 4.432,46 €à titre d'indemnité de préavis, congés payés de 10% en sus,

- 13.297,38 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 443,24 € d'indemnité de licenciement,

- 1.000 € pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile,

enjoignant à l'employeur de remettre des documents sociaux conformes à la décision rendue et de régulariser la situation de Mme [N] auprès des organismes sociaux au bénéfice desquels ont été acquitté les cotisations mentionnées sur le bulletin de paie

Mme [Y] [T] a régulièrement formé le présent appel contre cette décision. Soutenant que le licenciement pour faute grave était régulier quant aux dispositions du code du travail, s'agissant d'un licenciement pour faute grave et seule la convocation pour entretien préalable et l'entretien préalable ayant été mis en oeuvre pendant le congé de maternité. Elle soutient par ailleurs que le licenciement était fondé quant aux griefs formulés qui constituent autant de fautes graves, à l'encontre de Mme [K] [N].

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Étampes pour dire que le licenciement n'était entaché d'aucune irrégularité et reposait effectivement sur des fautes graves.

Elle demande donc à la cour de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes mais, reconventionnellement, sollicite la condamnation de Mme [K] [N] à un euro au titre du préjudice moral subi par l'employeur, et sollicite en outre 2.000 € pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [K] [N] a formé appel incident. Elle demande à la cour de confirmer la décision du conseil de prud'hommes d'Étampes en ce qu'il a dit le licenciement pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse et quant aux sommes allouées à titre de préavis, dommages et intérêts pour licenciement abusif, indemnité de licenciement et frais de procédure ainsi qu'en ce qui concerne la remise de documents sociaux conformes.

Elle sollicite en outre l'infirmation du jugement entrepris réclamant 20.000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral,1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Le salaire brut moyen mensuel de Mme [K] [N] était de 2.216 €.

LES MOTIFS DE LA COUR

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la régularité de la rupture du contrat de travail de Mme [K] [N] :

Lorsque le 13 octobre 2006 a été engagée la procédure de licenciement contre Mme [K] [N], par l'envoi de sa convocation à entretien préalable, cette dernière était enceinte et il est constant que son employeur connaissait son état depuis plusieurs mois, Mme [K] [N] se trouvant, en principe, en congé de maternité depuis la fin du mois d'août.

Dès lors, compte tenu de l'état de grossesse médicalement constaté, l'employeur ne pouvait rompre le contrat de travail que s'il justifiait d'une faute grave de l'intéressée non liée à l'état de grossesse.

L'article L.1225-4 du code du travail prévoit que «dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifié pendant les périodes de suspension du contrat de travail... ainsi que pendant les semaines suivant l'expiration de ces périodes».

Il en résulte que le contrat de travail de Mme [K] [N] étant suspendu, l'employeur ne pouvait donner effet à la rupture du contrat de travail, ni la notifier avant la fin du congé de maternité.

Pour autant, il avait la possibilité d'engager, comme il l'a fait, la procédure de licenciement sans attendre l'issue du congé de maternité.

Il a donc organisé un entretien préalable qui s'est tenu effectivement le 15 novembre 2006 mais a attendu l'issue du congé maternité avant d'adresser à la salariée, le 22 Janvier 2007, la lettre portant décision du licenciement pour faute grave.

Mme [K] [N] soutient que dès lors, le licenciement notifié plus de deux mois après l'entretien préalable ne satisfaisait pas au délai maximal de un mois fixé par le dernier alinéa de l'article L.1332-2 du code du travail.

Elle en déduit, reprenant la décision des premiers juges, qu'en conséquence le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Or, c'est à juste titre que l'employeur soutient que les dispositions de l'article L.1225-4, qui n'empêchent pas d'engager la procédure de licenciement pendant le congé maternité, en cas de faute grave, font échec à l'application du délai maximal de un mois de L.1332-2 du code du travail, ce délai étant suspendu tant que le licenciement ne peut légalement intervenir.

La cour infirmera donc sur ce point la décision du conseil de prud'hommes.

Sur le fondement du licenciement pour fautes graves :

La lettre de licenciement adressée à Mme [K] [N] le 22 janvier 2007 par Mme [Y] [T] évoquait plusieurs griefs à l'appui de ce licenciement pour fautes graves :

- avoir eu «un comportement déplorable lors de la visite de Mme [E] et M [C], futurs employés qui devaient vous remplacer pendant le temps de votre congé de maternité, en me dénigrant ainsi que mes proches, ce qu'ils nous ont rapporté»,

- avoir «invectivé en public de façon invraisemblable et infondée'les personnes présentes le 28 septembre 2006, dont le propriétaire du château et Mme [Y] [T] elle-même,

- avoir«tout fait pour dissuader Mme [E] et M [C] d'assurer votre remplacement et avoir déclaré que vous aviez monté un dossier à mon encontre».

- avoir menacé M. [F] [B], et lui avoir fait subir «des mauvais traitements notamment verbaux» le poussant à démissionner de son emploi du cuisinier,

- avoir eu un comportement «vindicatif et brutal contre un autre employé qui a entraîné son départ,

- à la suite des incidents du 28 septembre 2006, avoir cru devoir déposer plainte à la gendarmerie pour «prétendue violence sur personne vulnérable» en affirmant notamment que Mme [Y] [T] avait exercé des voies de fait à l'encontre de Mme [K] [N] en profitant de son état de grossesse,

- ne pas cesser depuis lors de se livrer avec son mari à d'invraisemblables provocations, la lettre mentionnant ensuite plusieurs incidents relatifs aux conditions d'occupation du logement de fonction depuis l'altercation du 28 septembre 2006, demandant à la salariée de bien vouloir libérer le logement de fonction dès la date de présentation de la présente lettre et à tout le moins sous un délai de huit jours.

Pour qu'un licenciement soit fondé il doit reposer sur un ou plusieurs griefs, imputables au salarié, qui doivent être objectifs, c'est-à-dire matériellement vérifiables, établis et exacts c'est-à-dire constituant effectivement la cause réelle de ce licenciement.

La cause doit également être sérieuse, en ce sens que les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour fonder le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits constituant une violation des obligations du contrat de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis. La preuve doit en être rapportée par l'employeur ; la lettre de licenciement circonscrit les limites du litige.

Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il estime utile.

S'agissant des premiers griefs, si Mme [E] et M [C] ont effectivement indiqué aux gendarmes avoir trouvé le 28 septembre 2006 Mme [K] [N] très 'excitée', parlant très fort, tous deux disent n'avoir rien compris aux propos de Mme [K] [N] mais avoir cru que celle-ci était en colère contre eux.

Mme [E] a indiqué en revanche que le premier contact avec les époux [N] s'était «très bien passé», ceux-ci leur ayant expliqué la vie au château et parlé un peu de tout, ayant un comportement 'normal' et étant 'corrects'.

Devant les gendarmes, quelques jours après les faits, aucun des deux époux n'a mentionné une attitude de dénigrement particulier à l'encontre des employeurs.

La cour ne retiendra pas les éléments contradictoires indiqués par les mêmes témoins dans le cadre d'une attestation rédigée, ultérieurement, nécessairement à la demande des employeurs, dont les signataires de l'attestation dépendaient alors au plan professionnel.

En ce qui concerne l'attitude «déplorable» qui est reprochée à Mme [K] [N] le soir du 28 septembre, cette attitude selon les propos des témoins, Mme [E] et M [C], s'est limitée à crier des paroles incompréhensibles, avant de quitter les lieux quelques minutes plus tard.

Or ces témoins confirment ne pas avoir été présents dans les minutes précédant cette scène, alors que les époux [N] indiquent devant les gendarmes qu'ils venaient de faire l'objet successivement de la part de M. [H] [P] puis de Mme [Y] [T] de manoeuvres tendant à leur faire quitter les lieux et leur emploi, ce qu'ils avaient refusé, étant d'ailleurs relevé que si Mme [K] [N] était enceinte ce qui la rendait momentanément indisponible, tel n'était pas le cas de son époux, qui n'avait donc pas, en principe à être remplacé.

Ces circonstances, qui ne sont attestées ni contredites par aucun témoin extérieur, pourraient expliquer l'excitation des époux [N], constatée avec surprise par Mme [E] et M [C] quelques minutes plus tard.

En outre, il n'est nullement établi que les époux [N] aient 'tout fait pour dissuader' Mme [E] et M [C] d'accepter de prendre cet emploi.

En tout état de cause et en ce qui concerne ses premiers griefs, Mme [Y] [T], ne rapporte pas de preuve suffisante d'une faute grave commise par Mme [K] [N].

Quant aux autres griefs repris dans la lettre de licenciement, les menaces qu'aurait proférées le couple [N] à l'encontre de l'ancien cuisinier du château M. [F] [B], Mme [Y] [T] ne pouvait invoquer ces faits comme constitutifs d'une faute grave à l'appui de ce licenciement, dans la mesure où contrairement à ce qui est écrit dans la lettre : «à la suite de ces regrettables incidents, j'ai eu connaissance des menaces... », Mme [Y] [T] avait indiqué aux gendarmes lors de son audition le 9 octobre 2006 : «Mme [K] [N] et son mari ont fait fuir dans un premier temps la femme et la petite fille d'un ancien ouvrier, cuisinier, prénommé [F]. Devant les menaces et la peur, cet homme, [F] a aussi quitté les lieux. J'ai su seulement les détails avant son départ. [F] s'est confié qu'il était agressé par ce couple et maltraité».

Il en résulte que l'employeur, Mme [Y] [T] selon ses propres dires connaissait ces faits plus de deux mois avant l'engagement du licenciement, ce que confirme dans son audition M. [H] [P] qui dit :

«il y a cinq mois, [F] le cuisinier que j'employais est parti ne pouvant plus travailler en compagnie de [K] et son mari...».

Ces faits étaient donc prescrits et force est de relever que, dans l'hypothèse où ils auraient effectivement eu lieu, l'employeur n'y a apporté aucune réponse, se bornant à solliciter le salarié qui avait quitté son emploi depuis plusieurs mois, dès le 1er octobre 2006, pour qu'il témoigne contre les époux [N].

Quant aux griefs concernant «un autre employé» qui serait également parti du fait du comportement vindicatif et brutal de Mme [K] [N], l'imprécision de ce reproche ne permet pas à la cour d'en vérifier la matérialité, étant relevé que chacune des parties produit une attestation de M. [F] [U], toutes deux manifestement signées de la même manière et traduites en français, mais rédigées manuscritement en anglais de deux écritures fort différentes. Dans l'une de ces attestations le témoin dit que M. [N] l'aurait obligé à signer une lettre dans laquelle il y avait de fausses déclarations, alors que dans l'autre attestation produite par les époux [N], le même [F] M. explique avec moult détails les difficiles conditions de travail chez Mme [Y] [T] et la très bonne entente qui régnait entre lui, [K] et son époux.

De telles attestations ne sauraient en tout état de cause être retenues comme ayant une quelconque valeur probante à l'appui de l'une ou l'autre thèse.

Quant aux autres faits évoqués dans la lettre de licenciement ils ne sauraient, ni par leur nature ni par leur gravité justifier un licenciement pour faute, a fortiori grave.

En conséquence, la cour considère que Mme [Y] [T], sur qui pesait la charge de rapporter la preuve des fautes graves invoquées pour justifier un licenciement engagé pendant une période de grossesse de Mme [K] [N], ne rapporte pas cette preuve de manière suffisamment certaine et claire. Ainsi rappelant que les gendarmes saisis des plaintes des parties avaient d'initiative suggéré, contre l'avis du parquet un complément d'enquête et le doute devant bénéficier au salarié, la cour confirmera donc mais pour d'autres motifs la décision des premiers juges et dira ce licenciement de Mme [K] [N] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le licenciement de Mme [N] n'était donc pas un licenciement pour faute grave et l'employeur n'invoque aucune impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.

Il s'agit donc d'un licenciement nul.

En outre, le congé de maternité de Mme [N] ayant pris fin le 15 janvier 2007, ce qui n'est pas discuté, Mme [T] ne pouvait notifier ni mettre en oeuvre le licenciement dès le 22 janvier 2003, le délai légal de protection de quatre semaines après l'issue du congé maternité n'étant pas alors expiré.

Il en résulte que le licenciement de Mme [N] était nul, d'une nullité d'ordre public, que la cour peut soulever d'office, s'agissant d'un principe général du droit au travail, et irrégulier au regard des dispositions de l'article L.1225-4 du Code du travail.

Il conviendra donc de rouvrir les débats en invitant les parties à conclure sur les conséquences de cette nullité.

Elle confirmera donc également les diverses sommes allouées à la salariée en conséquence de ce licenciement, ainsi que les dispositions relatives à la remise des documents sociaux.

PAR CES MOTIFS,

En conséquence, la Cour,

Confirme la décision du Conseil de prud'hommes, en ce qu'il a dit le licenciement de Mme [K] [N] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Dit que dépourvu de cause réelle et sérieuse ce licenciement était nul et irrégulier,

Sursoit à statuer et ordonne la réouverture des débats sur les conséquences de cette nullité à l'audience du 20 mai 2010 à 9 heures,

Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à ladite audience,

Réserve les dépens..

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 08/07207
Date de la décision : 28/01/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°08/07207 : Autre décision avant dire droit


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-28;08.07207 ?
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