RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 28 Janvier 2010
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/10367 - MPDL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Avril 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 04/12788
APPELANT
1° - Monsieur [H] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de VAL D'OISE
INTIMEE
2° - EUREX FIDUCIARE EUROPEENNE PARIS ILE DE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Pierre Jacques CASTANET, avocat au barreau de PARIS, toque : R297, substitué par Me Benoît SEVILLIA, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente
Mme Irène LEBE, Conseiller, Conseillère
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LES FAITS :
M. [H] [E] exerçait les fonctions de comptable, cadre confirmé, au sein du cabinet M. et associés, quand la SA Eurex Fiduciaire Européenne l'a sollicité en octobre 2002, sur la recommandation d'un client dont il suivait la comptabilité et alors que le cabinet M. et associés faisait l'objet d'un rachat par une société tierce, pour qu'il occupe des fonctions similaires en son sein.
La SA Eurex Fiduciaire lui adressait une promesse d'embauche le 19 juillet 2002, suivie d'un second courrier en date du 24 juillet, ces courriers prévoyant une rémunération brute mensuelle de 5.450 € et une participations aux résultats correspondant à environ 10.000 € annuels dont les bases qui restaient à préciser.
M [H] [E] a donc démissionné de son emploi précédent prenant ses fonctions chez Eurex le 14 octobre 2002 soutenant que, toutefois aucun contrat écrit n'a été ultérieurement régularisé, pour être responsable de la division législation sociale, responsable du groupe tenue/comptabilité, devant à ce titre diriger une équipe de tenue des déclarations sociales et fiscales de petites entreprises, superviser un gestionnaire de paie et prendre en charge des dossiers de révision.
M [H] [E] dit avoir constaté dès son arrivée chez son nouvel employeur une certaine «pagaille» (nombreux dossiers en retard, clients mécontents du fait du turn over des collaborateurs) dont il a appris qu'elle durait depuis plus d'une année avant son embauche à la suite du départ en retraite de l'expert-comptable fondateur du cabinet et de ses principaux collaborateurs.
En septembre 2003, la société lui octroyait une prime exceptionnelle de 8.550 €.
Le 18 février 2004 M [H] [E] était convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour motif économique, procédure qui n'était ensuite ni finalisée, ni clairement abandonnée.
Par courrier du 23 février 2004 M [H] [E] réclamait à son employeur le versement de sa participation aux résultats prévue dans sa promesse d'embauche. Aucune réponse ne lui était adressée.
Le 29 mars 2004, son supérieur hiérarchique lui adressait un courrier l'informant de ce qu'il allait bénéficier de renforts compte tenu de sa charge de travail mais lui reprochant de ne pas «venir au bureau le samedi matin au moins pour avancer ses dossiers» et d'être «le soir à 18 heures et quelques déjà parti..., malgré la charge de travail actuel».
M [H] [E] était arrêté pour maladie du 3 au 25 avril 2004.
Le 24 mai 2004 il était convoqué à un nouvel entretien préalable fixé le 4 juin qui débouchait le 1er juillet 2004 sur un licenciement pour insuffisance professionnelle, avec dispense d'exécution du préavis.
M [H] [E] ne faisait plus partie des effectifs de l'entreprise à partir du 1 er octobre 2004.
M [H] [E] contestait ce licenciement et saisissait le conseil de prud'hommes de Paris section encadrement chambre 5.
Par décision du 28 avril 2006, ce conseil de prud'hommes, fixant la moyenne des salaires sur les trois derniers mois à la somme de 6.283 €, disait le licenciement pour insuffisance professionnelle fondé sur une cause réelle et sérieuse et, déboutant le salarié du surplus de ses demandes, condamnait la SA Eurex Fiduciaire Européenne à payer à M [H] [E], au titre de la partie variable de son salaire, en deniers ou quittance :
- 2.083 € pour l'année 2002,
- 1.450 € pour l'année 2003,
- 5.000 € pour l'année 2004,
- 450 € pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M [H] [E] a régulièrement fait appel de cette décision.
Il demande à la cour de confirmer la décision des premiers juges en ce qui concerne le principe du paiement de la prime de participation aux résultats, s'appuyant en cela sur la promesse d'embauche et niant l'existence d'un contrat de travail ultérieur invoqué par l'employeur.
Il sollicite la confirmation des sommes allouées par les premiers juges au titre de la partie variable du salaire 2002 et 2003, avec congés payés afférents et sollicite pour l'exercice 2004 une somme de 7.500 €, congés payés de 10% en sus.
Il demande en revanche à la cour d'infirmer la décision des premiers juges pour dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et sollicite en outre :
- 130.320 € pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
- 8.147 € à titre d'heures supplémentaires, congés payées de 10% en sus,
- 2.428,68 € à titre de repos compensateurs,
- 32.700 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
-3.000 € pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA Eurex Fiduciaire Européenne soutenant la validité du licenciement pour insuffisance professionnelle et invoquant un horaire forfaitaire prévu selon un du contrat de travail, demande à la cour de débouter M [H] [E] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser 2.500 € pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire elle demande à la cour de fixer le montant des heures supplémentaires dû à la somme de 5'4 86 € bruts.
L'entreprise compte plus de 11 salariés.
La convention collective applicable est celle des experts-comptables.
LES MOTIFS DE LA COUR :
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
M [H] [E] se réfère pour formuler ses demandes aux dispositions prévues par l'employeur dans les deux courriers qu'il a adressés à M [H] [E] en juillet 2002 valant promesse d'embauche.
L'employeur soutient pour sa part qu'un contrat, dont les modalités seraient différentes et moins favorables au salarié, aurait été signé entre les parties mais indique toutefois que ce contrat aurait «disparu».
En l'absence de toute preuve sérieuse de l'existence d'un tel contrat de travail signé des deux parties, les deux courriers du 19 et 24 juillet 2002 adressés par l'employeur à M [H] [E] et portant promesse d'embauche doivent être considérés comme valant engagement contractuel de l'employeur à l'égard du salarié. La cour retiendra ces deux courriers de juillet 2002 comme valant contrat de travail.
Sur la prime de participation aux résultats :
Ces courriers de juillet 2002 prévoyaient une rémunération variable «correspondant à environ 10.000 €», dont les bases devaient être déterminées ultérieurement entre les parties.
L'employeur qui prenait ainsi un engagement clair de verser une rémunération variable à M [H] [E] ne peut invoquer le fait qu'il n'a pas ensuite fixé d'objectifs précis au salarié pour tenter d'échapper à son obligation de verser une participation aux résultats.
Il était tenu de respecter cet engagement contractuel, étant par ailleurs rappelé le versement d'une somme de 8.550 € mentionnée à titre de «prime exceptionnelle » sur le bulletin de salaire de septembre 2003, versement qui, en dépit de la dénomination de prime exceptionnelle, conforte l'engagement pris par l'employeur de payer une partie variable en sus du salaire fixe.
En l'absence d'autres modalités de calcul, la cour prendra comme base la somme de 10.000 € annuels prévue dans le courrier de juillet 2002.
Sur cette base, au prorata temporis pour les années 2002 et 2004 et compte tenu de la prime de 8.500 € versée en 2003, la cour condamnera l'employeur à régler à M [H] [E] au titre de la rémunération variable les sommes suivantes :
- 2.083 € pour l'exercice 2002,
- 1.450 € pour l'exercice 2003 ;
- et 7.500 € pour l'année 2004, M [H] [E] ayant été exclu des effectifs de l'entreprise le 1er octobre 2004.
Sur la rupture du contrat de travail de M [H] [E] :
La lettre de licenciement adressée à M [H] [E], lui notifiant son licenciement pour insuffisance professionnelle est rédigée comme suit : 'en votre qualité de cadre confirmé vous devriez être en mesure d'assurer avec un degré d'autonomie supérieur les tâches qui vous sont confiées et de mener efficacement vos tâches d'animation et de coordination de votre équipe de collaborateurs. Or force est de constater sur la base de faits précis objectifs que vous n'êtes pas capable de faire face à vos obligations contractuelles et donc que votre savoir-faire demeure insuffisant. Sans que la liste soit exhaustive, nous sommes contraints de relever les points suivants.»
Suit dans cette lettre une liste de 12 griefs, concernant pour 11 d'entre eux des clients dénommés.
Le 12e grief était libellé ainsi : «d'une manière générale, vous n'avez pas su manifestement par manque de professionnalisme, vous imposer auprès de votre équipe de collaborateurs mais aussi auprès des charger de clientèle du cabinet».
L'employeur indique ensuite : «en conclusion l'ensemble des points décrits ci-dessus porte atteinte à la qualité des services dont vous avez la charge et crée une situation d'insécurité et de manque de rigueur incompatible avec ce que la clientèle est en droit d'attendre d'un cabinet d'expertise comptable. Bien plus, dans un contexte de concurrence exacerbée, votre insuffisance professionnelle fait courir un risque à notre cabinet de voir s'éloigner, voire de perdre un certain nombre de nos clients, ce que nous ne pouvons pas admettre. Nous avons eu maintes fois l'occasion d'attirer votre attention sur les efforts nécessaires que vous deviez entreprendre pour être au niveau de votre poste et de vos responsabilités. Il en ressort clairement que vous n'avez malheureusement pas fait le nécessaire. Les multiples courriels que vous nous adressez régulièrement ainsi que vos diverses correspondances ne peuvent en aucun cas vous exonérer de votre responsabilité et de vos obligations en qualité de cadre confirmé. Bien au contraire ils confirment votre impossibilité de faire face à vos missions, votre absence d'autonomie, votre incapacité à gérer efficacement et avec un nécessaire sens des priorités vos dossiers et votre équipe».
L'insuffisance professionnelle constitue une cause légitime de licenciement distinct de la faute. En cas de licenciement pour insuffisance professionnelle, il suffit pour l'employeur d'invoquer ce motif, pour que la lettre soit dûment motivée. L'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal.
Pour autant, l'insuffisance alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur. Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l'entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.
L'examen de chacun des griefs invoqués appelle de la cour les remarques suivantes :
- dossier APSIM MED : il ressort des pièces produites que ce dossier était attribué à Mme DB chargée de clientèle, qui supervisait pour ce dossier particulier le travail de KN, appartenant au service de M [H] [E]. La responsabilité de M [H] [E], en l'espèce, n'est pas établie,
- dossier SCI Vuong et SCI Hua Tay: selon le compte-rendu de l'entretien préalable, que l'employeur ne discute pas utilement cette question n'a pas été évoquée. L'employeur ne produit pas d'éléments à l'appui de ses dires. Ce reproche ne saurait donc être retenu.
- dossier [M] photo : il ressort des pièces produites par l'employeur que le retard pour clôturer le compte de la société était dû au fait que la cliente n'avait pas adressé les informations utiles. Par ailleurs, l'intervention dans ce dossier relevait de la responsabilité de Mme [J], du service juridique. M [H] [E] ne pouvait en être tenu pour responsable.
- dossier CNGF: ce dossier n'a pas non plus été évoqué pendant entretien préalable et n'était pas (plus) attribué à M [H] [E] selon la liste de ses clients transmise par l'employeur. Les faits remontent en tout état de cause à mars 2003, le client se plaignant principalement «des changements de personnel intervenus ces derniers mois».
- dossier Les tissages modèles : ce reproche non évoqué lors de l'entretien préalable est fondé sur une note manuscrite du client adressé à M [H] [E] et datée du 5 avril 2004 disant «il est impossible de vous joindre au téléphone, j'aimerais savoir si vous avez fait le nécessaire...» Cette date du 5 avril 2004 correspond au premier jour d'arrêt maladie de M [H] [E], qui affirme sans être utilement contredit qu'il n'en a pas eu connaissance.
- sur les dossiers Viamos, Wushu et CR architecture M [H] [E] établit par ses «relevés de temps» et son compte-rendus d'activités qu'il avait accompli des diligences, pour un nombre d'heures conséquent, dans ces dossiers, qui lui avaient été confiés en octobre novembre et décembre 2003.
L'intervention de M. [O] [S], fils de M. [R] [S], expert comptable supérieur hiérarchique de M [H] [E], auprès du client Viamos s'explique par le fait que compte tenu de son arrêt maladie M [H] [E] n'avait pu assurer un rendez-vous fixé au 9 avril 2004.
- dossier GMA: M [H] [E] explique, sans être sérieusement contredit, que le retard pour l'établissement définitif du bilan est dû au fait que le client n'avait toujours pas adressé, au moment où M [H] [E] se trouvait arrêté pour maladie, un certain nombre de pièces qui lui étaient réclamées depuis le 5 mars.
- dossier Becep: il est établi, d'une part, que ce client avait subi un redressement fiscal pour l'exercice 2001 antérieurement à l'arrivée de M [H] [E], et, d'autre part, que M [H] [E], a travaillé sur ce dossier pendant son arrêt maladie afin d'établir dans les délais les déclarations. Ce client témoigne par ailleurs de son insatisfaction du cabinet Eurex avant l'arrivée de M [H] [E], mais en revanche que «vu le sérieux de M [H] [E] nous avons décidé de rester chez Eurex», avant de changer de cabinet d'experts-comptables après son départ.
- le dossier Mariages: le mail du 8 avril 2004 produit à l'appui du grief n'est pas un mail de mécontentement ou révélant une absence de diligences de M [H] [E] mais se borne à faire-part des explications du client sur l'écart constaté.
- sur la reprise des dossiers du service social à l'occasion desquels l'employeur reproche au salarié plusieurs erreurs sur les bulletins de paie pour le compte de quatre clients :
outre que selon le compte-rendu de l'entretien préalable ces questions ne semblent pas davantage avoir été évoquées, l'employeur ne rapporte pas la preuve que les clients France élevage ornithologie, [Y] frères et [B] [L], relevaient de la responsabilité de M [H] [E], ce que celui-ci conteste. En ce qui concerne le client [U] coiffure l'absence d'augmentation, dans les délais requis, de la prime d'ancienneté n'est nullement établie.
En tout état de cause, et pour regrettable que soient de telles erreurs sur des bulletins de salaire destinés aux employés de clients, il est évident que celles-ci ne sont jamais exclues vu le grand nombre de bulletins de salaire rédigés par un tel cabinet.
En outre, M [H] [E] fait valoir, sans être contredit que la personne recrutée pour ce service le 6 octobre 2003 était sans expérience professionnelle.
Ce grief ne saurait être retenu pour établir valablement une insuffisance professionnelle de M [H] [E], qui n'était, en tout état de cause, qu'en situation de superviseur dans ce domaine.
- Dossier IE international: l'employeur ne produit pour tout élément à l'appui de ce reproche que les dires de M. [O] [S], fils du supérieur hiérarchique de M [H] [E] dont la valeur probante est incertaine en l'absence de toute confirmation par le client lui-même.
Le dernier grief articulé correspondant à un supposé manque de professionnalisme et une incapacité à s'imposer auprès de l'équipe de collaborateurs mais aussi des chargés de clientèle, grief qui se nourrit des précédents reproches évoqués, n'est donc pas établi.
Au-delà des reproches formulés dans la lettre de licenciement, l'employeur produit quelques autres éléments supposés étayer l'insuffisance professionnelle. Ces éléments, à une exception près, ne sont tous que des courriels échangés entre le salarié et son supérieur hiérarchique, pendant les toutes dernières semaines de la collaboration et ne correspondent en réalité qu'à des échanges professionnels normaux et indispensables dans le cadre d'une collaboration. Quant au courrier adressé le 12 novembre 2006 par un client M. [D] mettant apparemment en cause la validité de l'intervention de M [H] [E] il est, en l'absence de tout élément complémentaire d'explicitation totalement inopérant.
Le cumul des incidents invoqués à l'encontre de M [H] [E], dont la plupart sont clairement contestables, ne permet pas d'établir son insuffisance professionnelle, alors même que ce type d'activité nécessite des relations interactives avec les clients ainsi qu'avec ses collègues ainsi que l'intervention parallèle ou complémentaire de plusieurs salariés ayant des compétences professionnelles différentes au sein d'un même cabinet d'experts-comptables.
Les événements invoqués s'apparentent plus aux vicissitudes du travail ordinaire d'un expert-comptable qu'à des preuves d'une insuffisance professionnelle, qui n'est en l'espèce pas sérieusement établie
Ce licenciement pour insuffisance professionnelle doit, en outre, être mis en perspective par rapport à diverses autres circonstances :
Le fait que M [H] [E] était resté précédemment 17 ans dans le même emploi, ce qui interroge sérieusement sur une éventuelle insuffisance professionnelle.
Le fait qu'il ressort de l'organigramme produit par l'employeur correspondant à la période du 1er octobre 2002 au 30 septembre 2004 que M [H] [E] a eu à diriger, pendant cette période neuf personnes, dont sept, toutes recrutées en même temps ou après lui, ont quitté le cabinet après seulement quelques mois, voire quelques jours de présence dans l'entreprise, deux agents seulement ayant été présents pendant ces deux années.
Il est évident que dans de telles circonstances, M [H] [E], arrivé à la date du 1er octobre dans l'entreprise s'est trouvé devoir reprendre en mains et animer ce service essentiellement composé de nouvelles recrues, peu expérimentées et avec des effectifs très instables.
La cour relève par ailleurs que, cependant, l'employeur ne rapporte la preuve d'aucun grief invoquant une insuffisance professionnelle, formulé avant la lettre de licenciement de juillet 2004.
Elle note aussi que la SA Eurex Fiduciaire Européenne ne rapporte pas la preuve d'avoir remplacé M [H] [E] dans les mois qui ont suivi son départ et rappelle qu'une première procédure de licenciement, mais pour motif économique, avait été engagée à l'encontre de M [H] [E] en février 2004.
La cour considère, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, que l'insuffisance professionnelle de M [H] [E] n'était pas le motif réel de son licenciement.
Elle infirmera donc la décision du conseil de prud'hommes sur ce point.
Compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté dans son emploi du salarié dans son précédent emploi, dont il est établi qu'il a été « débauché » par la SA Eurex Fiduciaire Européenne, de son âge de 50 ans et de ses charges de famille lors du licenciement ainsi que du préjudice qu'il établit avoir subi à la suite de celui-ci, ayant connu une période de chômage de deux années et demie, puis n'ayant retrouvé qu'un emploi avec le salaire assez nettement inférieur à son salaire précédent, la cour fixe à 100.000 € la somme due en application de l'article L.1235-3 du code du travail.
Sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires :
La société conteste tout d'abord le principe même d'heures supplémentaires soutenant que M [H] [E] était payé au forfait, produisant à l'appui de ses dires un contrat de travail qui n'est signé par aucune des deux parties, document qui sera écarté comme sans valeur probante.
En application de l'article L.3171-4 du code du travail, la charge de la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement ni à l'une ni à l'autre partie. Si l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, ce dernier doit d'abord fournir des éléments pour étayer sa demande. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par chacune des parties.
M [H] [E] soutient avoir accompli un total de 180,75 heures supplémentaires, 105,25 à 125% et 75,5 à 150%.
En l'espèce, le cabinet Eurex, disposait d'un logiciel de gestion de temps que chaque salarié remplissait, à tout le moins, une fois par mois à partir des fiches manuelles qui récapitulaient chaque jour ses heures travaillées.
L'employeur se servait des relevés de gestion de temps pour facturer les clients.
En cause d'appel, l'employeur a produit les feuilles de temps de M [H] [E].
La comparaison entre le tableau récapitulatif produit par M [H] [E] à l'appui de ses demandes et les feuilles de temps finalement produites par l'employeur fait apparaître une différence de 24,5 heures sur l'ensemble de la période.
Cette différence s'explique par des temps incomplets communiqués par la société concernant le 30 juin 2005 et la semaine du premier au 5 avril, ainsi que par le fait que le 14 juillet 2003 a été considéré comme une absence alors qu'il s'agissait bien évidemment d'un jour férié.
La cour confirmera donc le décompte des horaires effectués produit par M [H] [E].
Elle fera droit en conséquence à sa demande de rappel de salaire sur la base d'un horaire mensuel de 169 heures, 105,25 h devant être payées à 125% et 75,50 heures devant être réglées à 150%.
Le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires dû à M [H] [E] s'élève donc à 7.895 € auxquels il convient d'ajouter 252 € en paiement du 1er mai 2004, soit un total de 8.147 €, congés payés de 10% en sus.
L'employeur ne rapportant pas la preuve de ce que son effectif était inférieur à 20 personnes, l'organigramme produit par ses soins faisant apparaître, en tenant compte du fait que certains agents se sont succédés sur le même poste, un effectif d'au moins 23 salariés, il sera également fait droit, à la demande de M [H] [E] formulée au titre d'indemnité pour repos compensateur pour un montant, justifié, de 2.428,68 €.
Sur l'indemnité pour travail dissimulé :
En l'absence de toutes dispositions contractuelles prévoyant un horaire au forfait, mais compte tenu des feuilles de temps, l'employeur ne pouvait ignorer que M [H] [E], dont la charge de travail était importante accomplissait régulièrement des heures supplémentaires. Il ressort d'ailleurs du procès-verbal de l'entretien au licenciement qu'il lui a reproché lors de cet entretien de ne pas en accomplir suffisamment régulièrement, notamment les samedis matin.
Ces heures supplémentaires connues mais non rétribuées s'analysent comme du travail dissimulé au sens de l'article L.8221-5 du code du travail.
Ce travail dissimulé ouvre droit pour le salarié, compte tenu de la rupture de son contrat de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, d'un montant, dans la limite de sa demande fixée à 32.700 €.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :
La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par M [H] [E] la totalité des frais de procédure qu'il a été contraint d'exposer. Il sera donc alloué une somme de 2.500 euros, à ce titre pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS,
En conséquence, la Cour,
Confirme la décision du Conseil de prud'hommes en ce qui concerne le rappel de salaire au titre de la partie variable du salaire pour les années 2002 et 2003, ainsi qu'en ce qui concerne le salaire de référence fixé et l'indemnité allouée pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit le licenciement pour insuffisance professionnelle de M [H] [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la SA Eurex Fiduciaire Européenne à payer à M [H] [E] :
- 100.000 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif en application de l'article L 1235-3 du code du travail,
- 7.500 € pour solde de la partie variable du salaire pour l'exercice 2004,
- 8.147 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, congés payés de 10% en sus,
- 2.428,68 € a à titre d'indemnité de repos compensateur,
-7 32.700 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
toutes sommes avec intérêts au taux légal et capitalisation
Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.
Condamne la SA Eurex Fiduciaire Européenne à régler à M [H] [E] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel,
La condamne aux entiers dépens de l'instance.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,