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21/01/2010 | FRANCE | N°08/06967

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 21 janvier 2010, 08/06967


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 21 Janvier 2010

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/06967 - MAC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mars 2008 par le conseil de prud'hommes d'EVRY section encadrement RG n° 06/00603



APPELANT



1° - Monsieur [Z] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Frédérick DANIEL, avocat au barreau de BREST>


INTIMEE



2° - SAS ITM LOGISTIQUE INTERNATIONALE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Stéphane BURTHE, avocat au barreau de PARIS, toque : U 0001



COMPOSIT...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 21 Janvier 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/06967 - MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mars 2008 par le conseil de prud'hommes d'EVRY section encadrement RG n° 06/00603

APPELANT

1° - Monsieur [Z] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Frédérick DANIEL, avocat au barreau de BREST

INTIMEE

2° - SAS ITM LOGISTIQUE INTERNATIONALE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Stéphane BURTHE, avocat au barreau de PARIS, toque : U 0001

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, président

Mme Irène LEBE, conseiller

Mme Marie-Antoinette COLAS, conseiller

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SAS ITM Logistique Internationale est une filiale de la société holding du groupement des Mousquetaires, dit Groupement des Inter marchés.

Elle a pour objet la fourniture de prestations de services aux actionnaires, transports publics routiers de marchandises, commissionnaire de transport, affréteur.

Suivant un contrat du 2 mai 1990, Monsieur [R] a été engagé par le groupement Intermarché en qualité de responsable transport sur la plate forme de [Localité 2] dans le département de la [Localité 4]. Il a occupé ce poste jusqu'en 1993.

Il a ensuite été embauché le 1er mai 1993 par la SA ITM Logistique Internationale comme adjoint logistique transport. Il a été promu responsable logistique France le 1er Avril 1994.

Le 1 Mars 1999, il a été embauché par la SET, société européenne de Transport, autre filiale du groupement Intermarché en qualité de responsable Développement.

Monsieur [R] prend la direction opérationnelle de la société en qualité de secrétaire général et bénéficie d'une délégation de pouvoir de la part du Président du Conseil d'administration.

Dans le cadre d'un projet de fusion, Monsieur [R] est de nouveau embauché par la SA ITM Logistique Internationale à compter du 1 Janvier 2004 en tant que directeur Transport statut Cadre Dirigeant, Niveau III. Son salaire est de l'ordre de 90.000 € Bruts auquel s'ajoutent des primes en fonction des résultats.

Le 1 juillet 2005, la SET a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine à la société mère, la SA ITM Logistique Internationale, avec effet rétroactif au 1 janvier 2005 et devient un établissement, sous le nom de EIT (établissement international de transports).

A la suite d'une mise à pied conservatoire à compter du 25 avril 2006, d'un entretien préalable en vue de son licenciement en date du 4 mai 2006, Monsieur [R] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par une lettre du 11 mai 2006.

Contestant le motif de son licenciement, Monsieur [R] a saisi le conseil de prud'hommes.

Le conseil de prud'hommes d'Evry, section encadrement a dit que le licenciement reposait sur une faute grave et a débouté Monsieur [R] de l'ensemble de ses prétentions.

Monsieur [R] a fait appel de ce jugement.

Dans des conclusions écrites soutenues oralement à l'audience, Monsieur [R] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la SA ITM Logistique Internationale à lui verser les sommes suivantes :

- 21.771€ au titre de l'indemnité de préavis,

- 2.177,10 € au titre des congés payés y afférents,

- 48.838,36 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 112.500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture,

les diverses condamnations portant intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.

Il réclame en outre une indemnité de 8.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes d'écritures déposées à l'audience et reprises oralement, la SA ITM Logistique Internationale demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de débouter Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes.

MOTIFS :

Selon l'article L.1235-1 du Code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier non seulement la régularité de la procédure suivie mais aussi le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties...  ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Est ou sont constitutifs d'une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il appartient à l'employeur qui s'est placé sur le terrain disciplinaire d'établir la réalité des faits visés par lui dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Aux termes de la lettre du 11 mai 2006, la SA ITM Logistique Internationale expose :

'confrontés à des incohérences comptables à propos des activités de notre filiale au Portugal, nous avons déclenché un audit sur le dossier OET, que nous avons confié au cabinet KPMG.

Le rapport qui nous a été rendu le 27 Février 2006 met en lumière des irrégularités comptables flagrantes.... j'ai demandé que les investigations se poursuivent.

Le complément d'information qui m'a été transmis le 24 Avril est tellement accablant pour vous ...

Je n'ose pas croire que vous avez participé à ce qui apparaît comme de véritables malversations comptables. Je préfère penser que c'est par pure crédulité que vous n'avez pas procédé ou fait procéder aux vérifications comptables les plus élémentaires, qui n'auraient pas manqué de vous alerter sur la situation que vous avez littéralement 'avalée', sans vous poser de questions.

Comment expliquer autrement que vous n'avez pas fait procéder, au travers des procédures élémentaires nécessaires, à la vérification des transports effectués et donc au paiement des factures émises par la société OET.

Il est... effarant de constater que sont supposées intervenir dans ce dossier les sociétés dites 'clients' dénommées Alex, Dessantin, et Loxinexport qui n'existent pas. Dans le même esprit, d'où viennent les écritures de compensation qui ont été identifiées dans la comptabilité de notre société EIT.

Au vu de ce que nous connaissons aujourd'hui... ces malversations ont engendré pour EIT une perte de 11 millions d'euros en 2005, sans compter l'annulation d'un chiffre d'affaires fictif.

Votre comportement dans cette affaire est extrêmement grave. Votre laxisme s'apparente à de l'incurie.

Vous ne pouvez même pas prétendre que tout se serait passé à votre insu, de nombreux courriers montrent que vous avez directement donné des instructions à vos équipes en leur demandant de payer OET, même en l'absence de preuves d'affrètements ce qui est non seulement totalement contraire aux procédures mais littéralement aberrant...'.

Il ressort des pièces et documents produits que le groupement des Mousquetaires s'est implanté au Portugal depuis plusieurs années, que pour faciliter sa mission, la société SET a confié à Monsieur [N] un mandat de représentation exclusive au Portugal suivant un contrat du 8 Avril 1998. Une société OET représentée par l'épouse de Monsieur [N] s'est substituée à Monsieur [N] et un contrat de collaboration commerciale a été signé entre la SET et l'OET. Ce contrat de collaboration portait sur les transports à destination de l'ensemble du territoire européen.

La société ITM IL dans la plainte contre X avec constitution de partie civile déposée entre les mains d'un juge d'instruction écrit que pour des raisons d'efficacité pratique, tenant en particulier à la saisie informatique des éléments comptables liées à la 'chaîne logistique' et compte tenu de la régularité du courant d'affaires et du climat de confiance développé, la société OET a été autorisée à installer un bureau au sein des locaux de la base logistique de Paços. L'accès au logiciel d'exploitation était libre et autorisé pour OET, les opérations enregistrées par la dite société étant vérifiables par l'utilisation d'un code dédié 'Augusto'.

Grâce à cet accès informatique, les représentants de la société OET, en enregistrant une commande au nom de l'un de ses clients apportés dans le cadre de la représentation commerciale provoquaient l'édition d'une facture à entête de ITM IL- EIT (ex SET) sur le serveur de la base ITM IL, lesquelles factures étaient adressées automatiquement aux clients concernés.

A la faveur de la transmission universelle de patrimoine de la SET à la société ITM IL et de la création de l'établissement EIT, les vérifications faites au sein de la société et l'audit réalisé par KPMG ont mis en évidence plusieurs anomalies.

Il est ainsi apparu que :

- les sociétés AFLEX, DESSANTIN, LOSANEXPORT visées comme sociétés clientes n'existaient pas,

- les prestations de transport effectuées en 2005 pour le compte de ces trois clientes ont été indûment payées par ITM IL à la société OET,

- des écritures comptables injustifiées de compensation entre les chiffres d'affaires de ces trois sociétés et celui de la société OET ont été enregistrées à hauteur de 11 Millions d'euros à l'initiative de la société OET.

Dans la lettre de licenciement dont les termes ont été rapportés, il est reproché à Monsieur [R],

- de n'avoir pas procédé ou fait procéder à des vérifications comptables les plus élémentaires,

- de n'avoir pas fait procéder au travers de procédures élémentaires nécessaires à la vérification des transports effectués et donc au paiement des factures émises par OET,

- d'avoir donné des instructions aux équipes en leur demandant de payer OET même en l'absence de preuve d'affrètement.

La société KPMG confirme dans son rapport qu'un risque élevé de fraude était rendu possible en raison de dysfonctionnements de contrôle interne.

Il est avéré que Monsieur [R] a été employé dans l'entreprise SET du 1 mars 1999 au 31 Décembre 2003 et ce en qualité de responsable du développement d'abord puis de secrétaire général.

Il ressort du contrat de travail liant Monsieur [R] et la société ITM IL signé par les parties le 29 Septembre 2003 effectif à compter du 1 janvier 2004, que Monsieur [R] a été engagé en qualité de directeur transport, au statut de cadre dirigeant et qu'il était prévu qu'il dirige par délégation, l'approvisionnement et la logistique de la société.

Aux termes de l'article 8 du dit contrat il est stipulé que Monsieur [Z] [R] doit accomplir sa mission qui consiste à faire réaliser à la société les meilleurs résultats en quantité et en qualité en restant strictement dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires.

S'il est clair que Monsieur [R] ne disposait pas a priori d'une mission de vérification des éléments de la comptabilité, il est avéré qu'il a accepté que l'OET soit réglé sans exiger les CMR correspondant aux lettres de voiture et ce faisant sans procéder aux vérifications des transports effectués.

D'après un courriel de Monsieur [N] adressé à Monsieur [J], responsable de la comptabilité ITM IL en date du 16 janvier 2004 il apparaît que Monsieur [N] et Monsieur [R] avaient préalablement indiqué à Monsieur [J] que certains clients pouvaient être facturés sans CMR, que 'Monsieur [R] payait la société OET rapidement' en raison de ses problèmes de trésorerie.

Monsieur [J] confirme dans une attestation qu'il recevait de Monsieur [R] des consignes orales.

Il est par ailleurs établi que Monsieur [R] participait aux réunions de cadres telles celles des 24 Février 2005, 21 Avril 2005, 7 Octobre 2005 et même à des réunions antérieures à l'année 2005 et dans le cadre desquelles avaient été évoquées les difficultés de règlement des créances du Portugal.

Monsieur [Z] [R] avait même suggéré le 30 Septembre 2004 de réduire les clients qui payent mal, et préconisé d'employer OET comme fournisseur et arrêter comme client tant qu'il ne paie pas.

Ainsi alerté sur les difficultés de paiement des clients en lien avec l'OET, Monsieur [R], en tant que directeur transports se devait de redoubler de vigilance sur les vérifications lui incombant sur les affrètements.

A défaut d'établir en l'état la réalité d'une collusion frauduleuse avec les représentants de la société [N], la démonstration de relations ponctuelles en 2001 et 2003 n'étant pas de nature à permettre de retenir que Monsieur [R] était associé sciemment à un système de fausses facturations, les défaillances de Monsieur [R] dans les procédures de contrôle qu'il lui appartenait de mettre en place et de faire respecter caractérisent sinon une faute grave rendant immédiatement impossible son maintien dans l'entreprise une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement rendu sera infirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement était justifié par une faute grave.

Sur les conséquences d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse :

Monsieur [R] est recevable et fondé en ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférents et de licenciement, cette dernière indemnité devant être calculée en fonction de la reprise d'ancienneté par la société ITM IL, à compter du 2 Mai 1990.

Il n'est pas contesté que la moyenne des trois derniers mois de salaire étaient de 7.257 €.

La société ITM IL sera en conséquence condamnée à verser à Monsieur [R], les sommes suivantes :

- 21.771€ au titre de l'indemnité de préavis,

- 2.177,10 € au titre des congés payés y afférents,

- 48.838,36 € au titre de l'indemnité de licenciement.

S'agissant d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse, Monsieur [R] ne peut voir prospérer sa demande de dommages et intérêts pour un licenciement injustifié.

Sur l'indemnité réclamée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande d'allouer à Monsieur [R] une indemnité de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne la société ITM IL à verser à Monsieur [R] les sommes suivantes,

- 21.771 €au titre de l'indemnité de préavis,

- 2.177,10 € au titre des congés payés y afférents,

- 48.838,36 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société ITM IL aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 08/06967
Date de la décision : 21/01/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°08/06967 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-21;08.06967 ?
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