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21/01/2010 | FRANCE | N°08/01772

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 21 janvier 2010, 08/01772


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 21 Janvier 2010

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/01772 - MAC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 mars 2006 par le conseil de prud'hommes de FONTAINEBLEAU section encadrement RG n° 05/00078



APPELANT



1° - Monsieur [D] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Philippe JALLEY, avocat au barreau de

MEAUX substitué par Me Nicolas RUA, avocat au barreau de MEAUX,



INTIMEE



2° - SA SMAB-SARP REGION IDF SUD

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Ingrid GIUILY, avoca...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 21 Janvier 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/01772 - MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 mars 2006 par le conseil de prud'hommes de FONTAINEBLEAU section encadrement RG n° 05/00078

APPELANT

1° - Monsieur [D] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Philippe JALLEY, avocat au barreau de MEAUX substitué par Me Nicolas RUA, avocat au barreau de MEAUX,

INTIMEE

2° - SA SMAB-SARP REGION IDF SUD

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Ingrid GIUILY, avocat au barreau de PARIS, toque : R047

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, président

Mme Irène LEBE, conseiller

Mme Marie-Antoinette COLAS, conseiller

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur [D] [Z] a été engagé par la société SMAB en qualité d'ouvrier suivant un contrat à durée indéterminée en date du 1er juillet 1974. Il a été promu directeur d'exploitation à compter du 1er Janvier 1995.

En 2001, la société SMAB a été achetée par la société SARP.

Monsieur [D] [Z] et la société SMAB-SARP ont établi un nouveau contrat, aux termes duquel Monsieur [Z] était confirmé en qualité de directeur d'exploitation de département avec un statut de cadre, niveau III, coefficient 1470 de la convention applicable à compter du 1er janvier 2002 et reprise d'ancienneté.

A la suite d'un incident sur le site de Total le 15 Juin 2004, Monsieur [Z] a été convoqué à un entretien préalable qui a été reporté du fait d'un arrêt maladie.

A la suite de l'entretien qui s'est tenu le 27 Août 2004, une rétrogradation dans un poste de contremaître avec diminution de sa rémunération a été proposée à Monsieur [Z] qui a refusé.

Il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée du 21 septembre 2004.

Contestant les motifs de son licenciement, Monsieur [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Fontainebleau qui par un jugement du 24 Mars 2006 a considéré que la faute grave n'était pas caractérisée mais que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. Le conseil de prud'hommes a condamné la société SMAB-SARP à verser à Monsieur [Z] les sommes suivantes :

- 9.756 € à titre de préavis,

- 975,60 € au titre des congés payés afférents,

- 79.963,05 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 750 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [Z] a interjeté appel de ce jugement,

Dans des conclusions déposées et soutenues à l'audience, Monsieur [Z] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la faute grave n'était pas caractérisée et de l'infirmer pour le surplus.

Il soutient que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et réclame le versement des sommes suivantes :

- 12.576,75 € au titre d'une prime de résultat outre une indemnité de 1.257,67 € au titre des congés payés afférents,

- 14.097,68 € au titre du préavis de deux mois majorés des congés payés pour un montant de 1.407,76 €,

- 101.795,01 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 253.728 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.772,80 € au titre des intérêts directement liés au manque à gagner,

- 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SMAB-SARP forme un appel incident et conclut à l'infirmation du jugement dans toutes ses dispositions.

Aux termes des écritures reprises à l'audience, elle demande à la cour de considérer que la faute commise par Monsieur [Z] était grave et justifiait la mesure de licenciement retenue après qu'il avait refusé la proposition de rétrogradation avec diminution de rémunération.

Elle réclame le remboursement des sommes mises à sa charge et en tout état de cause sollicite l'allocation d'une indemnité de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle estime à tout le moins que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et sollicite la confirmation du jugement déféré.

Il convient de se référer au jugement rendu par le conseil de prud'hommes, aux écritures déposées par les parties auxquels il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens développés par les parties.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

Selon l'article L.1235-1 du Code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier non seulement la régularité de la procédure suivie mais aussi le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties...  ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Est ou sont constitutifs d'une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il appartient à l'employeur qui s'est placé sur le terrain disciplinaire d'établir la réalité des faits visés par lui dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Aux termes de la lettre du 21 Septembre 2004, l'employeur expose :

'Le 15 juin dernier vous avez affecté un chauffeur non habilité APTH sur un véhicule ADR pour des travaux de pompage d'eau plus DEA chez le client Total, en vue de stockage de déchets dangereux sur la plate forme de Monter eau.

Nous jugeons que cette faute grave vous incombe en tant que directeur, responsable du planning ce jour là. Elle caractérise un manquement grave :

- aux normes environnementales liées aux transports de matière dangereuses,

- au respect de la sécurité des salariés et des obligations légales du client,

- aux règles de bonne gestion de l'exploitation (prestations non facturées),

- au principe du système qualité de satisfaction du client et de respect des procédures,

(réclamation de Total),

- et en général aux responsabilités inscrites dans votre définition de fonction et dans votre délégation de pouvoir,

...vos décisions mettent en péril la société d'accident grave, de perte de client important, de perte d'exploitation liée à des actes de mauvaise gestion... votre comportement est d'autant plus inadmissible que ces faits s'ajoutent aux différents écarts relevés par des notes, et notamment celle du 12 Novembre 2003 mentionnant déjà vos lacunes'.

Monsieur [Z] soulève la prescription du fait invoqué à l'appui du licenciement pour faute.

Selon l'article 1332-4 du contrat de travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

Il est patent que le fait invoqué par la société SMAB SARP à l'appui de la mesure de licenciement disciplinaire remontait au 15 juin 2004, qu'elle soutient n'avoir eu connaissance exacte de la nature des faits invoqués que le 5Août 2004, date de la confrontation avec Monsieur [B].

Elle estime en conséquence que la convocation envoyée le 6 Août 2004 a déclenché la procédure disciplinaire dans le délai légal imparti, qu'en toute hypothèse la nouvelle convocation adressée le 18 Août 2004 est aussi intervenue dans le délai.

Or, la société SMAB avait eu connaissance du fait qu'elle invoque dès le 15 juin 2004. Elle a au surplus reçu une lettre de Total à ce propos en date du 17 juin et disposait du planning de la semaine 25 qui relatait l'incident.

La société SMAB produit aux débats la photocopie de l'accusé de réception lequel accusé est illisible.

A défaut de produire l'original de l'accusé de réception, la SMAB n'établit pas avoir adressé la lettre de convocation antérieurement au 16 Août 2004.

Dans ces conditions, le fait invoqué est prescrit et le licenciement consécutif est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement :

S'agissant d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Monsieur [Z] est recevable et fondé à réclamer une indemnité de préavis, les congés payés afférents, une indemnité de licenciement, ainsi qu'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il réclame en outre une prime de résultat.

Sur la prime de résultat :

Le contrat de travail prévoit au titre de la rémunération 'une prime dite de résultat déterminée en fonction des résultats de l'entreprise'.

Aucune référence n'est faite aux résultats du salarié ou à l'appréciation de l'employeur sur le travail du salarié.

Les termes de la lettre de Monsieur [J] ne peuvent remettre en cause les termes clairs et sans ambiguïté du contrat de travail.

C'est donc à bon droit que Monsieur [Z] réclame la somme de 12.276,75 € à ce titre.

Sur l'indemnité de préavis :

En application des dispositions de la convention collective de l'assainissement et de la maintenance industrielle, le préavis pour un salarié disposant d'une ancienneté supérieure à deux ans est de 2 mois.

L'indemnité de préavis doit correspondre aux salaires et avantages qu'aurait perçus le salarié s'il avait travaillé pendant la période de préavis.

L'analyse des bulletins montre qu'il aurait reçu le salaire fixé à 4.878 € outre une prime d'astreinte de 183 €, et un avantage en nature de 155,70 € soit 5.216,70 €.

En considération de l'ensemble de ces éléments, l'indemnité de préavis doit donc être fixée à la somme de 10.433,40 €. L'indemnité au titre des congés payés afférents à cette période s'élève à 1.043,34 €.

Sur l'indemnité de licenciement :

En application de la convention collective, l'indemnité de licenciement est calculée à raison de 2/10ème de mois par année d'ancienneté et majorée de 3/0ème de mois par année d'ancienneté au-delà de trois mois.

L'ensemble des éléments de la rémunération, fixe ou variable, l'ensemble des primes et compléments de salaire doivent être en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement et toute prime de caractère annuel versée au salarié pendant cette période ne doit être prise en compte que prorata temporis.

Compte tenu de ces éléments, le salaire annuel de Monsieur [Z] correspond à (5.216,70 € x 13) 67.817,10 € auquel il convient d'ajouter la prime de résultat de 12.576,75 € soit au total, 80.393,85 €.

L'ancienneté de Monsieur [Z] est de 30 ans 4 mois et 24 jours.

L'indemnité de licenciement sera arrêtée à la somme de :

- 4.019,65 € pour les trois premières années,

- 90.159,34 € pour les 27 années,

- 1.339,92 € pour les quatre mois et 24 jours,

soit 95.518,91 €.

Le jugement sera infirmé et la société SMAB condamnée à verser cette indemnité de 95.518,91 €.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Selon l'article 1235-3 du contrat de travail lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que le salarié a une ancienneté de plus de deux années et que l'entreprise compte plus de onze salariés, le juge octroie une indemnité qui correspond au moins au six derniers mois de salaire.

Monsieur [Z] a été licencié alors qu'il avait une ancienneté de plus de trente années.

Il fait aussi valoir que son attachement à cette société créée par un membre de sa famille et le peu de qualification dont il dispose contribuent à l'importance du préjudice résultant pour lui de ce licenciement.

Compte tenu de l'ancienneté et des circonstances propres à l'espèce, le préjudice de Monsieur [Z] sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 60.000 €.

Sur la demande des intérêts directement liés au manque à gagner :

Cette demande n'est pas particulièrement explicitée. Au surplus, la cour a été amenée à apprécier les éléments de préjudices subis par Monsieur [Z] dans le cadre de l'indemnité allouée pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a pris en compte notamment les préjudices financiers depuis le licenciement intervenu en 2004.

Sur le remboursement des indemnités chômages aux organismes concernés :

L'article L.1235-4 du code du travail prévoit qu'en cas de licenciement relevant de l'article L.1235-3 du code du travail, le tribunal ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes concernés et de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé par le tribunal, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié concerné, ce remboursement pouvant être ordonné d'office par le tribunal dans le cas où les organismes concernés ne sont pas intervenus à l'instance n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Dans la présente espèce, il convient de condamner la société SMAB à verser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Monsieur [Z] dans la limite de trois mois.

Sur la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité impose d'allouer à Monsieur [Z] une indemnité de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SMAB sera déboutée de toute demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société SMAB à verser à Monsieur [Z] les sommes suivantes :

- 12.276,75 € au titre de la prime de résultat outre la somme de 1227,67 € au titre des congés payés,

- 10.433,40 € au titre du préavis de deux mois majorés des congés payés pour un montant de 1.043,34 €,

- 95.518,91 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 60.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société SMAB à rembourser les organismes intéressés les indemnités de chômage versées dans la limite de trois mois,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société SMAB aux dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 08/01772
Date de la décision : 21/01/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°08/01772 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-21;08.01772 ?
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