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14/01/2010 | FRANCE | N°08/06935

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 14 janvier 2010, 08/06935


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 14 Janvier 2010

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/06935 MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Décembre 2007 par le conseil de prud'hommes de PARIS section activités diverses RG n° 06/06094



APPELANTE



1° - SA RCL EXPERTS ET CONSEILS

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Christian FREMAUX, av

ocat au barreau de PARIS, toque D.1068, substitué par Me Ana VIDAL, avocat au barreau de PARIS,



INTIMEE



2° - Mademoiselle [E] [T] [O] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 14 Janvier 2010

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/06935 MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Décembre 2007 par le conseil de prud'hommes de PARIS section activités diverses RG n° 06/06094

APPELANTE

1° - SA RCL EXPERTS ET CONSEILS

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Christian FREMAUX, avocat au barreau de PARIS, toque D.1068, substitué par Me Ana VIDAL, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

2° - Mademoiselle [E] [T] [O] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant, assistée de Me Francine VIAUX, avocat au barreau de PARIS, toque G.122,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Décembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente

Mme Irène LEBE, Conseillère

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LES FAITS :

Mlle [E] [T] [O] [P] a été engagée le 1er septembre 1998 en qualité d'assistante confirmée, coefficient 260, suivant contrat à durée indéterminée, par la SA RCL Experts et Conseils.

Du 8 au 19 février 2006, puis à compter du 20 mars, la salariée bénéficiait d'une succession d'arrêt de travail. Sur la prolongation du 20 mars 2006 le médecin traitant portait une mention de suspicion de harcèlement moral et renvoyait la salariée à consulter le médecin du travail avec un courrier destiné à celui-ci.

Le 21 mars 2006, l'employeur adressait à la salariée un courrier recommandé portant mise en garde pour plusieurs motifs : retards, absence du 11 mars, refus de compléter le planning pour les déplacements extérieurs, obstruction dans le suivi des dossiers, poursuite des rendez-vous en extérieur en dépit du retard des dossiers à traiter au cabinet, agressivité vis-à-vis de collègues et manque de respect de la direction.

La salariée contestait les reproches formulés par courrier du 31 mars.

Le 20 avril 2006, alors qu'elle se trouvait en arrêt maladie, Mlle [E] [T] [O] [P] adressait à son employeur le détail de ses indemnités journalières aux fins de paiement de son complément de salaire.

Le 24 avril 2006 elle lui adressait un nouveau courrier réclamant le paiement d'heures supplémentaires depuis 2002.

Le 5 mai 2006 la SA RCL Experts et Conseils répondait négativement à la salariée.

Mlle [E] [T] [O] [P] par courrier recommandé avec avis de réception du 15 mai 2006 prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur et saisissait le conseil de prud'hommes le 22 mai pour demander la résiliation de son contrat de travail.

Les arrêts maladie étaient prolongés successivement jusqu'au 27 juin 2006.

Par décision du 21 octobre 2007, le conseil de prud'hommes de Paris, section activités diverses chambre 5, faisait droit à la demande de la salariée au titre du rappel de salaire pour heures complémentaires, pour un montant de 20.798,31 € avec congés payés afférents en sus, correspondant à la période 2002- 2006.

Le conseil de prud'hommes, considérant que l'employeur n'avait pas exécuté de bonne foi le contrat de travail qui le liait à la salariée en ne lui ayant pas réglé ses heures supplémentaires alors qu'il avait le moyen de les contrôler à partir des feuilles d'intervention permettant d'assurer la facturation de la clientèle, a dit la rupture du contrat de travail imputable à la SA RCL Experts et Conseils, condamnant celle-ci à payer à la salariée :

-37.178,60 € de dommages et intérêts pour rupture abusive en application de l'article L.122-14-5 du code du travail,

- 6.195,10 € d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés en sus,

- 2.475,04 € d'indemnité de licenciement,

- 1.514,68 € de rappel de salaire ce complément maladie,

- 800 € pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes ordonnait en outre la remise de documents sociaux conformes au jugement, ainsi que l'exécution provisoire avec une garantie de 37.000 € de la SA RCL Experts et Conseils à la caisse des dépôts et consignations

La SA RCL Experts et Conseils à régulièrement fait appel de cette décision, demandant à la cour de l'infirmer dans toutes ses dispositions.

L'employeur soutient en effet qu'il ne pouvait y avoir lieu à heures supplémentaires les horaires du cabinet étant précis, l'horaire global de travail devant être respecté y compris dans les réunions extérieures.

Il précise que les heures supplémentaires donnaient lieu à une contrepartie en repos compensateur et soutient que Mlle [E] [T] [O] [P] ne rapporte pas la preuve de l'existence possible et de la réalisation de telles heures supplémentaires à la demande de son employeur, soulignant que les heures revendiquées par la salariée à l'extérieur du cabinet chez le client voire à son domicile étaient sans contrôle possible de l'employeur.

Il soutient donc en conséquence que la demande de résiliation judiciaire par prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur, principalement justifiée sur le prétendu non-paiement d'heures supplémentaires n'était pas fondé, les autres griefs invoqués ne pouvant entraîner la grave décision d'une rupture unilatérale du contrat de travail.

Subsidiairement l'employeur conteste le préjudice allégué par son ancien salarié et soutient que l'ancienneté de sept ans dans son emploi de Mlle [E] [T] [O] [P] ne saurait justifier une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse égale à 12 mois de salaire.

Il demande de rejeter également les dommages et intérêts sollicités en cause d'appel, pour un montant de 18.585,30 €, pour harcèlement moral.

Reconventionnellement, la SA RCL Experts et Conseils sollicite la condamnation de Mlle [E] [T] [O] [P] à lui payer :

- une somme de 6.195,10 € d'indemnité compensatrice de préavis

- 1.000 € en application de l'article 32-1 du code de procédure civile pour action abusive

- 3.000 € pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Melle [E] [T] [O] a formé appel incident. Elle précise que l'employeur qui a diligenté deux procédures, l'une devant le premier président de la cour d'appel, l'autre devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris aux fins de remettre en cause la mesure d'exécution provisoire, dont il a été chaque fois débouté, n'a toutefois pas satisfait à l'obligation d'exécution provisoire.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris dans l'ensemble de ses dispositions mais n'y ajouter une condamnation à des dommages et intérêts d'un montant de 18.585,30 € à titre de préjudice pour harcèlement moral.

Elle sollicite également 3.000 € pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'entreprise compte 11 salariés.

Le salaire brut moyen mensuel de Mlle [E] [T] [O] [P] sur les 12 derniers mois est de 3.127,90 €.

La convention collective applicable est celle des cabinets d'expertise comptable et commissaires aux comptes.

LES MOTIFS DE LA COUR :

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le rappel de salaire sur complément maladie :

Aux termes de la convention collective applicable, en cas d'absence pour maladie, le salarié bénéficie du maintien de son salaire net sous déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale du 4e au 30e jour après un an d'ancienneté. Au-delà l'indemnisation est prise en charge par le régime de prévoyance.

Or, si la salariée admet que l'employeur s'est normalement acquitté du paiement du complément correspondant à la période des 30 premiers jours (absence du 8 au 19 février avec versement sur le salaire du mois d'avril 2006 puis du 21 mars au 7 avril avec versement sur le salaire du 1er au 15 mai 2006) il n'établit pas avoir rétrocédé à la salariée le montant pris en charge par le régime de prévoyance pour la période ultérieure s'élevant à une somme de 1.514,68 € pour 38 jours.

La cour confirmera donc la décision du conseil de prud'hommes et condamnera l'employeur à verser à Mlle [E] [T] [O] [P] une somme de 1.514,68 €, justifiée dans son montant, à titre de rappel de salaire sur complément maladie pour la période du 8 avril au 15 mai 2006.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires 2002-2006 :

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, la charge de la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement ni à l'une ni à l'autre partie. Si l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, ce dernier doit d'abord fournir des éléments pour étayer sa demande. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par chacune des parties.

L'employeur critique la décision des premiers juges disant :

- que les horaires du cabinet étaient du lundi au vendredi 9h30 à 13h et de 14h à 17h30,

- qu'il avait instauré, conformément aux dispositions de la convention collective, un système par lequel il octroyait une journée de repos par jour travaillé pour compenser les samedis et dimanches ou jours fériés éventuellement travaillés par le salarié pendant les périodes de forte activité, repos compensateurs apparaissant comptabilisés sur chacun des bulletins de salaire délivrés,

- que la salariée n'apporte pas la preuve d'avoir effectué, sur ses instructions ou à la demande de clients extérieurs au cabinet et avec son accord, des heures supplémentaires en dehors de celles précisément compensées par les 'repos compensateurs' invoqués ci-dessus,

- que les heures facturées au client ne correspondent pas aux horaires effectués par Mlle [E] [T] [O] [P].

La salariée maintient, qu'en dehors des samedis et dimanches ou jours fériés travaillés et récupérés, sur une base limitée à sept heures, elle-même comme la plupart de ses collègues exécutait régulièrement des heures supplémentaires indispensables, compte tenu de la charge de travail mais aussi des horaires d'ouverture des clients.

Elle soutient qu'à la première adresse de la société, comme après son déménagement en juillet 2005, un système a toujours été organisé par l'employeur pour permettre aux différents salariés d'accéder aux locaux tôt le matin, ou de les quitter tard le soir, en fonction de leurs impératifs de travail, et en dépit, du dispositif de sécurité mis en place à la deuxième adresse [Adresse 4].

Ses dires sont toutefois d'abord contredits par les attestations produites par l'employeur émanant d'associés, de partenaires ou de salariés, certes de valeur probante parfois contestable certains de ceux-ci étant soumis à des liens de dépendance, mais toutefois parfaitement concordants.

Ces témoignages confirment tous l'existence et le respect des horaires collectifs du cabinet tout en invoquant des journées supplémentaires obligatoires pendant la période des bilans, récupérées «en repos compensateurs».

Ces témoins expliquent que seules Mme [M] et Mme [C], avaient les clés de l'entreprise et pouvaient donc y accéder librement. Ces déclarations ne concernent toutefois que les locaux occupés depuis 2005.

M. [D] [F], témoin cité par l'employeur précise toutefois «le compteur repos compensateur est mouvementé selon les informations des collaborateurs... Je prenais donc en compte toutes les demandes de mouvement qu'elle (Mlle [E] [T] [O] [P]) m'indiquait concentrant les heures effectuées, y compris les heures à son domicile».

Ce seul témoignage démontre en réalité que les heures supplémentaires n'étaient pas limitées aux seules journées supplémentaires obligatoires en période des bilans, indiquant toutefois que l'ensemble des heures auto-déclarées était pris en compte.

Les dires de Mlle [E] [T] [O] [P] quant à l'existence régulière d'heures supplémentaires et quant à la mise en place d'un système ad hoc permettant à chacun d'arriver plutôt ou de partir plus tard ne sont en revanche confirmés que par les attestations de :

- Mme [S], qui indique qu'à la première adresse du cabinet, le personnel avait à sa disposition les clés du bureau chez la gardienne,

- Mme [Z], ancien salarié du cabinet, ayant elle-même fait valoir, devant le conseil de prud'hommes une demande de rappel de salaire également pour heures supplémentaires, en partie sur la même période, qui décrit, à la première comme la seconde adresse, un système souple permettant au cabinet d'être ouvert de 12 à 14 heures par jour permettant aux uns et aux autres d'arriver et de repartir selon leur convenance ou nécessité.

Ces témoignages n'établissent cependant pas les dépassements horaires revendiqués par Melle [E] [T] [O] [P].

Mais au-delà, à l'appui et pour expliquer le relevé des heures supplémentaires revendiquées par la salariée et établi par celle-ci, Melle [E] [T] [O] [P], soutient que ce relevé est conforme aux feuilles de temps concernant le suivi de ses clients et permettant leur facturation par le cabinet.

Or, contrairement à ce qu'affirme le conseil de prud'hommes, ces facturations, validées par l'employeur, n'établissent pas la réalité d'heures supplémentaires.

En effet, aucun élément produit par l'une ou l'autre partie n'indique précisément les moments et horaires auxquels est intervenue la salariée pour le compte de ces clients.

Or, de manière évidente, le total de ces interventions ne dépasse pas le total de l'horaire de travail légal de Melle [E] [T] [O] [P], étant en outre précisé que Melle [E] [T] [O] [P] ne contredit pas sérieusement l'employeur qui affirme que le même dossier pouvait faire l'objet de l'intervention de plusieurs salariés.

La salariée n'établit pas que ses missions personnelles ne pouvaient être effectuées dans le cadre de l'horaire de travail légal.

L'attestation de Mme [S] qui dit que «les heures supplémentaires n'étaient jamais payées mais elles étaient facturées aux clients» n'est pas contradictoire avec la position de l'employeur qui dit que les heures supplémentaires n'étaient pas rétribuées car elles étaient récupérées.

La production de ces fiches de facturation n'établit donc pas la réalité d'un dépassement par Melle [E] [T] [O] [P] de l'horaire collectif, qui n'ait pas été compensé par des journées de récupération, ou payés par chèques comme cela a été le cas en octobre 2005 pour 38 jours de repos compensateur non récupérés par Melle [E] [T] [O] [P].

En outre, il apparaît particulièrement étonnant, compte tenu du métier même de Mlle [E] [T] [O] [P] et de son caractère décrit comme «fort» par plusieurs de ses collègues, que celle-ci ait accepté pendant de longues années d'accomplir un tel nombre d'heures supplémentaires sans compensation effective mais aussi sans formuler la moindre réclamation dont la preuve sera apportée et au-delà sans même en dresser un relevé précis, en se pré-constituant des éléments de preuve tels qu'agenda, copies de mails matinaux ou tardifs etc., alors même que l'employeur lui notifiait chaque mois le décompte de ses journées de récupération, tel que ressortant de son compteur temps.

La cour, considérant que Melle [E] [T] [O] [P] n'établit pas la réalité de l'accomplissement d'heures supplémentaires qui n'aient pas été récupérées conformément aux dispositions de la convention collective, déboutera donc celle-ci de sa demande de rappel de salaire.

La cour infirmera en conséquence la décision du conseil de prud'hommes quant au rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents.

Sur le harcèlement moral :

Devant les premiers juges comme en cause d'appel, la salariée soutient avoir été victime de harcèlement moral et en demande réparation à son employeur. Le conseil de prud'hommes n'a pas statué spécifiquement sur sa demande.

L'article L.1222-1 du code du travail dispose que 'le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Par ailleurs l'article L.1152-1 du même code précise qu''aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel'.

En cas de litige, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La cour relève que les parties adoptent des positions contradictoires, la salariée accusant l'employeur de harcèlement moral à son égard, l'employeur suggérant à travers la production de plusieurs attestations d'autres salariés de l'entreprise, que l'intéressée avait un caractère très difficile, qui se traduisait notamment vis-à-vis de certain d'entre eux sur lequel elle avait autorité (M. [D] [F]) des attitudes pouvant également caractériser sous certaines conditions un harcèlement moral.

La salariée prétend avoir été victime de harcèlement moral de la part de sa responsable hiérarchique Mme [M] à partir de décembre 2005 soutenant avoir été privée de ses collaborateurs ainsi que de relations directes avec les clients, un grand nombre de ces courriers lui ayant été en outre retirés, son bureau n'étant pas chauffé.

Elle établit une relation directe entre ces agissements «néfastes» et les arrêts de travail successifs dont elle a bénéficié à partir du 8 février.

Toutefois, les faits dont il est fait grief à l'employeur sont mal établis et peu circonstanciés, ne se sont déroulés selon les dires mêmes de la salariée que pendant une très brève période de temps de quelques semaines, fin 2005- début 2006.

En outre, la mention par le médecin traitant pour expliquer un début de dépression, 'd'une suspicion de harcèlement moral', qui ne peut reposer que sur les dires de la salariée en l'absence de tout constat objectif sur le lieu de travail ne permet pas d'établir un tel harcèlement.

Le harcèlement moral n'est donc pas établi et la salariée sera déboutée de sa demande à ce titre

Sur la rupture du contrat de travail de Melle [E] [T] [O] [P] :

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à l'employeur ne fixe pas les limites du litige. Dès lors le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqué devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Le juge du fond peut, pour trancher la question de l'imputabilité de la rupture, se fonder sur des présomptions. La rupture prend effet à la date à laquelle elle a été notifiée.

La lettre de prise d'acte de rupture adressée par Melle [E] [T] [O] [P] le 15 mai à son employeur reposait, à titre essentiel, sur l'absence de paiement des heures supplémentaires,

En cours de procédure la salariée a également invoqué le fait de harcèlement moral.

La cour considérant, comme expliqué ci-dessus, que ces deux demandes ne sont pas fondées, la prise d'acte de rupture produira, à la date du 15 mai 2006, les effets d'une démission, la cour infirmant également à ce titre la décision du conseil de prud'hommes. D'autre part les deux autres problèmes invoqués dans la lettre de prise d'acte de rupture à savoir le litige concernant la médecine du travail et la supposée promesse d'intégration de Mlle [E] [T] [O] [P] sous forme d'associé ne sont nullement établis, l'entreprise ayant tout simplement changé de centre de médecine du travail et la salariée ne rapportant la preuve d'aucune promesse quant à son éventuelle intégration.

De tels faits ne sauraient en tout état de cause en outre justifier, ainsi une rupture à la charge de l'employeur.

À partir de cette date du 15 mai 2006, devait normalement courir un délai de préavis de deux mois.

Sur l'indemnité de préavis et les congés payés afférents :

La rupture du contrat de travail étant la conséquence d'une démission l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas due à la salariée, de même que l'indemnité de licenciement.

L'employeur la SA RCL Experts et Conseils forme une demande reconventionnelle d'un montant de 6.195,10 € correspondant aux deux mois de préavis non exécutés par la salariée.

La salariée ayant démissionné le 15 mai 2006, son préavis devait s'achever le 15 juillet 2006.

Or jusqu'au 27 juin, il est constant que Mlle [E] [T] [O] [P] était régulièrement placée en arrêt maladie ; la salariée était donc indisponible et n'était pas en situation d'exécuter ce préavis. L'employeur ne lui a pas demandé ensuite l'exécution des 18 jours de préavis restant à courir.

L'employeur sera débouté de sa demande.

Les parties seront déboutées de leurs autres demandes qui ne sont pas fondées.

Sur les demandes de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :

La Cour considère qu'il n'est pas inéquitable de laisser chacune des parties supporter des frais de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer. Elles seront donc déboutées de leurs demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

En conséquence, la Cour,

Infirme la décision du Conseil de prud'hommes sauf en ce qui concerne le rappel de salaire alloué à titre de complément maladie,

Et statuant à nouveau :

Dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Mlle [E] [T] [O] [P] s'analyse comme une démission.

Déboute la salariée de l'ensemble de ses demandes.

Déboute l'employeur de ses autres demandes reconventionnelles.

Dit que chacune des parties assurera la partie des dépens mis à sa charge.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 08/06935
Date de la décision : 14/01/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°08/06935 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-14;08.06935 ?
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