La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2009 | FRANCE | N°08/11940

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 26 novembre 2009, 08/11940


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 26 novembre 2009

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11940 - MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juillet 2008 par le conseil de prud'hommes d'EVRY section activités diverses RG n° 06/00839



APPELANTE



1° - Madame [Z] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assistée de M. Antoine GUASTALL

I, délégué syndical ouvrier



INTIMEE



2° - ASSOCIATION TUTELAIRE DE L'ESSONNE ATE venant aux droits de l'ATI

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Sandra NGUYEN-GUENEE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 26 novembre 2009

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11940 - MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juillet 2008 par le conseil de prud'hommes d'EVRY section activités diverses RG n° 06/00839

APPELANTE

1° - Madame [Z] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assistée de M. Antoine GUASTALLI, délégué syndical ouvrier

INTIMEE

2° - ASSOCIATION TUTELAIRE DE L'ESSONNE ATE venant aux droits de l'ATI

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Sandra NGUYEN-GUENEE, avocat au barreau de l'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Septembre 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, président

Mme Irène LEBE, conseiller

Mme Marie-Antoinette COLAS, conseiller

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LES FAITS :

Mme [Z] [J] a été engagée le 6 septembre 2000, en qualité d'agent administratif, suivant contrat à durée indéterminée, par l'Association tutélaire de l'Essonne ATE, venant aux droits de l'ATI (Association tutélaire des inadaptés).

Le 29 novembre 2000, après être passée à temps plein, la salariée signait un avenant dans lequel sont précisées ses différentes tâches.

Cependant, dès le 1er décembre 2001, la salariée adressait un courrier à la directrice de l'association demandant, compte tenu de son expérience dans ses postes précédents (chef de service, assistante de direction, au statut cadre) et des tâches qui lui étaient réellement confiées à l'ATI, une promotion au grade d'agent administratif principal. Il n'y était pas donné suite.

À partir de mai 2003 Mme [Z] [J] a effectué 35 heures de travail hebdomadaire, après signature d'un nouvel avenant à son contrat de travail, fixant le salaire mensuel à 1.419,97 euros et confirmant la fonction d'agent administratif.

À compter du 1er janvier 2006, son employeur lui a accordé, selon courrier du 22 décembre 2005, un coefficient issu de l'annexe de la convention collective «bien que celui-ci ne soit pas réellement adapté à ses fonctions» et, ainsi qu'à ses collègues, neuf jours de congés supplémentaires par année complète d'activité calculée selon les principes définis à l'annexe de la convention collective des établissements et services aux personnes inadaptées et handicapées, du 15 mars 1966.

Mme [Z] [J] a alors saisi le conseil de prud'hommes d'Évry, section activités diverses, sollicitant :

- un rappel de salaire en application de la convention collective sus mentionnée pour la période d'octobre 2001 à septembre 2006 inclus, soit 16.573 euros, congés payés en sus ;

- une compensation financière pour non-bénéfice de congés supplémentaires dus au titre de l'annexe 2 de la convention collective pour la période du 1er octobre 2001 au 31 décembre 2005 correspondant à 39 jours soit 2.809,56 euros,

- des dommages et intérêts pour 4.500 euros,

- 1.000 euros pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 3 juillet 2008, ce conseil de prud'hommes a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes considérant que ATI et ATE ne s'étant toujours occupé que de majeurs, la convention collective applicable est celle des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, et plus précisément l'annexe 10 de cette convention définissant les avantages accordés à ces personnels «sans leur étendre le bénéfice des congés trimestriels même si la classification du personnel est définie dans une autre annexe de la convention collective».

Le conseil de prud'hommes a également considéré que la salariée recrutée en qualité d'agent administratif ne remplissait pas les conditions pour prétendre à une requalification de son emploi en un poste de technicien qualifié.

Mme [J], qui a entre-temps été licenciée le 23 septembre 2009, a régulièrement fait appel de cette décision indiquant maintenir l'intégralité de ses demandes, mais sans y ajouter de nouvelles demandes relatives à ce licenciement, à savoir :

- une indemnité compensatrice de congés payés en application de l'article 6de l'annexe 2 de la convention collective, «congés payés supplémentaires au cours de chacun des trois trimestres qui ne comprennent pas de congés annuels» pour un montant de 2.810,06 euros, correspondant à la période du 1er janvier 2001 au 21 octobre 2006.

- la reconnaissance ce qu'elle a occupé les fonctions de secrétaire administrative et en conséquence l'octroi de rappels de salaires pour la période d'octobre 2001 au 25 mai 2009 inclus pour un montant de 22.050,07 euros, congés payés en sus.

Elle sollicite également 4.500 euros pour préjudice subi et 2.500 euros pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande donc l'infirmation de la décision du conseil de prud'hommes.

L'Association tutélaire de l'Essonne venant aux droits de l'ATI, soutient qu'elle ne gère que les dossiers de personnes majeures, considérées légalement comme adultes mais n'intervient pas auprès d'enfants. Elle en conclut que l'annexe 2 de la convention collective nationale des établissements et services aux personnes inadaptées et handicapées ne lui est pas applicable soutenant relever de l'annexe 10, qui ne prévoit pas de congés trimestriels supplémentaires pour le personnel des établissements qui y sont soumis.

Elle conclut donc sur ce point au débouté de Mme [Z] [J].

S'agissant de la demande de requalification des fonctions et de rappel de salaire afférent, l'employeur soutient que la salariée qui, à plusieurs reprises, a entériné par la signature de son contrat de travail puis d'avenants, sa qualification d'agent administratif n'avait pas de fonctions correspondant à la qualification qu'elle revendique désormais de technicien qualifié et ne remplissait d'ailleurs pas les conditions de diplôme pour y prétendre.

L'Association tutélaire de l'Essonne sollicite donc également confirmation de la décision du conseil de prud'hommes et le débouté de Mme [Z] [J] de ce chef.

Elle sollicite 150 euros pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La convention collective applicable, aux termes du contrat de travail de Mme [Z] [J], est celle des établissements et services aux personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, les parties étant en litige sur le point de savoir si l'établissement relève de l'application de l'annexe 2 ou de l'annexe 10 de cette convention collective.

LES MOTIFS DE LA COUR

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la demande relative aux congés payés pour la période 2000- 2005 :

À la suite d'une demande du personnel en ce sens et d'une réunion tenue le 14 novembre 2005, l'ATI a, de manière unilatérale, octroyé au personnel trois jours trimestriels de congés supplémentaires.

Mme [Z] [J] a demandé à son employeur le bénéfice des mêmes dispositions pour la période 2000-2005, soutenant que l'article 6 de l'annexe 2 de la convention collective des établissements et services aux personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, visée par son contrat de travail, lui ouvrait droit à des «congés payés supplémentaires au cours de chacun des trois trimestres ne comprenant pas de congés annuels», à raison, pour les personnels non-cadres dont elle faisait partie, de «trois jours consécutifs, non compris les jours fériés le repos hebdomadaire par trimestre».

L'employeur pour sa part soutient que les établissements qui sont chargés d'adultes handicapés doivent se voir appliquer, non pas à l'annexe 2mais l'annexe 10, les congés payés trimestriels supplémentaires étant selon lui réservés pour les personnels des établissements de «l'enfance inadaptée».

Prétendant n'avoir pour activité que les tutelles «majeurs», il soutient donc il n'était pas tenu d'octroyer les dits congés trimestriels avant sa décision unilatérale applicable au 1er janvier 2006.

En effet, le simple fait que l'emploi d'agent administratif de Mme [Z] [J] qui n'est pas prévu par l'annexe 10, soit rattaché à l'annexe 2 n'a pas pour autant pour conséquence de placer l'établissement employeur de Mme [Z] [J] sous le régime de l'annexe 2, l'annexe de la convention collective applicable dépendant du type d'établissement, selon qu'il s'occupe d'adultes ou de mineurs.

L'Association tutélaire de l'Essonne soutient s'occuper de majeurs et relever de l'annexe 10.

La salariée soutient que l'ATI avait vocation à s'occuper également de mineurs, soulignant que les statuts de cette association précisaient que celle-ci avait pour mission d'organiser et de participer à la gestion des services communs au profit des 'pupilles handicapés mentaux', qui par définition ces mots font référence à des mineurs placés sous la protection d'une collectivité.

Elle en déduit que l'association qui l'employait relevait de l'annexe 2 et qu'elle devait bénéficier des congés trimestriels supplémentaires prévus à cette annexe.

Elle sollicite en conséquence l'équivalent du salaire de 39 jours de congés de septembre 2000 à fin à 2005.

Cependant, et même si, à tout le moins dans un cas, l'ATI qui était déjà responsable de la prise en charge d'une adulte placée sous tutelle, s'est vu confier par le juge des enfants une mission ponctuelle concernant la fille mineure de cette dernière, aucun autre élément produit au dossier par la salariée, ou émanant de quelque autre source, ne permet d'affirmer que l'ATI, devenue l'Association tutélaire de l'Essonne, est une association, qui a pour vocation et effectivement pour activité habituelle de prendre en charge des tutelles «mineurs» ne serait-ce que pour une partie, régulière, de son activité et devrait de ce fait être soumise aux dispositions de l'annexe 2 de la convention collective de 1966.

L'ATI, devenue ATE n'est donc pas assimilable à un établissement de l'enfance inadaptée, et les dispositions de l'annexe 2 de la convention collective du 15 mars 1966 relatives aux congés payés trimestriels supplémentaires réservées à ces établissements ne lui étaient pas applicables, les établissements pour adultes handicapés se voyant appliquer depuis le 27 novembre 1981 l'annexe 10, qui exclut de tels congés.

Il en résulte que l'application des dispositions plus favorables aux salariés relatives à l'octroi de congés payés trimestriels supplémentaires, ne constituait pas une obligation pour l'employeur et ne sont donc dues par celui-ci qu'à compter du 1er janvier 2006, après qu'il avait pris la décision unilatérale d'en faire bénéficier son personnel.

Mme [Z] [J], qui n'avait pas bénéficié précédemment de ses congés payés trimestriels et ne peut invoquer de quelconques droits acquis, n'est donc pas fondée à demander l'application de ces dispositions avant la décision unilatérale de l'employeur. Elle sera donc déboutée de ses demandes cet égard.

Sur la demande de requalification de son emploi et de rappel de salaire depuis octobre 2001 :

L'employeur s'oppose tout d'abord à la qualification de technicien qualifié revendiquée par la salariée au motif que le contrat de travail puis deux avenants ont contractuellement retenu puis confirmé une qualification d'agent administratif.

Cependant, il ne saurait arguer de ce que la qualité d'agent administratif est contractuel et ne peut être modifié car 'faisant la loi' des parties, alors que cette qualification n'était contractuelle que sous réserve que le travail confié à Mme [Z] [J] corresponde effectivement à cette qualification, ce qui n'était manifestement pas le cas.

Selon la convention collective «technicien qualifié» correspond à «un emploi dont le titulaire responsable de l'application des règles relevant d'une technique bien déterminée exigeant des connaissances professionnelles qualifiées. Dans le cadre de consignes générales permanentes selon des instructions précises sur les objectifs et le mode opératoire, l'intéressé met en oeuvre les moyens nécessaires, avec des applications pouvant être diversifiées. Il peut être appelé à prendre des initiatives pour adapter les instructions et prévoit les moyens d'exécution. L'emploi est accessible aux personnes titulaires d'un diplôme de niveau IV».

Selon la même convention collective, l'agent administratif est celui «qui exécute les travaux de classement, de documentation, de sténographie, la dactylographie, de bureautique, de saisie informatique et des tâches administratives courantes ou comptables simples. Il est accessible aux personnes titulaires d'un niveau V».

Selon le CV adressé en août 2000 à l'ATI, Mme [Z] [J] avait un niveau de classe terminale, et deux années en école de secrétariat, ainsi que des compétences comptables et informatiques mais n'était titulaire d'aucun diplôme. Elle avait toutefois déjà exercé, précédemment, des fonctions administratives l'ayant fait bénéficier du statut de cadre, élément que ne conteste pas l'employeur.

La salariée expose que bien qu'engagée sous le statut d'agent administratif, elle a accepté ce poste d'agent administratif car n'avait guère le choix, mais considère qu'elle aurait dû au regard de la réalité de ses fonctions, mais aussi de ses fonctions antérieures, être ensuite régularisée en tant que «secrétaire administrative» correspondant à une qualification de technicien qualifié, se voyant régulièrement confier des tâches qui ne correspondaient pas à son contrat de travail, ni à sa fiche de poste contractuelle initiale.

Elle prétend que la nouvelle fiche de poste qui lui a été donnée à signer en mai 2006 confirme les tâches effectuées qui correspondent à un poste de technicien qualifié.

Son employeur soutient, en revanche, que ne lui était confiées que des tâches d'exécution, -classement, saisie informatique, et tâches administratives diverses simples- sans responsabilités ni autonomie particulières, ne disposant d'aucune délégation de signature, la salariée ne produisant d'ailleurs aucun document administratif revêtu de sa signature.

Sa fiche de poste indique qu'elle travaille sous la responsabilité du délégué auquel elle est rattachée.

L'employeur souligne en outre que lorsqu'un poste de délégué s'est trouvé vacant en juillet 2006, poste proposé à tous les agents administratifs, Mme [Z] [J] n'a pas postulé, de même qu'elle n'a jamais sollicité de formation en vue d'une telle promotion.

La nouvelle fiche de poste remise à la salariée en mars 2006 ne change pas, selon lui, le niveau de responsabilités administratives des agents concernés.

Ainsi, pour l'Association tutélaire de l'Essonne, l'emploi de Mme [Z] [J] correspondait-il bien à un emploi d'agent administratif.

L'examen des différentes pièces produites par les parties fait apparaître que :

- Il ressort d'une fiche de poste remise le 29 novembre 2001, à une autre salariée de l'association, que les fonctions de secrétaire administrative sont définies comme suit : «emploi dont le titulaire est responsable de l'application des règles relevant d'une technique bien déterminée exigeant des connaissances professionnelles qualifiées. Dans le cadre de consignes générales permanentes selon des instructions précises sur les objectifs, l'intéressée met en oeuvre les moyens nécessaires, avec des applications pouvant être diversifiées. Elle peut être appelée à prendre des initiatives pour adapter les instructions et prévoit les moyens d'exécution. Il est rappelé que ceux-ci n'ont pas un caractère exhaustif et ne se limitent pas aux missions décrites ci-dessus».

Au titre de ces fonctions sont ensuite prévues des tâches telles que rédaction de lettres simples à partir des directives données, frappe, classement, ouverture et fermeture des dossiers de tutelle, suivi administratif et financier en matière de sécurité sociale et mutuelle, établissement des formalités administratives demandées par le responsable du dossier de tutelle, établissement des déclarations de revenus (impôts dans les cas simples et CAF) effectuer le règlement après autorisation de la personne chargée du dossier de tutelle...

La fiche de poste correspondant aux fonctions de l'agent administratif communiqué prévoit que celui-ci : «assure le secrétariat général et celui qui concerne le dossier de tutelle : frappe, tri du courrier, affranchissement, dépôt à la poste classement journalier de lettres et documents, archivages ainsi que l'exécution de tâches administratives courantes ou comptables simples et des travaux de saisie informatique et l'établissement de chèques ou la réalisation de virements après autorisation de la personne chargée du dossier de tutelle.

- Or, le 16 avril 2003 Mme [V], qui exerçait, ce qui n'est pas contesté la fonction de directrice de l'ATI, tout en prenant en charge un certain nombre de dossiers de tutelle, a rédigé une note de service destinée à l'ensemble du personnel, l'informant d'un recrutement ainsi que des fonctions confiées à plusieurs des salariés de l'établissement.

Il y est indiqué : «Mme [J] assurera, quant à elle, mon secrétariat».

C'est en vain que l'employeur soutient aujourd'hui que n'étaient confiées à Mme [J] que des tâches de secrétariat relatif à son activité à temps partiel de déléguée aux tutelles.

En effet, en dehors de toute autre précision portée sur cette note de services, rédigée et signée par la directrice de l'association, l'information communiquée au personnel ne saurait s'interpréter autrement que comme le fait de confier à Mme [J] des fonctions de secrétaire de direction.

- Pour établir la réalité de la nature des tâches qui lui étaient confiées, Mme [Z] [J] produit, notamment, un compte-rendu de la semaine du 23 au 27 février 2004 de 'Mme [J] à Mme [V]' où elle fait un point précis de l'état d'avancement des dossiers de tutelle dans lequel elle a eu à intervenir en l'absence de sa supérieure hiérarchique.

Or, il ressort des termes mêmes de ce compte-rendu, qui n'est pas discuté, compte-rendu exhaustif, précis et bien formulé, que Mme [J] prenait l'initiative de rédiger par elle-même des documents écrits, techniques et circonstanciés, ce qui ne correspond pas à une simple tâche d'exécution.

Pour chacun des dossiers elle prenait en outre l'initiative de poser à sa supérieure hiérarchique des questions précises et pertinentes, démontrant qu'elle savait tout à la fois distinguer ce qu'elle pouvait faire d'initiative et ce pour quoi elle devait prendre l'avis de son supérieur hiérarchique. Exemples, parmi d'autres : 'Mme N. : j'attends l'attestation vitale pour vérifier ses droits et faire une demande CMU ; Mlle R : compte tenu des difficultés rencontrées avec Orange pour débloquer le portable... j'ai relancé France Telecom après des mois de négociations la ligne enfin été ouverte le 26 /02/ 04...'.

De même, dans une lettre à la directrice de l'association le 28 novembre 2006 à la suite de reproches qui lui avaient été faits, Mme [Z] [J] après avoir répondu précisément pour contester ces reproches indique : «pour ce qui concerne le renouvellement de l'APA de MM.B et LP j'ai eu confirmation des services du conseil général de l'Essonne que le renouvellement devait être assuré simplement deux mois avant leur échéance par envoi de l'avis d'imposition, réception du premier avis du conseil général. Je restais donc en l'occurrence largement dans les délais, il n'y a pas lieu de reprocher quoi que ce soit...».

Ces diligences, dont il n'est pas contesté qu'elles aient été celles de Mme [J] en l'absence de sa supérieure hiérarchique, ou pour la soulager, démontrent de manière certaine que Mme [Z] [J] exerçait des responsabilités qui allaient bien au-delà de simples tâches d'exécution, mais correspondaient à des tâches de secrétaire administrative, techniquement qualifiée.

La réalité des tâches de Mme [Z] [J] est par ailleurs confirmée par un ensemble d'attestations émanant d'autres salariés et de déléguées aux tutelles de l'association, certes, pour certaines, irrégulières en la forme comme n'étant pas assorties de la copie des pièces d'identité de leurs auteurs, ou de valeur probante limitée comme émanant de personnes également en conflit avec l'association, mais l'ensemble de ces attestations, qui se confortent les unes les autres, valent à tout le moins éléments d'information pour la cour, qui confirment que Mme [Z] [J] assurait tout à la fois le secrétariat de la directrice de l'association (qui ne disposait d'aucune autre secrétaire), ainsi que des tâches de secrétaire administrative auprès de divers délégués aux tutelles, allant même jusqu'à apporter une forme d'initiation pour Mme V nouvellement recrutée comme déléguée.

L'ensemble de ces éléments établissant la réalité des fonctions de Mme [Z] [J] n'est pas contredit de manière efficace par les quelques attestations produites par l'employeur, le plus souvent rédigées de manière vague, et émanant de salariés toujours soumis à un lien hiérarchique.

C'est donc à tort, que le 8 septembre 2006, le directeur de l'association Mme [V], après avoir diffusé une nouvelle fiche de poste correspondant à la réalité des fonctions de Mme [Z] [J] et qui aurait dû, selon celle-ci, induire une classification en tant que secrétaire administrative, a cru pouvoir répondre à la salariée «nous considérons que les travaux qui vous sont demandés relèvent tout à fait de la grille d'agent administratif, dans la mesure où vous ne faites qu'exécuter un travail demandé et que votre poste est dépourvu de toute prise de décision quant au dossier que nous gérons. D'ailleurs vous n'avez aucune délégation de signature sur le courrier que vous produisez ou les documents que vous êtes amenée à compléter...».

Le fait que la salariée exécutait ses tâches sous le contrôle, en en rendant compte ou en requérant l'avis de Mme [V], ne contredit pas cette qualification alors que la fiche de fonction 'secrétaire administrative' prévoit précisément à plusieurs reprises que les initiatives de cette secrétaire requièrent dans un certain nombre de cas la demande de l'autorisation du supérieur hiérarchique, et n'exige nullement une délégation de signature étant d'ailleurs relevé qu'une seule personne, outre la directrice bénéficiait dans l'association d'une délégation de signature.

Aussi, si l'employeur, ce qui est indéniable, savait profiter des 'acquis de l'expérience' de Mme [Z] [J] pour lui confier des tâches de responsabilité correspondant à la qualification de technicien qualifié, même si l'intéressée n'avait pas de diplôme correspondant, il devait également, compte tenu de la réalité du service rendu, valoriser ces acquis de l'expérience en reconnaissant à Mme [J] cette qualification.

L'employeur, enfin, est malvenu à tirer argument du fait que Mme [J] n'a pas candidaté à un poste de secrétaire administrative se trouvant vacant, alors précisément que celle-ci, dans la réalité, exerçait déjà des fonctions de secrétaire administrative, mais que son employeur n'en profitait pas pour autant, pour lui proposer spontanément de l'affecter sur ce poste de technicien qualifié se trouvant vacant.

Ce faisant, l'employeur a manifestement entretenu une dégradation des relations entre la salariée et son employeur qui a abouti à une succession d'arrêts maladie puis à un avis d'inaptitude à tout emploi dans l'association, suivi d'un licenciement.

La cour considérant en conséquence que la qualification de secrétaire de direction, secrétaire administrative, correspondait effectivement aux compétences et aux fonctions réelles de Mme [Z] [J], infirmera la décision du conseil de prud'hommes et fera droit à la demande de requalification des fonctions de la salariée ainsi qu'à sa demande de rappel de salaire, congés payés en sus, non contestée dans son quantum mathématiquement justifié, depuis, compte tenu de la prescription quinquennale s'appliquant au paiement rendement de salaire, octobre 2001 jusqu'à la date de son licenciement en septembre 2009.

Les circonstances de l'espèce caractérisent, en outre, de la part de l'employeur un défaut d'exécution de bonne foi du contrat de travail qui, au-delà de la perte de salaire a occasionné à la salariée un préjudice pour lequel il lui sera accordé la somme de 4.500 euros sollicitée.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par Mme [Z] [J] la totalité des frais de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer. Il sera donc alloué une somme de 2.000 euros, à ce titre pour l'ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS,

En conséquence, la Cour,

Confirme la décision du Conseil de prud'hommes en ce qui concerne le rejet de la demande relative au rappel de salaire pour congés trimestriels.

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne l'Association Tutélaire de l'Essonne, venant aux droits de l'ATI, à payer à Mme [Z] [J] les sommes suivantes :

- 22.050,07 euros pour rappel de salaire, pour la période d'octobre 2000 au 25 mai 2009, congés payés de 10% en sus,

- 4.500 euros pour réparation du préjudice distinct subi par Mme [Z] du code du travail,

Déboute Mme [Z] [J] du surplus de ses demandes,

Déboute l'Association tutélaire de l'Essonne de ses demandes reconventionnelles,

La condamne à régler à Mme [Z] [J] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure,

La condamne aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 08/11940
Date de la décision : 26/11/2009

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°08/11940 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-11-26;08.11940 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award