Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2009
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/07016
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Février 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 04/14065
INTERVENANT EN REPRISE D'INSTANCE et APPELANT
Monsieur [V] [A]
agissant en sa qualité d'héritier de son frère [W] [A], décédé
[Adresse 9]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représenté par Me Nadine CORDEAU, avoué à la Cour
assisté de Me Yves TEYSSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : M1314
INTIMÉ
Monsieur [R] [N]
[Adresse 5]
[Localité 7]
représenté par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoués à la Cour
assisté de Me Anne POMAREDE de la SCP DESFILIS & GOWAN, avocat au barreau de PARIS, toque P367
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 20 octobre 2009, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Pascal CHAUVIN, président,
Madame Isabelle LACABARATS, conseiller
Madame Dominique REYGNER, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
[I] [A], né le [Date naissance 2] 1920, veuf en premières noces de [O] [N] et en secondes noces de [E] [Z], est décédé le [Date décès 4] 2001, en laissant pour lui succéder :
- MM. [V] et [W] [A], ses deux fils issus de son premier mariage,
- M. [R] [N], son neveu, institué légataire universel par testament olographe daté du 26 janvier 1999 et bénéficiaire de trois contrats d'assurance-vie souscrits les 8 janvier 1995 et 29 mars 1999.
Par ordonnance du 26 mai 2000, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Paris 12ème avait placé [I] [A] sous sauvegarde de justice, sans lui désigner un mandataire spécial.
Par jugement du 21 février 2008, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par M. [N], a :
- débouté MM. [V] et [W] [A] de leur demande en révocation du testament olographe,
- ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [I] [A], désigné un notaire et commis un juge,
- débouté M. [N] de ses demandes de dommages et intérêts formées tant à l'encontre de MM. [V] et [W] [A] qu'à l'encontre de Me [K] [X], leur notaire,
- débouté MM. [V] et [W] [A] de leur demande de mesure d'expertise,
- déclaré irrecevable la demande formée par MM. [V] et [W] [A] et tendant au rapport à la succession de sommes prétendument détournées directement ou indirectement,
- débouté M [N] et MM. [V] et [W] [A] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres prétentions,
- condamné M. [N] à verser à Me [X] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage,
- dit que les dépens seront supportés par les copartageants en proportion de leurs parts dans l'indivision,
- accordé aux conseils en ayant fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 7 avril 2008, MM. [V] et [W] [A] ont interjeté appel de cette décision.
M. [W] [A] est décédé le [Date décès 1] 2008.
Dans ses dernières conclusions déposées le 30 septembre 2009, M. [V] [A], qui intervient tant en son nom personnel qu'en qualité d'unique héritier de son frère [W], demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
- statuant de nouveau,
- juger que le testament olographe est nul et inopposable à la succession,
- désigner un expert à l'effet essentiel de déterminer les conditions dans lesquelles M. [N] a fait fonctionner les comptes de [I] [A],
- dire que M. [N] devra rembourser à la succession les sommes qu'il a pu détourner directement ou indirectement au préjudice de [I] [A], dont le détail résultera du rapport d'expertise,
- condamner d'ores et déjà M. [N] à rapporter à la succession ou à lui verser les sommes de 94 159 euros au titre des fonds détournés sur le compte personnel de [I] [A], de 42 475,64 euros au titre de l'usage abusif du compte joint [N]-[A] et de 274 408,23 euros encaissée à tort par M. [N] au titre de contrats d'assurance-vie Hérédial Actif et Hérédial Plus,
- condamner M. [N] à rapporter à la succession les fonds encaissés à tort au titre du contrat d'assurance-vie Afer et à en justifier le montant,
- condamner M. [N] à lui payer les sommes de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [N] aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 27 août 2009, M. [N] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a déclaré valide le testament olographe et lui a donné plein effet et en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, désigné un notaire et commis un juge,
- débouter M. [A] de l'ensemble de ses demandes,
- y ajoutant,
- condamner M. [A] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [A] aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans des conclusions d'incident déposées le 29 septembre 2009, M. [A] demande au conseiller de la mise en état d'ordonner la communication, par la société [D] et Cairvais, notaire, de son registre des testaments aux fins de vérification d'un certain nombre d'éléments.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 octobre 2009.
Dans des conclusions de procédure déposées le 8 octobre 2009, M. [A] demande à la cour d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture et de dire que l'incident sera joint au fond.
SUR CE, LA COUR,
- sur l'incident de communication de pièce :
Considérant que, sans avoir à révoquer l'ordonnance de clôture dès lors que l'incident de communication de pièce a été soulevé dans des conclusions antérieures à la clôture de l'instruction, il y a lieu de joindre l'incident au fond ;
Considérant que, dans une lettre adressée le 10 janvier 2006 à l'avocat de M. [A], Me [D], notaire à [Localité 10], a indiqué que [I] [A] avait rédigé son testament daté du 26 janvier 1999 sur ses conseils et qu'il lui avait demandé de conserver ce testament dans le coffre de son étude et de l'inscrire au fichier central des dispositions de dernières volontés ; que, dans une lettre adressée le 7 juillet 2009 au même avocat, le notaire a confirmé qu'il résultait de son registre des testaments que celui de [I] [A] avait été déposé le 26 janvier 1999 et inscrit le 31 janvier 2000 au fichier central des dispositions de dernières volontés ;
Que M. [A], qui soutient ne pas savoir si le testament litigieux a été effectivement reçu par le notaire et mentionné dans son registre des testaments le 26 janvier 1999 ou s'il l'a été le 26 janvier 2000, ainsi que le laisserait penser l'inscription, le 31 janvier 2000, au fichier central des dispositions de dernières volontés, demande qu'il soit ordonné au notaire de produire la copie de son registre des testaments afin de vérifier le nombre de pages qu'il comporte, la date des première et dernière inscriptions, la date et l'ordre d'inscription du testament de [I] [A], ainsi que la date de celui inscrit immédiatement avant et de celui inscrit immédiatement après ;
Considérant cependant que, étant observé que le notaire a fourni une copie de son registre qui ne fait apparaître, selon toute vraisemblance pour des raisons de confidentialité, que les mentions relatives au testament de [I] [A] et qui est ainsi rédigée : '26/1/99 - [A] (Mr) [I] - [Adresse 6]', il doit être relevé que, à supposer même que le testament de [I] [A] ait été reçu par le notaire le 26 janvier 2000 et mentionné dans le registre des testaments à cette date, il n'en résulterait pas pour autant que la date portée sur le testament serait nécessairement fausse, un tel élément étant insuffisant à rendre inexacte la date rédigée par le testateur ; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter l'incident ;
- sur la nullité du testament pour insanité d'esprit :
Considérant que, pour solliciter l'annulation du testament pour insanité d'esprit, M. [A] se fonde sur le rapport d'expertise médicale déposé le 27 mai 2000 par le docteur [F] [M] sur ordonnance du juge des tutelles ;
Que ce médecin psychiatre, qui a examiné [I] [A] le 27 mai 2000, a conclu que celui-ci présentait 'une démence sénile de type Alzheimer' et par conséquent 'une altération profonde des fonctions intellectuelles' ;
Considérant que M. [A] en déduit qu'il n'est ni 'imaginable ni envisageable' que la maladie de son père 'se soit spontanément déclarée' ou 'ait empirée en mai 2000' et qu'il est 'donc évident que fin 1998 / début 1999' [I] [A] 'ne pouvait déjà être que gravement atteint' ;
Que, cependant, une telle déduction relevant de la pure conjecture, la cour ne peut que constater que la preuve de l'insanité d'esprit de [I] [A], si elle est établie à partir du mois de mai 2000, n'est pas rapportée à l'époque à laquelle celui-ci a rédigé son testament, étant observé par ailleurs que l'acte litigieux ne révèle en lui-même aucune altération des facultés mentales ;
Qu'il y a donc lieu, confirmant le jugement, de débouter M. [A] de sa demande en nullité du testament de [I] [A] pour insanité d'esprit ;
- sur la nullité du testament pour fausseté de la date :
Considérant que, pour solliciter l'annulation du testament pour fausseté de la date, M. [A] prétend que son père n'a pas rédigé son testament en présence de Me [D] et qu'en réalité M. [N] a dicté une fausse date à [I] [A] qui, dans un état d'extrême faiblesse, était dans l'incapacité de comprendre la portée du testament ;
Considérant toutefois qu'ici encore la cour ne peut que constater que les allégations de M. [A], qui remet en cause les diligences accomplies par un officier public, ne reposent sur aucun élément probant ou tangible de nature à accréditer la thèse de la fausse date portée sur le testament ; qu'il ne peut donc qu'être débouté de sa demande en nullité du testament pour fausseté de la date ;
- sur les autres demandes :
Considérant que M. [A], qui prétend que M. [N] s'est livré à de nombreux détournements de fonds au cours de la période où il a géré le patrimoine de [I] [A], demande l'organisation d'une mesure d'expertise et la condamnation de M. [N] à rembourser ou à rapporter à la succession de [I] [A] les fonds prétendument détournés et à lui verser des dommages et intérêts ;
Considérant cependant que, s'agissant des contrats d'assurance-vie, il y a lieu de constater que ceux-ci ont été souscrits les 8 janvier 1995 et 29 mars 1999, par conséquent à des dates où l'insanité d'esprit de [I] [A] n'a pas été prouvée, et que leur validité n'est remise en cause par aucun élément ; qu'il n'est pas démontré par ailleurs que M. [N] a été l'instigateur des deux versements dont des contrats ont bénéficié au cours de l'année 2000 ;
Que, s'agissant du compte personnel de [I] [A], M. [A] ne prouve pas que M. [N] a été le bénéficiaire des fonds retirés et des achats effectués à partir du 8 juin 2000, étant observé que M. [N] a indiqué, sans être démenti, qu'un retrait de 3 000 francs opéré en août 2000 lui avait été demandé par M. [A] lui-même, qui avait souhaité remettre les fonds à son frère [W] ;
Que, s'agissant du compte joint ouvert au nom de [I] [A] et de M. [N], celui-ci a, dans une lettre du 23 juillet 2001, expliqué à Me [D] qu'il y avait déposé une somme de 250 000 francs, qu'il l'avait utilisé pour son usage personnel à hauteur de 455 301 francs et qu'il proposait de considérer la somme de 255 301 francs comme une avance sur sa part, de sorte que l'allégation de détournement ne saurait être retenue ;
Considérant en conséquence que, sans devoir ordonner une mesure d'expertise, il y a lieu de débouter M. [A] de ses demandes tendant à la condamnation de M. [N] à rembourser ou à rapporter à la succession de [I] [A] les fonds prétendument détournés et, par suite, de sa demande de dommages et intérêts fondée sur la 'malhonnête attitude' de M. [N] ;
Considérant que les autres dispositions du jugement ne sont pas critiquées ;
PAR CES MOTIFS :
Dit n'y avoir lieu de révoquer l'ordonnance de clôture,
Joignant l'incident au fond, rejette l'incident de communication de pièce,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande formée par MM. [V] et [W] [A] et tendant au rapport à la succession de sommes prétendument détournées directement ou indirectement,
Y ajoutant,
Déboute M. [A] de sa demande en nullité du testament de [I] [A] pour insanité d'esprit ou pour fausseté de la date,
Déboute M. [A] de ses demandes tendant à la condamnation de M. [N] à rembourser ou à rapporter à la succession de [I] [A] des fonds prétendument détournés et de sa demande de dommages et intérêts,
Déboute M. [A] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne à verser à M. [N] une somme de 3 000 euros à ce titre,
Condamne M. [A] aux dépens,
Accorde à la Scp Yves Menard - Edwige Scelle-Millet, avoué, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,