Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 4
ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2009
(n° 334 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/09158
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Avril 2007 - Tribunal d'Instance de PARIS 17ème arrondissement - RG n° 11-06-001259
APPELANTE :
S.C.I. PIERRE CROISSANCE agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant
ayant son siège [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour
assistée de Maître Sylvie LACROIX, avocat au barreau de Paris, toque B 874
INTIMÉE :
Madame [W] [I]
demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assistée de Maître Jean-Pierre BLATTER, avocat plaidant pour la SCP BLATTER-RACLET et Associés, avocats au barreau de Paris, toque P 441
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Octobre 2009, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie KERMINA, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jacques REMOND, président
Madame Marie KERMINA, conseillère
Madame Claude JOLY, conseillère
Greffier :
lors des débats : Madame Dominique BONHOMME-AUCLERE
lors du prononcé : Madame OUDOT
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques REMOND, président et par Madame OUDOT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Par acte sous seing privé du 25 octobre 1976 à effet au 1er janvier 1977, la SCI PIERRE CROISSANCE a loué à Mme [I] un appartement situé à [Adresse 4].
Par acte d'huissier de justice du 23 juin 2003, la SCI PIERRE CROISSANCE a signifié à Mme [I] un congé fondé sur l'article 15-I de la loi du 6 juillet 1989 à effet au 31 décembre 2003.
Mme [I] s'étant maintenue dans les lieux postérieurement à la date d'effet du congé, la SCI PIERRE CROISSANCE l'a assignée le 22 septembre 2006 devant le tribunal d'instance aux fins, notamment, d'expulsion.
Par jugement du 24 avril 2007 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal d'instance de PARIS (17e arrondissement) a débouté la SCI PIERRE CROISSANCE de ses demandes et l'a condamnée à payer à Mme [I] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La SCI PIERRE CROISSANCE a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions signifiées le 19 octobre 2007, la SCI PIERRE CROISSANCE demande à la cour, réformant le jugement, de valider le congé, de prononcer l'expulsion de Mme [I] et celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique si besoin est, d'autoriser la bailleresse à faire transporter le mobilier garnissant les lieux dans tout garde-meubles de son choix aux frais, risques et périls de Mme [I], de dire qu'elle sera autorisée à le faire vendre par tel commissaire-priseur de son choix à défaut, passé un délai de deux mois, de paiement par Mme[I] des frais de garde-meubles, de fixer à 3 000 euros par mois, charges en sus, à compter du 1er janvier 2004 jusqu'à la libération effective des lieux le montant de l'indemnité d'occupation et de condamner Mme [I] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 17 septembre 2009, Mme [I] demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement sauf à porter à la somme de 20 000 euros le montant des dommages et intérêts, y ajoutant, de dire que le bail s'est renouvelé pour six années aux conditions antérieures à compter du 1er janvier 2004 pour se terminer le 31 décembre 2009, à titre subsidiaire, de fixer le montant de l'indemnité d'occupation au montant du loyer actuel, et de lui allouer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Considérant que si le titulaire du contrat de location à usage mixte professionnel et d'habitation n'est pas tenu, durant le bail, d'utiliser les lieux à chacun des usages prévus par la convention des parties, il ne peut, lorsqu'au terme du contrat il n'occupe pas pour son habitation principale, au moins partiellement, les locaux pris en location, se prévaloir du droit au renouvellement du contrat que confère la loi du 6 juillet 1989 à celui qui habite les lieux loués ;
Considérant que les parties ne discutent pas le principe de la soumission du bail aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 ;
Considérant que le bail du 25 octobre 1976 a été conclu au profit de Mme [I] à usage d'habitation, le preneur, dont la profession d'avocat est mentionnée dans la convention, étant 'expressément autorisé à s'adjoindre des confrères de son choix pour l'exercice de sa profession, et ce, sous quelque forme que ce soit' ;
Que si par une lettre du même jour transmettant ledit bail à Mme [I], le bailleur a fait connaître son accord pour que l'appartement soit affecté en totalité à usage professionnel, reconnaissant par là-même le droit du preneur à utiliser les lieux durant le bail à un seul des usages prévus, cette circonstance n'affecte pas le caractère de bail à usage mixte professionnel et d'habitation tel que prévu par la convention et entrant dans les prévisions de l'article 2 de la loi précitée ;
Considérant qu'il est constant que Mme [I] a abandonné l'usage d'habitation et qu'au terme du contrat les lieux étaient affectés en totalité à usage professionnel ;
Qu'il s'ensuit que Mme [I] ne peut se prévaloir du droit au renouvellement au contrat prévu en faveur de celui qui habite effectivement les lieux ;
Que le congé, énonçant que la totalité des lieux est affectée à l'usage professionnel de sorte que le preneur ne pourra prétendre au renouvellement lors de l'échéance, est en conséquence fondé sur un motif légitime et sérieux au sens de l'article 15-I de la loi du 6 juillet 1989, la loi ne distinguant pas selon que la soumission du bail aux dispositions de cette loi procède ou pas de la volonté des parties ;
Que le jugement sera dès lors infirmé ;
Considérant que Mme [I] est devenue occupante sans droit ni titre le 1er janvier 2004 ; que son expulsion sera ordonnée selon les modalités du dispositif ci-après ;
Considérant qu'en ne permettant pas la libre occupation des lieux, Mme [I] a commis une faute portant préjudice au bailleur ; qu'en raison de sa nature mixte, compensatoire et indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des lieux, assure en outre la réparation du préjudice résultant d'une occupation sans bail ; qu'au vu des éléments d'appréciation soumis à la cour, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation au montant du loyer contractuel du 1er janvier 2004 au 22 septembre 2006 (date de l'assignation), puis, à compter du 23 septembre 2006, à 2 000 euros par mois ; que Mme [I] sera condamnée au paiement de l'indemnité d'occupation ainsi définie, ainsi qu'aux taxes et charges, jusqu'à libération des lieux par remise des clés ou expulsion ;
Considérant que Mme [I] ne démontre pas en quoi la SCI PIERRE CROISSANCE a commis une faute de nature à faire dégénérer en abus les conditions de mise en oeuvre de la procédure de congé et son droit d'ester en justice ; qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Considérant qu'il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCI PIERRE CROISSANCE dans les termes du dispositif ci-après ;
Considérant que l'issue donnée au litige exclut l'allocation d'une indemnité de procédure à Mme [I] ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Valide le congé signifié le 23 juin 2003 à effet au 31 décembre 2003 ;
Dit qu'à défaut de libération volontaire des lieux par Mme [I], il sera procédé à son expulsion et à celle des occupants de son chef des lieux précédemment décrits dans les conditions prévues par les articles 61 et suivants de la loi du 9 juillet 1991, avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier si besoin est ;
Dit que le sort des meubles garnissant les lieux sera régi par les articles 201 et suivants du décret du 31 juillet 1992 ;
Fixe le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle au montant du loyer mensuel contractuel du 1er janvier 2004 au 22 septembre 2006, puis à 2 000 euros par mois à compter du 23 septembre 2006 ;
Condamne Mme [I] à payer à la SCI PIERRRE CROISSANCE l'indemnité d'occupation ainsi déterminée, outre les taxes et charges, du 1er janvier 2004 jusqu'à la libération des lieux par remise des clés ou expulsion ;
Déboute Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts ainsi que de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [I] à payer à la SCI PIERRE CROISSANCE la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [I] aux dépens de première instance et d'appel avec, pour les dépens d'appel, droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière Le Président