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17/11/2009 | FRANCE | N°08/10009

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 17 novembre 2009, 08/10009


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2009



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/10009



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006030028





APPELANTE



SA GROUPE PRUNAY (anciennement dénommée [V] INVESTISSEMENTS SA)

prise en la personne de ses

représentants légaux

ayant son siège [Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 12]



représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Philippe MEYLAN, avocat...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2009

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/10009

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006030028

APPELANTE

SA GROUPE PRUNAY (anciennement dénommée [V] INVESTISSEMENTS SA)

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 12]

représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Philippe MEYLAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0109

INTIMES

Monsieur [G] [U]

demeurant [Adresse 6]

[Localité 14]

représenté par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour

assisté de Me Annick BENAT, avocat au barreau de LYON, toque T722

Maître [Y] [P]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 10]

assigné - défaillant

Madame [I] [A] veuve [U]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 9]

représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour

assistée de Me Annick BENAT, avocat au barreau de LYON, toque T722

Madame [L] [W] épouse [U]

demeurant [Adresse 6]

[Localité 14]

représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour

assistée de Me Annick BENAT, avocat au barreau de LYON, toque T722

Monsieur [Y] [U]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 7]

représenté par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour

assisté de Me Catherine de GOURCUFF, avocat au barreau de PARIS, toque A67

Mademoiselle [S] [U]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 7]

représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour

assistée de Me Catherine de GOURCUFF, avocat au barreau de PARIS, toque A67

Mademoiselle [Z] [U] représentée par son Administratrice légale sa mère Madame [I] [U]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 9]

représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués à la Cour

assistée de Me Annick BENAT, avocat au barreau de LYON, toque T722

SA BOURSORAMA BANQUE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège [Adresse 4]

et actuellement [Adresse 2]

assignée - défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 6 Octobre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine DEGRANDI, Présidente

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Conseillère

Madame Evelyne DELBES, Conseillère désignée par ordonnance du Premier Président du 1er Octobre 2009 pour compléter la chambre

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine DEGRANDI, présidente et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement rendu le 8/4/2008 par le tribunal de commerce de Paris qui, dans ses dispositions essentielles, a débouté la société Groupe Prunay ( anciennement dénommée [V] Investissements ou [YK] ) de sa demande en réfaction du prix de vente des actions de la société [B] [U] Bouche, fondée sur le dol, et de sa demande de réparation du préjudice subi du fait de la perte de la clientèle de l'Européenne de Règlement, fondée sur la garantie de passif, a débouté la société Groupe Prunay de sa demande tendant à mettre en oeuvre la garantie souscrite par les cédants, en raison des droits consentis le 24/4/2001 à certains salariés concernant le mode de calcul de leur prime de départ à la retraite, de la réclamation formée par les AGF le 18/6/2004, et du défaut de déclaration à l'assurance du sinistre concernant le [Adresse 8], a ordonné le versement par Maître [Y] [P], notaire, dès que la décision serait devenue définitive, à charge pour ce dernier de la répartir entre les consorts [U], en tenant compte de leurs droits respectifs dans la succession de Monsieur [C] [U], de la somme de 700.000 €, séquestrée entre ses mains et placée dans un compte à terme auprès de la société Boursorama Banque ( anciennement Caixabank), pour assurer la garantie de passif et d'actif souscrite par les consorts [U] au profit de la société Groupe Prunay, majorée des intérêts produits du chef du placement de cette somme, a condamné la société Prunay à payer la somme de 15.000 € à Madame [I] [A] veuve [U], Mademoiselle [Z] [U], Monsieur [G] [U], Madame [L] [W] épouse [U], et celle de 5.000 € à Monsieur [Y] [U] et Mademoiselle [S] [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté par la société Groupe Prunay à l'encontre du jugement susdit ;

Vu les conclusions signifiées le 29/9/2009 par l'appelante qui demande à la cour de réformer le jugement déféré, de condamner, au visa de l'article 1116 du code civil, les consorts [U] à lui payer la somme de 1.220.500 € à titre de réfaction du prix de cession des actions et droits dans le capital de la société [B] [U] [H] devenue la société Eurexo [U], subsidiairement sur le dol, d'ordonner avant dire droit une mesure d'instruction 'afin d'entendre, ensemble ou séparément Monsieur [V] et Monsieur [X] sur les faits allégués par ce dernier', de condamner les consorts [U] à lui payer la somme de 1.220.500 € sur le fondement de la garantie d'actif et de passif, à titre infiniment subsidiaire, de surseoir à statuer et d'ordonner une expertise dont les frais seront à la charge des consorts [U], sur les autres chefs de préjudice, de condamner les consorts [U] à lui payer la somme de 41.203,46 €, au titre de la garantie de passif, à titre infiniment subsidiaire, de condamner les consorts [U] à payer la somme de 610.000 €, en tout état de cause, de les condamner à payer la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, enfin, de rendre l'arrêt opposable à Maître [P] et à Boursorama Banque et d'ordonner le versement par Boursorama Banque des sommes séquestrées entre ses mains et saisies à titre conservatoires, soit 700.000 € ;

Vu les conclusions signifiées le 7/8/2009 par Madame [I] [A] veuve [U], Mademoiselle [Z] [U], Monsieur [G] [U], Madame [L] [W] épouse [U] qui demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le rejet de leur demande au titre des intérêts de droit et de capitalisation des dits intérêts sur la somme de 700.000 € séquestrée, y faisant droit, de condamner la société Groupe Prunay à leur verser les intérêts de droit sur la somme de 700.000 € à compter du 12/9/2006, date à laquelle ils ont demandé par voie de conclusions qu'elle soit débloquée à leur profit, d'ordonner la capitalisation des dits intérêts, de condamner l'appelante à payer la somme de 15.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel, à titre infiniment subsidiaire, de dire et juger Monsieur [Y] [U] et Mademoiselle [S] [U] mal fondés en leur demande tendant à voir Madame [I] [U] condamnée sur la base de l'article 1382 du code civil à les garantir de toutes condamnations ;

Vu les conclusions signifiées le 8/9/2009 par Monsieur [Y] [U] et Mademoiselle [S] [U], qui demandent que la cour infirme seulement la disposition du jugement déféré qui a refusé de faire droit à la demande relative aux intérêts de droit et à leur capitalisation, qu'elle condamne la société Groupe Prunay à leur verser les intérêts de droit sur la somme de 700.000 € à compter du 12/9/2006 et ordonne la capitalisation des dits intérêts, enfin qui sollicitent, dans le cas où la cour estimerait devoir faire droit en tout ou partie aux demandes de la société appelante, leur mise hors de cause pure et simple, et, à titre très subsidiaire, la condamnation de Madame [I] [A] à les garantir de toutes condamnations sur le fondement de l'article 1382 du code civil, et en tout état de cause, demandent que la cour condamne l'appelante à leur verser la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les assignations délivrées le 25/11/2008 à la société Boursorama Banque et à Maître [Y] [P], par actes signifiés à personne et la réassignation délivrée à Maître [P] par acte signifié à personne le 19/2/2009, non suivies de constitution d'avoué ;

SUR CE

Considérant que la société [B]-[U]-[H] était une société familiale, spécialisée dans le domaine de l'expertise et du règlement, pour le compte de compagnies d'assurances, de sinistres concernant les risques de particuliers et d'entreprises, c'est à dire de sinistres relevant essentiellement de l'activité IARD ; que le 30/12/2001, Monsieur [C] [U], dirigeant et actionnaire majoritaire de l'entreprise, est décédé brutalement laissant pour héritiers [Y] et [S] [U], enfants d'un premier lit, son épouse, [I] [A] et leur enfant mineur, [Z] ; que Madame [I] [A] a été nommée présidente du directoire et a décidé avec l'ensemble des actionnaires, essentiellement des membres de la famille, soit les héritiers susnommés, ainsi que le père du défunt, [G] [U] et l'épouse de celui ci, [L] [W], de chercher un acquéreur à la société ; qu'elle a pour cela confié un mandat de recherche à la société Societex , spécialisée dans le rapprochement d'entreprises ; que c'est ainsi que la société [V] Investissement ( [YK] ), société holding d'un groupe dit groupe [YK] ou Eurisk, ayant pour activité l'expertise et le règlement de sinistres pour le compte de compagnies d'assurances et oeuvrant principalement dans le secteur dommages ouvrages, s'est déclarée intéressée par l'acquisition de la société [B] [U] [H], voulant développer son activité dans le secteur de l'expertise des biens et personnes où elle n'était guère implantée ; que le 26/6/2002, Monsieur [R] [V], président de la société [YK], a signé une lettre d'intention dans laquelle il indiquait notamment, que sa société se portait acquéreur de100 % des actions de la société [B] [U] [H] pour un montant de 2.440.000 € avec effet rétroactif au 1/7/2002 ; que cette acquisition ne serait effective que si les conditions suivantes étaient remplies : la situation établie par l'expert comptable de la société au 30/6/2002, après distribution des dividendes d'un montant n'excédant pas

300.000 €, devrait faire ressortir une situation nette comptable, après IS et provisions complémentaires, non inférieure à 1.524.000 €, cette situation au 30/6/2002, devrait faire l'objet d'un audit comptable et juridique à réaliser entre le 30 juin et le 31 août 2002, les actionnaires actuels devraient consentir une garantie d'actif et de passif en rapport avec la situation comptable au 30/6/2002, les contrats de travail des principaux experts du cabinet devraient être toujours en vigueur à la date de la signature définitive, Madame [I] [A] devrait démissionner de toutes ses fonctions ; que celle ci bénéficiait en revanche d'un engagement par lequel la société [YK] s'engageait à lui confier la responsabilité des relations publiques et de la communication de la société moyennant un salaire annuel de 90.000 € ;

Considérant que l'audit comptable et financier a été réalisé par Monsieur [G] [E] et Maître [D] [N], missionnés par la société [YK] ; qu'il a confirmé que la situation établie au 30/6/2002 présentait une situation nette comptable, après impôt non inférieure à 1.524.000 € ; que le 2/11/2002, trois conventions ont été signées ; que, tout d'abord, les parties ont conclu une promesse de cession d'actions et de créances de restitution d'actions assortie d'une garantie d'actif et de passif ; que les consorts [U] se sont engagés à vendre les 2225 actions sur les 2500 composant le capital social pour le prix de 2.171.600 € ; que cette promesse était soumise à la condition suspensive de l'autorisation du juge des tutelles pour la cession des droits appartenant aux deux enfants mineurs, [S] et [Z] ; que l'article 4 de la promesse instaurait une garantie par laquelle les vendeurs s'engageaient, chacun à proportion de leurs droits dans la cession, à indemniser la société [YK] pour tout passif net d'augmentation d'actif de la société qui résulterait d'un manquement, d'une omission ou d'une inexactitude portant sur un ensemble de déclarations concernant la société [B] [U] [H] ; que sa durée a été fixée à 3 ans à compter de la signature des ordres de mouvement, exception faite du passif fiscal dont la durée était étendue jusqu'à la date de prescription ; que la garantie a été conclue pour un montant maximal de 700.000 €, l'application de ce plafond étant exclue en cas de fraude ou de dol ; qu'une franchise de 7.000 € a été fixée ; que par ailleurs, il a été convenu qu'une partie du prix, 700.000 €, serait affectée par les vendeurs à la garantie des engagements consentis au titre de la garantie d'actif et de passif et séquestrée à cette fin auprès du Crédit Lyonnais ; que par acte séparé, [YK] a passé, le même jour, avec Madame [A], en sa qualité de président du directoire, une convention d'association à la gestion pour la période comprise entre la promesse et la date de sa réalisation, aux termes de laquelle il était notamment prévu que Madame [A] poursuive la gestion de la société 'en bon père de famille' et privilégie une gestion conservatoire et, également, que la société [YK] assiste aux réunions du directoire et à toutes les réunions de la société [B] [U] [H] qui examineraient les décisions importantes qu'elle devait approuver ; que ces deux parties ont également signé un acte précisant les conditions dans lesquelles Madame [A] devrait démissionner de l'ensemble de ses mandats au jour où la cession deviendrait définitive ; que le 22/4/2003, la réalisation de la cession est intervenue après qu'aient été rendues deux ordonnances du juge des tutelles autorisant [Z] et [S] [U] à accepter la succession de leur père et à céder leurs droits dans la société [B] [U] [H] ; qu'un procès-verbal d'assemblée générale mixte, en date du 22/4/2003, a entériné, à cette date, la signature des ordres de mouvement de cession d'actions, enregistré la démission des membres du conseil de surveillance et celles des membres du directoire, notamment celle de Madame [I] [A], ainsi que le changement de mode d'administration de la société par adoption de la formule d'un conseil d'administration ; que Monsieur [R] [V] a été nommé président du conseil d'administration de la société [B] [U] [H] ; que le contrat de travail de Madame [A] a été modifié par un avenant aux termes duquel elle s'est vue confier, en sus de ses fonctions de DRH, la responsabilité des relations publiques et commerciales de la société ; que le même jour, la société [YK] s'est acquittée du paiement du prix convenu, la société [YK] ayant recours à trois emprunts bancaires et concédant une délégation du bénéfice de la garantie bancaire au profit de l'un des établissements prêteurs ; que la somme de 700.000 €, qui devait être séquestrée sur un compte du Crédit Lyonnais, en garantie des engagements contractuels, a été versée par Maître [P], notaire chargé de la succession, sur un compte ouvert à la Caixa Bank, devenue Boursorama Banque ; qu'un avenant à la garantie de d'actif et de passif a été signé et la franchise portée de 7000 € à 90.000 € ;

Considérant que, postérieurement à la réalisation de la vente, la société [YK] s'est plaint d'avoir découvert l'existence de faits qui lui avaient été délibérément dissimulés, ainsi que la réalisation d'actes intervenus en violation des engagements, déclarations et garanties consentis par la vendeurs ; qu'elle a déclaré avoir appris, par la lecture de deux lettres, qui lui avaient été dissimulées, datées du 4/7/2002 et du 10/4/2003, donc antérieures à la cession, que l'un des principaux clients de la société [B] [U] [H], l'Européenne de règlement, avait signifié la rupture de toutes relations commerciales ; qu'en outre, par courrier du 9/6/2003, son avocat a notifié sa décision de mise en jeu de la garantie d'actif et de passif, aux motifs, tout d'abord, que la société [B] [U] [H] avait accepté en 2001 que ses salariés les plus fidèles, pour la prime de départ à la retraite, gardent le bénéfice de l'ancienne convention collective, Syntec, alors qu'elle avait prétendu que les salariés étaient soumis à la convention collective des entreprises d'expertises en matière d'évaluations commerciales, ensuite, qu'elle se voyait réclamer par la compagnie d'assurances AGF une somme de 19.688,46 €, le 18/6/2004, au titre de l'ajustement d'un acompte perçu en novembre 2001, dette qui n'apparaissait pas dans les comptes, enfin, que la société [B] [U] [H], assignée en janvier 2003 pour un sinistre portant sur un immeuble situé [Adresse 8], ne l'avait pas déclaré, ce qui l'avait conduit à effectuer elle-même une déclaration auprès d'Axa France, qui avait refusé de l'instruire, compte tenu des règles relatives à la prescription ; que le 13/4/2006, la société [YK] a procédé à la saisie conservatoire de ses créances entre les mains de la Caixabank ; que les 11,12 et 21avril 2006, elle a attrait les consorts [U] devant le tribunal de commerce de Paris afin de solliciter leur condamnation au paiement de la somme de 1.220.500 € à titre de réfaction du prix de cession des actions et droits sur le fondement du dol, outre leur condamnation au titre de divers passifs non révélés au titre de la garantie d'actif et de passif ; que c'est dans ces circonstances et conditions qu'est intervenu le jugement déféré, dont les dispositions essentielles ont été ci-dessus rapportées ;

Considérant selon l'article 1116 du code civil, que le dol est une cause de nullité de la convention ou fonde une demande indemnitaire, lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres l'autre partie n'aurait pas contractée ; qu'il ne se présume pas et doit être prouvé ;

Considérant, en l'espèce, que l'appelante reproche aux cédants un silence dolosif concernant la perte de la clientèle l'Européenne de Règlement ( groupement d'intérêt économique constitué de la MAAF, la GMF, la compagnie AZUR et des Mutuelles du Mans ) ;

Considérant que la société Groupe Prunay fait valoir, au soutien de sa demande de réfaction du prix de cession, qu'elle a eu connaissance le 7/5/2003 de la lettre datée du 4/7/2002 par laquelle l'Européenne de Règlement, qui représentait, selon elle, environ 24,5 % des dossiers et 21 % du chiffre d'affaires de la société, avait fait connaître à la société [B] [U] [H], sa décision définitive de mettre un terme à leurs relations commerciales et qu'elle a appris le 2 juin 2003 que, dans une correspondance du 10/4/2003, l'Européenne de Règlement confirmait la fin de la collaboration au 30/4/2003, à l'expiration du délai prolongé de préavis; qu'elle précise que cette information était capitale, déterminante de sa décision d'acquérir la majorité du capital social de la société [B] [U] [H] et du prix qu'elle était disposée à payer pour cette acquisition ;

Considérant que les intimés, qui rappellent utilement que tous les modes de preuve sont admissibles, précisent tout d'abord, ainsi que cela résulte des indications figurant en page 10 de la plaquette de présentation du cabinet [B] [U] [H], établie au cours du premier trimestre 2002 par la société Societex et communiquée à la société [YK], que l'Européenne de Règlement représente environ 7 % de l'activité globale du cabinet, et non pas 21 % comme le prétend l'appelante ; qu'ils insistent, ensuite, sur l'absence de caractère déterminant de ce client tant dans la décision de la société [YK] d'acquérir une participation majoritaire dans le capital de la société que dans la fixation du prix d'acquisition ; qu'ils font valoir que, dans le bilan 2001, la clientèle a été valorisée 45.737 € et expliquent qu'aucune pérennité ne peut être assurée dans ce secteur d'activité, les compagnies d'assurances mettant régulièrement en concurrence les différents cabinets d'expertise dommages et pouvant à tout moment arrêter de missionner un cabinet sauf à respecter un préavis d'usage ; qu'ils contestent toute manoeuvre dolosive ; qu'ils précisent que, suite à la convention de gestion signée le 2/11/2002, M. [V], qui a été présenté à tous les clients, a participé comme prévu aux réunions du directoire et des comités de direction ; qu'ils indiquent que la société [YK] a également désigné M. [T] [O], actionnaire et expert d'une de ses filiales, Eurexo Ile de France, pour suivre la gestion de la société et que ce dernier, présent au quotidien dans les locaux de la société, a partagé le bureau de M. [M] [U], frère du défunt qui n'avait pas vendu ses actions et devait continuer à travailler dans la société, et a eu accès à tous les documents et informations transmis aux salariés de la société, intervenant même dans le traitement de certains dossiers ; qu'ils soutiennent que M. [V] a été parfaitement informé, dès l'origine, des difficultés rencontrées avec l'Européenne de Règlement ;

Considérant, sur ce dernier point, que les intimés décrivent ainsi la chronologie des événements ; que, tout d'abord, la société [B] [U] [H] a reçu un courrier daté du 4/7/2002 mais expédié en réalité le 21/8/2002, ainsi qu'il en est justifié par la production du cachet de la poste porté sur son enveloppe (pièce 18 ), par lequel l'Européenne de Règlement faisait le bilan de leur collaboration, incriminait l'importance des délais d'exécution ainsi que celui des honoraires consécutifs au refus d'utiliser les techniques modernes d'expertise telle que l'expertise téléphonique, et signifiait 'en l'état de ces éléments négatifs, tant vis à vis des assureurs partenaires que vis à vis de leurs assurés, ( sa décision ) de mettre un terme (au)partenariat à effet du 31/12/2002, laissant ainsi le temps nécessaire à la réorganisation de ( leurs) activités'; que cette lettre a été perçue par la dirigeante comme ' un coup de semonce', destiné à l'amener à modifier sans tarder ses méthodes de travail ; qu'elle a d'abord organisé un rendez-vous dans les locaux de la société le 16/9/2002 avec M. [K], expert général de l'Européenne de Règlement , M. [J], représentant les MMA et deux experts de la société [B] [U] [H], Messieurs [U] et Auxenfants, en vue de déterminer les moyens à mettre en oeuvre pour améliorer au plus vite les services de la société et satisfaire aux exigences de l'Européenne de Règlement ; qu'elle a ensuite, le 20/9/2002, adressé des notes au personnel pour le sensibiliser au soin à apporter aux dossiers de l'Européenne de Règlement et l'informer de la baisse des tarifs à pratiquer (pièce 19 bis et 19 ter ), puis a écrit à Monsieur [K] pour le remercier de la visite, lui dire qu'elle avait pris conscience des points négatifs et qu'une nouvelle organisation avait été mise en place afin de traiter quotidiennement davantage de sinistres en téléexpertise, le remercier d'avoir prolongé l'échéance à fin février 2003, l'informer qu'elle répondrait à son invitation et serait présente à [Localité 13] (pièce 19 ) ; que le 11/12/2002, [I] [A] s'est rendu à [Localité 13] avec M. [X], expert la société [B] [U] [H] ; que tous deux ont appris là que M. [K] souhaitait organiser une plate-forme nationale et mettre fin à la collaboration avec la société [B] [U] [H] qui n'offrait pas les moyens techniques souhaités ; que le 19/12/2002, M. [V], a invité Monsieur [K] à [Localité 12] pour lui présenter la plate forme de téléexpertise qu'il se proposait de mettre en place au sein de la société [B] [U] [H], espérant ainsi amener l'Européenne de Règlement à revenir sur sa position ; que M. [K], qui n'avait pas été convaincu par la démonstration faite, a maintenu sa position par deux lettres du 5/2/2003 et du 10/4/2003 et a signifié l'arrêt de la collaboration à compter du 30/4/2003 ; que Monsieur [X], a attesté (pièce 40 ) ' avoir été informé ( à [Localité 13]) de la fin prochaine de la collaboration et avoir indiqué la situation à M. [V] dans les jours qui suivirent le retour à [Localité 14]'; que Monsieur [K] a écrit (pièce 24 ) qu'au cours de l'automne 2002, M. [V] avait pris contact avec lui à plusieurs reprises pour l'informer de son intention de reprendre la société [B] [U] [H], lui proposer de mettre en place une plate-forme de téléexpertise sur le modèle de celle existant chez Eurisk pour les dommages ouvrages et l'inviter le 19/12 /2002 à [Localité 12] pour lui présenter son projet ; qu'il a précisé qu'il avait informé M. [V] de la tenue des réunions et notamment de celle de [Localité 13] ; que Madame [F] ( pièce 29 ), qui était chargée au sein de la société [B] [U] [H] de la plate forme MMA de décembre 1985 à décembre 2006, a écrit que tout le monde, y compris la direction de la société Groupe Prunay, était au courant, avant le rachat par cette dernière de la société [B] [U] [H], de l'arrêt de la collaboration avec l'Européenne de Règlement ;

Considérant que la société [YK] ne saurait sérieusement soutenir que la clientèle du cabinet [B] [U] [H] avait pour elle un caractère déterminant, alors qu'elle a signé une promesse à laquelle n'était annexée ni la liste des principaux clients ni le dossier de présentation du cabinet établi début 2002 et qu'elle a réalisé la cession d'actions sans signer, comme prévu, un acte de cession actualisé et dûment complété, ni même demander aux cédants la signature d'une annexe mentionnant les principaux clients de la société au jour de la cession d'actions ; qu'en outre, le projet de l'Européenne de Règlement de ne plus travailler avec la société [B] [U] [H] ne pouvait être ignoré de la société [YK], compte tenu du fait qu'il avait donné lieu à des instructions particulières données au personnel, auxquelles Monsieur [O] a eu nécessairement accès puisqu'il a suivi au quotidien l'activité et la gestion de la société [B] [U] [H] avant la réalisation de la cession et qu'il paraît invraisemblable que ce problème n'ait pas été évoqué aux réunions du directoire et du comité de direction de la société auxquelles a assisté Monsieur [V] ; qu'en outre, la cour ne peut concevoir que Monsieur [V], qui est un homme expérimenté en matière de rachat de sociétés et un professionnel de l'expertise pour le compte de compagnies d'assurance, n'ait pas eu de contacts avec les différentes compagnies d'assurance, clientes de la société mais également du groupe [YK], afin de les informer de la reprise du cabinet et qu'il n'ait pas ainsi obtenu des informations sur la décision prise par l'Européenne de Règlement ; que la cour retient également que Monsieur [V], qui critique toutes les attestations et autres écrits, ne conteste pas avoir organisé à [Localité 12] le 19/12/2002 une présentation de plate forme de téléexpertise pour Monsieur [K] ; qu'elle ne peut admettre qu'il ait agi de manière spontanée et pour des raisons étrangères au refus de l'Européenne de Règlement de continuer à travailler avec la société [B] [U] [H] au motif qu'elle n'utilisait pas le procédé objet de la démonstration ;

Considérant que l'appelante ne démontre donc pas qu'antérieurement à la date de la cession, les cédants aient fait preuve de réticence dolosive en lui cachant délibérément la rupture des relations avec l'Européenne de Règlement, pour le tromper et l'amener à contracter ; qu'elle doit être déboutée de sa demande de réduction du prix fondée sur le dol et de sa demande subsidiaire de mesure d'instruction ;

Considérant que la demande de réfaction du prix, formée à titre subsidiaire sur la garantie de passif, ne peut être accueillie dès lors qu'il est établi que la société [YK] était informée de la perte de la clientèle de l'Européenne de Règlement avant la réalisation de la cession ;

Considérant que l'appelante réclame le paiement de la somme de 41.203,46 € ( 48.203,46 € - 7.000 € de franchise ) aux cédants sur le fondement de la garantie d'actif et de passif ;

Considérant, tout d'abord, que la société [YK] fait grief aux cédants de ne pas avoir porté à sa connaissance que, par décision en date du 24/4/2001, la société [B] [U] [H] avait décidé pour certains anciens salariés d'appliquer les dispositions de la convention collective la plus favorable entre la convention UPEIMMEC et celle de SYNTEC, relativement aux primes de départ à la retraite ; qu'elle soutient que la différence de régime entre les deux conventions entraînerait pour elle une charge complémentaire de 28.515 €, somme calculée dans le rapport de M. [E] ; que les intimés contestent ce chiffre en relevant d'abord qu'il ne représente qu'une estimation et que parmi les 26 salariés concernés, 6 ont démissionnés et 3 ont été licenciés et n'ont, par suite, pas bénéficié de l'avantage critiqué ; qu'ils exposent, qu'ils ont, en avril 2001, dénoncé l'ancienne convention collective Syntec et décidé, de tenir compte de la fidélité de toute une partie du personnel le plus ancien, en faisant une exception à la substitution, et de s'engager à prendre en considération la convention la plus avantageuse au moment du départ à la retraite pour calculer le montant de l'indemnité ; qu'ils précisent que cette décision a fait l'objet d'une lettre agrafée dans le cahier des délégués du personnel, avec en annexe la liste du personnel concerné ( pièce 26 ), et que le cahier se trouvait dans le bureau du comptable, ce qui n'a pu échapper aux auditeurs ; qu'ils ajoutent que Monsieur [V] s'est lui-même entretenu avec le personnel et les délégués du personnel ;

Considérant que la société [YK] reproche ensuite à la société de ne pas avoir provisionné une somme de 19.688,46 € qui lui a été réclamée par les AGF, le 18/6/2004, au titre d'ajustement d'un acompte perçu en novembre 2001 ; que les intimés soutiennent qu'ils ne pouvaient provisionner une somme quelconque à titre d'ajustement d'un acompte perçu en novembre 2001, dans la mesure où cette dette est née seulement en 2004, quand la compagnie AGF a fait les comptes entre, d'une part, les provisions et acomptes versés pour différentes missions au cabinet [U] et, d'autre part, les sommes effectivement dues à ce dernier au titre des différentes missions ;

Considérant, enfin, que la société [YK] fait valoir que la société [B] [U] [H] a été assignée en janvier 2003, à propos d'un dossier d'expertise portant sur un immeuble situé [Adresse 8], que les pièces ne lui ont été transmises qu'en août 2005, que ce sinistre n'ayant pas été déclaré en temps utile à l'assureur en responsabilité, elle a essuyé un refus de la compagnie Axa d'instruire sa déclaration, compte tenu de la prescription biennale ; qu'elle se dit exposée à supporter le paiement d'une éventuelle condamnation ainsi que les frais d'avocat ; que les intimés expliquent que l'assignation a été délivrée à une époque où la société [YK] suivait de près la gestion de la société, en second lieu qu'elle procède d'une erreur, ce qui explique qu'elle n'ait pas été déclarée comme sinistre ; qu'ils ajoutent qu'il résulte des pièces communiquées, que par ordonnance du juge de la mise en état du 19/11/2008, le syndic a été débouté de ses demandes de condamnation provisionnelle contre le cabinet [U] ;

Considérant qu'aux termes de l'avenant à la garantie d'actif et de passif signé le 22/4/2003, il a été convenu que 'sauf dans le cas où l'appel à la garantie serait consécutif à la révélation d'une opération frauduleuse de la société ou de ses dirigeants, la franchise au delà de laquelle les garants indemniseront le cessionnaire ... est portée ( de 7.000 € ) à la somme de 90.000 €' ; que les faits invoqués par l'appelante, comme étant de nature à entraîner la mise en oeuvre de la garantie de passif, ne peuvent être considérés comme relevant d'une opération frauduleuse de la société ou de ses dirigeants ; que la cour a dit que les cessionnaires ne s'étaient pas rendu coupables de dol ; qu'il résulte des conventions signées par les parties que la société [YK] a accepté d'augmenter le montant de la franchise parce que la situation nette comptable, apparaissant au bilan au 31/12/2002, s'élevait à 2.000.514 € et était supérieure de 476. 514 € aux prévisions initiales ; que rien ne justifie l'annulation de l'avenant ; qu'en conséquence, à supposer même que les griefs de l'appelante soient fondés, le montant du préjudice occasionné au cessionnaire n'est pas de nature à entraîner la mise en jeu de la garantie de passif et d'actif souscrite à son profit par les cédants, compte tenu du montant de la franchise que comporte celle-ci ;

Considérant que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions à l'exception de celle qui a débouté les intimés de leur demande tendant à voir condamnée la société Groupe Prunay au paiement des intérêts de droit sur la somme 700.000 € et à la capitalisation des dits intérêts ; qu'il y a lieu en effet d'accueillir ces demandes qui sont fondées en droit et en fait;

Considérant que la société Groupe Prunay, qui succombe et sera condamnée aux dépens, ne peut prétendre à l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'équité commande au contraire qu'elle verse 12.000 € à Madame [I] [A] veuve [U], Mademoiselle [Z] [U], Monsieur [G] [U], Madame [L] [W] épouse [U] et 6.000 € à [Y] et [S] [U] ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de celle qui a débouté les intimés de leur demande de paiement des intérêts de droit et de capitalisation,

Statuant du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société Groupe Prunay à verser à Madame [I] [A] veuve [U], Mademoiselle [Z] [U], Monsieur [G] [U], Madame [L] [W] épouse [U], Monsieur [Y] [U], Mademoiselle [S] [U], les intérêts au taux légal sur la somme de 700.000 € à compter du 12/9/2006, date à laquelle la demande a été formée par conclusions,

Ordonne la capitalisation des dits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

Condamne la société Groupe Prunay à verser la somme globale de 12.000 € à Madame [I] [A] veuve [U], Mademoiselle [Z] [U], Monsieur [G] [U], Madame [L] [W] épouse [U], et celle de 6.000 € à [Y] [U] et [S] [U],

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne la société Groupe Prunay aux dépens d'appel et admet les avoués concernés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

M.C HOUDIN M.C DEGRANDI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 08/10009
Date de la décision : 17/11/2009

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°08/10009 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-11-17;08.10009 ?
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